Survivre à Gantz

Chapitre 1 : Le jour où je suis mort

5758 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/05/2020 02:09

Nous étions en 2008, au mois de janvier, et je me réveillais ce matin là avec une mauvaise gueule de bois. Du haut de mes 20 ans et au milieu de mes études, j'avais encore fait le malin la veille, participant à une soirée étudiante et buvant bien plus que je n'aurais dû. Au moins je me réveillais chez moi dans mon petit appartement deux pièces et savait où trouver rapidement de l'aspirine. En me levant je jetais un coup d'oeil à mon portable. Quelques notifications de jeux et de réseaux sociaux, un mail non lu, et surtout l'heure. Il était 10h45 et je ne m'étais pas levé pour mes cours. Le temps de déjeuner, de me faire une fraîcheur et de partir je savais que raterais tous les cours de la matinée. Je réfléchissais un instant, assis sur le bord de mon lit, rassemblant mes pensées pour voir si je n'avais rien raté d'important. Heureusement pour moi ce jour là je n'avais pas de travail à rendre et nous n'étions pas en période d'examens. Seulement je ratais souvent des cours le matin, et j'en séchais parfois l'après midi. J'arrivais à garder un niveau correct malgré la difficulté de mes études mais je n'avais rien de l'étudiant sérieux. Je fus tenté de me recoucher un instant avant de sentir mon portable vibrer entre mes mains. C'était Stan, un ami avec qui j'avais justement fait la fête le soir même. Il m'envoyait un message pour me demander ce qui se passait.


« Hey, tu ne t'es pas encore levé ? T'as rien raté t'en fais pas, mais magne toi le cul, je te rappelle qu'on a un exposé de groupe cet après midi ! »


Et il avait raison, j'étais en groupe avec lui et Bastien, un autre membre de notre bande de potes. Je n'allais certainement pas leur faire faux bond. C'est donc la tête enfarinée et douloureuse que je me levais pour rejoindre me petite cuisine tout en regardant mon téléphone, faisant défiler les notifications. Je me fit couler un café et je mangeais un petit pain. J'avais encore l'estomac barbouillé d'alcool et je ne me sentais pas capable de manger grand chose. Puis j'envoyais un message à ma chérie. Elle vivait dans la même ville que moi mais on avait décidé d'avoir chacun nos appartements. On étaient jeunes et on voulait profiter de nos vies tout en se voyant le plus souvent possible. De plus, après seulement un an de relation, on trouvait ça tous les deux un peu rapide de s'installer ensemble. Mais la relation n'allait pas bien et au fond, je m'en fichais un peu. Elle était de deux ans plus jeune que moi. J'étais plus vieux, un peu plus mature et nos centres d'intérêts s'éloignaient de plus en plus. On s'était violemment pris la tête une petite semaine avant et on ne s'était pas vu ni parlé depuis. D'ailleurs, en repensant à tout ça j'effaçais le message que je m'apprêtais à lui envoyer.


Me rendant dans ma minuscule salle de bain où se trouvait aussi mes toilettes, je constatait l'ampleur des dégâts. J'avais une tête à faire peur. J'avais les cheveux bruns coupés court ainsi qu'une barbe assez épaisse qui, elle, n'était pas très bien entretenue. Cette masse de poils sombres contrastait avec mon visage plutôt jauni par la fatigue et l'abus d'alcool. J'avais des yeux profonds et très sombres, presque noirs. Ils étaient ce jour là encore plus prononcés par d'énormes cernes violacées. Je me sentais alors très sale, la peau grasse et une folle envie de gerber. Ce que je ne tardais pas à faire dans les toilettes à coté du lavabo. Un dégueulis, une bonne douche et une tonte de ma barbe plus tard, je me sentais déjà beaucoup mieux, et il fallait le dire, j'avais bien meilleure mine. J'étais plutôt beau mec, typé méditerranéen, mais pas un canon non plus. Sans compter que je n'étais pas le genre sociable. Sans m'en rendre compte j'avais tendance à faire la gueule, bien que tout allait bien dans ma tête et dans ma vie. Je n'étais simplement pas quelqu'un de naturellement chaleureux et souriant. Il fallait osé m'aborder, percer cette fausse impression de mec pas sympa pour arriver à me connaître. Sans compter que je ne faisais pas vraiment d'effort pour changer cette image. Je n'étais donc physiquement pas à plaindre mais ce n'est pas pour autant que je faisais chavirer les cœurs. Je n'étais d'ailleurs pas du genre coureur de jupons, attribuant mes succès amoureux plus souvent à ma chance qu'à mon physique où ma capacité à séduire.


