La terre brûlée

Chapitre 1 : La terre brûlée

Chapitre final

3096 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/01/2022 22:07

La terre brûlée


Le camp 2 est à feu et à sang sous les assauts féroces de la Vermine qui s’est infiltrée par milliers, massacrant et causant la destruction sur son passage. Ce qui était une ville splendide n’est plus que débris, cendre et fumée, et ses habitants les moins chanceux, tout comme les valeureux Gears qui se sont battus pour les protéger, ne sont plus que des cadavres démembrés, carbonisés ou encore déchiquetés dans une mare de sang. 

J’observe avec chagrin et colère les corps d’innocents éparpillés autour de moi, l’odeur et le goût métallique du sang mélangés à la sueur dans ma bouche m’écœurent. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi doit-on subir à notre tour ce cauchemar ? Mon père et ses compagnons Gears s’étaient battus de toute leur force pendant des décennies, l’humanité menaçant de s’éteindre définitivement. Pourtant, ils avaient fini par triompher de la horde locuste pour nous offrir, nous la génération future, un avenir prospère… Mais la paix n’a duré que vingt-cinq ans avant que ces choses ne reviennent, mutées, plus puissantes encore. Maintenant c’est à moi et ceux que j’aime d’être plongés dans cet enfer. Je dois me battre pour préserver à mon tour mon espèce, comme l’ont fait nos parents avant nous.

Dévastée devant tant d’horreur, l’envie soudaine de confesser mon amertume et mon chagrin à mon ami d’enfance m’envahit. Le cherchant du regard, je finis par apercevoir James au milieu des décombres d’une bâtisse. Le feu dévore avec avidité les planchers en bois et noircit la pierre. Les flammes avides se reflètent sur sa chevelure châtain. À sa simple vue, malgré le chaos ambiant régnant sur la ville, mon cœur se met à battre si fort la chamade dans ma poitrine que j’en pose ma main sur mon plastron pour calmer ses emportements. Je me pince la lèvre, sachant pertinemment que ce n’est pas le moment propice pour ce genre d’effusion sentimentale, d’autant que lui et moi étions quelque peu fâchés.

Une violente explosion me fait sursauter, rompant impitoyablement ma transe. Je me retourne brutalement, observant l’effondrement d’un bâtiment déjà criblé de trous sombres par les horreurs de la guerre, barrant la route au convoi d’évacuation des civils survivants. Des coups de feu se mettent à fuser partout autour de moi, suivis du son assourdissant d’une deuxième explosion, causée par des tirs de roquette ennemis. Mon visage se décompose lorsque que je remarque dernière nous une marée de Larves armées jusqu’aux dents, certaines d’entre elles montées sur d’effroyables créatures titanesques, aussi hautes que les rares immeubles de plusieurs étages encore debout. Alors ce serait ça, des Vermarks… Merde, comment peut-on arrêter ces choses !?

– Allez on fait diversion ! hurle le sergent Marcus Fenix. On doit protéger le convoi !

Mon escouade court se mettre à couvert derrière des débris, tandis que nous chargeons nos lanzors et canardons de plus belle la Vermine. Une pluie de plomb s’abat sur les deux camps. C’est alors que je vois une balle transpercer le casque du Gears à mes côtés, duquel jaillit instantanément un flot écarlate, avant qu’il ne s’écroule au sol. Je fixe le corps de mon frère d’arme se vider de son sang, ravale ma salive et décide d’enjamber son cadavre pour prendre sa place. Les obus fusent dans tous les sens, percutant les édifices alentours, et l’un d’entre eux rebondit sur un des camions blindés du convoi avant d’exploser. Ce spectacle me fige de terreur : il y avait des femmes, des hommes et des enfants à l’intérieur, tous fauchés en un éclair… Je refoule mes larmes et ma peur tant bien que mal pour me concentrer sur mon objectif : défendre le reste des camions et buter le plus possible de ces enfoirées de Larves immondes !

 Nous sommes largement en sous-effectif, impossible de tenir très longtemps. Mes yeux se posent alors sur James, tout aussi agité que moi. Ses yeux ne cessent de dériver sur la Vermine qui nous fonce droit dessus et les camions qui essayent de reculer pour se sortir de ce bourbier. Il se colle brusquement contre la paroi dans son dos pour se protéger des balles, puis glisse deux de ses doigts vers son oreillette.

