Mythologie au rendez-vous

Chapitre 8 : Quiproquo divin et Divine comédie

8264 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 25/11/2023 03:57

Le jour du mariage est arrivé, Élie James est très nerveux, excité et fébrile de l'évènement. Les dieux ont préparé tout l'aménagement nécessaire, les alliances, les gâteaux, la nourriture. Le professeur de Psychologie et de Philosophie décide de se marier à la Cathédrale de Saint Paul l'Apôtre, s'étant converti à l'orthodoxie deux semaines plus tôt*.


En arrivant à l'entrée de la cathédrale, le marié remarque Arès et Athéna, les témoins, lui sourirent et lui murmurent des bénédictions, larmes de joie dans le coin des yeux, heureux que leur protégé se mariera; Mélinda et sa famille aussi sont radieux d'assister à un évènement si joyeux pour leur ami; Richard Payne, sourire au visage, admire la beauté de l'architecture; Ivan Petrovich se signe en entrant et murmure des bénédictions; Aphrodite et Héphaistos sont émus de la beauté architecturale et de la sacralité qui se dégage de l'endroit; Héra bénit le couple en murmurant et Zeus attend les mariés vêtu des vêtements cérémoniels des prêtres orthodoxes. Tous sont convenables vêtus pour l'évènement. Aglaé Ionatros, dans sa longue robe blanche, voile blanc immaculé sur la tête, gracieuseté d'Athéna, est attendu par le professeur de Psychologie et de Philosophie, souriant qui tient un bouquet de fleurs et une icône. Le couple s'embrasse et rentre dans le lieu sacré. Dès que le couple ouvre la marche, les invités s'engouffrent aussitôt dans le lieu, sans oublier de se signer. Tous demeurent debout et la famille de Jim va à droite, Richard Payne et Ivan Petrovich à gauche**. Dans le narthex, la fiancée avec Élie James attendent pour le rite d'engagement. Zeus, qui fait office de prêtre orthodoxe, affirme de sa voix forte et éthérée :

— Je vous bénis, mes enfants, que votre union et votre mariage soit fécond et heureux. Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Amen.

Il se signe et donne un anneau d'or au professeur et un autre en argent pour Aglaé Ionatros et un cierge allumé pour chacun.

Élie James échange avec sa femme les anneaux de fiançailles. Les témoins divins s'avancent vers eux et donnent les alliances à proprement parler, alliances qui sont échangées trois fois entre le couple avant d'être définitivement sur l'annulaire droit des mariés.

Le couple, bougie et icône à la main, s'approche de l'autel, où le pope les attendait, pour le rite du couronnement. Arès et Athéna présentent à Élie James et à Aglaé Ionatros, trois fois, une couronne d'or*** richement décorée jointe par un ruban à l'autre en prononçant les paroles appropriées devant les Évangiles ouverts. Un doux chœur composé d'Aphrodite et d'Héra entonne un chant religieux. Le Père des dieux et des hommes lit le Nouveau Testament d'une voix forte et, une fois la lecture terminée, donne une coupe de vin aux mariés qu'ils partagent en faisant bien attention pour ne pas tacher leur vêtement. Ils boivent le vin trois fois. Puis Élie James et son épouse font la marche nuptiale, c'est-à-dire qu'ils tournent trois fois autour de l'autel où reposent les Saintes Écritures et leurs icônes et embrassent la croix que tient le prêtre.

Une fois le rituel fini, Zeus prononce les prières et la bénédiction. Les couronnes sont déposées et le prêtre prononce une dernière prière. Les invités, toujours debout dans le lieu sacré, s'avancent vers les mariés et les félicitent de leur mariage. Élie James et son épouse sortent de la cathédrale, suivis des invités. Il est euphorique, lui, qui avait abandonner même l'idée de se marier un an plus tôt et maintenant le mari d'une belle Grecque. Son moral est à son meilleur aujourd'hui. Il enlace tendrement sa douce moitié et le couple accueille les témoins, les amis et les dieux à venir manger avec eux et à se réjouir de la journée.

Après la consommation du gâteau, Zeus, Héra, Héphaistos et Aphrodite remercient l'unité spéciale d'avoir mener à bien leur mission et d'être les invités spéciaux au mariage d'Élie James. Ils s'envolent sous forme d'aigles royaux à Vladivostok.


À peine ses semblables partis, Arès affirme joyeusement au régiment :

— Mesdames et Messieurs, j'ai décidé qu'à partir d'aujourd'hui jusqu'à la fin de la semaine, nous avons congé. Il faut fêter un mariage et laisser aux nouveaux mariés le temps de profiter de leur lune de miel et d'un moment de tranquillité bien méritée pour tous...

Il fait un clin d'œil rempli de sous-entendu au professeur de Psychologie et de Philosophie et à Jim.

— ... Après ce délai, nous retournerons à Vladivostok pour deux jours, puis chacun retourne chez soi. Correct pour tout le monde ?

Toute l'unité spéciale approuve d'un geste de tête à l'unisson. Et chacun des couples se promène dans la ville, profitant enfin de voir la ville grecque comme des touristes et non plus comme des militaires en mission spéciale. Ils peuvent se balader nonchalamment dans les rues et profiter de la beauté du paysage, sans être sur le qui-vive constamment.


Arès et Athéna, les deux collègues immortels et chefs de l'unité spéciale, déambulent aussi dans les rues de la ville, jouant les touristes, même s'ils la connaissent. Ils sont habillés, respectivement en une chemise vert olive et un pantalon vert olive foncé et, des lunettes solaires sur le nez, cachant ses sombres yeux, et une ample robe bleue avec des motifs abstraits blancs et une ceinture bleu marine qui souligne à merveille la silhouette féminine de la déesse et un chapeau pour se protéger de la chaleur du soleil. Chacun des dieux pensent qu'il est bien agréable de pas être toujours en armure et d'être en civil pour les rares fois de leur vie.

