Rhaegar le Dernier Dragon

Chapitre 3 : Commerce et politique

2386 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:42

Pentos était l'une des plus peuplées des neuf cités libres. Elle était située sur la côte occidentale d’Essos, au creux de la baie qui portait son nom, au sud de Braavos et au nord de Myr et Tyrosh. De plus elle était proche de Port-Réal par la mer, et des navires marchands reliaient les deux cités quotidiennement.

La cité était surtout, un port commercial important qui à des relations avec de nombreux ports de Westeros, y compris Fort-Levant, sa prospérité venait également des Basses Landes, situées à l'est de ses murailles, et riches en vergers, fermes et mines exploités par des serfs pour les riches pentoshis.

L’Hydre était arrimée au port et débarquait déjà ses marchandises, des tonneaux contenant du vin rouge originaire de Lys, de Volantis, de Dorne et la Treille - sans oublier le plus demandé au marché de Pentos : le vin suret des Andals, très corsé et très riche que Rhaegar lui-même aimait le déguster avec ses repas, ainsi que les aristocrates de la cité qui déboursaient une fortune pour se l’offrir

— Bienvenue à Pentos ! dit une voix gutturale derrière lui.

Rhaegar qui discutait avec un douanier, se tourna vers l’un de ses meilleurs clients :  Illyrio Mopatis.

— Maître Illyrio, le salua Rhaegar en souriant amicalement, cela faisait longtemps !

— Trop longtemps, confirma Illyrio en s’inclinant. Je présume que c’est mon brun de fumevigne que vous allez me livrer.

— Avec un bonus.

Le prince claqua des doigts et deux hommes vinrent  en portant un tonneau en bois. Ils le posèrent, s’inclinèrent respectueusement devant le prince puis s’éloignèrent. Ce dernier prit un gobelet vide et tourna le robinet du tonneau. L’alcool coula comme de l’argent pâle. Rhaegar tendit le gobelet plein à Illyrio qu’il le goûta, puis avala une grande gorgée.

— Du vin blanc de Lys ! Et délicieux mon ami.

— Vingt-cinq ans d’âge, répondit Rhaegar, ravi. Je le gardais pour une occasion spéciale.

— Dans ce cas, permettez-moi de vous inviter à déjeuner pour fêter nos retrouvailles.

— Permettez-moi à votre tour de me rendre sur l’Hydre pour m’habiller comme il convient à une cour royale.

— Inutile, répliqua Illyrio avec douceur, mes serviteurs vous donneront un habit bien plus convenable. Ma maison est la vôtre. Tout ami de mon ami au-delà de la mer est un ami d’Illyrio Mopatis. 

Rhaegar accompagna le grand magistrat vers sa riche demeure, en entrant il contempla les murs bigarrés qui conduisaient à l’escalier de marbre. Le grand hall s’emplissait de scènes de bataille, et même la mosaïque du sol représentait des Immaculés en armure.

Une jeune servante vint le saluer.

— Bienvenue chez mon maître, monseigneur, déclara la jeune fille. Je vous ai préparé un bain et des rafraîchissements.

Elle s’inclina de nouveau et emprunta l’escalier, suivie des deux hommes. Les marches s’ornaient de statues munies de lances ; des héros du passé que Rhaegar fut incapable de reconnaître. Tournant à droite, la servante s’engagea dans un large couloir avant d’ouvrir une porte menant à une série de pièces orientées vers l’est. Le prince entra suivi d’Illyrio jusqu’à une pièce où l’attendait une baignoire pleine d’eau chaude et parfumée. La jeune fille aida le Rhaegar à enlever ses vêtements.

— C’est un bain tonifiant à la sauge. Après, vous vous sentirez beaucoup mieux

La chaleur du bain détendit ses muscles fatigués. La servante lui versa une coupe de vin, qu’il goûta du bout des lèvres avant de la lui tendre.

— Merci, ce sera tout, fit Rhaegar en s’allongeant béatement dans la baignoire.