– Baird, Baird, on va perdre le convoi ! On a besoin du Rayon ! ordonne alors James, paniqué.

Le Rayon de l’aube !? Il est complètement fou ! Mon père le contrôle à peine. Mes prunelles vertes ne peuvent se détacher de James, et à mon tour j’appuie sur mon oreillette pour écouter la conversation.

– Vous avez quoi ? Exclame mon père surpris.

– Il est prêt à tirer, non ?

– Attends, je n’ai même pas les coordonnées ! proteste mon paternel.

– Alors vise-moi ! Ordonne James avec détermination. Suis mon armure et ajuste.

Mon sang ne fait qu’un tour dans mes veines. Il est complètement inconscient ! Est-ce qu’il se rend compte du danger que c’est d’avoir un Rayon orbital au cul !? Une erreur, une seule et ce crétin sera soufflé comme une vulgaire brindille. Mon cœur s’affole et ses battements sont si puissants que je n’entends même plus la confusion autour de moi. Je n’arrive plus à me concentrer et ma respiration se saccade. L’idée de le perdre m’est insupportable. Sans réfléchir, je range mon fusil d’assaut dans mon dos et je cours comme une furie, bravant les tirs ennemis jusqu’à l’atteindre. Dès qu’il s’agit de James je perds tous mes moyens, me laissant submerger par mes émotions au lieu d’écouter la raison. Une fois à sa portée je m’agrippe alors farouchement au plastron de son armure, le secouant au passage.

– Tu es complètement con ! Oublie ça tout de suite !

– Pourquoi faut-il que tu mêles toujours de tout ?

– Ferme-là ! Une erreur, une erreur James, et tu finiras en un tas de cendres !

– Je ne suis pas stupide Lynn, mais on n’a pas le choix ! Regarde autour de toi ! On va tous y passer si personne n’agit !

– On peut trouver une autre solution, il y a sûrement une autre solution. Ne fais pas ça ! Je t’en prie James, je ne veux pas te perdre…

– Je n’en vois pas d’autre, je suis désolé…

James m’écarte de son chemin mais je lui saisis le poignet fermement. Nos regards se croisent et mon cœur fait à nouveau des siennes alors que je ne peux retenir mes pleurs.

– T’as toujours été une pleurnicharde, souligne-t-il en séchant mes larmes.

Je le fixe, silencieuse, aucun mot n’arrive à s’échapper de ma bouche. Normalement je l’aurais déjà frappé pour répondre à sa provocation taquine, mais là je pouvais pas. Cette guerre nous a tant pris, et l’idée de le perdre lui, l’homme que j’aime secrètement depuis tant d’années, m’est particulièrement difficile. Sous le coup de la fièvre de l’instant, je passe ma main sur sa joue avec tendresse. Son regard azur trahit sa surprise. J’entoure son cou de mes bras avant d’appuyer mes lèvres sur les siennes en fermant les yeux. James ne me repousse pas, son corps tressaille légèrement, mais il ne répond pas pour autant à mon court baiser. Nos lèvres se séparent mais il fuit mon regard, tournant les talons pour se précipiter vers le front.

Je n’ai pas le temps de réaliser pleinement l’ampleur de mon geste irréfléchi, que je cours sur-le-champ rejoindre mon escouade derrière les barricades improvisées. Je retire mon lanzor de mon armure aimantée et arrose l’ennemi de plomb, offrant des tirs de couverture à ce taré qui me sert d’ami. Il court à toute allure à travers les lignes adverses, passant sous les gargantuesques pattes des Vermarks.