Lors de leur promenade, les deux collègues discernent, au loin, la présence de Tyr. Ce dernier s'approche d'eux, étonnés de voir Arès aux côtés de celle qu'il considère sa femme. Les deux dieux grecs se renfrognent en sa présence. S'approchant de la déesse, Tyr la salue galamment et lui lance un compliment courtois, mais ignoré par Athéna qui ne l'observe qu'avec dédain et ennui. Le comportement et l'attitude du fils d'Odin font fulminer le dieu grec de la Guerre. Ce dernier n'a pas oublié que Tyr — le dieu manchot germanique de la justice, de la stratégie et de la victoire, fils d'Odin —, à l'instar de Svarog — dieu slave du feu et de la métallurgie, fils de Rod —, avait courtisé Athéna un peu avant la Seconde Guerre Mondiale jusqu'en 1950. Et le Russe, remarquant qu'Athéna n'était aucunement intéressée par lui, cessa son jeu de séduction pour se rapprocher en 1965 d'Aphrodite. Il marie cette dernière en 1970. Arès remarquait bien les deux dieux autour de sa collègue, parce qu'il était à ses côtés depuis 1941 pour défendre l'URSS des nazis, mais il ne commenta pas. Depuis son mariage avec la déesse de l'Amour, le dieu russe ne cherche aucunement à séduire Athéna. Tyr, au contraire, est un prétendant coriace, très coriace ; Arès l'avait déjà chassé en 1999 de la Serbie lors du bombardement des forces de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, parce qu'il était trop insistant auprès de la déesse; de même en 2002 de la France, en 2005 de la Grèce lors d'une mission d'observation des troupes titanesques, en 2007 de la Suisse, en 2008 du Canada et en 2009 de l'Ouzbékistan. Athéna ne se plaignit jamais, ignorant royalement le Germain, mais Arès, lui, ne pouvait plus le voir faire la cour à sa collègue alors que la situation était sérieuse (en temps de guerre ou de mission militaire) ou normale et que la déesse ne manifestait aucun intérêt. Pour lui, il est inconcevable que Tyr n'ait pas compris le désintérêt tellement évident d'Athéna et cesse de la courtiser.

Le dieu de la Guerre s'emporte devant le dieu germanique et lui hurle, d'une voix sombre, avec une lueur meurtrière et une jalousie évidente qui brûlent dans ses yeux malgré les lunettes qui les cachent :

— Déguerpissez de ma vue, sale nazi ! Ne touchez pas à ma chère collègue Athéna aux yeux de chouette ! Sinon, vous aurez affaire à moi. N'oubliez pas que je suis rompu à la guerre, aux armes de toutes sortes, à la boxe et à la discipline. Venez m'affronter si vous la désirez, mais sachez qu'elle ne sera jamais vôtre. Êtes-vous aveugle pour ne pas noter son dégoût de votre attitude de mouche à chien ?

Et le dieu, rapide qu'il est, se jette sur le Germain pour le tenir par le collet de son uniforme et lui murmure froidement à l'oreille, suffisamment fort pour que tout le monde situé à un mètre de lui l'entende, une lueur de folie et de jalousie incontrôlables et sur-humaines dans le regard encore plus évidente et accentuée lorsqu'il baisse les lunettes :

— Tenez-vous loin d'Athéna, si vous ne voulez pas que je vous rends méconnaissable à votre propre mère qui vous a donné le jour, la salope ! Enregistrez l'information dans votre cerveau glacé par la neige, le froid et la pluie de votre pays. Compris ? Retournez chez vous pour continuer à boire votre bière et rien ne vous arrivera. Mémorisez l'information que je vous dis, Athéna aux yeux de chouette est mienne ! Elle ne sera jamais vôtre ! Elle ne vous aime pas et ne vous aimera jamais. La prochaine fois que je vous vois, je vous expédie directement sur la Lune, soit à 384 400 km !

Et il donne un solide coup de pied dans l'entre-jambe, le forçant à se recroqueviller sous la douleur, puis dans le derrière du dieu allemand. Ce dernier vole un quelque cent cinq kilomètres en rase-motte.

Tous les couples du régiment spécial et Ivan Petrovich, qui ont vus ou entendus d'une manière ou d'une autre l'interaction entre Tyr et Arès, attroupés près d'Athéna, comme des canetons autour de leur mère, fixent leur chef, intrigués de son soudain emportement et comportement. Arès, énervé par leur attitude et par leur regard qui semblaient le narguer : « C'est ce qu'on pensait, Arès aime Athéna. Notre chef est amoureux de sa collègue, mais elle l'ignore et le refuse. Ah! Ah! Il ne peut rien nous cacher infiniment. », leur éructe, les faisant sursauter :

— Quoi ? Avez-vous quelques chose à dire, au lieu de jouer les touristes muets et curieux de la vie d'autrui ? ...

Tout le monde se tient coi, effrayé de la colère soudaine de leur chef. Les mortels et l'esprit errant s'entr'observent, ne sachant pas comment réagir.

— ... Non, rien à dire ! Très bien ! Alors au revoir et profiter bien de votre vie de couple ! Ne me regardez pas ainsi ! Je ne fais que régler des vieux comptes avec un dieu très ennuyant !

Sur ces mots, Arès, remettant ses lunettes sur le nez, se métamorphose en un immense vautour fauve et s'envole, laissant le reste du régiment et Athéna étonnés, pour se percher sur une branche d'arbre du parc de la ville.


Le dieu de la Guerre, sur la branche d'un immense chêne, se lissant les plumes pour calmer sa colère, est déprimé à l'idée de se brouiller prochainement avec sa collègue Athéna, fâché d'être si facilement provoqué par le dieu germanique, et, en plus, pour le comble, le régiment au complet est témoin de son emportement. Quelques minutes plus tard, il soupire à l'idée qu'il n'a aucune chance de conquérir le cœur de sa belle déesse. Après une heure passée à répéter les mêmes sombres ruminations, il revient auprès de l'unité spéciale et ordonne cinq jours de congé supplémentaire avant de revenir à Vladivostok. À peine le dernier mot de la nouvelle parvient aux oreilles des mortels, il s'envole à tire-d'aile au restaurant où travail Ganymède. Ce dernier est barman dans un restaurant chic de Kalamata. Arès, reprenant forme humaine, rentre, s'assoit derrière le comptoir et lance :

— Donnez-moi une double vodka, s'il vous plaît.

