Bataille spirituelle

Chapitre 2 : Le Régiment Immortel

Chapitre final

4676 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/12/2023 16:07

« Погибших души с нашими сливаясь

Волной вскипают прямо в облака

В своих потомках снова возрождаясь

Течет река бессмертного полка

Течет река бессмертного полка »,

« Les âmes de nos morts fusionnent,

La vague se met à bouillir directement dans les nuages

Dans leurs descendants à nouveau ils revivent

La rivière du régiment immortel coule,

La rivière du régiment immortel coule. »

Dernière strophe de Бессмертный полк [Bessmertnyy polk] [Le Régiment Immortel] d’Oleg Gazmanov




— Hermès, précise Élizabeth Gordon dans un souffle.

Soudain, quelqu'un entre dans la pièce, un dieu. Un grand homme imberbe aux yeux bruns pétillants de malice, tenant dans sa main droite un caducée, alors qu'il passe sa main gauche dans ses cheveux marron de nervosité, affiche un sourire sincère et radieux en voyant Mélinda. Vêtu d'une simple chemise bleue avec le symbole de la poste de la ville sur la manche droite et de pantalon bleu marine, le dieu grec s'avance gentiment vers la trentenaire et lui murmure :

— Ma fille, ma Mélinda, je suis Hermès, le dieu grec, et je suis ton père biologique... J'aime bien ta mère, Beth, malgré ses habitudes sur-protectrices envers toi. Elle voit les esprits, comme toi, et je suis Hermès Ψυχοπομπός, Psukhopompos, « Conducteur de psukhè », Conducteur d'âmes.

— N'est-ce pas une blague ? interroge Mélinda, abasourdie, étonnée, prostrée, médusée de la nouvelle.

— Non, ma fille. Et tu détiens cette capacité de voir les esprits errants de ta mère et de moi. À ce don, j'ai joint une facilité dans le domaine commercial... Je suis le dieu des marchands aussi. Raison pour laquelle, si jeune, tu peux être propriétaire d'une boutique d'antiquités, continue le dieu avec un sourire radieux et les yeux brillants de fierté. Le résultat de ma bénédiction paternelle. Aussi, le collier avec le pendentif en forme de cœur que tu as obtenu à tes dix ans est un cadeau de ma part. Mais, pour te le donner, j'ai pris l'apparence de Thomas Gout pour ne pas trop de déstabiliser dans tes convictions... Ce collier, en appuyant au milieu du cœur devient une arme d'un alliage d'or, de bronze, d'argent et de fer — œuvre d'Héphaïstos lui-même. Ma fille, tu vas devoir te préparer pour le prochain combat épique. Non seulement nous, les dieux, sommes mêlés, mais aussi les demis-dieux. Tu dois venir à Athènes pour un entraînement militaire. Nous savons qu'Hadès s'oppose à nouveau à nous, mécontent de ne plus être invité lors de nos réunions depuis plusieurs millénaires. Il lèvera une grande armée contre nous selon l'opinion de nos stratèges militaires, Arès et Athéna. Et très certainement des esprits aussi seront dans la bataille. D'ailleurs, Gabriel Lawrence, l'un de mes anciens protégés et mon arrière-petit-fils, travaille pour le Mal, et Romano, le sordide esprit errant d'une secte que tu as déjà rencontré, seront dans les rangs ennemis. Tu dois nous aider, ma fille, et prouver ta digne descendance.

Et le dieu fait un geste en direction de sa fille, lui remettant en main propre des sandales ailées et un châle bleu pâle.

— Ces sandales te permettront de voler pour sauver ta vie et celle de mon gendre. Ce châle te rend invisible, plus élégant et féminin qu'un casque d'invisibilité... D'ailleurs, tu es impliquée dans une Prophétie, précise l'Immortel. Tu dois venir à Athènes, au Parthénon, l'endroit pour t'entraîner convenablement à l'art de la guerre. Tu es la dernière demie-déesse qui manque pour accomplir la Prophétie d'Apollon et accomplir la volonté de Zeus.

— Et quelle est cette Prophétie ? l'interroge-t-elle, incrédule.