La jeune fille salua et s’en alla. Le prince prit le temps de détendre ses muscles, puis il sortit du bain. Illyrio lui tendit une serviette, qu’il s’enroula autour de la taille avant de se rendre sur le balcon. Il frissonna au contact de la brise fraîche.

— Cela fait du bien.

— Si vous voulez réchauffer votre lit, choisissez parmi mes servantes. Aucune n’osera se refuser.

— Etrange cité que Pentos, fit Rhaegar en souriant, l’esclavage est pourtant interdit aux termes du traité que vous a imposé Braavos il y a cent ans.

— En effet, mais malgré cela, elles ne vous refuseront rien.

Rhaegar n’en doutait pas. Même si l'esclavage restait proscrit, des milliers de serviteurs étaient contraints au service à vie pour dette. L’une d’elles lui apporta des vêtements neufs, puis le regarda avec des yeux ardents comme si elle le suppliait de coucher avec elle, il détourna les yeux et répondit d’une voix douce : 

— Ce ne sera pas nécessaire, merci.

— Comme il vous plaira, mais je suis sûr que ceci vous comblera d’avantage.

Illyrio frappa dans ses mains pour donner le signal du début des divertissements. Des danseuses myriennes se déhanchèrent sur le sol de mosaïque, se balançant au rythme de la musique des lyres. Elles étaient minces et souples, et leurs seins nus étaient fermes. Leurs corps enduits d’huile brillaient sous la lumière des lampes. La danse se fit plus sauvage, les femmes se tortillèrent et sautèrent avec enthousiasme. Rhaegar poussa un soupir, mais le magistrat semblait plus amusé que lui par ce spectacle. Après la fin de la danse, les deux hommes prirent place dans la loggia et observèrent la cité toujours aussi animée même la nuit tombée.

Rhaegar s’étendit et prit quelques amandes sur une petite assiette, tandis qu’une jeune fille servait un bouillon froid de crevettes au persil, du paon et des langues d'alouette, il refusa un verre de vin, mais accepta de prendre du nasha, un lait de chèvre fermenté mélangé à du miel, une boisson traditionnelle de Norvos .

Illyrio était allongé sur une banquette rembourrée, à gober des piments et des oignons perlés piochés dans une jatte de bois. Son front était ponctué de gouttes de transpiration, ses yeux porcins luisant au-dessus de ses bajoues grasses. Des pierres précieuses dansaient à chaque mouvement de ses mains, l’onyx et l’opale, l’œil de tigre et la tourmaline, le rubis, l’améthyste, le saphir, l’émeraude, le jais et le jade, un diamant noir et une perle verte.

— Il y a des troubles dans les Terres Disputées, déclara Illyrio avec gravité, Tyrosh est de nouveau en guerre contre Myr, et cette dernière a fait appel à la Compagnie Dorée.

— Vous ne m’apprenez rien, répliqua Rhaegar en fronçant les sourcils. Les Terres Disputées sont continuellement troublées depuis de nombreuses années, qu’est-ce qui vous inquiète tant ?

— De source sûre j’ai appris que la Compagnie Dorée était dirigée par un survivant de la maison Feunoyr.

Rhaegar garda le silence un moment, puis demanda d’une voix calme mais troublée :

— Vous en êtes sûr ? Le dernier Feunoyr connu était Maelys le Monstrueux.

— Le dernier en effet, mon prince ! dit Illyrio amusé. Mais mes contacts sont formels, l’actuel prétendant est bien un Feunoyr.

— Je devine que vos contacts sont des membres de la Guilde des Epiciers, dit Rhaegar en lui rendant son sourire.

— Vous avez l’intuition d’un dragon, monseigneur. Ils ont un énorme réseau et possèdent une flotte marchande de près de mille trois cents navires.

— Et cette information n’était pas gratuite, j’imagine ? Que leur avez-vous offert, maître Illyrio ?

