Soirée d'automne décisive

Chapitre 1 : Soirée d'automne décisive

Chapitre final

5398 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/05/2024 02:50

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Soirée d'automne décisive




Parcourant depuis quelques minutes avec Tricia le même chemin de terre battue qui aboutissait au lac, Mélinda, incitée par l'humidité du mois de novembre à porter son imperméable vert doublé d'une fourrure, suivait rapidement la fiancée d'Hunter Clayton et l'amie de son mari. L’antiquaire et chuchoteuse d'esprits qu'était Mélinda laissait en chemin les champignons, les arbres et les arbustes accrocher son regard, sans pour autant s'y attarder sur leur nature ou leur comestibilité, tant son âme était préoccupée. Tourmentée à l'idée d’aider l’amie de son mari et surtout à faire partir le plus rapidement possible l’esprit errant du petit garçon, ami d’enfance de celle-ci, dans la Lumière qu'était Owen Grace, la petite brunette aux grands yeux marron resserra encore plus fort son imperméable contre elle. L’élégante trentenaire aux grands yeux brun foncé, aux cheveux marron et au teint naturellement hâlé, qu’était la fiancée d'Hunter Clayton, écoutait distraitement les explications de son interlocutrice, empressée d’arriver au lac. La petite brunette remarqua qu’Owen Grace la suivait de loin, apparaissant par moment entre le fourré et les halliers, toujours silencieux.


S’arrêtant non loin du lac, la femme extraordinaire nota le paysage qui l’entourait avec attention, entre des châtaignes qui ployaient les branches de leurs arbres, des aubépines, des chênes et d’autres arbres feuillus, un merveilleux tableau de la nature avec des feuilles vertes, jaunes, oranges, rouges et brunes se présentait au regard, donnant envie de s’arrêter et de méditer sur la beauté et la grâce et d’abandonner toutes formes de soucis. Sans oublier de combiner à ce paysage élégant et gracieux, le pétrichor, le psithurisme et les doux chants des merles, sitelles et rouges-gorges. Malheureusement, l’heure n’était pas à ces réflexions et méditations pour la jeune antiquaire extraordinaire… Il y avait plus urgent, de régler le cas de cet esprit errant, cet Owen Grace.

Ce dernier, un garçon de dix ans aux cheveux brun clair en désordre, aux grands yeux bruns, avait une mine inquiète et une lueur de tristesse dans le regard. Il était vêtu d’une chemise rouge et d’un pantalon bleu marine, et avait une jambe prisonnière d’une boîte de métal, certainement une maladie, le pauvre, pensa Mélinda. L’esprit errant apparut devant Tricia lui hurlant, très alarmé : 

— Dépêche-toi, mon amie, de tout comprendre ! Avant qu’il soit trop tard ! Je crains le pire pour toi !

— Jeune garçon, que craignez-vous ? Que voulez-vous transmettre comme avertissement à Tricia ? l’interrogea la femme extraordinaire, très intriguée de sa présence et de ses paroles.

Owen, étonné, les yeux agrandis, tête tournée vers son interlocutrice, éructa : 

— Laissez Tricia jouer ! … Le jeu de notre enfance ! Tout y est ! Elle doit comprendre ! … Avant qu’il soit trop tard ! Ce n’est pas à vous d’y jouer !

Il s’en alla, non sans avoir agité des feuilles mortes au passage, signifiant sa présence à la fiancée.

— Tricia, lui affirma sur un ton sérieux la chuchoteuse d’esprits et épouse de son ami, Jim. Votre ami d’enfance, Owen Grace, que votre fille, Nathalie, perçoit et a dessiné un peu plus tôt aujourd'hui, s’inquiète pour vous… 

L’interpellée, confuse, les yeux plissés, n’étant guère convaincue en l’histoire d’esprit errant.

— Mais il est défunt depuis très longtemps ! s’étonna-t-elle.

Mélinda croisa ses bras en-dessous de sa poitrine, exaspérée de l’incrédulité de Tricia. Cette dernière observa le lac silencieux.