Il était presque 12h30 lorsque je quittais ma résidence, croisant un voisin au passage, qui me lança un regard farouche. J'avais certainement fait du bruit en rentrant pendant la nuit. En même temps j'étais plein comme une barrique. Je me rendais vers le métro le plus proche pour rejoindre l'université. L'exposé était à 13h30 et il fallait 20 minutes pour s'y rendre avec le métro. Je serais largement en avance et j'aurais même le temps de me prendre à manger à la cafétéria avant de commencer le cours. Une fois dehors je fut violemment assailli par la lumière du soleil, le bruit des voitures, les conversations des passants, bref, la vie de la ville dans toute sa splendeur. Je n'avais bien entendu pas pris mes lunettes de soleil et la lumière vive n'arrangea rien à mon mal de tête lancinant. Je choisissais donc de changer un peu d'itinéraire. Bien que j'avais déjà pris un cachet d'aspirine au réveil, la douleur était toujours là et je n'avais pas l'intention de passer le reste de la journée dans cet état.


Je me dirigeais donc vers une pharmacie elle même non loin de l'entrée du métro. J'avais pris mon dernier cachet le matin même et j'étais donc parti pour en acheter une nouvelle boite. J'entrais dans celle ci et constatait aussitôt qu'il y avait beaucoup de monde présents, essentiellement des personnes âgées. En mon for intérieur je pensais que ces vieux allaient me faire perdre un temps précieux, ces derniers ayant généralement des ordonnances longues comme mon bras et une habitude à parler de leurs vies avec les pharmaciens. Je me tenais là, encore fatigué de ma nuit de débauches, un cognement sourd dans la tête et un énervement grimpant. Il me sembla qu'une éternité s'écoulait jusqu'à ce qu'un autre homme passe la porte de la pharmacie. Je le regardais du coin de l’œil, il n'était pas bien grand et portait un sweat à capuche. Cependant, il se posa si près de moi que je put voir son visage. Il était blafard, les paupières rougies et il transpirait abondamment. Il semblait bien plus mal en point que moi, tellement que je me demandais ce qu'il avait fait de sa soirée. Mais cet individu ne m'inspira aussitôt pas confiance...il n'allait pas bien, ça c'était clair, mais il jetait aussi des regards affolés de partout et semblait agité, particulièrement nerveux. Sans crier gare je le vit sortir une arme de l'une de ses poches, une petite arme à feu mais une arme quand même. Moi même ainsi qu'un autre client, nous remarquâmes aussitôt la chose et nous fîmes un pas en arrière. Il murmura alors quelque chose, attirant l'attention d'autres personnes avant de dire enfin plus fort.


- Que personne ne bouge !


Il leva son arme, braquant de manière intempestive les diverses personnes présentes dans la pharmacie. Tous furent bien entendu effrayés, moi le premier. Mais il régnait aussi une forme d'incrédulité, comme si personne ici ne croyait vraiment ce qui était en train de se passer. L'homme à la capuche dit ensuite, en braquant violemment le pharmacien derrière le comptoir.


- Je veux juste des médocs, et tout se passera bien...alors que personne ne bouge !


Des murmures inquiets commencèrent à se propager dans la petite boutique. Une pharmacienne d'un certain âge, et très courageuse, fit le tour du comptoir et s'approcha du voleur. Ce dernier trembla presque lorsqu'il la vit marcher vers lui. Pourtant cette dernière s'approcha les mains levées, très sérieuse.