Un bruit sourd similaire à l’orage attire notre attention. Nos regards se retrouvent tous happés par le ciel, d’où, entre les nuages, une intense lueur mordorée se dessine, suivie d’un grondement assourdissant, avant qu’une colonne de feu ne s’abatte avec violence sur le sol. L’onde de choc rase tout sur son passage, soulevant le goudron sur un large rayon. Des frissons parcourent mon échine, la violente lumière que dégage l’arme m’aveugle et le vacarme me force à me boucher les oreilles. C’est la première fois que je vois le Rayon orbital à l’œuvre. C’est spectaculaire et terrifiant à la fois. Alors c’est ça la Terre Brûlée qui a jadis ravagée notre planète… Lorsque que le calme revient enfin, le torrent de Larves a disparu, laissant place à l’apocalypse causée par le Rayon de l’aube. La terre est marquée de profond sillons d’où s’échappent une fumée noirâtre, ainsi que des flammes gourmandes et ardentes. Les bâtiments, les arbres, la verdure, tout a été annihilé. Aucune trace de James, c’est impossible qu’il ait pu survivre à ça…

– James ! crié-je en activant mon oreillette. James-Dominic Fenix, réponds-moi bordel !

Seul le silence frappe mon oreille. Non, non, pitié non ! Je saute par-dessus la barricade, le cherchant du regard tout en continuant de l’appeler à la fois sur la radio et de vive voix. Alors que je me fraye un chemin dans cette anarchie, le cœur serré d’inquiétude, des grésillements se font subitement entendre dans mon oreillette.

– Bouh ! hurle-t-il dans mes tympans en rigolant. Alors, qui est-ce qui avait raison !?

Je cavale à toute vitesse, discernant enfin sa silhouette au loin se dessinant dans la fumée, agitant sa main en ma direction.

– Abruti ! Tu es vraiment trop con ! Quand pense que je me suis rongée les sangs pour toi !

– D’ailleurs, à ce propos…

James n’a pas le temps de finir sa phrase que le faisceau du Rayon de l’aube s’écrase avec fracas juste derrière lui avant de disparaître. Nous levons de concert la tête vers le ciel, tandis que de multiples lumières d’or apparaissent dans les nuages. Je pose alors mes doigts sur mon oreillette pour l’activer.

– Papa, qu’est-ce qui se passe !?

– Je ne contrôle plus le… Iris éteins-moi ça ! Éteins ! Oh bordel, casse-toi chérie, maintenant !

Le Rayon de l’aube s’abat à nouveau sur le sol de façon totalement imprévisible, ravageant nos troupes de Gears. Je prends mes jambes à mon cou, évitant autant que possible les impacts aléatoires de notre propre arme destructrice. Un débris soulevé par la puissance du laser me percute de plein fouet, la violence de la collision est telle que l’objet a enfoncé mon armure, m’écrasant les côtes et compressant mes poumons. Je tombe à genoux, suffocante, essayant à tout prix de respirer, en vain. Dans mon affolement j’essaie tant bien que mal de retirer mon armure. Mais je n’y arrive guère, comme si mes doigts glissaient volontairement sur mon plastron.

– Lève-toi ! hurle une voix au loin.

Deux mains saisissent mes épaules, et le visage inquiet de James se dessine au-dessus de moi. Il peut clairement lire la détresse dans mes yeux. Mon ami lève son lanzor et active sa tronçonneuse, découpant alors les lanières qui maintiennent mon armure au niveau des épaules et de la taille dans des étincelles métalliques. Je sens son poids diminuer sur mon torse et il arrache de force le reste en grognant. L’air passe à nouveau dans mes poumons tel un vent violent pendant une tempête. Je toussote avec effort, mais je n’ai pas le temps de reprendre totalement mes esprits que James me remet sur pieds immédiatement. Nous nous précipitons pour nous mettre à l’abri. Le Rayon de l’aube s’écrase sur un des camions du convoi de civils, le réduisant à l’état de métal liquide fumant… Le Rayon de l’aube est une abomination, ce n’était que folie de le réactiver ! Il y a vingt-cinq ans, il n’a pas arrêté les Locustes, nous avons ravagé notre monde avec, et nous allons juste recommencer… Mes jambes tremblent, je peine à ne pas m’effondrer sous le poids de mon propre corps. Les larmes me montent au yeux, cependant je ravale de force mes sanglots.

– Merde James c’est de la folie tout ça… dis-je en suivant du regard le laser s’abattre inlassablement.

– Qu’est-ce que j’ai fait…

– Ce n’est pas de ta faute. C’est mon abruti de père qui a appuyé sur le bouton.

– C’est moi qui l’ai forcé à le faire, assume James.

– Reprends-toi, ce n’est pas le moment de baisser les bras ! Il faut venir en aide aux civils coincés dans les camions avant qu’ils ne soient eux aussi balayés par le Rayon.