— Oui, mais il est bien réel, en tant qu’esprit errant ! J’ai ce don depuis mon enfance de communiquer avec les défunts, les âmes des morts, les esprits errants… Il semble que les petits enfants peuvent encore les voir, raison pour laquelle votre fille peut jouer et communiquer avec lui.

— Son ami imaginaire ? interrogea-t-elle ironiquement.

— Non, son ami n'est pas imaginaire ! Il est cet Owen, Owen Grace… Et il veut que vous jouiez au jeu de votre enfance…

Tricia soupira, baissa ses sombres yeux, petit sourire au coin des lèvres, et murmura, se rappelant son enfance : 

— Ce jeu … si ma mémoire ne me fait pas défaut… est un jeu d’indices combiné avec une recherche d’objets cachés… La première lettre est l’indice et chaque lettre forme un mot… Mais pourquoi devrais-je revenir à l’enfance ? Parce qu'un esprit le veut ! Terminons cette promenade et n’assombrissons pas mon mariage prochain avec un fantôme et des messages obscurs !

Mélinda secoua légèrement la tête, mais se tint coite. Tricia revint sur le sentier en courant, impatiente. Les deux femmes retournèrent au chalet, suivies par le défunt petit garçon.



Un peu plus tard, à quelques heures de la cérémonie, Mélinda essaya de convaincre Tricia de se prêter au jeu.

Soudain, un grincement de la porte s’entendit, les deux femmes sursautèrent, effrayées.

— Très bien, soupira la fiancée, je vais jouer ! Allons-y ! Venez avec moi, Madame Mélinda Gordon-Clancy !

La porte qui menait au sous-sol s’ouvrit devant elles, ouverte par l’esprit errant du garçon.

Tricia emprunta les escaliers, marchant lentement, observant à droite et à gauche. Tout à coup, elle frappa quelque chose à ses pieds qui roula devant un miroir. Allumant l’unique ampoule qui éclairait le sous-sol, celle-ci constata que l’objet que son pied droit avait rencontré était une pomme. Mélinda, un peu en retrait, perplexe de la signification, suivit du regard Owen qui était devant le miroir, traçant des lettres.

— Une pomme, constata la fiancée. Donc l’indice est la lettre P.

La chuchoteuse d’esprits approuva d’un geste de la tête, fixant toujours le défunt ami de la fiancée.

Lisant le message sur le miroir embué, Tricia dit d’une voix claire : 

— Il est écrit « Bob »… Mais qu’est-ce que cela peut bien signifier ? ...

— Je ne saurais le dire...

— ... Retenons la lettre B.

Les deux femmes continuèrent leur recherche.


Quelques minutes plus tard, arrivant dans une salle, guidée par le défunt, Mélinda informa la fiancée : 

— Owen Grace veut que vous ouvriez le dernier tiroir de cette armoire.

— Mais il n’y a que des linges, draps et couvertures dans ce tiroir ! s’étonna-t-elle.

Haussant les épaules, la petite brunette lui répliqua calmement :

— J’ignore la raison, mais faites-le ! Il y aura un indice.

Tricia obtempéra et se blessa au doigt en plongeant sa main dans le tiroir. Elle trouva, camouflé entre les draps, un pic à glace.

Étonnée et effrayée, ses grands yeux marron lancèrent une lueur d’inquiétude et d’interrogation à l’antiquaire.

— Qu’est-ce que cela devrait signifier ? chuchota-t-elle d’une voix tremblante.

— Je l’ignore, mais retenons la lettre P

Tricia opina du chef et s'occupa de son doigt blessé.

— Dites-lui d’ouvrir la boîte qui se trouve sur la table basse en cerisier, lui ordonna Owen.

— Je m’excuse de vous interrompre dans votre idée, mais votre ami d’enfance veut que vous jetiez un coup d'œil à la petite boîte à bijoux sur la table en cerisier.

— Étrange, mais si vous le dites.


Ouvrant la boîte, elle hurla de terreur, la lâcha et se débattit avec des sangsues et des fourmis qui l'assaillaient au visage.

Mélinda, malgré sa frayeur qui se lisait dans son regard et dans son mouvement automatique de protection primaire, décida d’aider la pauvre fiancée à se débarrasser des sangsues.