- Nous voulons bien vous aider. Mais rangez cette arme s'il vous plaît, personne n'a besoin d'être blessé.

- Tu te fous de moi espèce de salope !


Il s'approcha si vite qu'il posa le canon de son arme sur le buste de la pharmacienne.


- J'ai dit que personne ne bouge, est-ce que c'est putain de clair pour tout le monde !


L'une des clientes, une très vieille femme, se renversa sur elle même, comme un château de carte. La plupart des autres se mirent à trembler, un vieil homme pleurait même doucement. Personne n'osait parler, à peine bouger. Pourtant la pharmacienne gardait son aplomb...elle avait vraiment du courage à revendre. Puis soudain, elle me regarda du coin de l’œil. Je fut comme happé par son regard. D'un simple mouvement des yeux elle indiqua la direction de la sortie. Je n'avais pas remarqué, moi même tétanisé...mais je me trouvais tout près de la porte et l'agresseur me tournait le dos. Que voulait la pharmacienne, que je parte, que je fuis ? Peut-être que j'aille vite chercher du secours...je n'en savais rien mais j'avais bien trop peur. Pourtant, lentement mais sûrement, comme s'activant de par lui même, mon corps bougea...un pas en direction de la sortie, puis un autre, le plus calmement et silencieusement possible. Pendant un instant je me disait que je pouvais le faire, je n'avais qu'à m'élancer. Le type n'aurait pas le temps de se retourner et vu son état il devait très mal viser. Qui me disait d'ailleurs que son arme était chargée ? Alors d'un coup je bondissait presque vers la porte, attrapant la poignet de celle ci...


Puis j’entendis comme une explosion, une véritable déflagration qui me vrilla les tympans suivit aussitôt d'une autre. Alors que j'étais lancé je tombais sur la porte de tout mon poids et remarquait que celle ci avait été éclaboussée de sang. La douleur vint lentement, mais elle était profonde. Je m'écroulais lentement au sol, sentant déjà le froid se répandre dans tout mon corps. Le reste était distant, j'entendais un brouhaha autour de moi, de gens qui crient et qui se déplacent. Puis un autre coup de feu se fit entendre et tout redevint très calme. Je posais une main sur mon torse, sentant un liquide chaud, épais et visqueux s'en échapper. Il m'avait touché, deux fois certainement, et je me vidais de mon sang très rapidement sur le sol de la pharmacie. Quel organe avait-il pu touché pour que je perde autant de sang et à une telle allure ? Le cœur peut-être...dans ce cas je n'avais aucune chance. Étrangement je n'avais pas peur. J'avais été si mortellement touché que je n'avais même pas le temps de m'inquiéter. Je me sentais partir très vite vers autre chose. Je voyais un bon point...je n'avais plus du tout mal au crâne. Je ne sais pas si mes yeux se fermèrent ou si il s'éteignirent tout simplement, mais je fus bientôt dans le noir complet. Je pensais soudain que j'avais eu une vie pas trop mal jusque là...mais que c'était quand même dommage, j'aurais aimé en faire plus. Et enfin, tout s'arrêta.


Mes yeux s'ouvrirent pourtant, j'étais toujours sur le sol, allongé sur le coté, la main posée sur mon torse. Mais il n'y avait plus de sang, plus de douleur et je me sentais particulièrement en forme. Je n'étais plus fatigué, je n'avais pas mal à la tête et les restes de ma nausée semblaient avoir disparu. Puis je constatait alors que je n'étais même plus dans la pharmacie...le sol ici n'était pas en carrelage mais un parquet en bois ciré. Je me levais soudainement, ne comprenant absolument pas ce qui se passait. Il y avait ici d'autres gens...mes yeux firent le tour de la pièce, huit personnes en me comptant. La pièce était entièrement vide à l'exception d'une porte fenêtre donnant sur un petit balcon, une petite porte coulissante au fond donnant certainement sur un placard ou un débarras ainsi qu'une entrée donnant sur un couloir. Et au milieu de tout ceci, une sphère de très grande taille, et aussi noire qu'un morceau de charbon.