— La Prophétie... annonce-t-il solennellement en métamorphosant son caducée en une feuille de papier qu'il lit, avait dit, trois ans plus tôt, soit en 2005, les paroles suivantes, je cite, insiste-t-il en fixant sa fille.

La plus vieille fille du Psychopompe

Aidera les autres et arrivera en pompe

Non sans vaincre le vieil ennemi

Proche du Lac de Nemi

Avec des alliés immortels,

Et des alliés fidèles.

Dévoilement pour des mortels

Avant, pour certains, de rejoindre l'Asphodèle.

— Et dois-je vous croire, père ?

Mélinda est sceptique de toute cette histoire de demis-dieux et de prophétie, elle pense qu'à chaque seconde sa mère et ledit Hermès éclateront de rire de la farce montée, mais non. Elle se méfie autant des armes que de Romano.

— Oui, ma fille, lui réplique-t-il sur un ton sérieux. À vingt-neuf ans, tu es ma plus vieille fille qui ne s'est pas encore illustrée au combat. Généralement, mes enfants — la plupart des hommes — sont déjà des guerriers, tuant des hydres, des chimères et d'autres créatures à leur vingtième anniversaire. Je suis plutôt déçu que ta mère n'ait soufflé mot sur ton ascendance divine en toutes ces années ! s'offusque le dieu.

Il lance un regard noir à Élizabeth qui baisse ses yeux de honte, ne pouvant supporter l'éclat trop brillant de colère du dieu.

— Aussi, ma fille, méfie-toi d'un chuchoteur d'esprits, mon ancien protégé, qui répond au nom de Gabriel Lawrence. Il est un traître qui travaille pour l'ennemi. Tu ne l'as pas encore rencontré, mais je l'ai vu, il est un menteur pathologique.

— Père, puis-je amener mon mari avec moi en Grèce lors de l'entraînement ?

— Oui, s'il peut passer la barrière invisible qui protège le Parthénon... Mais, attend deux secondes ma fille, lui demande-t-il en fouillant dans ses poches pour sortir un papier et en le lisant... Ah ! J'ai trouvé ! Ton mari est le descendant d'Apollon par sa mère. Faith Kantorowitz-Clancy, infirmière de métier, est la fille de Jean Kantorowitz, lui-même fils d'Apollon et de Danica Kantorowitz, médecin. Donc, je ne doute pas, mon gendre Jim Clancy pourra participer aux entraînements sans problème.

— Très bien, soupire Mélinda, rassurée.

Jim, tout aussi étonné que son épouse, observe ses beaux-parents, perplexe et affirme :

— Tout fou qu'est votre affirmation, je suivrai ma femme.

— Ainsi, s'offusquent faussement deux voix masculines et une voix féminine dans le cadre de porte, nous sommes des fous ? C'est gentil arrière-petit-fils et protégés !

Hermès rit en entendant ces paroles et les mortels se retournent pour discerner Apollon, Arès et Athéna dans le cadre de porte. Le premier est un ravissant jeune homme aux cheveux blond cendré et aux yeux bleu ciel lumineux, aux traits délicats et bienveillants, élégant et sympathique. Le second, un grand et imposant jeune homme, aux yeux brun foncé et aux cheveux de même couleur coupés courts pour porter un SCh-40 vert olive avec l'insigne soviétique caractéristique au front, traits sévères et stricts, est un chef militaire austère. La dernière, une élégante et délicate jeune femme aux cheveux de jais en cascade sur ses épaules aux regard brillants d'intelligence et de ruse, vêtue d'une jupe et d'une chemise vert olive, inspire le respect au couple mortel. La déesse prend la parole :

— Madame Gordon, nous sommes en guerre depuis quelques années déjà et votre aide, en tant que fille d'un dieu, nous est indispensable pour vaincre les régiments de ce dieu chthonien. Vous ne serez pas seule, il y aura mon protégé et le protégé d'Apollon, deux professeurs universitaires, Richard Payne et Élie James.

La chuchoteuse d'esprits, confuse, demande à son interlocutrice immortelle :

— Richard Payne, comme le professeur d'Anthropologie de l'Université Rockland, que j'ai rencontré quelques années plus tôt, sauf s'il a un homonyme.