Une fois la terreur première passée, Tricia, voix tremblante, demanda : 

— Pourquoi… dois-je être assaillie… 

Une moue de dégoût déforma son visage délicat.

— … par ces horreurs… d’insectes ? …

— Owen Grace, l’interrogea Mélinda en notant sa présence dans un coin de la salle, pouvez-vous bien m’expliquer la raison de faire peur à votre amie… 

Elle le fixa, confuse, et, d’un geste de la main, indiqua vers Tricia.

— … Votre jeu n’est pas drôle, mais effrayant… Angoissant…

Ses yeux lancèrent des éclairs et elle croisa ses mains en-dessous de sa poitrine.

— Vous rendez-vous compte dans quel état vous avez mis votre amie d’enfance ? le gronda-t-elle gentiment.

Mine penaude, il murmura d’un ton coupable, observant ses pieds : 

— L’indice est que Tricia n’aime pas ces petits animaux rampants, fourmis, sangsues, araignées… Je ne veux pas lui faire peur, mais l’aider…

L’antiquaire cessa de le fixer, étonnée, ses yeux reprirent leur éclat d'avant. Mine confuse, elle demanda :

— Au moins, avez-vous donné tous les indices ?

— Il n’en manque qu'un…

Et l’esprit errant s’éclipsa. Mélinda soupira, exaspérée et perplexe.

— Et qu’a dit le fantôme ? l’interrogea d’une voix fluette la fiancée. 

— Owen Grace vous a donné tous les indices, sauf un… affirma-t-elle d’une voix traînante. Il devra vous le donner sous peu.

La jeune brunette extraordinaire fit les cent pas dans la salle, réfléchissant à tous les indices.

— … Sinon, retenons les lettres F et S

— Revenons dans un endroit moins oppressant et lourd. Il faut que je me prépare, mon mariage est dans quelques heures, la supplia la fiancée, visiblement lassée des énigmes.

Tricia laissa l’épouse de Jim seule dans la pièce, pressa le pas jusqu'à devant la porte qui menait au sous-sol et revint dans sa chambre, à l’étage.


Quelques minutes plus tard, en robe de mariée, Tricia accourut auprès de Mélinda et lui hurla : 

— Le dernier indice est celui que j’ai vu dans le lit conjugal ! Une corde à l’endroit où dormira Hunter… 

Étonnée, l’antiquaire répliqua calmement :

— Retenons la lettre C

Elle s’approcha de la fiancée.

— Venez avec moi, je pense que Jim pourra nous aider ! Les rébus et énigmes se résolvent toujours mieux avec une âme de plus… Je ne comprends guère le jeu de cet esprit !

— Ne partez pas si tôt ! s'exclama Owen, apparu devant Mélinda. Ouvrez le tiroir de l'armoire à votre gauche. Vous trouverez le dernier indice ! Je ne peux pas faire plus ! Tout est là ! Faites le lien !

— Tricia ! Votre ami veut que vous fouillez le tiroir de l'armoire à votre gauche.

L'interpellée, arrêtant net de marcher, se retourna vers son interlocutrice, sourcils levés et yeux brillant d'étonnement posant une question muette.

— D'accord, soupira-t-elle. Fouillons cette armoire.

Ouvrant le tiroir, la fiancée sortit une photographie qu'elle analysa avec beaucoup de perplexité.

— Qui sont les enfants sur la photographie ? demanda la femme hors de l’ordinaire, d’un ton chaleureux, ses yeux pétillant de curiosité lorsqu’elle observa la trouvaille.

— À droite, l’informa sérieusement la fiancée, lisant les noms inscrits en bas, c’est Christopher Murray et, à gauche, Robert Langowski, deux jeunes garçons bien embêtants ! Sur la photographie, ils avaient douze ans…

— Amenons cette photographie à Jim ! Et retenons la lettre P.

Tricia referma le tiroir et les deux femmes accoururent jusqu'à Jim.


Arrivant au salon où Jim était assis attendant son épouse, celle-ci lui expliqua les indices et le jeu de l’esprit pour aider Tricia.