- Tu vas bien ?


Je levais les yeux, c'était une femme, un peu plus vieille que moi, habillée avec un tailleur assez chic. Une femme d'affaires certainement.


- Oui...oui je crois...que se passe-t-il, je ne comprends pas ?

- De quoi tu te souviens avant d'être arrivé ici ?


Cette fois ci c'était un homme, les cheveux poivre et sel, la cinquantaine et portant une tenue de chantier. Il avait les bras croisés, les sourcils froncés et semblait inquiet. Il s'approcha de moi et m'aida à me relever.


- Alors gamin, est-ce que tu te souviens ?


Je rassemblais mes pensées...


- J'étais dans une pharmacie, je me suis fait tiré dessus...un cambriolage, je ne sais pas.


J'essayais de formuler le plus clairement ce qui s'était passé mais je ne savais pas où j'en étais. Est-ce que j'étais mort comme j'en avais eu l'impression ? Est-ce que j'étais toujours en vie ? Si oui pourquoi je ne me trouvais pas dans un lit d’hôpital, une ambulance à la limite ? Si j'étais bien mort comme je le supposais, comme je l'avais ressenti, où me trouvais-je maintenant ? En enfer, au paradis ? Ou alors je rêvais. C'était certainement la meilleure option, j'avais tellement bu pendant cette soirée que je devais être en train de faire un rêve complètement délirant. Si c'était le cas comment je me réveillais.


- Est-ce que...tu es mort ?


La voix de la femme en tailleur me tira de mes pensées.


- Vous aussi ?


Lui demandais-je presque aussitôt, trop pressé et curieux d'en savoir plus sur ma situation et sur celle des gens se trouvant dans la pièce.


- Oui...enfin je crois, un accident de voiture.

- Et c'est le cas de tout le monde ici, juste avant d'arriver ici...on a tous vécu un événement et on s'est senti, partir...


Ce fut l'homme de chantier qui m'expliqua ceci, et à voir les mines des autres, il avait raison. Je déglutit fortement, soudain effrayé par l'idée de la mort que je venais de vivre et de ce que j'allais vivre désormais. Pourtant cet appartement n'avait rien d'infernal, ou de paradisiaque d'ailleurs. On aurait dit un intérieur comme un autre. A part pour cette étrange boule au milieu de la pièce. C'est au milieu de ces pensées, et alors qu'un lourd silence s'était abattu au sein de ce groupe improvisé, que quelque chose se produisit. Soudainement plusieurs rayons émergèrent de la sphère, me faisant littéralement sursauter de peur. Mais les autres ne bronchèrent pas. Un gamin, qui devait avoir probablement à peine plus de 15 ans, assis dans un coin de la pièce, dit alors.


- En voilà un autre.


Je regardais alors ce qu'il voulait dire, remarquant que tous les autres semblaient très sérieux. Face à moi, devant mes yeux qui n'y croyaient pas, je vit les rayons créer lentement mais sûrement des pieds, des mains, une tête, couche par couche. Après quelques instants les rayons se rejoignirent au centre au niveau de la ceinture du nouvel arrivant. Et quel arrivant ! Contrairement aux personnes présentes jusque là, habillés normalement, ce dernier portait une sorte de combinaison noire assez moulante et comportant des sortes de boutons un peu partout sur le corps. Elle recouvrait tout son corps à l'exception de sa tête. Le plus effrayant était qu'il portait à sa taille une ceinture avec une arme étrange. Avec effroi je me rappelais l'arme de mon tueur. Le nouveau était assez grand, un bon mètre 85 et une carrure plutôt sportive. Il avait les cheveux longs, châtains clairs, noués en queue de cheval et de profonds yeux verts. C'était un bel homme à ne pas en douter, mais le plus surprenant restait son expression. Contrairement à ceux rassemblés ici, il ne sembla pas un instant surpris, mais presque déterminé. Il scruta rapidement la pièce sans un mot avant d'annoncer.