— Un prix très élevé, mais cette information vaut son pesant de dragons d’or

Rhaegar regarda le vide. Il se souvenait de la légende. Le nom de Feunoyr était celui de l’épée en acier valyrien qu’ Aegon IV l’Indigne avait transmise à son fils bâtard Daemon, qu’il chérissait bien plus que son héritier légitime Daeron II.

Ce dernier était, selon son père, indigne de porter l’épée d’Aegon le Conquérant. A la mort du roi, une guerre civile avait éclaté entre les deux frères, jusqu'à ce que Daemon Feunoyr tombe durant la bataille du champ d'Herberouge.

Son frère, un autre bâtard du nom d’Aegor Rivers était parvenu à s'échapper avec l’épée et partir en exil à Tyrosh ou il avait décidé de fonder la Compagnie Dorée, les descendants d’Aegor avaient tenté quatre fois de renverser les Targaryen mais sans succès.

Rhaegar n’avait jamais vu l’épée d’Aegon le Conquérant. Après la mort de Maelys le Monstrueux, plus personne n’avait revu Feunoyr - d’aucuns disaient qu’elle était perdue à jamais - de ce fait, il ne restait que Noire Sœur dont Rhaegar avait hérité de sa mère, la reine Rhaela, en lui murmurant ces mots étranges :

« Si Aegon maniait Feunoyr, toi mon fils tu brandiras Noire Sœur. »

Le prince regarda le magistrat dans les yeux et déclara d’une voix toujours aussi douce.

— Que savez-vous de ce prétendant ?

— Je sais qu’il n’est pas le fils de Maelys le Monstrueux, mais de son cousin, un autre Daemon Feunoyr.

— Jamais entendu parler.

— Assurément, puisque Daemon fut tué par Maelys quand il lui disputa le titre de capitaine général de la Compagnie Dorée. On dit qu’il tordit la tête du pauvre bougre pour l'arracher de ses épaules.

Rhaegar enregistra l’information.

— Merci pour cette information, maître Illyrio. Maintenant dites-moi ce que vous voulez en échange.

— Rien du tout, mon prince.

Le regard de Rhaegar s’était fait glacial, et Illyrio venait d’apercevoir l’homme dont parlaient les rumeurs, le jeune prince  s’était bâti une solide réputation de combattant et de tueur. On racontait qu’il devenait fou furieux au combat et qu’il ne montrait aucune pitié, pour ses ennemis.

— Pas grand-chose, en fait… Pentos restera neutre dans le conflit qui oppose Myr et Tyrosh. Mais mon commerce avec Norvos et Qohor en sera perturbé, ce qui me laisse la voie marine pour me maintenir dans le marché des épices, j’aurais besoin de… disons… dix galères jusqu'à l’année prochaine.

Illyrio se réjouit intérieurement quand il vit le prince changer d’expression et réfléchir au coût de sa demande.

— Je vous propose de vous vendre cinq vaisseaux, dit Rhaegar. Vous pourrez les commander à votre gré. Dans deux ans, je vous les rachèterai au même prix, à condition qu’ils ne soient pas endommagés.

— Et les équipages ?

— Ce seront des mercenaires, votre trésor leur paiera des gages de combattants. Cent étoiles de cuivre par personne.

— Et s’il n’y a pas de combat ? Cinquante étoiles de cuivre par homme.

— Cinq vaisseaux, cinq équipages, cent étoiles de cuivre par homme. Allons, mon ami, vous savez que c’est correct.

— Très bien, monseigneur. Je transigerais à soixante dix étoiles de cuivre par homme. Mais seulement parce que je vous aime bien.

— C’est d’accord pour soixante dix. Je vous enverrai les galères de Peyredragon.

— Excellent ! s’exclama Illyrio tout heureux.

Rhaegar opina du chef, mais n’était pas heureux pour autant. Quelqu’un menaçait les Sept Couronnes, et cinq galères avec équipages ne suffiraient jamais à sauvegarder une paix fragile.

 

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