Après quelques minutes de silence, l’ambulancier, pensif, intervint : 

— J’ai discuté un peu avec Hunter Clayton et Christopher Murray, ce matin, leur avoua-t-il, ils affirment être propriétaires d’un restaurant, l’Axiom Steakhouse, et Hunter Clayton détient un diplôme en Économie de la Harvard Business School… Peut-être que Robert Langowski et Hunter Clayton ont un rapport. Qu’est-ce que vous en pensez ? 

Les deux brunettes l’observèrent, étonnées de la conclusion à laquelle il était parvenu, et demeurèrent coites.

— D’ailleurs, continua-t-il, je pourrais demander à mon ami policier, Carl Neely, d’enquêter rapidement sur ces deux hommes… 

Jim sourit à ses paroles, ravi de son idée.

— … Revenons à vos indices… 

Il adopta une mine sérieuse, traits tendus encore plus accentués par ses yeux bleus, comprenant l’urgence de la situation pour son amie Tricia.

— … Nous avons les indices des pommes, le mot Bob écrit sur un miroir, des fourmis, des sangsues, un pic à glace et une corde…

Il détourna son regard des femmes pour fixer le mur, réfléchissant.

— Le mot Bob me fait plutôt penser a un surnom pour Robert… Ce qui concorde avec la photographie de Robert Langowski ! … 

Il se gratta le menton, hésitant à partager sa conclusion provisoire.

— Je me demande si Hunter Clayton et Robert Langowski ne seraient pas une seule et même personne… Sous un pseudonyme…

Tricia et Mélinda l’observèrent, yeux encore plus grands, ne croyant pas à la gravité de ses mots.

— Mais, Jim, es-tu certain que tu ne fais pas fausse piste ? lui demanda son amie, abasourdie de la conclusion.

— L’indice est dans ma langue maternelle, murmura timidement l’esprit errant du petit garçon, apparu non loin de la fiancée.

Mélinda l’observa, étonnée et rapporta ses propos à son mari et à Tricia. Cette dernière s’exclama :

— Sa langue maternelle est l’anglais !

— Alors, compléta Jim, les lettres des indices changent ! Apples, Ants, Ice pick, Leeches et Rope, Photography et les lettres Bob, énuméra-t-il.

— Et continua Mélinda, la photographie, à l’instar des lettres sur le miroir, ne fait pas part des lettres nécessaires à l'énigme… Elles sont plutôt un indice pour mieux comprendre l’individu, l’objet, l’événement, ou que-sais-je encore, auquel le petit garçon veut que nous concluions… Il reste les lettres A, A, I, L et RRail ? Ail ? Serait-ce en rapport avec la mort d’Owen Grace… Il souffrait certainement d’une dystrophie musculaire…

Tournant sa tête vers Owen Grace, la chuchoteuse d’esprits constata qu’il désapprouva sa conclusion d’un signe de la tête.

— Venez avec moi, soupira-t-il, exaspéré, près du ruisseau et vous comprendrez ma mort !

Se levant de son siège, Mélinda informa les deux autres : 

— Je vous laisse réfléchir, Owen Grace veut me montrer et m’expliquer certains détails de sa vie… Et il semble que mon raisonnement ne soit pas exact ! À plus tard.


L’antiquaire, sur ces mots, accourut au ruisseau non loin du chalet, attendue par l’esprit errant, laissant son mari et Tricia très angoissés et perplexes du sens de l’énigme.

— Pourquoi me faire venir ici ? Nous essayons de résoudre le jeu d’énigmes et tu ne nous aides pas ! s'offusqua Mélinda, exaspérée.

L’esprit fit une moue dubitative et s’énerva, serrant les poings.

— Au contraire ! éructa-t-il, les yeux pétillants de colère. Je vous ai donné tous les indices ! Il faut savoir jouer dans la vie ! Et je vous ai trop aidé même !

Mélinda analysa le ruisseau, écoutant le doux son de l’eau. Celle-ci coulait doucement sur des pierres, accompagnant harmonieusement les chants des oiseaux. Personne ne souffla mot, ni parmi les vivants, ni parmi les défunts.

