Uncaria Tomentosa

Chapitre 1 : Uncaria tomentosa

Chapitre final

3877 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/05/2025 12:50





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Par une journée de décembre 2006, Melinda Gordon, une passeuse d’âmes depuis son enfance et propriétaire d’une boutique d’antiquité depuis quelques années, est derrière le comptoir de sa boutique. Elle attend qu’un client ou un esprit fasse irruption.


Tout à coup, sans aucun avertissement, voilà un esprit qui se manifeste près de la porte d’entrée du local. Intriguée, l’antiquaire le détaille : un homme vers la trentaine, au visage pâle, les yeux bruns, vêtu d’une chemise et de pantalon beiges. Sur sa tête, un chapeau de la même couleur. À ses pieds, des souliers de randonnée beige foncé.

L’esprit, remarquant que la jeune brunette l’a vu, balbutie : 

– Madame, vous me voyez ?

Elle répond d’une voix douce : 

– Oui, en raison d’un don particulier qui fait en sorte que je vous vois… À la différence des autres…

Il murmure : 

– Merci de votre explication…

L’entité fait une courte pause et se rapproche de Melinda, qui le suit du regard. 

Elle s’éclaircit la gorge puis demande d’une voix chaleureuse : 

– Monsieur, quel est votre nom ?

– Martin Schaer, professeur d’Anthropologie à l’Université Rockland et chercheur depuis une dizaine d’années. Je suis un spécialiste de l’ethnobotanique, avec deux doctorats, l’un en Anthropologie et l’autre en Biologie végétale.

– Merci, Monsieur le professeur de votre réponse complète…

La jeune femme extraordinaire fait une courte pause puis reprend : 

– Monsieur, pourquoi restez-vous encore parmi les vivants ?

Lueur d’étonnement dans ses yeux bruns fatigués, Martin s’exclame : 

– Vous osez insinuer que je suis défunt ?

Les yeux écarquillés devant la réaction de son interlocuteur, Melinda affirme d’un ton assuré : – Pourtant, c’est votre état. Vous devez vous rendre à l’évidence. C’est un fait, un point c’est tout. Ne vous êtes-vous jamais posé la question pourquoi les autres gens ne vous voient pas ?

D’un ton arrogant, l’esprit errant réplique, en la regardant d’un air hautain : 

– Non ! Je ne me suis jamais posé cette question !

La passeuse d’âmes soupire.

Au moins, il vaut mieux tard que jamais la poser…

Ignorant les pensées de son interlocutrice, l’esprit murmure d’une voix songeuse : 

– Je dois retrouver l’Uncaria tomentosa

Melinda, perplexe, les sourcils levés, la bouche en o, l’invite d’un geste de la main à continuer. 

Pouvez-vous dire le nom usuel de l’animal ou de la plante ? Je ne sais pas le latin !

Martin Schaer, au lieu de répondre à sa question, s’évapore dans les airs jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement de sa vue.

La brunette, en fixant pendant quelques secondes la direction vers laquelle l’esprit s’est trouvé auparavant, soupire.

Je devrais demander au professeur Richard Payne… peut-être qu’il pourra m’aider...

Contente de son idée, elle téléphone à son ami universitaire, qu’elle a rencontré il y a un an pour élucider l’identité d’un esprit errant. Celui-ci, un spécialiste de l’Anthropologie des sciences occultes, est seul à son bureau. Il a son moment de disponibilité pour répondre aux questions de ses étudiants à l’extérieur des heures des cours. Pour passer le temps, il relit pour énième fois ses feuilles de notes de lecture d’un livre qu’il a terminé de lire la veille.

Le professeur soulève le combiné, étonné de l’appel : 

– Madame Gordon !

L’interpellée réplique : 

– Monsieur le professeur Payne ! Simplement parce que je voudrais savoir ce qu’est le unariato… je-ne-sais quoi…

Son interlocuteur fronce des sourcils.

Sans doute que Melinda essaie de me rendre un terme en latin… Visiblement, elle ne connaît pas cette langue…

Derrière le professeur d'Anthropologie des sciences occultes, l’esprit errant qu’est devenu Martin Schaer le regarde, immobile. À cette pensée de son collègue, il décide de l’influencer, le forçant à dire au téléphone : 

– Voulez-vous dire l’Uncaria tomentosa ?