— Effectivement, le même professeur que vous connaissez, confirme posément la déesse, sourire aux lèvres.

Le couple s'entr'observe, perplexe.

— D'ailleurs, soyez prêts à être à Athènes dans trois jours, complète Arès en regardant rapidement une montre géante à son poignet. Au revoir valeureux demis-dieux et protégés des dieux.

Les dieux s'élèvent dans les airs et reviennent dans leur pays. Mélinda fixe sa mère, puis son mari, avant de demander à ce dernier :

— Jim, c'est bien bizarre d'apprendre que mon père soit un dieu païen, un dieu grec, mais j'ai promis à Thomas Gout, mon beau-père, de revenir dans la maison de mon enfance.

— Tiens ta promesse, chérie, mais fait attention... Il est certainement le meurtrier du fiancé de ta mère et il ne doit pas trop t'aimer...

— Merci, mon amour de ton soutien.

Élizabeth Gordon se lève et murmure :

— Ma fille, au revoir. Je m'excuse de ne pas t'avoir dit plus tôt la vérité, mais ne soit pas fâchée contre moi. À la prochaine, en espérant que ce ne soit pas pour une histoire d'esprit errant.

— Au revoir, mère.

La plus vieille femme sort de la maison et revient chez elle; La plus jeune enlace son mari et lui grommèle :

— Jim, nous n'avons pas le choix que de participer à une guerre qui nous dépasse. Je ne m'en réjouis pas, mais notre rang l'exige.

— Mél, je ne doute pas en nous. Nous vaincrons nos ennemis. En plus, nous ne sommes pas seuls, il y a les dieux et deux professeurs protégés des dieux.

— Très bien, alors promenons-nous dans le parc de la ville.

Le couple sort faire une promenade pour se changer les esprits de la rencontre étonnante avec les dieux.



Le lendemain matin, Mélinda retrouve son beau-père devant la maison de son enfance. Thomas Gout l'interroge :

— Ma fille, cette façade te rappelle-t-elle un souvenir ?

— Non, aucun souvenir d'enfance, mais j'ai vu cette façade dans une vision récente.

Elle ouvre la porte qui grince sur ses gonds et les deux vivants montent dans la chambre de Mélinda à l'étage. Regardant par la fenêtre, glissant sa main sur le cadre, la trentenaire a une vision.

Elle discerne, en bas, son beau-père et Paul Eastman en discussion animée. Puis Thomas se fâche et le tue de plusieurs coups de bâton dans la tête, même si le premier coup est fatal.

Fin de la vision.

Paul Eastman, derrière Mélinda, lui murmure :

— Vous comprenez l'homme sadique qu'est le juge maintenant.

— Oui... Je comprends... trop bien...

— Mélinda, qu'as-tu compris ? insiste le juge en la fixant froidement.

Reculant de trois pas, elle murmure abasourdie :

— Thomas Gout, vous n'êtes qu'un sadique meurtrier.

Il s'approche dangereusement d'elle.

— Vous savez trop maintenant, Mélinda.

Il l'attrape par les poignets, l'appuyant contre le mur, dans la ferme intention de l'étouffer de ses mains. Elle hurle, paniquée :

— Mon père, sauvez-moi !

— Je ne suis pas votre père, murmure amèrement Thomas Gordon.

— Je le sais ! Je parle à mon vrai père, pas à mon beau-père !

Hermès se matérialise dans la salle et lance un regard impérieux à Paul Eastman. Ce dernier, comprenant l'ordre du dieu qui ne souffre pas qu'un esprit le désobéisse, possède le juge pour qu'il lâche la fille du dieu et précipite son corps en bas des escaliers. Mort sur le coup, l'âme de Thomas Gout est très enragé, mais Hermès, d'un coup de caducée sur la tête, l'enchaîne. Jim rentre dans la maison et, se penchant pour vérifier les signes vitaux du juge, entend le dieu messager lui affirmer sérieusement :

— Gendre, vous n'avez pas besoin de vérifier la vie en lui, son âme s'est échappée depuis peu et il ne peut revenir dans son corps... Mais maintenant, Paul Eastman, êtes-vous content ? Votre meurtrier ne peut nuire à personne.