— Est-ce près de cette rivière que vous êtes mort ? l’interrogea-t-elle, rompant le silence oppressant, tournant un regard triste vers l’entité invisible.

Il opina du chef et continua d’une voix étranglée.

— Je suis mort parce que je voulais traverser cette rivière pour rejoindre Tricia et son amie. Mais, un jour, les méchants garçons que sont Christopher et Robert ont coupé cette corde. Alors j’ai essayé de traverser le fleuve sur les roches. C’était glissant, je suis tombé, mort sur le coup, dans le fleuve.

Mélinda, attristée et secouée par ce que lui avait raconté l’esprit, entendit encore le rire cristallin et méchant des deux garçons qu’elle vit dans sa vision. Elle murmura, réalisant soudainement la vérité, paralysée momentanément, tel un arbre frappé par la foudre : 

— Et Robert Langowski, ce méchant garçon de votre enfance, est le fiancé de Tricia sous un pseudonyme !

Owen Grace approuva discrètement du chef et s’en alla.


Mélinda, paniquée, courut le plus rapidement qu’elle put jusqu’au salon, rejoignant Jim et Tricia.

— Mél, tu arrives à point nommé ! Selon Carl Neely, l’informa Jim, il n’existe aucun restaurant au nom de Robert Langowski, ni d’Hunter Clayton, ni de Christopher Murray. Aucun d’eux n’a fait des études à la Harvard Business School. Aussi, aucune information ne peut se trouver sur Hunter Clayton, comme s’il n’avait jamais existé ! En bref, Christopher Murray et Robert Langowski sont des escrocs, responsables de détournements importants d’argent. Mais est-ce que Robert Langowski et Hunter Clayton seraient une seule et même personne ? À mon avis, oui.

— Dans ce cas, ajouta Tricia, le mot de l’énigme serait liar, menteur. Un menteur qui voulait semer la discorde ! Un menteur qui voulait voler mon argent après notre mariage !

Les deux se tournèrent vers la chuchoteuse d’esprits lorsqu’ils remarquèrent son regard alarmé, son souffle court et ses jambes et bras tremblants.

— Qu’y-a-t-il Mélinda pour que cet esprit te mette dans un tel état ? lui demanda-t-il doucement, se levant de son siège pour enlacer tendrement son épouse.

Elle s’assit sur l’un des sièges beiges, observant brièvement les murs brun clair et affirma sérieusement : 

— Robert Langowski et Christopher Murray sont responsables de la mort d’Owen Grace… Et Hunter Clayton est le pseudonyme de Robert Langowski… Déjà petit, il était méchant et mauvais… En grandissant et en vieillissant, il devient encore plus perfide, voleur et menteur.

Tricia était atterrée, ses yeux couvèrent une sourde colère envers elle-même et surtout envers son fiancé. Elle se leva, fit les cent pas dans la pièce et murmura amèrement : 

— Owen Grace a raison ! Mon fiancé est un menteur… Hunter Clayton est Robert Langowski ! Je romps le mariage… J’étais aveuglée par mon amour pour ma fille, Nathalie, et parce que je n’avais pas vu ce qui est évident. Tellement évident maintenant !

Elle sortit en trombe du salon, suivie par l’antiquaire et l’ambulancier, rejoignant son fiancé en discussion avec son associé à l’extérieur. 

— Hunter, ou plutôt Robert Langowski, j’annule notre mariage… 

Ses yeux lancèrent des éclairs, ses traits se durcirent.

— … Au revoir ! Quittez immédiatement ce chalet ! hurla Tricia.

— Mais Tricia, une mouche t’a piquée, mon amour ? susurra le fiancé, lançant un regard rempli de haine au couple, son visage exprima, pendant une fraction de seconde, une peur indicible qu’il camoufla rapidement.

— Aucune mouche ne m’a piquée ! Le mariage est annulé et c’est un point de non retour ! Aucune discussion ou compromis ! 

Il s’avança vers elle, tendant la main pour l’empoigner. La fiancée recula de quelques pas et éructa, agitant ses mains : 

— Et ne pensez pas lever la main sur moi ou me forcer ! Aucune discussion possible ! Je ne change pas d’avis !