La femme réplique : 

– Oui, quelque chose de la sorte…

Étonné, Richard, qui n’a pas du tout conscience de ce qu’il a dit, fronce des sourcils, perplexe. Par contre, seul le mot Uncaria tomentosa lui résonne dans sa tête, comme s’il était important et qu’il ne devait point oublier.

Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Je dois informer Melinda au sujet de l’Uncaria tomentosa… Il me semble avoir déjà lu ce nom scientifique dans un livre…

Il dit au téléphone d’un ton sérieux pour cacher sa perplexité : 

– Je vous reviens au plus vite… Laissez-moi le temps de consulter quelques livres et le tour est joué…

Melinda, émue de son aide : 

– Merci d’avance ! J’attendrai les résultats…

Comme si j’avais le choix ?

Et chacun décroche son combiné respectif.


La passeuse d’âme revient derrière la caisse de sa boutique, tandis que le professeur cherche parmi les livres de son imposante bibliothèque dans son bureau à l'Université Rockland, où il se trouve en ce moment. Son bureau est plutôt sobre, avec ses murs de couleur beige et ses meubles – deux tables et des chaises – en bois. Heureusement qu’une fenêtre permet à quelques rayons timides du soleil d’éclairer la pièce, la rendant moins austère. Il s’est habitué, depuis des années qu’il occupe le bureau. Richard Payne repère quelques livres, s’assied sur la chaise derrière son bureau, feuillette les livres, lit attentivement certaines pages et prend des notes sur une feuille lignée qu’il sort du tiroir de son bureau. 



Trois heures plus tard, le professeur remet les livres à leur place sur les étagères et téléphone en retour au numéro de la boutique de son amie.

Cette dernière soulève le combiné : 

– Monsieur le professeur !

Il la salue en ces termes : 

– Bonjour, Madame Gordon !

Il fait une courte pause puis reprend d’un ton assuré : 

– Pour vous dire que j’ai trouvé ce qui vous intéresse, à savoir l’Uncaria tomentosa

Melinda l’interrompt d’un air affable : 

– Merci, Monsieur, de votre aide…

– Il n’y a de quoi… Mais je trouve bizarre que vous vous intéressiez à une plante médicinale dont vous ne parvenez pas à prononcer le nom scientifique…

Melinda se demande si elle avouera enfin son don à son ami universitaire. Jusqu’à maintenant, elle s’est arrangée pour le camoufler d’une manière ou d’une autre, avec la complicité de son époux, Jim Clancy.

Je n’ai pas le choix. Je dois lui dire au sujet de mon don qui est aussi, dirai-je, une malédiction…

Elle inspire profondément et affirme d’un air sérieux : 

– Il est vrai que je ne sais rien du latin… Mais j’ai entendu ce nom de la part d’un esprit errant, le professeur Martin Schaer…

Les sourcils levés, son interlocuteur intervient : 

– Êtes-vous sérieuse ? 

– Oui… 

Elle cligne des yeux pour se ressaisir.

Va-t-il me croire ?

Melinda poursuit d’un ton sérieux : 

– Je vous explique… J’ai un don, depuis mon enfance, celui de voir les esprits errants. Car je suis une passeuse d’âmes et je dois les aider à quitter le monde des vivants, où elles demeurent pour une raison ou une autre. Pour ce faire, je dois comprendre leur histoire et accomplir leur dernière volonté, ou du moins, communiquer leur dernier message à leurs proches… 

Son interlocuteur commente : 

– Très intéressant, Madame Gordon… N’avez-vous pas pensé d’essayer de comprendre votre don d’un point de vue scientifique…

Melinda proteste :

 – Pour être honnête, je n’ai jamais pensé !

– C’est correct…

Le professeur s’éclaircit la gorge puis ajoute : 

– Dans tous les cas, cela explique comment vous avez entendu le nom scientifique de la liane du Pérou…

– C’est la plante que Martin Schaer veut retrouver…

– Très bien !

Perplexe, la brunette demande, en faisant par automatisme un geste de la main : – C’est-à-dire ?

– Vous ignorez que Martin Schaer était un professeur au département d’Anthropologie de l’Université Rockland ?