- Vous êtes nombreux cette fois ci. Et elle n'est pas encore arrivée...je vais devoir vous expliquer...elle est plus douée que moi.


L'ouvrier s'approcha alors du nouveau, les yeux plein d'espoir mais gardant toujours une attitude très méfiante.


- Nous expliquer quoi ? Vous savez ce qui se passe ici ?

- Bien sûr, vous êtes tous morts aujourd'hui pas vrai ?


Il avait prononcé ceci comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Il devait être à peine plus vieux que moi et pourtant il parlait de la mort sans la moindre difficulté. La femme en tailleur, plus calme et certainement plus réfléchie que le chef de chantier, s'approcha du nouveau.


- Vous pouvez nous expliquer, on a tous envie de savoir ce qui se passe.

- Par où commencer...je suis mort aussi, il y a quelques mois de ça et je me suis réveillé comme vous dans cette pièce et...


De nouveau des rayons jaillirent de la sphère, créant une nouvelle personne.


- Ah la voilà, heureusement. Mon amie arrive, elle vous expliquera tout ceci mieux que moi.


La nouvelle était une jeune femme assez plantureuse mais au visage, selon mes critères, assez banal. Les cheveux blonds cendrés très longs, lui arrivant presque au fessier, des yeux marrons en amande et un nez légèrement retroussé. Elle portait elle aussi le même genre de combinaison que l'autre. Elle l'attrapa par le bras, l'attirant vers elle et l'embrassa doucement sur les lèvres. Un air presque taquin elle sembla se moquer de lui.


- Je ne t'ai pas trop manqué ?

- Je leur disais justement que tu pouvais leur expliquer tout ce bordel.

- Très bien !


Fermement campée sur ses deux jambes, la jeune femme, ne manquant pas d'énergie, se posa devant nous avec un air solennel, un grand sourire lui barrant le visage.


- Bonsoir à tous, je m'appelle Lucie et voici Roman, mon compagnon. Vous avez certainement déjà discutés entre vous et conclus que vous étiez morts aujourd'hui, je suis désolée de vous dire que c'est la vérité.


Doucement, une femme adulte, avec l'allure d'une mère, se mit à sangloter au fond de la pièce.


- MAIS, clama soudainement Lucie, vous avez été ressuscité par cette boule !

- On l'appelle Gantz, précisa Roman.


On se regarda, tous les membres de la pièce, de manière complètement incrédules, se demandant si ces deux là ne se payaient pas sérieusement notre tête. Un autre homme, assez âgé, le crâne dégarni se leva pour demander.


- Mais, comment ça, on est au paradis, ou en enfer ?

- Non, vous êtes toujours au même endroit, vous ne reconnaissez pas la ville depuis la fenêtre, dit Lucie, jetez un coup d’œil.


Le vieil homme, la femme en tailleur, le chef de chantier, le gamin et moi même nous avançâmes alors vers la fenêtre comme un seul homme. Je reconnaissais aussitôt la grande tour du quartier des affaires au loin, ainsi que la grande enseigne éclairée d'un hôtel de luxe très connu. Je ne vivais pas dans ce quartier mais j'y étais déjà passé. On était donc toujours sur terre et toujours chez nous.


- Mais, alors on peut partir, dit soudainement le chef de chantier.

- Malheureusement non, vous n'avez pas testé les portes ? Elles sont toutes fermées, sembla préciser Lucie, on ne pourra partir qu'une fois la mission terminée.

- La mission, quelle mission, je m'en vais tout de suite...si je suis toujours en vie, ressuscité ou pas, pas question que je reste ici, s'énerva le vieil homme se dirigeant aussitôt vers le couloir.

- Attendez il faut que je vous explique...hésita Lucie.

- Expliquez quoi, demanda la dame en tailleur.

- Et bien...


Le chef de chantier se dirigea lui aussi vers le couloir sans autre mot et j'eus un instant l'intention d'en faire de même. Pourtant, alors que l'espoir semblait naître chez chacun à l'idée de pouvoir simplement rentrer chez lui, je vis les regards des mystérieux Roman et Lucie s'assombrir. Des jurons se firent entendre dans le couloir ainsi que de violents coups. Le chef de chantier revint peu après.