Sous le regard ébahi de Robert, elle lui tourna le dos et s’en alla, informant les autres invités de l’annulation de la célébration. Robert murmura pour lui-même, presque inaudible pour le couple, mais clairement entendu par Owen Grace qui n’était pas loin : 

— Vous payerez cher d’avoir aidé Tricia ! Surtout vous, Mélinda Clancy !

Et le fiancé déçu montra son dos voûté au couple et partit dans la direction opposée à Tricia, déambulant l'allée comme une âme perdue.



Plus tard, alors que les derniers rayons solaires enlaçaient l’horizon avant de céder sa place à la lune et aux étoiles qui danseraient au cœur de la nuit la plus obscure quelques heures plus tard, Mélinda, secondée par Délia Banks, son associée, fut dans sa boutique, aidant à ranger les diverses chaises, tables et meubles prévus pour l’événement annulé. Jim était encore dans le chalet, rangeant des chaises disséminées un peu partout non loin de la cabane en bois.


Soudain, Owen Grace, alarmé, d’une voix brisée, avertit la femme extraordinaire : 

— Madame, votre mari est en danger ! Dépêchez-vous de venir ! Le menteur d’ancien fiancé est très fâché ! Il est dans le chalet avec une arme à feu ! Ses actions sont étranges… et je ne veux pas que quelqu'un soit blessé… et surtout pas vous ! Surtout pas votre mari !

À la perspective des pires scénarios, les yeux de Mélinda s'agrandirent de peur, son cœur battit la chamade, ses mains et ses jambes se mirent à trembler. Elle prit fébrilement le téléphone et appela son mari, certaine qu’il répondrait au cellulaire, mais en vain. Elle tomba sur sa boîte vocale. Son angoisse augmenta encore plus, elle paniqua.

— Jim répond… Jim répond ! cria-t-elle d’une voix aiguë à fendre l’âme. Finalement, rien…

Elle raccrocha et appella immédiatement l’ami inspecteur de son mari, Carl Neely.


L’ambulancier ne pouvait lui répondre, puisque le cellulaire était dans la voiture, alors qu’il rangeait les chaises. Voyant une lueur, Jim s’approcha de la cabine. En entrant, il entendit un bruit étouffé.

— Est-ce qu’il y a quelqu’un ?

Il avança prudemment vers la source lumineuse et nota la silhouette du fiancé avachi sur une chaise, un fusil à la main et de l’autre un verre d’alcool. La bouteille était sagement posée sur la table basse en chêne. La petite pièce empestait le whisky. 

— Robert Langowski, l’interpella calmement l’ambulancier, sachez qu’elle ne reviendra pas… Votre attente est vaine. Retournez chez vous.

Celui-ci sursauta, serra l’arme un peu plus près de son corps, vida d’un trait son verre et affirma d’une voix grave et enrouée : 

— Pourquoi venir me voir ? Jim Clancy ? Je garde espoir… que Tricia reviendra… Il est exact que je suis un menteur, juste un peu… 

Il fixa d’un regard vague le mur et son verre.

— … Mais, demanda-t-il précipitamment, telle une vache poursuivie par un taon infatigable, ne me dites pas que vous croyez qu’un fantôme a attendu toute sa vie pour pourrir la mienne ? Ne me dites pas qu’un fantôme est responsable de l'échec de mon mariage avec Tricia ? Ne me dites pas que Tricia croit en toute cette histoire de revenant ?

— Owen Grace, l’esprit errant qui a semé les indices dans un jeu enfantin, ne fait que protéger Tricia de vous, Robert Langowski. Un homme qui a bâti toute sa vie sur un mensonge. En plus d’être escroc ! … 

Les yeux de l’ancien fiancé lancèrent des éclairs de colère, sa main droite serra nerveusement et encore plus puissamment le manche de l’arme.

Un silence lourd remplissait l'atmosphère entre les deux hommes, chacun s’observant un long moment, aux aguets, prêts à réagir au moindre geste. Jim rompit le silence.

— En un sens, conclut-il, cet esprit errant est plus réel, authentique et véridique que vous ! 