– Je l’ignore en effet, mais l’esprit errant s’est présenté, de sorte que je sais seulement qu’il a deux doctorats en je ne sais quelles disciplines…

Richard la corrige : 

– Il avait un doctorat en Anthropologie et un autre en Biologie végétale…

– Oui, c’est ça…

– Je sais que mon défunt collègue est mort en mai 1993, au cours d’une expédition au Pérou… Cette expédition était bien sûr financée par notre département conjointement avec le département d’Anthropologie de l’Université d’Ottawa, si je me souviens bien… Il était le chef du projet de recherche sur les propriétés de la liane du Pérou, dans la forêt amazonienne. Évidemment, il avait une assistante, la Docteur Penn Gorgan, qui est maintenant professeur régulier au Département… Mais que je revienne à l’expédition de 1993… Martin s'intéressait plus particulièrement aux vertus curatives de cette plante…

Richard s’interrompt pendant quelques secondes et demande à son interlocutrice si elle l’écoute. Comme elle répond affirmativement, il poursuit ses explications : 

– D’ailleurs, j’ai fait une recherche sur la liane du Pérou…

Il jette un coup d’œil rapide sur sa feuille puis continue : 

– Elle est une plante à fleurs de la famille des Rubiaceae. Elle est surnommée Uña de Gato, en espagnol, Cat’s Claw en anglais, la Griffe du chat en français, en raison des petites stipules en forme de griffe sur la base de ses feuilles… 

Melinda fait une moue. 

Encore monsieur avec ses connaissances des langues !

Son interlocuteur continue : 

– Elle pousse sur des arbres d’une hauteur de vingt à quarante mètres… Elle est utilisée par les populations indigènes pour soigner les troubles gastro-intestinaux et articulaires, en plus de soulager les femmes après l’accouchement. La Griffe de chat est également utilisée par la médecine moderne, pour traiter la dengue…

Melinda remarque que l’esprit errant qu’est devenu Martin Schaer vient d’apparaître en face d’elle à ce moment précis. Intriguée, la brunette le fixe, faisant un geste rotatif de sa main.

Il murmure : 

– J’ai contracté la dengue… Je veux en être guéri… Je ne veux plus souffrir…

La passeuse d’âmes commente au téléphone : – C’était la maladie sans doute de laquelle était mort le professeur Martin Schaer…

Elle pense que c'est pourquoi Monsieur Schaer veut retrouver la plante du Pérou… Pour se soigner…

Richard soupire et demande d’un ton un peu froissé : 

– Oui, c’était ce que certifie l’avis de décès, si ma mémoire ne me trompe pas… 

Le professeur d’Anthropologie des sciences occultes s’exclame d’un ton légèrement courroucé : 

– Madame Gordon, est-ce que vous m’écoutez ?

L’interpellée murmure d’une petite voix : 

– Oui… Désolé de vous avoir coupé la parole, mais Martin Schaer est apparu devant moi et a dit qu’il avait contracté cette maladie…

Il réplique d’un ton bourru : 

– D’accord, je comprends bien…

Je peux comprendre que pour Melinda, il est plus intéressant d’écouter un esprit errant qu’un vivant qui l’informe au sujet d’une plante susceptible de l’intéresser pour aider je ne sais comment l’esprit… Mais quand même !

Il fait une courte pause, le temps de rassembler ses idées et poursuit : 

– La liane du Pérou, à ce que je disais, est efficace pour traiter la dengue, mais aussi la fièvre jaune, l’ebola, les rhumatismes, les cancers et autres maladies dégénératives. Cependant, elle est contre-indiquée aux femmes enceintes ou allaitantes, en raison des propriétés abortives. Et les patients souffrant de maladies auto-immunes, telles la sclérose en plaques ou le lupus, et de tension artérielle doivent faire preuve de prudence s’ils décident d’intégrer dans leurs traitements la Griffe de chat. De même, il est déconseillé aux enfants de moins de trois ans d’en consommer…

Il fait une courte pause, le temps de se retrouver dans ses notes, puis reprend : 

– Aussi, la plante a été l’objet de plusieurs recherches universitaires… Mais c’est à notre Département – celui d’Anthropologie – que revient le mérite d’être le pionnier… D’ailleurs, vous devez savoir que Martin Schaer était à la tête de ces différentes expéditions… Depuis sa mort, son assistante, Penn Grogan, a pris la relève et elle jouit d’une renommée internationale, si je peux me permettre de le dire…

Melinda murmure : 

– Toutes mes félicitations !

– C’est le monde universitaire… C’est ce qui arrive aux professeurs chercheurs… De plus, elle enseigne à l’Université…

Melinda, étonnée, pense, en fronçant les sourcils.

