Graphomane Solitaire, « Un monde à l’envers », traduction du russe

Chapitre 1 : Arrivée surprise d’un vieil ami

1640 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/07/2025 16:12

Melinda Gordon sursauta et ouvrit les yeux. La sonnette qui retentit soudainement la tira de son demi-sommeil. La jeune femme était endormie sur le canapé, enveloppée dans une couverture chaude. Le livre qu'elle tenait dans les mains glissa et tomba sur le sol. Melinda frissonna et bâilla. La maison était plongée dans la pénombre. Dans le salon, seule une veilleuse brillait sur la table basse.


 La jeune femme se leva lentement, toujours enveloppée dans sa couverture, et se dirigea vers la porte d'entrée. Il était presque minuit et il pleuvait dehors. Qui pouvait bien se présenter à une heure aussi tardive ? Elle entrouvrit prudemment la porte. La lumière du réverbère l'éblouit et, après avoir cligné des yeux, elle croisa des yeux verts(1) familiers.

— Rick ?, Melinda poussa un soupir de surprise. En une seconde, son visage refléta mille émotions différentes.

— Je ne deviendrai donc jamais riche. — Pourquoi es-tu encore debout à cette heure tardive ?

entendit-elle en réponse, sur un ton moqueur habituel et familier.


Le professeur Payne entra sans autre cérémonie dans la maison entièrement trempé jusqu'à la mœlle des os, refermant son parapluie. Des gouttes de pluie coulaient sur son imperméable couleur café et ses cheveux roux(1) étaient légèrement ébouriffés. En un an d'absence, Rick avait beaucoup changé. Il avait mûri, ses épaules s'étaient élargies et son regard avait pris une expression sérieuse et pensive. Et, bon sang, Payne s'était laissé pousser une barbe !


— Rick..., répéta Melinda, le sourire heureux qui ornait ses lèvres se flétrit et elle ressentit une douleur au cœur et une boule dans la gorge.

Rick faisait partie de sa vie passée. Il lui rappelait vivement l'époque où Jim était à ses côtés. Quand ils étaient ensemble. Quand ils étaient heureux.

Emportée par l'émotion, Melinda se blottit contre le professeur et se mit à pleurer sur sa poitrine. Étaient-ce des larmes de joie ou d'amertume ? La couverture glissa de ses épaules et tomba sur le sol. Le manteau trempé de Payne lui procurait une désagréable sensation de froid.

— Je suis désolé de ne pas t'avoir prévenue, dit-il d'un ton coupable.

— Je suis contente que tu sois de retour, répondit simplement Melinda.


Une demi-heure plus tard, Melinda retira la bouilloire du feu et prépara du thé dont l'arôme se répandit immédiatement dans toute la maison. Le manteau et le parapluie du professeur séchaient dans le coin, près de la cheminée. Après avoir versé le thé parfumé dans des tasses et servi des biscuits à la vanille, Melinda se dirigea vers le salon avec un plateau. Le professeur Payne s'installa sur le canapé et, sans cesser de parler, raconta ses aventures.

Melinda souriait, mais n'écoutait pas vraiment ses récits. Elle était simplement heureuse de voir son vieil ami lui rendre visite. Après avoir posé le plateau sur la table, elle s'enveloppa à nouveau dans une couverture, et se blottit sur le canapé. Ces derniers temps, Melinda avait toujours froid.

Le professeur finit par se taire, prit une tasse et but une gorgée de thé. En regardant Melinda, il comprit qu'elle ne l'écoutait pas du tout. Elle était complètement plongée dans ses pensées.


— Comment vas-tu ?, demanda-t-il prudemment.

Rick observait attentivement son amie de longue date. Elle n'avait pratiquement pas changé depuis leur séparation, si ce n'est qu'elle avait beaucoup maigri. Le stress qu'elle avait subi semblait avoir laissé des traces, mais ses longs cheveux bruns tombaient toujours de manière  séduisante sur ses épaules et sa petite tache de beauté était toujours là, sur sa joue. Seuls ses yeux noisette avaient perdu leur éclat habituel.

Melinda soupira, sortant de sa légère torpeur.

— Ça va maintenant, dit-elle en repliant les jambes.

Elle posa le menton sur ses genoux et regarda dans le vide. 

— Pourquoi as-tu laissé pousser la barbe ?

— Hum, comment te dire… Pour avoir l'air plus respectable. Je suis professeur, après tout, dit Rick en fronçant ostensiblement les sourcils pour se donner un air plus sévère. 

Mais Melinda ne put s'empêcher de rire.

— Ça ne te va pas du tout, dit Melinda en souriant.

— D'accord. Je tiendrai compte de ton avis.


Payne réfléchit un instant, essayant de rassembler ses pensées.

— Jim… finit-il par prononcer le nom qu'il avait redouté d’articuler toute la soirée. Il voulait aborder le sujet principal, mais craignait la réaction de Melinda, ne voulant pas lui faire mal.

Il énonça ce nom avec précaution, tout en observant attentivement l’expression des émotions sur le visage de la jeune femme. À l'évocation du prénom de son défunt mari, Melinda le regarda dans les yeux et serra les lèvres.