L'esprit errant hoche la tête pour confirmer au dieu sa joie et son apaisement. Jim se relève et monte à l'étage proche de sa femme, inquiet de voir une lueur de terreur dans ses yeux et une mine assombrie sur son visage, la berçant. Hermès s'envole vers les hauteurs éthérées.

Quelques minutes plus tard, une fois que les vivants et l'esprit ont ordonné leur pensée, Jim, se raclant la gorge, interroge son épouse :

— J'appellerai les urgences et tu expliques la situation avec Thomas Gout. Après, nous revenons chez nous pour préparer nos bagages.

Elle opine du chef. Une fois que tout est fait comme l'ambulancier le propose, de retour chez eux, Mélinda discerne Paul Eastman, ravi, sourire aux lèvres, la salue respectueusement et lui demande :

— Madame, je vois une lumière au loin... Tellement belle et angélique. Est-ce pour moi ? J'avais ce don de voir les esprits, mais je n'avais jamais compris ce qu'il fallait faire avec eux...

— Cette Lumière, l'Au-delà ou le Monde des esprits, est pour vous, ajoute la fille d'Hermès, larme dans le coin des yeux. Monde où vont les âmes qui ne errent plus. Bon voyage. Je suis contente que vous avez trouvé la paix en votre âme.

— Dites à votre mère, ma fiancée, que je l'aime toujours... et que je regrette tellement que vous ne soyez pas ma fille. Au revoir.

Sur ces paroles, Paul Eastman, se tournant vers la Lumière, visible pour lui seul, le visage rasséréné, les yeux brillants de joie, embarque dans celle-ci. L'antiquaire rejoint son mari pour terminer leurs préparatifs.




Deux jours plus tard, Hermès salue le couple et, d'un claquement de doigt, les transporte devant le Parthénon. Jim et Mélinda, main dans la main, très inquiets de la solennité qu'inspire l'endroit, avancent à petits pas, prudents. Athéna, Arès, Hermès, Apollon et les deux professeurs attendent le couple. Arès, de sa voix de stentor, hurle :

— Bienvenue, mortels, demis-dieux et protégés. Vous quatre formerez l'unité spéciale de notre armée sous ma commande. Athéna, ma collègue, s'occupera de votre entraînement.

— Récemment, complète Apollon de sa belle voix harmonieuse, Hadès avec une armée de démons, de djinns, d'esprits et de mortels, en plus de quelques dieux, a déclaré la guerre à nous, les Olympiens. La guerre est sur tous les fronts. Je vous donne une armure spéciale. Elle vous protègera de tous les coups, autant des armes les plus fines que les balles, que des coups retors du monde occulte et de la magie. Bonne chance, valeureux guerriers.

Sur ces mots, l'entraînement intensif et militaire commence pour les trois mortels et la demie-déesse.




Mélinda, après trois mois d'exercices militaires intensifs à Athènes, au Parthénon, avec son mari, son ami le professeur Richard Payne et un nouvel allié, Élie James, professeur de Psychologie, se rend au Lac de Nemi, en Italie. Le premier professeur est le protégé d'Athéna; le second est le protégé d'Apollon. Elle ne cesse de se répéter la Prophétie depuis leur arrivée :

La plus vieille fille du Psychopompe

Aidera les autres et arrivera en pompe

Non sans vaincre le vieil ennemi

Proche du Lac de Nemi

Avec des alliés immortels,

Et des alliés fidèles.

Dévoilement pour des mortels

Avant, pour certains, de rejoindre l'Asphodèle.


Intriguée, la trentenaire avec une épée dans son fourreau à la droite, un arc et un carquois plein de flèches sur le dos et un bouclier à la main gauche avance en rang d'oignon avec les trois autres membres de l'unité spéciale. Arès les guide jusqu'au lac italien. Ce lac est le quartier général de l'unité principale du sombre oncle du dieu de la Guerre. Athéna, non loin du dieu, sous la forme de chouette militaire, hulule légèrement pour donner le signal à l'artillerie de tirer. Tous se mettent en position et tirent simultanément, envoyant une salve de flèches sur les ennemis, les Harpies. Toutes sont mortes sous leurs flèches empoisonnées dans le sang de l'Hydre de Lerne, à l'instar de celles d'Héraclès.