— Malheureusement, vous avez raison, éructa Robert. Je n’ai fait que mentir pour mettre la main sur l’argent… Mais tout mon plan n’aurait pas tombé à l’eau si votre femme ne serait pas intervenu ! Je la hais, comme je vous abhorre ! Vous avez gâché le plus beau jour de ma vie à cause d’un fantôme ! Et vous soutenez inconditionnellement votre épouse !

Il agita l’arme devant Jim et tira sur lui, le ratant de peu et brisant la vitre du miroir derrière l’ambulancier.

Les deux hommes en vinrent au corps à corps, chacun essayant d'arracher l'arme à l'autre.


Lisant Les Métamorphoses d’Ovide pour passer le temps à son bureau, malgré l’heure tardive et sa fatigue qui s’imprimait sur son visage, Carl Neely sursauta en entendant la sonnerie du téléphone. Ce son était tout aussi soudain qu’un coup de tonnerre au milieu d’un ciel clair à ses oreilles. Il souleva le combiné.

— Oui, bonsoir, l’inspecteur Carl Neely à l’appareil, que puis-je faire pour vous ? interrogea-t-il d’un ton sérieux.

— Je suis Mélinda Gordon, la jeune antiquaire de la ville qui vous a demandé une enquête sur Paul Eastman et Thomas Gordon il y a quelques années… Et l’épouse de votre connaissance Jim Clancy…

— Ah ! … Oui, je m’en rappelle, maintenant ! s’exclama-t-il. Et pour quelle raison m'appelez-vous ?

— Je vous sollicite pour que vous veniez avec moi, parce que mon mari, Jim, est en danger ! Seul, non loin de l’ancien fiancé d’une amie aux comportements étranges, je crains le pire ! Quelque chose de dangereux se trame… Et il est armé !

— J’arrive immédiatement ! répondit-il inquiet. Mais, dites-moi l'adresse !

— Le chalet est près du ruisseau Morton, au 1979 rue Jean-de-la-Conquête*.

Chacun raccrocha leur téléphone et roula le plus rapidement possible au chalet. Carl Neely informa des collègues en ces termes : 

— Renfort, soyez prêt au besoin. Je suis sur l’autoroute 5, en direction du ruisseau Morton pour arriver au 1979 rue Jean-de-la-Conquête. Je me rends au chalet où une vie est en danger et un homme armé y est.

— Message reçu, la cinquième unité de patrouille arrivera sous peu.

L’inspecteur mit fin à la communication et accéléra la vitesse de sa voiture et activa les sirènes pour arriver plus rapidement sur les lieux.



Quelques heures plus tard, arrivés près du ruisseau Morton où était le chalet, Mélinda remarqua, dans la petite cabine en bois d’où filtrait la lumière d’une ampoule allumée, deux figures masculines. L’inspecteur fit un signe à la jeune femme de rester en retrait. Il avança à pas de loup derrière l’arbre le plus près et observa les mouvements dans la cabane. Une agitation visible était discernable de l’extérieur. Soudain, un coup de feu détonna, inquiétant au plus haut point l’agent de l’ordre et encore plus la petite brunette. D’un geste, il signifia à la jeune femme de vingt-neuf ans de ne pas bouger de sa position, et il avança silencieusement jusqu’à la porte en bois, collant l’oreille à celle-ci pour évaluer les mouvements à l’intérieur. Constatant un silence, puis des bruits de pas, il l’ouvrit violemment d’un coup de pied, effrayant brièvement les occupants.

Le fiancé et l’ambulancier étaient l’un en face de l’autre, chacun tenant un bout de l’arme, le premier le manche, le second le canon. Brandissant son arme en direction du fiancé, l’inspecteur le somma : 

— Haut les mains ! Lâchez l’arme ! Immédiatement !