— Il est parti ?, demanda Payne.

— Je ne sais pas, répondit-elle. 

Melinda poussa un nouveau soupir profond. Rick resta silencieux, attendant la suite.

— Jim a longtemps refusé de partir après sa mort, commença Melinda. Il revenait sans cesse, ne voulant pas aller vers la lumière. Je lui ai demandé de quitter ce monde. Cela nous a amenés à nous disputer. Il y a quelques mois, nous avons eu une violente altercation. Il a disparu pour ne jamais revenir. Je ne sais pas où il est ni ce qui lui est arrivé.

Melinda se tut, rassemblant ses pensées. Rick l'écoutait attentivement.

— Je ne sais pas où est Jim ni ce qui lui est arrivé, répéta-t-elle, les larmes lui montant aux yeux.

— Bon, calme-toi.

Rick cherchait fébrilement une solution à cette situation.

— Et Eli ? Il entend Jim ?

Melinda secoua la tête. Elle se leva et se mit à faire les cent pas dans le salon, tentant de calmer ses émotions.

— Cela fait huit mois qu'il est mort. Je ne vois pas Jim, ni d’autres fantômes, mais cela n'a pas d'importance. Parce que moi, je ne le vois pas lui, Rick. Tu comprends ? Cela me tue. Je ne peux plus continuer ainsi.

Rick se leva et s'approcha de Melinda. Il la prit dans ses bras et lui caressa la tête. Melinda se blottit contre lui, humant son parfum familier.

— Ça passera, murmura-t-il. Ce n'est pas pour toujours.

Melinda sourit amèrement. Elle aurait tellement voulu croire ces mots.


Cette nuit-là, le professeur Payne la passa chez Melinda. Elle lui apporta la literie dans le salon. Dès que sa tête toucha l'oreiller moelleux, il s'endormit. Le professeur était arrivé à Grandview tôt le matin et avait passé toute la journée à l'université. En fin de journée, il était épuisé, mais il ne pouvait s'empêcher de rendre visite à son amie de longue date. Il ne passa même pas chez lui pour défaire ses valises. Rick n'apprit pas immédiatement la mort de Jim. Il ne put assister à ses funérailles, mais il réussit à écourter son voyage d'études.


Melinda se sentait mieux que d'habitude. Avec le retour de Rick, le calme et la sérénité étaient revenus dans son âme. Pour la première fois depuis la mort de Jim, elle se sentait en paix dans sa maison. Elle monta dans la chambre qu'elle partageait avec Jim, au deuxième étage. D'habitude, elle dormait dans le salon, en bas. Ces derniers temps, le sommeil de la jeune femme était agité et difficile. Elle devait souvent prendre des somnifères pour parvenir à dormir normalement.



Le lendemain matin, Melinda se réveilla plus tôt que d'habitude. Elle s'étira langoureusement dans son lit chaud, puis regarda par la fenêtre. La pluie avait cessé au petit matin. Le soleil brillait derrière la fenêtre. La première pensée de Melinda fut pour le professeur Payne qui avait passé la nuit chez elle.

— Je me demande ce qu'il fait en bas, en ce moment ?


Après avoir retiré la couverture, Melinda se rendit dans la salle de bains. Elle prit rapidement une douche, se brossa les dents, puis enfila un peignoir. En descendant, elle entendit du bruit provenant de la cuisine. Les arômes appétissants d'un petit-déjeuner fraîchement préparé parfumaient toute la maison, provoquant des gargouillements dans l'estomac de Melinda. Rick était-il en train de cuisiner ?


En entrant dans la cuisine, Melinda resta figée, perplexe. Payne s'affairait habilement devant la cuisinière et, en voyant la maîtresse de maison, lui sourit d'un air contrit.

— Tu ne m'en voudras pas trop si j’agis à ma guise dans ta cuisine ?

Melinda lui sourit amicalement, puis s'assit à table.

— Non, pas du tout. Je suis même contente de ne pas avoir à préparer le petit-déjeuner moi-même.

— Si tu as besoin des services d'un cuisinier, appelle-moi.



Il éteignit la cuisinière, puis déposa deux assiettes contenant des œufs au plat et du bacon sur la table. Il retira la bouilloire du feu et servit du café à Melinda.

— Rick, merci beaucoup ! Vraiment !

La jeune femme regarda son ami avec gratitude.

— Ce n'est rien. Tu me remercieras quand nous aurons trouvé quoi faire pour Jim et tes fantômes.

Melinda le regarda d'un air interrogatif.

— Oh ! Tu ne pensais pas que j'allais laisser les choses en l'état ?

— Mais comment peux-tu m'aider ?

— On va voir ça. Allez, mange ! Tu dois bientôt ouvrir ton magasin.



Melinda jeta un coup d'œil à l'horloge murale. Il était vrai qu'il fallait se dépêcher.





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Note du traducteur

(1)Richard Payne a des yeux bleus et des cheveux blonds/bruns clairs, mais le texte original mentionne la couleur verte pour les yeux et la couleur rousse pour les cheveux.

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