— Qu'est-ce qu'il y a Arès ? Ne soyez pas si déprimé ? Remontez-vous le moral ! Ce n'est pas dans l'alcool que se trouve la solution. Qu'est-ce qui ne va pas ?, demande-t-il poliment.

Arès boit une petite gorgée de l'alcool avant de répondre amèrement.

— Ganymède, facile pour vous! Vous êtes marié à une femme de chambre française depuis 1823, non 1824, si je ne me trompe pas... Corrigez-moi si je dis n'importe quoi ! ...

Ganymède opine du chef pour lui faire comprendre qu'il a bien retenu la date. Le dieu de la Guerre soupire avant de reprendre son discours.

— ... Et moi, Arès, suis un vieux garçon, ancien coureur de jupons qui fantasme bien d'avoir une stabilité dans sa vie amoureuse... mais je peux rêver de l'avoir lorsque la déesse qui fait battre mon cœur froid, rude et cruel de militaire n'est jamais intéressée par moi... En plus que je suis le dernier des imbéciles. Raison de ma cuisante défaite lorsque je m'opposais à elle... Pauvre idiot ! se lamente-t-il.

Il vide d'un trait son verre et commande un autre verre de double vodka.

Perdu dans ses pensées, le dieu soupire. Il se souvient, avec beaucoup de nostalgie, la première rencontre mi-civilisée avec Athéna, la déesse qui fait battre son cœur froid, rude, cruel et inhumain de dieu militaire. Il l'avait remarqué plusieurs millénaires plus tôt, mais il n'avait pas osé s'approcher d'elle, puisqu'ils s'opposaient lors de la Guerre de Troie et qu'elle le blessa cruellement. Cette première rencontre était en 1794, lors de la Terreur, en France qu'il osa enfin s'approcher un peu plus d'elle. Il était aux côtés des Girondins et des sans-culottes, elle, des Royalistes, sous tous les angles, ils s'opposaient. À l'époque, il essaya de la courtiser, mais elle le refusa net. Sur le coup, le dieu était très blessé en son âme et décida de bouder un peu sa collègue et de laisser le temps guérir son cœur. Après cette année et cette tentative infructueuse de se rapprocher de sa collègue féminine, il ne la revoyait plus, se tenant loin d'elle. Ce n'était qu'en 1941 qu'il la rencontra à nouveau pour défendre la Russie des nazis et pour fuir une déesse trop insistante malgré ses refus et son désintérêt, Baduhenna, déesse germanique des champs de bataille. Il était toujours professionnel et sérieux envers Athéna, la laissant croire qu'il surmonta ses sentiments, malgré son désespoir et son amour toujours vif. Il lui présente toujours une façade parfaite du collègue de travail passionné par les stratégies, les tactiques et les armes. Façade tellement parfaite qu'elle ne doute de rien. C'est ainsi qu'ils sont devenus des excellents amis, très complices dans la mission d'observation et d'attaque, à défaut d'être amants ou mari et femme, songe le dieu de la Guerre.

Après avoir vidé le verre d'un trait, un peu ivre, Arès continue son discours sur un ton froid, glacé, qui donne un frisson dans le dos du serveur. Cette froideur lui permet de camoufler son réel émoi.

— Petite question pour vous, Ganymède, avez-vous deviné la déesse que j'aime ? Pensez-vous savoir l'identité de ma déesse ?

Le dieu le fixe comme un aigle sa proie ou comme un vautour sa carcasse. Ganymède est très intimidé et gêné de ce regard. Il se racle la gorge et murmure, en fixant le verre qu'il vient de polir :

— Je dirai spontanément Aphrodite... Mais avec les informations que vous venez de mentionner je dirai soit Athéna, votre collègue féminine, soit Amaterasu, la déesse japonaise du soleil, soit Baduhenna, la déesse germanique des champs de bataille. Vous vous êtes opposé au trois en plus de deux mille ans de votre vie, lors de la Guerre de Troie pour la première et lors de la Seconde Guerre Mondiale pour les deux dernières... Si ce n'est aucune des trois déesses mentionnées, j'ignore alors de quelle déesse il est question.

— Très bien, susurre le dieu, visiblement soulagé que le serveur n'ait pas deviné. Vous ne savez pas exactement l'identité de ma chère et douce déesse. J'ai fini de boire alors, sinon je pourrai me trahir et je serai la risée des Olympiens à la prochaine réunion. Comme si j'ignorais la vitesse des rumeurs... Aussi rapide que la lumière... Sans oublier qu'un défaut supplémentaire sera ajouté à la liste déjà existante de mes vices, mais, pour être honnête, ce ne m'importe peu... D'ailleurs, j'ignore absolument les rumeurs à ce sujet... Au revoir, Ganymède. À la prochaine.

Il paie ses consommations et revient auprès du régiment sous la forme d'un vautour fauve.


Arès salue Athéna et Ivan Petrovich qui sont assis sur un banc d'un parc de la ville. Les jeunes mariés sont dans leur chambre d'hôtel, Jim et Mélinda, avec le fils Aiden, se promènent dans la ville, contents de redevenir des simples citoyens. L'esprit errant et la déesse lancent un regard interrogateur au dieu et Athéna prend la parole :

— Arès, mon collègue, votre réaction envers Tyr, ce prétendant ennuyant, est très étonnante. Merci, par ailleurs, de m'avoir débarrassé de ce dieu. Si vous jouez la comédie, vous gagnez tous les Oscars, les Lions d'or et les Palmes d'or possibles. Vous avez un talent hors pair, j'ai presque cru vos propos, même si que je sais qu'ils sont faux, se dépêche-t-elle de préciser.

Une lueur de soulagement se pointe dans le regard du dieu pendant quelques secondes. Lueur qui n'échappe pas à Athéna. Cette dernière, intriguée de la réaction de son collègue, continue néanmoins à exprimer sa pensée.

— Mais vous m'avez donné une idée.