Le fiancé, ébahi, tira violemment l’arme vers lui et visa Jim, mais avant qu’il n’appuyât sur la gâchette, Carl, plus rapide, tira sur les pieds de Robert, le forçant à reculer de quelques centimètres, grimaçant à la désagréable sensation d'une balle qui transperçait la peau de son pied gauche. L’inspecteur, d’un coup de coude appliqué, le désarma et le força à se plier sous la douleur. Occasion pour éloigner l’arme de lui. L’agent de l’ordre lui tint les mains derrière le dos, passant les menottes, malgré les véhémentes protestations et agitations de l’ancien fiancé. D’une main, l’inspecteur retint solidement les mains de l'escroc derrière son dos et, de l’autre, il appuya un bouton sur son émetteur-récepteur portatif et ne dit que cinq mots : 

— Renfort immédiat ! Criminel sous contrôle !

— Message reçu !

L’inspecteur éteignit l’appareil et continua à tenir solidement Robert. Jim, lui, étonné, promena son regard de l’arme de l’ancien fiancé à celui-ci. Il s’éloigna de l’endroit à reculons, très prudent.

Le jeune homme aux yeux bleus sortit de la cabine, demeurant devant la porte, oreilles tendues au moindre son. 

Mélinda, qui attendait en retrait à un mètre de la porte de la cabine, tremblante de peur, murmura : 

— Jim ? Est-ce que tu es bien vivant ? En chair et en os ! Qui a fait partir ce coup de feu ?

L’interpellé se retourna, s’avança vers sa femme, traits tendus qui s’attendrirent brièvement, rassuré que rien ne leur soit arrivé.

— Mél, je suis sain et sauf. Robert Langowski est maîtrisé par Carl Neely. Il ne représente aucun danger, ma chère !

Un escadron de la cinquième unité de police arriva sur place, encerclant la porte et les fenêtres. L’un d’eux rentra dans la cabine et procéda à l’arrestation de Robert Langowski. Les autres interrogèrent, sur place, Carl, Jim et Mélinda.



Quelques heures plus tard, alors que la lune brillait au sommet de la voûte céleste, les policiers et Carl Neely laissèrent Jim et Mélinda revenir chez eux. L’antiquaire, en rentrant dans le salon, nota la présence d’Owen Grace. Elle lui demanda, petit sourire au visage, malgré sa fatigue : 

— Owen Grace, est-ce que tu es content que tout se passe bien ? Ton amie ne s’est pas mariée à cet escroc de Robert Langowski et aucun mal n’est arrivé, hormis une vitre brisée ?

Souriant faiblement, il murmura : 

— Oui, je suis tellement ravi que rien de mal ne soit arrivé à votre mari… Je me sentirais tellement coupable ! … Maintenant, je suis très léger et radieux ! Mon amie n’est pas malheureuse en mariage et vous n’êtes pas triste ! 

Rayonnant de bonheur et de joie, l’enfant se tourna à sa droite et s’exclama : 

— Que cette Lumière est merveilleuse ! Mamie et papie m’attendent ! J’arrive !

Mélinda sentit une larme de joie couler silencieusement le long de sa joue, toujours aussi émue au départ d’un esprit errant pour la Lumière.

— Bon voyage, Owen Grace !

Se tournant une dernière fois vers elle, visage illuminé d’une lueur irréelle et douce, il répliqua : 

— Au revoir, Madame !

Et il se dirigea vers la lumière angélique qui l’engouffra gentiment. Quittant définitivement le monde des vivants, il disparut de la vue de Mélinda.

Jim s’approcha de sa femme et constata : 

— Un esprit errant de moins ! Le garçon, Owen Garce, peut partir en paix maintenant !

Il l’enlaça tendrement contre lui.

— Oui, il est parti quelques secondes plus tôt. Je suis tellement ravie que Tricia ne soit pas malheureuse dans son mariage et que tu sois sain et sauf… J’ai tellement eu peur lorsqu’Owen Grace m’a informée de la situation !

Elle versa quelques larmes de tristesse que son mari essuya d’un revers de la main.

— Chhuuut ! Ne sois pas pessimiste ! Aucun mal n’est arrivé ! Le plus important est que nous soyons tous vivants !

Il souleva galamment son épouse pour l’amener dans leur chambre.

— … Nous ferions mieux d’aller dormir, Mél, après une si longue journée !

Elle approuva d’un geste de la tête et le couple s’endormit rapidement.




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* L'adresse est notre invention, mais le nom du ruisseau est mentionné dans la série.

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