- Impossible d'ouvrir ou d'enfoncer, ou même d'attraper la poignée de cette putain...on dirait qu'elle est protégée par quelque chose d'invisible !

- Comme Lucie vous l'a dit, nous ne pourrons partir qu'une fois la mission terminée, plus personne ne semble être téléport alors la mission va bientôt commencer.

- Mais de quoi vous parlez à la fin, s'énerva le vieil homme.

- Cette boule, Gantz, va bientôt entonner une chanson puis elle va s'ouvrir, expliqua Lucie, ensuite nous serons tous téléportés sur le lieu de la mission.

- Dans cette boule il y a des combinaisons pour vous tous, comme les nôtres, elles vous rendront plus fort et vous protégeront, ainsi que des armes, continua Roman.

- Il va falloir que l'on se batte tous ensemble pour survivre et être vraiment libres.

- Se battre, demanda la mère de famille entre deux sanglots.

- Je ne sais pas ce que vous fumer, mais il est hors de question que je reste ici une seconde de plus et que je supporte cette histoire de dingue ! Je passerais par la fenêtre si il faut, s'énerva le vieil homme.

- Calmez vous monsieur, nous vous disons la vérité, il faut nous croire, dit Lucie l'air plutôt embêtée.


Alors que Lucie, Roman, le vieil homme, le chef de chantier et la mère de famille se lançaient dans une conversation mouvementée, un bruit se fit entendre, résonnant dans toute la pièce. Une chanson...


« I'd rather be a sparrow than a snail

Yes I would, if I could, I surely would

Away, I'd rather sail away

Like a swan that's here and gone

A man gets tied up to the ground

He gives the world its saddest sound

Its saddest sound »


Tous nous nous tenions complètement immobiles alors que, comme cela venait de nous être prédit, une chanson émanait de la sphère noire au centre de la pièce. Un air que je connaissais mais je n'arrivais plus à me souvenir ni du titre, ni de l'artiste. J'étais comme pétrifié et je le fut encore plus lorsque je vis des caractères apparaître sur la surface sombre de la boule.


- Votre minable vie est terminée, ce que vous ferez, commença à lire le chef de chantier, qu'est-ce que c'est que ces conneries ?

- C'est ce que je vous disais tout à l'heure, en clair, désormais vos vies sont entre les mains de cette sphère, de Gantz...nos vies aussi, continua d'expliquer Lucie qui ne semblait pas se laisser abattre par l'incompréhension des gens autour d'elle.


Curieux, commençant de plus en plus à croire ces deux là, je m'approchais de la sphère. La phrase écrite jusque là finit par disparaître, laissant place à un portrait ainsi que des annotations. « Votre bande de larves va maintenant devoir trouver et buter ce type, s'vous plaît, m'sieurs dames. » Le portrait en question était celui d'un jeune homme particulièrement obèse, réellement énorme. Il portait un épais bonnet rouge et ses yeux était d'une étrange couleur turquoise. Les annotations à coté étaient assez étranges. Signes particuliers, obèse. Il aime, la glace au café, les films de science fiction. Sa phrase préférée, « Je voudrais du rab. ». On nageait en plein délire...ce n'était pas croyable. A ce stade là, vu la folie de la situation, j'étais presque certain que j'allais me réveiller. Les autres regardèrent avec attention le portrait et les annotations, tous aussi surpris que moi, sauf Roman et Lucie. Le regard de ces deux là s'était fait bien plus dur, plus sérieux. Avec leurs armes à la ceinture ont aurait dit deux chasseurs de primes tout droit sortis d'un film de science fiction étudiant leur prochaine cible. Le scepticisme des gens présents sembla lentement s'éteindre...tous, tout comme moi, se mirent à croire de plus en plus cette histoire de fou. Le gamin brisa le silence.