Athéna, reprenant forme humaine, casquée et armée de son terrible javelot et de l'Égide, pousse un cri de guerre remarquable et assourdissant pour l'élégante déesse, effrayant les oiseaux du lac de Styphale devenus les oiseaux du lac de Nemi, mais toujours aussi dangereux avec leurs serres et leur bec de fer. Mélinda, Jim et les deux professeurs encochent flèches sur flèches massacrant des rangs entiers de ces oiseaux maudits. Arès annonce à l'unité spéciale :

— Nous approchons à chaque instant de la base ennemie. Les autres Olympiens sont aussi présents et livrent bataille depuis plusieurs jours. Il faut prendre les positions. Athéna, prenez la voie de droite avec le couple marié, moi, je prends la voie de gauche avec les deux professeurs.

La déesse approuve d'un geste de la tête et prend la voie de droite, suivie de Mélinda et Jim. Richard Payne et Élie James suivent Arès. Mélinda, combattant une hydre, remarque un esprit errant d'un jeune homme. Ce dernier est âgé de trente ans vêtu comme un militaire de la Seconde Guerre mondiale en uniforme, arme à la main. Sa tête, ornée d'un casque modèle SCh-40 vert olive avec l'étoile soviétique, présente des taches de sang dégoulinantes et séchées autour des tempes, salissant son délicat visage. Certainement mort au cours de la bataille pense-t-elle tristement, ressentant un frisson en rencontrant son regard : un regard déterminé. Détermination qui va par-delà la mort. La chuchoteuse d'esprits est étonnée de cette force de conviction. Elle murmure à l'esprit, tout en continuant à se battre :

— Monsieur le militaire, que faites-vous ici ?

Мой бой, только мой бой [Ma bataille, seulement ma bataille], lui murmure-t-il fièrement.

— Voulez-vous réunir tous les bons esprits errants qui se promènent perdus dans le champ de bataille ? Vous pouvez nous aider. S'il vous plaît, des alliés aussi expérimentés dans l'art de la guerre ne sont pas à négliger.

Elle fixe l'esprit errant, perplexe, ne comprenant rien à ses mots. Athéna traduit les propos de l'esprit et continue à se battre. Le Russe ne fait qu'opiner du chef, malgré l'incrédulité qui se lit dans son regard pendant une fraction de seconde, et part rallier les esprits, réveillant leur ardeur au combat, les sortant de leur léthargie et de leur promenade sans but. Plusieurs âmes errantes l'écoutent, guère convaincues pour certaines, mais se joignent à l'armée immortelle et invisible sous l'ordre du Russe.


Alors que le militaire russe recrute des âmes dans son armée, Mélinda, dos à Jim pour protéger ses arrières, continue à se battre contre des chimères et des griffons. Elle remarque la présence de plus en plus importante des esprits errants des militaires des époques les plus diverses, de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à l'Antiquité, en passant par des militaires du XVIIIe siècle et du XVIe siècle et des chevaliers du Moyen-Âge, qui se promènent, perdus, dans le champ de bataille qui fait rage. La chuchoteuse d'esprits ne comprend guère comment convaincre autant d'âmes différentes de partir dans la Lumière, mais elle se promet qu'elle réglera leur cas une fois la bataille terminée.


La fille d'Hermès, son châle autour du cou et ses sandales ailées aux pieds, seconde efficacement son mari, surprenant les ennemis. Soudain, l'esprit du militaire russe de la Seconde Guerre mondiale attire l'attention de la jeune femme vers son mari par une parole. Se retournant en direction de la voix, ses yeux s'agrandissent de peur : son mari peut mourir maintenant si une Harpie, derrière son dos, l'attaque. Rapide comme la lumière, elle se précipite sur Jim et le transporte dans les airs, malgré qu'il soit trop lourd pour elle. Déchaussant une sandale ailée pour la donner à Jim, Mélinda remercie d'un geste de la tête l'esprit errant. Voltigeant élégamment dans les airs, le couple aide Richard Payne qui attaque bravement des djinns en leur récitant des extraits du Coran, plus exactement la première sourate Al Fâtiha [l'Ouverture] en boucle, tout en tuant avec son javelot des griffons.