— Laquelle ? demande le dieu sur un ton un peu trop précipité pour être naturel.

— Il est certain que Tyr reviendra pour essayer de me séduire, j'ai constaté qu'il est de plus en plus oppressant et insistant. Alors je te propose, si tu acceptes, que nous jouons la comédie et que nous lui laissons penser que nous sommes un couple, des amants. Bien sûr, nous ne sommes pas obligés d'aller trop loin... Si tu comprends ce que je veux dire.

— Oui. Très clair. Et c'est une bonne idée.

— Excellent ! Alors Arès, mon amour, murmure ironiquement la déesse, baissant les yeux pour qu'il ne voit pas une lueur encore plus brillante se pointer dans son regard et ses joues rougissantes. Viens-t'en dans notre chambre pour nous entendre sur notre plan d'action.

Ivan Petrovich sourit et murmure pour lui-même, une fois les dieux partis dans leur chambre d'hôtel :

— Intéressante tournure pour mes chefs qui forment un si joli couple ensemble. J'espère qu'ils ramasseront leur courage pour être avec le dieu et la déesse qu'ils aiment... Sauf s'ils s'aiment ? Je n'avais pas pensé à cette option...


Athéna, sourire gênée, accueille Arès dans leur chambre d'hôtel — chambre inutilisée, n'ayant aucun besoin de dormir — et lui demande, d'une petite voix, détournant ses yeux de lui :

— Alors Arès, comment devrait se comporter un couple, des amants ? En dehors des relations sexuelles et de tout ce qui se passe dans le lit. C'est toi qui a connu des femmes, pas moi, des hommes. Alors il faut que l'expert m'explique certains principes de base.

Le dieu se racle la gorge avant de répondre, gêné à imaginer sa collègue nue qui se donne à lui dans le lit de la chambre d'hôtel. Il chasse rapidement ces images érotiques de ses pensées pour se concentrer sur sa question.

— Disons que tout dépend du niveau de la relation. Au début, c'est le jeu de séduction, les compliments, les lettres, les acharnements à convaincre l'autre d'une vie ensemble... Bref, comme lors de la Terreur, ma chère collègue. Ensuite, c'est la vie commune, des surnoms affectueux, des blagues uniques, des gestes plus tendres, câlins, bisous, se tenir par la main ou passer ses bras autour de la taille, s'explorer dans l'intimité. Finalement, c'est les enfants et les années de vie commune. Des demi-mots et demi-regards sont suffisants pour se comprendre. Mais, je te conseillerai, pour ne pas te brusquer trop, de revenir au point de départ, de repartir de zéro. Commençons par le jeu de séduction. Si c'est suffisant pour faire chasser le sale nazi, je serai ravi, Athéna aux yeux de chouette.

Athéna, rassurée de la solution d'Arès, sourit à son idée et murmure :

— Arès, tu auras l'impression de nous rajeunir et nous faire revenir en 1794. Allez, mon vieux, sois plus créatif qu'à l'époque ! ...

Elle lui sourit énigmatiquement avant de continuer.

— ... Je t'ai assez taquiné. Passons à une réflexion plus sérieuse. Il faut avoir un plan B en réserve, non ?

Miss Military Strategy, toujours incorrigible ! la nargue affectueusement le dieu. J'ai un plan B, mais je ne vous le dis pas. Vous le déduirez rapidement. J'espère ne pas devoir l'appliquer, affirme le dieu avec un sourire narquois aux lèvres. Sourire qui en disait long sur son idée.

La déesse opine du chef et rougit de sa propre pensée, ayant une autre idée de ce plan B, beaucoup moins innocent qu'un simple jeu de séduction et beaucoup plus lourd de conséquence, une demande en mariage, des fiançailles, ou pire être nue devant lui, câliner son torse virile... et se connaître intimement... Elle chasse l'idée très excitante et tentante de ses pensées, se rappelant qu'à l'époque de la Terreur, son collègue n'était pas sérieux et, qu'entre-temps, était amoureux d'Aphrodite ou de Dieu-sait quelle autre déesse.


Arès tousse fort pour faire sortir sa collègue de ses rêveries, la prend galamment par le bras et l'amène dans un restaurant chic de la ville. Le serveur, en les voyant, est convaincu qu'il se trouve en présence d'un jeune couple. Arès est très courtois envers elle et lui murmure quelques mots doux qui provoquent un rougissement aux joues de la déesse. Cette dernière se surprend à penser que son collègue est sincère, sérieusement amoureux d'elle, malgré son refus et son manque de sérieux au XVIIIe siècle, mais elle se rappelle qu'il est question de comédie pour chasser Tyr.

Arès, lui, qui ne jouait pas la comédie, n'espère pas avoir une réponse positive d'Athéna, sauf pour ce qui est nécessaire à la comédie, l'ayant déjà refusé une fois, il doute qu'elle l'aimerait réellement. Il pense qu'il aura le loisir d'être sincère lors de ces cinq à sept jours que Tyr sera autour d'Athéna. Le dieu de la Guerre ne se fait pas d'illusion, Athéna ne peut jamais l'aimer et, une semaine au plus tard, il sera encore plus déprimé qu'avant et tout reviendra à l'ancienne : Deux bons vieux collègues de travail passionnés de stratégies militaires et d'armes.


Le repas se passe dans le silence complet, silence lourd et gênant pour chacun. Après le repas, les dieux se promènent dans la ville, se tenant main dans la main. Athéna est contente de ressentir le contact d'Arès, contact tellement masculin et rassurant pense-t-elle. Élie James, avec son épouse, voit les dieux au loin, étonné de remarquer leurs doigts entrelacés, lance un regard rempli de sous-entendus à Aglaé. Cette dernière opine du chef pour lui signifier qu'elle aussi a remarqué le contact particulier de leurs chefs.

Au cours de leur promenade, Arès discerne Tyr dans son champ de vision. Ce dernier, étonné de les voir, s'approche du couple et éructe à Arès :

— Voleur de femme ! Arès, vous avez forcé Athéna à être avec vous parce que vous êtes un soupirant jaloux.