– Oui, tu as raison. C’est notre priorité. Je m’en charge, reste ici !

– Pas question !

– Tu n’as plus d’armure, c’est trop dangereux ! gronde-t-il.

– Tant pis.

– Bordel, ton père a raison, j’ai vraiment une mauvaise influence sur toi.

Je souris à sa remarque, avant de courir à la rencontre du danger, tandis que derrière moi j’entends les pas précipités de James.

– Lynn ! Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, crie-t-il.

Ensemble nous accourons vers le convoi, regardant toujours vers le ciel pour essayer d’anticiper la prochaine frappe de cette arme hors de contrôle. J’ouvre les portes arrières d’un des camions restant et aide les civils à descendre en vitesse pendant que James se charge du voisin.

– Ne restez pas là ! Allez vite vous mettre à l’abri !

Je me tourne alors vers mon ami et je l’aperçois en train d’essayer d’ouvrir la portière passager d’un des véhicules. Le bruit de tonnerre venant du ciel m’alerte, puis le puissant faisceau s’abat avec rage sur le sol, réduisant une nouvelle fois tout à néant, s’approchant dangereusement de James. Je n’ai pas le temps de le prévenir que le Rayon de l’aube percute le camion sur lequel il s’acharne, explosant instantanément sous le choc. Une lumière aveuglante m’empêche de voir quoi que ce soit, et la force du souffle me soulève du sol, me projetant sur plusieurs mètres….



                              – Tu t’es déjà demandé comment était le monde il y a cent ans ? demandé-je naïvement à mon ami.

Ce dernier était allongé dans l’herbe, à l’ombre d’un chêne près d’un ruisseau, tout en jouant avec une pomme à moitié mangée.

– Non et je m’en fiche !

Je soupire et me laisse tomber de tout mon poids sur son ventre. James pousse un grognement avant de se redresser et de me repousser.

– Cent ans tu exagères, tu sais que nos parents ont connu cette époque. Demande-leur, boude James.

À ces mots je me lève, tout en fixant mon ami peiné, avant de m’asseoir près du cours d’eau.

– J’ai déjà demandé à mon papa et ma maman une fois. Leurs yeux se sont emplis de chagrin, j’ai même cru qu’ils allaient pleurer… J’ai compris que c’était trop dur pour eux de se souvenir… Je ne veux pas les voir tristes.

James vient me rejoindre sur la berge. Sa main se glisse dans la mienne avec douceur.

– C’est pareil pour les miens tu sais…

– Alors je préfère imaginer que ça devait être incroyable… Notre espèce recouvrait la totalité de Sera. Toutes ses cités, villages reliés entre eux par des routes terrestres et aériennes. Tous ses endroits et contrées mystérieux et magnifiques que tous nos ancêtres parcouraient autrefois en toute liberté, débite avec émerveillement l’enfant que j’étais. Maintenant ce n’est que ruine où vivent de vieux fantômes, la nature et le climat ravagé. On vit enfermé dans des cités fortifiées, caché derrière des murailles. Je déteste cette prison !

Un lourd silence s’installe entre nous. Mon regard se perd dans l’horizon, essayant d’imaginer ces merveilles, mais en vain. Je ferme alors les yeux, appréciant le bruit de l’eau et le friselis de la brise qui agite les feuilles.

– Tu as de la chance James, tes parents ont l’autorisation de vivre en dehors de ces murs. J’aime tellement le domaine de ta maman. C’est si grand et beau ici !

– Je t’emmènerai ici avec moi à chaque vacances, murmure James, à peine audible…

– Quoi ?

Ce dernier se lève et me pousse sans prévenir dans l’eau cristalline. La surprise me fait pousser un cri étranglé, avant de me tourner vers James qui rit sur la berge.

– Crétin !

Je l’attrape par le bras et le tire de toutes mes forces pour le faire tomber à son tour dans l’eau. Il fronce les sourcils, en colère d’avoir mouillé ses nouveaux vêtements. Nous commençons à nous chamailler dans l’eau, jusqu’à ce que nos cris d’enfants alertent ses parents…


/Merci à Maczin pour ça super correction, tu es vraiment la meilleure. Merci encore. :D /

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