- Mais, vous aviez raison, dit-il à l'attention de Lucie.

- Je ne vous ment pas, tout ce que je vous ai dit est la vérité, il va falloir se battre contre ce type...et le tuer, si on veut pouvoir rentrer chez nous.


Tous nous dévisagions le couple quand un grand fracas nous fit sursauter. La sphère, comme il l'avait prédit, s'était soudainement ouverte. Deux grandes ouvertures sur les cotés de celle ci offrait désormais accès à des boites portant des noms ainsi qu'une sorte de petite étagère où étaient rangées le même genre d'armes que Lucie et Roman portaient à la ceinture. Sur ce, Roman prit la parole, ce qu'il n'avait pas fait depuis un moment.


- Dépêchez vous de vous équiper, les armures en particulier dans ces valises, on ne va pas tarder à être envoyé.


Je restais en retrait, tout près de moi se tenait la mère de famille et la femme en tailleur. A les voir elles étaient comme moi, elles ne savaient pas ce qu'il convenait de faire. De leur coté, le chef de chantier et le vieil homme restaient aussi sceptiques, mais pour d'autres raisons. A leurs yeux il était possible que tout ceci n'était qu'une grande farce...j'étais assez proche de le croire moi aussi. Le gamin en revanche trouva aussitôt un intérêt, en particulier aux armes. Il se croyait dans un jeu vidéo peut-être ! Mais il en restait encore deux, les plus silencieux jusque là. Ils n'avaient pas bougé du coin de la pièce, n'avaient dit aucun mot jusque là. C'étaient deux hommes, d'âge mur, l'air peu sympathique mais très sérieux. Eux aussi s'avancèrent vers les armes et se servirent, une chacun. De mon coté, hésitant, je m'approchais des valises et en trouvait une à mon nom. Je l'ouvrais, plus par curiosité qu'autre chose et découvrait, comme les deux autres l'avaient prédit, une combinaison semblable à la leur.


- Tu ne vas quand même pas les croire, me lança soudainement le vieux, ces deux là savent quelque chose et j'attends toujours une réponse !

- Jusque là nous vous avons dit la vérité n'est-ce pas, on vous a même dit ce qui allait se passer sans se tromper et vous refusez toujours de nous croire, dit Lucie apparemment attristée.

- Laisse les...c'est toujours comme ça, annonça Roman avec une note de dépit dans la voix.

- Mais...


Roman attrapa le bras de sa partenaire et la tira un peu à l'écart du groupe. Le couple avait l'air sombre mais aussi profondément triste. Je captais un instant leurs yeux et ils me regardèrent comme si j'étais sur le point de mourir. Qu'allait-il se passer ? Ils n'étaient pas là par hasard, et ils en savaient bien plus que nous. Ils étaient arrivés déjà équipés, ce n'était donc pas la première fois qu'ils venaient ici. Ils en savaient bien plus que nous tous...alors, alors, pourquoi les autres ne les croyaient pas. Je ne m'en étais pas rendu compte tout de suite, mais dans cette pièce, j'étais certainement celui qui leur faisait le plus confiance. Je me levais, ma valise à la main. Je pouvais presque sentir que cette histoire n'allait pas se finir comme ça. Lucie et Roman avait parlé d'un combat, d'une mission, certainement contre ce type obèse. Et rien de tout ceci ne se terminerait tant que la mission n'était pas accompli. Je m'avançais vers eux, l’œil décidé.


- Y'a t-il un endroit où je pourrais me changer ?

- Dans le couloir, il y a une porte en face de l'entrée qui donne sur une autre pièce entièrement vide, tu peux y aller, m'expliqua Roman.


Je m'y rendais aussitôt, découvrant effectivement une petite pièce, grande comme un cellier. La combinaison semblait très souple mais aussi terriblement moulante, pas moyen de l'enfiler par dessus mes vêtements. Je me déshabillais donc le plus vite possible, sentant cette sensation sur ma nuque que quelque chose de terrible allait bientôt se produire. Alors que j'enlevais mon caleçon, la porte s'ouvrit, me faisant sursauter, et la femme en tailleur entra, portant elle aussi la valise à son nom. Elle parut confuse et se mit à rougir, je sentis moi même le sang me monter à la tête.