Arès s'avance d'un pas vers le prétendant, faisant signe à Athéna de demeurer en retrait et lui affirme poliment, avec une lueur froide et jalouse dans le regard nullement feinte :

— Tyr, fils d'Odin, dieu manchot de la justice, de la stratégie et de la victoire, ne voyez-vous pas qu'elle n'est pas seule et que je ne l'ai nullement forcé, n'est-ce pas Athéna ? Je ne t'ai pas obligé ou menacé pour manger ensemble ce midi au restaurant Ambroisie, n'est-ce pas ? ...

Athéna opine joyeusement du chef.

— ... Tyr, cherchez femme ailleurs, mais notez qu'Athéna est mienne. Bonne chance pour trouver quelqu'un, mais laissez Athéna aux yeux pers tranquille. Elle est mienne. Elle est à moi. Compris ?

Tyr, énervé et, pensant se trouver devant une comédie et une farce, réplique à Arès :

— C'est ce que nous verrons. Si votre amour est si sérieux. À la prochaine ma belle Athéna.

Arès fulmine, ses doigts ramassés en poing. Il se retient pour ne pas frapper Tyr au visage et lui faire voler en éclat ses dents. Vexé que le dieu germanique veut lui prendre sa déesse, Arès foudroie du regard Tyr qui déguerpit rapidement, ayant néanmoins peur de se confronter à sa colère. Arès se calme et se tourne vers Athéna et lui offre son bras droit pour continuer leur promenade. Il lui murmure amoureusement, après quelques minutes de marche :

— Athéna aux yeux de pers, ma chère déesse bien-aimée, acceptes-tu ce soir que je te montre mes talents culinaires ?

— Pourquoi pas ? susurre la déesse, intriguée de cette facette de son collègue.

Arès et Athéna, secrètement contents et ravis du jeu de séduction, malgré, pense Arès, l'amer arrière-goût de comédie de sa collègue, s'arrêtent dans un parc. Le dieu invite la déesse à s'assoir sur ses genoux. Il la berce tendrement contre sa poitrine. Ils restent dans cette position pendant trois heures. Et Athéna se laisse bercer par la douce odeur masculine qui se dégage d'Arès, une odeur forte, virile et enivrante pour ses sens, une odeur qui lui donne le sentiment d'être en sécurité et d'être protégée. En un mot l'odeur d'un homme très viril, très masculin... Elle comprend mieux comment les femmes pouvaient l'aimer et le désirer comme amant... Et comment il pouvait avoir autant de succès auprès de la gent féminine.


Simultanément à la rencontre des dieux, Élie James et son épouse reviennent à l'hôtel pour rencontrer Jim et Mélinda avec leur fils à la réception. Le professeur de psychologie, ébahi, informe le couple, ou plus exactement lui hurle :

— Jim et Mélinda. Je pense que le ciel me tombe sur la tête, ou nos chefs ont trop bu la veille lors du déjeuner... Je ne sais pas trop, mais... c'est bizarre à le dire...

— Dites enfin votre point, monsieur le professeur, demande Jim, intrigué et impatient.

— Athéna et Arès, nos chefs, sont en couple.

La nouvelle, soudainement arrivée, laisse le couple silencieux pendant quelques minutes pour être accueilli par un rire. Et Jim demande, entre deux rires :

— Êtes-vous sérieux ?

— Oui, s'offusque Élie James. Je les ai vu se tenir main dans la main. Ne me dites pas que des collègues se comportent ainsi !

— D'accord, mes excuses, ajoute sérieusement Jim. Mais je dois reconnaître que je n'aurai jamais pensé qu'Arès et Athéna soient en couple. Ils sont tellement sérieux devant nous que je ne doutais pas. Je vais commencer à les regarder différemment maintenant... Et je comprends mieux leur nécessité à louer une chambre alors qu'ils n'ont pas besoin de dormir...

— Et moi aussi, ajoute Élie James.

— De quoi parlez-vous ? demande le professeur d'anthropologie qui arrive dans l'hôtel pour aller jusqu'à sa chambre.

— Disons, réplique son collègue, que nous venons de découvrir une relation improbable... Nos deux supérieurs, Arès et Athéna, sont en couple...

— Est-ce une blague ? s'esclaffe Richard Payne, incrédule.

— Non, s'offusque-t-il. Je suis sérieux... Et j'ai clairement vu leurs doigts entrelacés.

Sur ces mots, le professeur et son épouse reviennent dans leur chambre, quittant la famille de Jim et Richard Payne. Ce dernier ne lance qu'un regard interrogateur à la famille et part dans sa chambre. Mélinda et sa famille, quittant la réception, déambulent dans les rues de la ville.


Le soir, Arès prouve ses talents culinaires à Athéna, sérieusement décidé à l'impressionner. La déesse de la Guerre et de la Sagesse, très intriguée, arrive à l'heure prévue, toujours plus exacte qu'une horloge suisse. Le dieu est très galant envers elle, lui proposant un vaste choix d'entrées, de soupes et de plats les plus divers, sans oublier les desserts. Athéna est étonnée, et secrètement ravie, que son collègue soit si attentionné. Elle se demande bien comment il n'était pas parvenu à trouver une épouse avec de si bonnes manières... Toutes femmes moindrement sérieuses le voudraient comme mari... sauf s'il ne veut pas d'épouse et préfère des aventures... Cette pensée attriste Athéna. Les dieux mangent en silence, chacun perdu dans ses pensées.

Une heure après la prise de la dernière bouchée d'une tranche de tarte aux pommes, ils restent à table, perdu dans leur rêverie. Jusqu'à ce que le dieu tousse pour attirer l'attention de sa collègue et lui demande, une pointe de fierté dans sa voix :

— Athéna aux yeux de chouette, ma chère et bien-aimée collègue, comment évaluez-vous mes talents culinaires ? ... Je sais qu'ils sont moins bons que les vôtre, mais qu'en pensez-vous ?