Comment parvient-elle à faire toutes ces tâches ? Mystère… Moi, entre ma boutique, les cas d’esprits à régler et l’entretien de la maison, je dois toujours oublier quelque chose… Et je ne trouve pas le temps de tout faire… Heureusement que Jim fait la cuisine… 

Richard continue : 

– Et c’est tout ce que je voulais vous dire, Madame Gordon… Avez-vous d’autres questions ?

À ce moment-là, Martin Schaer apparaît devant elle, la faisant sursauter malgré elle. 

L’esprit murmure d’une voix songeuse : 

– Le plus triste dans toute cette histoire, c’est de ne pas être parvenu à trouver la liane du Pérou… Malade comme je l’étais, j’avais perdu l’équilibre en grimpant un arbre… De plus, au retour de cette expédition, Penn et moi avions prévu de se marier… 

Melinda, les yeux larmoyants à la pensée d’un couple séparé par la mort, répète les paroles de Martin au téléphone d’une voix tremblante : 

– Voilà… votre défunt collègue… qui a dit qu’il… n’était pas parvenu à… trouver la plante qu’il cherchait… Car il était tombé du haut d’un arbre en grimpant…

Elle termine d’une voix brisée : 

– En plus… de ne pas pouvoir… marier Penn Grogan… au retour de l’expédition…

L’esprit errant du défunt professeur sort de la boutique en passant à travers la porte.

Richard Payne, étonné de savoir ce détail, réplique : 

– En effet, c’est très triste… Mais merci de m’en informer…

Il continue d’une voix songeuse : 

– En parlant de Penn Grogan, je vous suggère d’aller la voir cet après-midi… Je sais qu’elle a une conférence sur l’efficacité médicale de la liane du Pérou… Que voulez-vous, Madame Gordon, les recherches avancent avec le temps, et nous en savons davantage sur cette plante… Donc, si vous voulez vraiment, comme vous l’affirmez, aider mon défunt collègue Martin…

Melinda le corrige : 

– Pour l’aider à partir dans la Lumière, lieu où vont les âmes après la fin d’une vie… 

– C’est l’Au-delà ?

– Oui…

Le professeur Payne s’éclaircit la gorge puis enchaîne d’un ton sérieux : 

– Comme vous voulez aider l’esprit errant qu’est devenu mon collègue, je vous propose de rencontrer Penn Grogan, afin de parvenir à le convaincre…

Melinda termine sa phrase : 

– De ne plus hanter le monde des vivants… Oui, j’accepte !

Il s’exclame d’un air enjouée, les yeux pétillants de joie : 

– Très bien ! Je vous attendrai à mon bureau ! À tout à l’heure !

– À bientôt !

Chacun raccroche son téléphone et la passeuse d’âmes se dépêche de se rendre au bureau de son ami universitaire. Celui-ci l’invite à le suivre et ils se rendent à la salle de conférence où se trouvait Penn Grogan. Cette dernière est une femme vers la trentaine, sobrement vêtue, qui parle avec un anglais très clair. Elle vient de terminer sa conférence. Plus personne n’est dans la salle, le rétroprojecteur est éteint ; la conférencière s'apprête visiblement à quitter elle aussi. Melinda remarque que l’esprit errant qu’est Martin Schaer vient d’apparaître à la droite de la professeur.

Lorsque Richard et son amie entrent dans la salle, Penn salue Richard, qui la salue en retour. Ensuite, il lui présente Melinda. Cette dernière précise aussitôt au sujet de son don et demande sa collaboration pour aider Martin Schaer à partir dans la Lumière.

L’ancienne associée de Martin dévisage l’antiquaire d’un air bizarre.

D’où elle vient, cette Melinda Gordon ? Elle affirme communiquer avec les esprits errants… Est-elle toquée ? Ne serait-elle pas plutôt un charlatan ?

Elle murmure, moue sceptique au visage : 

– Êtes-vous sérieuse lorsque vous affirmez que Martin… veut une branche de la liane du Pérou ?

Melinda répond d’un mouvement de tête affirmatif.

Penn réplique : 

– En tous cas, j’ai peine à vous croire… Mais même si c’est vrai ce que vous me dites…

Elle continue d’un ton courroucé, en agitant ses bras d’impatience : 

– … vous n’imaginez quand même pas que je vais faire un voyage au Pérou, pour seulement ramener une fleur de la Griffe de chat sur la…

La professeur termine sa phrase d’une voix brisée : 

– sur la tombe… de Martin… Ou la mettre… dans un vase dans mon bureau…

L’antiquaire soupire. 