Deux heures de combat plus tard, Mélinda, aux côtés de son mari, blessant des Sirènes, discerne au loin, dans les rangs ennemis, Romano et un homme de son âge aux yeux noirs comme la nuit et aux cheveux de même couleur, vêtu d'une armure du Moyen-Âge. Elle pense qu'il est le mystérieux Gabriel Lawrence mentionné par son père. Ses yeux s'agrandissent en notant la présence de plus en plus importante d'esprits dans les rangs ennemis. Des sombres esprits qui s'avancent vers elle, des âmes au regard éteint et noir vêtus en militaire portant un insigne ignoble : un svastika. Des soldats nazis, pense-t-elle. Un frisson parcourt l'échine de la chuchoteuse d'esprits, promenant son regard paniqué autour d'elle. Jim lui demande :

— Mél, ma chérie, qu'est-ce qui ne va pas ?

— Des esprits malveillants, manipulés par Romano et ce Gabriel Lawrence, veulent m'attaquer, m'étouffer, me tuer, murmure-t-elle dans un souffle, commençant à manquer d'air. Les nazis m'attaquent, ils veulent me tuer !

Jim est angoissé et paniqué, mais ne les voyant pas, il se sent encore plus impuissant. Ses mains tremblent de peur, son regard se promène de gauche à droite et de droite à gauche dans sa panique. Il suggère à son épouse :

— Mél, tu peux t'envoler, non ?

Elle opine du chef et s'élève dans les airs, essayant d'échapper aux nazis. L'esprit errant du militaire soviétique rencontre le regard de l'antiquaire et comprend sa supplication muette. Il lui fait un bref salut militaire avec respect et lance un ordre en russe à tous les esprits errants dans la bataille, autant aux soldats de l'Antiquité qu'aux plus modernes. Tous obéissent comme un seul homme. Ils s'approchent des soldats nazis pour protéger Mélinda. Les esprits errants malveillants déguerpissent comme des moineaux chassés par des chats à l'approche des bons esprits errants militaires aussi déterminés. Détermination qui se lisait dans leur regard, étonnant et émouvant la fille d'Hermès. Cette dernière, respirant enfin librement, remercie d'un geste de la tête les esprits et surtout le Russe, retrouvant son mari dans la mêlée, continuant à se battre.


Une heure plus tard, Mélinda, suivie de toute l'armée d'esprits errants, le Russe à leur tête, rencontre Gabriel Lawrence et Romano. Les deux chuchoteurs d'esprits s'entr'observent et analysent la disposition des esprits ennemis. Mélinda affirme sérieusement, d'une voix forte, malgré sa frêle et gracieuse apparence féminine :

— Ainsi, vous êtes Gabriel Lawrence, ancien protégé de mon père, n'est-ce pas ?

L'interpellé, ahuri, la regarde étonné.

— Vous êtes Mélinda Gordon, fille d'Hermès.

— Oui, effectivement, répond, ennuyée, l'interpellée.

— Moi suis Gabriel Lawrence, fils de Thomas Gordon et de Jane Lawrence, elle-même petite-fille d'Hermès du côté paternel.

— Mon père est Hermès, lui-même fils de Zeus. Ce dernier est fils de Cronos, lui-même fils d'Ouranos.

Gabriel se tourne vers Romano et lui ordonne :

— Mes fidèles alliés, l'escadron de la mort, attaquez cette demie-déesse prétentieuse. Maintenant !

Les nazis obéissent, mais ils battent rapidement en retrait. Le Russe, avec son armée, forme une barrière entre eux et Mélinda, la protégeant. L'armée de Mélinda repousse victorieusement les nazis. La guerre des esprits est fascinante à observer pour les chuchoteurs. Une élégance, malgré la violence des combats, se dégage, émerveillent les deux vivants, demeurés silencieux.