L'interpellée sursaute, sortie brusquement de ses pensées, affichant un sourire quelque peu forcé pour cacher sa tristesse à l'idée de ne jamais parvenir à une relation sérieuse avec son collègue, baissant ses yeux brillants sur la nappe et lui murmure :

— Vous êtes très gentil, mon vieux collègue. Je m'étonne qu'avec une si bonne connaissance culinaire vous ne soyez parvenu à trouver femme... Je suis certaine que plusieurs ne vous aurez pas refusé...

Arès fixe sa collègue, flatté et étonné du commentaire. Il demeure interdit pendant quelques minutes, avant de se ressaisir.

— Par femmes, tu sous-entends des déesses, non ?

— Si vous le dites.

— Sérieusement Athéna aux yeux de chouette, pourquoi ce vouvoiement soudain, alors qu'on est collègue depuis soixante-neuf ans ?

La déesse soupire, se tait pendant quelques minutes avant de répliquer :

— Arès, vous venez de mentionner des déesses, est-ce que les mortelles ne vous intéressent plus ?

Le dieu éclate de rire à la question et prend une gorgée du nectar divin avant de lui répondre :

— Collègue, je n'ai jamais été particulièrement intéressée par les mortelles, cette race périssable. Surtout depuis une certaine rencontre avec une déesse oh combien belle, charmante et intelligente, mais tout aussi inaccessible, qui occupe bien mes pensées. Je lui suis fidèle... depuis que je l'ai vu, plusieurs siècles plus tôt, je ne peux amorcer une aventure avec une autre déesse, même si les prétendantes ne manquent pas... surtout Baduhenna et Amaterasu... des vrais pots de colle ces deux-là ! ...

— Et cette déesse, interroge d'un ton neutre Athéna, relevant la tête, avec une lueur de jalousie dans les yeux qu'elle ne parvient à camoufler, est-elle inaccessible parce qu'elle est mariée ou déjà en relation ou parce qu'elle vous a refusé ?

Le dieu se tut, se maudissant dans sa pensée d'aborder un sujet si délicat avec sa collègue sans se trahir, détourne la conversation qui le gêne de plus en plus :

— Athéna aux yeux de chouette, laissons mes malheurs en amour pour une autre fois... Je ne veux point m'attrister ni paraître faible à tes yeux, alors que la journée a été si belle. Demain, nous continuerons avec notre jeu en espérant que Tyr comprendra rapidement que tu n'es nullement intéressée par lui.

— Je l'espère aussi, ajoute joyeusement la déesse. À demain, Arès.

Et la déesse sort par la fenêtre de la chambre sous forme d'une corneille de mer pour se reposer sur une branche, bien attristée, jalouse et intriguée sur l'identité de la déesse qui parvient à changer ainsi son cher et inaccessible collègue. Ce dernier revient dans la chambre, déprimé, ne cesse de penser à Athéna, la belle et douce déesse qui occupe ses pensées depuis deux cent seize ans exactement. Il soupire et espère, secrètement, que Tyr ne partira pas si tôt, question d'avoir le temps de courtiser convenablement Athéna. Il sort déambuler sans but dans les rues de la ville. Ivan Petrovich le salue et le suit, étonné de la tristesse et du désespoir qui se lit dans le regard de son supérieur. Ce dernier, après une heure de marche, s'assoit sur un banc du parc, soupire et murmure :

— Pauvre de moi, se lamente-t-il. J'aime une déesse qui me refuse et je ne peux pas en trouver une autre tellement je suis amoureux à la folie... Les autres sont incomparables... Mon cœur me fait mal à penser que je serai seul pour l'éternité... Que faire Ivan Petrovich ?

L'interpellé, étonné d'assister à un moment si privé de son supérieur, reste sans mot pendant quelques minutes avant de lui répondre :

Polkovnik, avec tout le respect que je vous dois, je ne pourrai vous conseiller convenablement, mais vous n'avez rien à perdre à réessayer de la courtiser, peut-être avez-vous compris d'une autre manière son refus ou qu'elle a changé d'avis entre-temps ? Sinon, je ne doute pas que vous finirez bien par rencontrer votre déesse prédestinée à devenir votre épouse. Un peu de patience, Dieu seul sait ce que l'avenir nous réserve.

Le chef de l'unité spéciale tient sa tête entre ses mains pour cacher du militaire les larmes de tristesse et de désespoir. Il ravale sa douleur, essuie ses larmes et souffle :

— Votre optimisme est adorable, mais je ne suis aucunement capable de l'apprécier.

— Pourquoi, votre déesse est mariée ?

— Non.

Arès lance un juron en grec, fâché de la rapidité de sa réponse, et se mord la langue. Il se métamorphose en un immense vautour fauve et s'envole à tire-d'aile pour être seul. L'esprit errant est perplexe de l'attitude de son supérieur, mais il revient à l'hôtel en garde de la sécurité des mortels qui dorment.


Le lendemain matin, Arès, camouflant aux yeux de sa collègue son désespoir, affiche son plus beau sourire et offre galamment son bras à la déesse pour une promenade dans le parc. Bras dessus-dessous, ils flânent jusqu'à leur destination. À peine sont-ils arrivés qu'ils entendent, derrière leur dos, deux voix trop détestablement connues les apostropher :

— Arès et Athéna, il y a longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Le bonjour... Nous vous pensions plus civilisés...

Les deux interpellés se renfrognent en reconnaissant les voix de Tyr et de Baduhenna et se retournent simultanément pour répondre à l'unisson :

— Tyr et Baduhenna, aurez-vous la gentillesse de nous laisser tranquille ? N'avez-vous pas remarqués que vous nous êtes fort ennuyants ?

Les Germains, étonnés de la réponse, s'entr'observent, ne sachant pas s'ils doivent prendre au sérieux ou non leur propos. Arès et Athéna s'entr'observent, étonnés de leur parfaite synchronisation. Baduhenna s'approche du couple, sourit au dieu de la Guerre, et lui susurre amoureusement :

— Mon Arès chéri, ne me dit que tu es en couple avec ta collègue, cette vierge effarouchée...

Elle lance un regard dédaigneux et haineux à sa rivale avant de continuer.

— ... Arès, réconcilions-nous...