- Pardon...je suis désolée, ils m'ont dit que je pouvais venir...

- Ce, ce n'est pas grave...


Par politesse elle se mit dans un coin de la pièce me tournant le dos. J'enfilais le plus vite possible la combinaison pour au moins recouvrir le bas de mon corps.


- Tu crois qu'on va s'en sortir ?


Je lui tournais le dos moi aussi mais je pouvais l'entendre se déshabiller. Je luttais contre l'envie de jeter un coup d’œil. Elle n'était pas beaucoup plus vieille que moi et assez jolie...plus que ma copine en tous les cas. J'enfilais le haut de la combinaison non sans difficulté avant d'articuler.


- Bien sûr...on n'a pas survécu pour rien...non.

- Pe...peut-être.


Je croisais les bras face au mur. J'avais voulu me montrer courageux, peut-être pour l'impressionner, mais je n'étais sûr de rien. Je l'entendais gesticuler derrière moi, luttant elle aussi avec ce vêtement étrange. Un truc me frappa alors, même si la combinaison en elle même était difficile à enfiler, elle m'allait parfaitement. Je pouvais d'ores et déjà dire que je ne sentais aucune gêne au niveau des articulations, ni ne me sentais compressé malgré le côté moulant. La pointure des chaussures était parfaite aussi. A croire que quelqu'un était venu prendre toute mes mensurations pour me faire un étrange costume sur mesure.


On toqua à la porte ce qui me sortit de mes pensées. Je reconnus la voix de Roman qui nous demandait de sortir...expliquant que nous allions bientôt partir. Étrangement l'utilisation du verbe « partir » ne me rassura pas. Je me tournais, découvrant ma partenaire dans son habit. La combinaison ne laissait aucun doute quant aux formes généreuse de cette dame. Elle continuait de rougir, cachant maladroitement ses formes mises en valeur. Elle sortit la première et je la suivit. De retour dans la pièce, le chef de chantier et le vieil homme continuait de dire dans leur coin que tout ceci était stupide. Le gamin visait un peu partout avec une sorte de fusil. La mère de famille était mortifiée, assise contre la baie vitrée. Les deux autres hommes s'étaient chacun armés et semblaient attendre avec patience. Leur stoïcisme me frappa, est-ce qu'ils étaient policiers, ou dans l'armée...voir peut-être même des criminels ? Quoi qu'il en soit ces deux là ne semblaient pas effrayés à l'idée de se battre et on devinait chez eux l'habitude de porter une arme. Je m'avançais d'ailleurs vers le râtelier, constatant qu'il y en avait trois genres différents, une assez étrange avec trois embouts, formant une sorte de triangle, une autre ronde, avec des excroissances formant une sorte de croix et enfin la sorte de fusil.


- Cette arme est faîte pour capturer les monstres que nous allons croiser, celle ci pour les abattre, expliqua Lucie à tout ceux portant une arme, la gâchette du haut permet de scanner votre cible, la deuxième en dessous pour tirer.


Tandis qu'elle expliquait je prenais l'une des armes, la ronde, constatant qu'elle avait effectivement deux gâchettes. Je pressais par curiosité celle du haut et une sorte d'écran en guise de viseur s'alluma au dos de l'arme. Je la passais devant ma main et vit en effet que je pouvait voir mon squelette. Du regard je vit que les autres en faisait autant.


- Surtout ne vous tirez pas dessus, ces armes sont aussi dangereuses pour eux qu'elles ne le sont pour nous.

- Aaaah !


Nous nous retournâmes vers la provenance du bruit. Le vieil homme, toujours aussi grincheux, venait d'être frappé par plusieurs rayons mais il était désormais envoyé quelque part. Je regardais la sphère, elle indiquait désormais un compteur d'une heure. La mission, ainsi que le premier jour de ma mort, venaient de commencer.


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