Une fois l'armée des esprits errants nazis vaincue, ces mauvaises entités invisibles entourent Gabriel, très fâchés. Il manque d'air, il glapit, suppliant Romano de ramener à l'ordre son armée. Mais le sectaire s'approche de son ennemie pour essayer de l'étouffer. La trentenaire, étonnée, recule et hurle :

— Romano, esprit retors, n'essayez pas de me faire peur ! Vous ne pouvez me tuer si facilement ! Père, aidez-moi !

Hermès apparaît derrière sa fille et agite son caducée, endormant Romano et, avec un coup de pied dans le derrière, l'expédie au neuvième cercle de l'Enfer.

Gabriel qui commence à paniquer, ses yeux terrifiés lui donne l'air d'un cerf pris entre des chiens de chasse tenaces, hurle au dieu :

— Hermès, mon arrière-grand-père, ayez pitié de moi. Je me suis trompé de côté. Vous ne pouvez tuer la chair de votre chair.

Le dieu, moue dégoûtée au visage, les yeux durcis de colère, ordonne froidement à sa fille :

— Ma fille bien-aimée, débarrasse-moi de ce monstre. Maintenant ! Il est un menteur effronté !

Mélinda regarde son père, très étonnée, mais ne bouge pas pour autant de sa position, horrifiée à l'idée de tuer un homme. Les deux derniers vers de la prophétie lui reviennent à l'esprit : « Dévoilement pour des mortels / Avant, pour certains, de rejoindre l'Asphodèle. » La demie-déesse soupire, ramasse son courage à deux mains et s'avance vers Gabriel. Le militaire Russe apparaît à sa droite et la possède. Il dirige ainsi habilement sa main pour qu'elle tue Gabriel dans son cœur même, le laissant mort sur place. L'âme de Mélinda, spectatrice de l'action de son corps, est scandalisée à l'idée de tuer froidement un être humain, détourne la tête du cadavre de son ennemi pour tomber nez-à-nez avec son âme, tout aussi peu présentable que son corps. Gabriel, avant d'être frappé d'un coup de caducée du dieu, éructe :

— Mélinda, vous payerez très cher pour m'assassiner froidement... Monstre !

Hermès expédie d'un claquement de doigt l'âme de Gabriel en Enfer, sourit à sa fille et rejoint les autres Olympiens qui entourent Cronos, emprisonné dans des liens infrangibles. Le dieu messager sonne un cor, donnant le signal de la fin des combats.


Tout le monde est épuisé, fatigué, exténué, surtout les mortels et Mélinda. Arès sourit à l'unité spéciale et leur commande :

— Madame et Messieurs, il faut que vous vous reposez une semaine avant de revenir chez vous.

Tous approuvent, ravis. Mélinda sourit en voyant toute l'armée des militaires des époques les plus différentes en rang d'oignon avec le Russe à leur tête. Ils la saluent respectueusement et, comme un seul homme, partent dans la Lumière qu'eux seuls discernent, Lumière qui apporte une paix en leur âme. La chuchoteuse d'esprits, très émue, lâche une larme de joie au départ de ses alliés immortels et invisibles.



Une semaine plus tard, toute l'unité spéciale, rétablie de leur blessure, revient chez elle en un claquement de doigt de leur chef immortel. La fille d'Hermès, devant sa maison, tenant amoureusement son mari par la main, lui murmure, ravie :

— Jim, nous sommes enfin de retour à la maison ! Dieu que notre vie quotidienne me manquait ! Surtout que j'ai eu peur au cours de la bataille pour toi. Je ne peux aucunement supporter que tu meurs. Surtout que nous n'avons pas encore d'enfants... Des enfants embelliront notre maison... en plus de nous assurer une postérité. Après tous ces combats, il faut reprendre la vie normale, non ?

L'ambulancier, sourire aux lèvres, content que sa femme se souvienne d'avoir des enfants, l'enlace tendrement, la prend entre ses bras et l'amène à l'intérieur. Hermès, devant la maison dès que le couple est entré, sourit, murmure une bénédiction et rejoint les hauteurs éthérées.

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