— Baduhenna, l'interrompt abruptement et sévèrement de sa voix de stentor Arès, faisant sursauter les deux déesses, arrêtez de raconter n'importe quoi ! Nous n'avons jamais été en couple... Il n'y a aucune raison pour se réconcilier. Allez vous trouver un amant ou un mari ailleurs qu'ici. Comme vous pouvez le voir, je ne suis pas seul. N'est-ce pas ma chère et bien-aimée Athéna aux yeux de chouette ?

Elle opine du chef pour toute réponse.

— D'ailleurs, lance le Grec, Athéna est mille fois plus jolie, charmante, intelligente et bien élevée que vous, Baduhenna, fille de Njörd... Si ma mémoire ne me trompe pas, vous avez déjà un mari... Comment s'appelle-t-il déjà ? ... Wotan ou Ód, je me confonds toujours avec vos satanés noms bizarres, n'est-ce pas Freyja ?... , demande-t-il avec une pointe d'ironie dans la voix.

— ... Votre collier des Brisingar n'a aucun effet sur moi, continue-t-il avec fierté et ironie. Reconnaissez plutôt que vous regrettez de ne pas parvenir à se glisser dans mon lit ?

Baduhenna, ou plutôt Freyja, se fâche, devient rouge comme pivoine et hurle à Athéna :

— Vous, la déesse vierge, la magicienne, Athéna Baskanos, celle qui ensorcèle mon Arès, je vous provoque en duel... Sale vipère perfide ! ...

Les yeux perçants d'Athéna brillent d'un éclat meurtrier et d'une jalousie sans nom, des éclairs sombres traversent son regard toujours pétillant, et, ouvrant la bouche pour répliquer à l'Allemande, Arès éructe, courroucé :

— Freyja ! Cessez avec vos inepties ! Vous n'affronterez pas ma bien-aimée, sinon, vous avez affaire à moi ! Dégagez de ma vue !

L'épouse de Wotan, vexée, murmure en vieux haut allemand une malédiction et une lance se matérialise dans sa main et se déplace devant Athéna. Cette dernière fait apparaître sur elle la terrible Égide, son casque et sa lance, pousse un cri de guerre et explose :

— Très bien Baduhenna, nous ferons ce duel, puisque vous le voulez ! Arès, laissez-nous régler ce cas entre femmes. Tous les coups sont permis et celle qui perd doit fuir loin de l'autre et d'Arès pour un an au moins. Êtes-vous d'accord avec ma proposition ?

— Non. J'ajouterai non pas un an mais dix ans.

— Mesdames, supplie le dieu grec de la Guerre en s'interposant entre les deux déesses, s'il vous plaît, vous n'allez pas vous battre pour moi. Soyez civilisées ! Et Freyja, enregistrez dans votre cerveau que je ne suis pas disponible, j'ai une déesse à mes côtés...

Il serre tendrement la main de sa collègue, donnant un léger courant électrique entre eux, avant de continuer.

— ... Alors laissez-nous en paix !

— Arès, s'ingère avec arrogance Tyr en agitant son unique bras avec rage, en bon gentlemen, acceptez bien un duel avec moi pour la main d'Athéna... Elle est mienne de toute façon, n'est-ce pas ma belle et douce déesse ?

Offusquée, l'interpellée siffle, se faisant violence pour ne pas transpercer la gorge de l'arrogant prétendant de sa lance :

— Tyr, taisez-vous ! Je ne serai jamais vôtre ! Vous ne voyez que je suis en couple avec Arès et que vous ne m'intéressez jamais !

Arès se penche vers sa collègue et, d'un signe de tête et d'un regard, lui fait comprendre de le laisser gérer la situation. Le Grec s'avance vers le Germain et lui affirme froidement et posément :

— Tyr, je vous avertis qu'il est fort imprudent de me provoquer en duel. Vous êtes manchot, moi j'ai mes deux mains qui savent manier des armes. Persistez-vous toujours à ce duel ?

— Oui.

— Très bien. Mesdames, se tournant vers les deux déesses, veuillez vous tenir loin du terrain du duel pour votre sé...

Il ne termine pas sa phrase qu'il ressent une sourde douleur dans le dos. Arès se retourne, ne voyant pas les yeux écarquillés des déesses, pour hurler au Germain, le provoquant, malgré la douleur :

— Sale nazi ! Vous n'avez rien trouvé de mieux qu'un coup dans le dos... Quel soldat ! Très lâche comme comportement ! ... Surtout très peu viril !

Ces mots énervent l'Allemand qui charge. Sous les yeux des déesses, un duel spectaculaire et dangereux se joue. Au moment où Arès allait terrasser Tyr, Baduhenna s'ingère dans le combat pour frapper Arès derrière le cou avant qu'Athéna ne réagisse. Le dieu de la Guerre grec tombe au sol, écrasé par la douleur, vaincu. Sa collègue est envahie d'une froide colère contre l'Allemande. Elle explose et pousse un cri de guerre et de douleur à déchirer les tympans cent kilomètres à la ronde. Elle attaque sa rivale d'un coup bien appliqué de sa lance dans le dos et l'écrasant sous ses pieds, lui murmure froidement, lueur de folie, de fureur, de rage et d'amertume dans le regard :

— Freyja, Baduhenna, peu importe votre petit nom, je vous avertis que vous ferez mieux de vous tenir loin, très loin d'Arès et de moi pour l'éternité.

Elle lui lance un regard pétrifiant qui effraie sérieusement sa rivale, sonnée et gémissant sous la douleur. La Grecque vérifie l'état de santé d'Arès, très inquiète, au bord des larmes en constatant la gravité du coup perfide. Tyr lui annonce fièrement :

— Athéna, ma chère et douce déesse, laissez votre ennemi gésir dans la poussière. Ce dieu qui vous força à collaborer avec lui pour préserver votre virginité. Reconnaissez que vous jouez la comédie pour lui faire plaisir. Vous êtes libre, mon amour. Venez avec moi.