L’esprit errant, à la droite de Penn, regarde cette dernière amoureusement. 

Il murmure : 

– Ma chérie, s’il te plaît, ne veux-tu pas au moins laisser une fleur de l’Uncaria tomentosa sur ma tombe ?

Melinda, émue de l’amour d’outre-tombe, rapporte les propos du revenant puis ajoute d’une voix suppliante : 

– S’il vous plaît, Madame Penn Grogan, c’est tout à fait sérieux… Le salut de Martin Schaer est entre vos mains… Ce n’est rien de compliqué…

L’interpellée réplique d’un ton sec : 

– Vous semblez oublier qu’il est interdit de transporter des plantes et des animaux dans ses bagages…

En regardant la femme extraordinaire avec dédain, Penn pense Apparemment, Madame Gordon n’a pas voyagé… À croire qu’elle n’a pas quitté Grandview…

Richard intervient : 

– S’il te plaît, Penn, ne sois pas si dure avec mon amie… Par contre, tu pourrais toujours déposer sur la tombe de Martin une photographie de l’Uncaria tomentosa… Selon les croyances primitives, une photographie rend présent ce qui est sur elle… En tout cas, je pense que ce substitut serait une bonne idée, si Martin l’accepte…

Le professeur se tourne vers la passeuse d’âmes, en la fixant avec insistance, dans l’espoir d’avoir une réponse positive. Penn, perplexe, promène son regard de son collègue à Melinda et inversement, en se demandant où ils veulent en venir. L’antiquaire, elle, fixe l’esprit errant, qui regarde amoureusement sa bien-aimée. 

Il demeure pensif pendant quelques minutes, qui semblaient être une éternité pour les trois vivants, avant de murmurer d’une voix songeuse : 

– Richard, j’accepte ta proposition… Seulement, je n’y avais pas pensé… Cependant, j’aurais préféré avoir une vraie plante sur ma tombe !

La passeuse d’âmes résume les propos de l’entité aux autres vivants. Richard affiche un sourire, les yeux brillant d’une joie quasi enfantine ; Penn ne parvient pas à cacher sa méfiance et son scepticisme.

Melinda, exaspérée, joint ses mains devant sa poitrine en un geste de supplication, et s’exclame : 

– Pourtant, Madame Grogan, ce n’est pas un problème de placer une photographie de la plante !

L’interpellée se renfrogne et réplique : 

– Et quoi encore ? Vous voulez me rappeler notre dernière expédition commune… Sans mentionner le coût d’une telle demande ! Placer une photographie sur une tombe est très cher, puisqu’elle doit être protégée contre les intempéries et les rayons solaires…

La professeur soupire, les épaules affaissées.

Martin la regarde d’un air triste et murmure : 

– Puisque tu me fais de la peine, je ne peux pas partir…

Melinda fronce des sourcils, contrariée, en laissant tomber mollement ses bras.

Zut ! Un esprit qui ne partira pas dans la Lumière !

En regardant le revenant d’un air suppliant, la femme extraordinaire murmure : 

– S’il vous plaît ! Ne vous est-il pas été suffisant de savoir que votre ancienne assistante à continuer vos recherches ?

Il répond d’un air sérieux : 

– Non ! Je veux l’Uncaria tomentosa au lieu où repose mon cadavre, un point c’est tout !

Et Martin Schaer, avant que Melinda puisse dire quoi que ce soit, s’évapore dans les airs jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement de sa vue.

Elle soupire, exaspérée. 

Devant les regards intrigués que lui jettent les deux universitaires, elle leur résume brièvement sa conversation avec l’esprit errant, en soulignant que celui-ci n’est pas parti dans la Lumière, puisque sa dernière volonté n’a pas été réalisée.


Après avoir échangé les formules de politesse, Melinda et Richard sortent de la salle de conférence, déçus de la réaction de leur interlocutrice. Dans le corridor, les deux amis se quittent. Le professeur revient à son bureau, la passeuse d’âmes dans sa boutique d’antiquités. Chemin faisant, perdue dans ses pensées, elle se dit à elle-même que ce doit être triste que de ne pas obtenir ce que l’on veut vivant et défunt.



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