Des éclairs sombres traversent le regard de la déesse, courroucée, son ire est à son sommet en entendant ces propos arrogants du dieu manchot. Ce dernier, effrayé, recule de trois pas, mais elle, aussi rapide que la lumière, se métamorphose en vautour fauve femelle militaire l'attaquant de ses serres et le transporte, tenant son bras entre ses serres, le brisant à deux endroits lors du vol, le lâche sans cérémonie de huit cent quatre-vingt quatre kilomètres d'hauteur au Groenland. Tyr ressent un douleur lancinante non seulement à son bras, mais à ses jambes et à son dos. La chute est encore plus atroce.

Athéna revient rapidement à Corinthe, en deux heures de vol, auprès d'Arès, pour constater Baduhenna à ses côtés, murmurer des doux mots à son collègue. Athéna voit rouge et, redevenant humaine, attaque la Germaine derrière la tête, lui retient les mains derrière le dos, comme un policier pour un criminel dangereux, et lui donne un solide coup de pied dans le derrière, certes, pas aussi impressionnant que celui d'Arès, mais il n'est pas à négliger. Elle devient rapidement une infirmière pour essayer d'aider le pauvre dieu de la Guerre qui donne de faible signe de vie.

Jim et sa famille, Richard Payne, Élie James et son épouse et Ivan Petrovich s'approchent de leurs supérieurs, étonnés de trouver la déesse autour du dieu à lui témoigner autant de soin et d'attention, un regard, habituellement brillant, maintenant terni par la peur, l'inquiétude, la tristesse, le regret, la colère et la crainte. Athéna ne remarque même pas la présence du régiment autour d'elle. Claquant de ses élégants doigts divins pour téléporter Arès dans la chambre d'hôtel, elle se retourne pour constater sept paires de yeux la fixer. Essayant de se calmer, elle leur lance froidement :

— Que faites-vous ici les touristes ? N'avez-vous rien de mieux à faire ? Moi, je dois m'occuper des blessures très sérieuses de mon collègue. Le travail m'appelle. Au revoir.

Sur ces mots, elle se métamorphose en une immense chouette chevêche, pousse un triste hululement et s'envole en direction de la chambre d'hôtel veiller sur le dieu.


Les mortels et l'esprit errant ne comprennent rien à la situation, mais ils sont inquiets pour leur chef. Mélinda demande poliment au militaire soviétique :

— Ivan Petrovich, pouvez-vous nous informer de la situation entre Arès et Athéna, parce que remarquer le dieu qui ne bouge pas et la lueur d'inquiétude dans le regard de la déesse n'augurent rien qui vaille ?

— Oui, aucun problème de m'informer sur la situation qui m'intrigue. J'ai l'impression qu'Arès et Athéna ont affronté un dieu et une déesse d'une autre mythologie.

L'esprit errant du militaire soviétique salue militairement les vivants et se déplace instantanément dans la chambre des deux déités pour trouver Athéna, toujours en infirmière, debout, à la droite d'Apollon qui vérifie l'état d'Arès. Le dieu de la médecine annonce amèrement :

— Athéna, votre collègue, Arès, est sérieusement malade. Le coup de Freyja était un coup magique dangereux. J'ignore même si je pourrai le guérir. Il est évident qu'il lui faudra beaucoup de repos et beaucoup de temps pour s'en remettre.

La déesse sanglote, attristée en son âme, et bredouille :

— Apollon... Êtes-vous certain... qu'il n'existe pas une solution ? Il ne peut pas être incurable... Il doit exister une plante... un traitement... que sais-je, mais ... impossible qu'il soit incurable...

Athéna pleure à chaudes larmes. Apollon, ému, lui avance une chaise à côté d'Arès pour que l'Olympienne s'assoit. Le dieu murmure :

— Je pense qu'il existe une solution, mais j'ignore où se trouve la plante.

Athéna redressant la tête de ses mains, essuyant ses larmes, d'une voix tremblante, lui demande :

— Laquelle ?

— La plante dite Elanor et la fleur de fougère.

— Et ce n'est pas tout, ajoute une voix mystérieuse à la droite du dieu. À ces plantes, il faut l'amour et l'intention purs d'une femme qui l'aime et qu'il aime. Seule cette déesse, heureuse et bénie soit-elle, en lui donnant ces plantes peut le guérir.

Le deux dieux et l'esprit errant tournent leur tête vers la voix, voix qui appartient à la Moire Clotho vêtue d'une ample robe beige trop large pour elle. Arès pousse un râle agonisant avant d'ouvrir faiblement les yeux. Il murmure, dans un souffle, à la Moire :

— Je ne pourrai jamais guérir... Pauvre moi !... Mais au moins, Athéna n'a pas reçu le coup... Collègue, Athéna aux yeux de chouette... ne te préoccupes pas trop... pour moi.... Revenons à Vladivostok et... Je mourrai tranquille... N'est-ce pas Atropos ? Les dieux peuvent mourir, non ?

— Malheureux ! gémit Athéna. Ne raconte pas n'importe quoi ! Je veux te voir rapidement sur tes pieds, mon vieux collègue. Je veux encore parler de stratégies. Je ne veux pas que la pauvre déesse qui est chère à ton cœur ne puisse être avec toi... même si j'ignore l'heureuse immortelle. Arès n'abandonne pas. Je m'occuperai de t'apporter les plantes et je retrouverai cette mystérieuse déesse, coûte que coûte. Je ne reviens pas à Vladivostok tant que tu n'es pas guéri.

— Mais, proteste faiblement le malade, je sais que c'est impossible... Ma déesse ne m'aime jamais.

Les dieux et l'esprit errant, inquiets, demeurent stupéfaits. Clotho revient auprès de ses sœurs pour continuer à filer les destins des hommes et des dieux, un petit sourire aux lèvres.




À suivre




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* Pour un mariage reconnu par l'Église, les deux époux doivent être des chrétiens orthodoxes.

** Dans le cadre du mariage orthodoxe, la famille du marié sera à droite, celle de la mariée à gauche.

*** La couronne d'or lors du mariage est une spécificité de l'Église orthodoxe russe. Pour la grecque, la couronne d'or est remplacée par une couronne de feuilles et de fleurs.

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