Vortex of dust in the sky, «Je te donnerai la mer, tu m’entends?», traduction
Chapitre 1 : Je te donnerai la mer, tu m'entends ?
1888 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 08/10/2025 16:47
Rick a des centaines de raisons de ne pas chercher une nouvelle relation. Tous ces rendez-vous, ces bouquets, ces chocolats, ce champagne, ces regards significatifs, ces promesses de ne pas aller plus loin que le porche et ces « cafés » dans la chambre... C'est mesquin et stupide, alors que Melinda Gordon est morte deux fois sous ses yeux et qu'il est resté cloué sur place. Parce que, bon sang, seul un mari peut sauver sa femme, surtout si on tient compte de la profession et de la vocation de ce dernier, et Jim l'a sauvée, l'a sortie des décombres, a embrassé son visage en larmes... Rick souriait alors comme un idiot, puis il a soudain regardé Delia. Elle souriait, mais pas aussi franchement et joyeusement que lui. Et Rick s'est dit qu'eux, les amis de cette famille, ne seraient toujours que la toile de fond de leur relation idyllique, une sorte de mobilier familier et confortable, ne nécessitant pas plus d'attention. Delia le savait, mais sa solitude était différente de celle de Rick. Au fond d'elle-même, elle ne voulait pas briser ce couple idéal. Elle ne passait pas ses journées et ses nuits à penser à ce qui n'arriverait jamais. Elle se languissait de son mari, c'est tout. Mais son mari était mort, et Melinda avait survécu, malgré les hordes de fantômes, son frère et son père qui tramaient quelque chose de pernicieux, le crash aérien à Grandview et ses conséquences.
Rick ne sait pas pourquoi il suit Claudia, s'imposant ouvertement à elle avec son bavardage insignifiant et futile. Mais Claudia lui donne une nouvelle piste, et il oublie complètement qu'il avait prévu un rendez-vous : il peut aller chez Melinda et lui montrer les photos sur lesquelles la professeure n'apparaît pas, c'est tellement étrange et effrayant que cela correspond parfaitement à Gordon. Peu importe l'heure, c'est très important, et quand se sont-ils souciés qu'il fasse nuit ou jour dehors, s'il y avait un fantôme rôdant dans les parages ? Sur le chemin, Rick se dit que, bien sûr, l'absence d'une personne sur les photos avec elle est très étrange, mais il a déjà vu quelque chose de similaire récemment. Peut-être sur les photos de la fête où figuraient Jim, Melinda, Delia et lui-même, le professeur Payne, malgré son sourire et sa silhouette assez imposante, on ne le voyait toujours pas, comme s'il était devenu un meuble, une sorte de vieux fauteuil ou même un ordinateur capricieux et défectueux sans raison. Rick se recroqueville : pourquoi se sent-il toujours ridicule à côté de Jim, si sûr de lui et si fort, et de Melinda, si belle et si fragile ?
Une lumière tamisée brille dans la maison. Ce n'est peut-être pas le meilleur moment — qui sait ce qu'ils peuvent faire seuls... Les suppositions de Rick sont justes : Jim ouvre la porte en t-shirt et en jean, l'air très détendu — tellement détendu qu'il laisse entrer l'invité inattendu dans la maison, même s'il n'était pas obligé de le faire. Melinda est assise sur le canapé, recouverte d'un plaid, presque nue. Cette fois, Rick n'est pas ivre, mais il remarque avec surprise une lueur d’étrange provocation dans son regard. Sans se laisser perturber par l'atmosphère romantique, voire intime — du vin cher et des bougies sur la table, et les propriétaires aspirants à se détendre — Rick s'assoit comme par hasard entre eux et continue à pérorer sur son rendez-vous raté.
Plus tard, Jim regarde les photos et leur montre les contours qui apparaissent, probablement ceux du fantôme, tandis que Melinda, ayant revêtue d'un peignoir, continue de contempler l'invité d'un air étrange. Et Rick se dit : et si... Mais cette pensée est aussi absurde que le fait que Jim lui tende un sandwich sans même lui demander s'il en veut, comme si c'était tout à fait normal qu'un autre homme débarque chez lui et ne puisse détacher son regard de sa femme, et que la médium échafaude des explications plausibles (elle n'y arrive pas du premier coup, c'est un fait).
Le lendemain, Rick emmène Melinda chez Claudia, et la professeure leur raconte avec passion son histoire d'amour avec un élève décédé dans un accident de voiture. Bien sûr, Rick ne peut s'empêcher d'éprouver de la rancœur, et il lui semble que cette fois-ci, la médium le regarde en se gaussant de lui.
Bien évidemment, c'est lui le perdant. Comment a-t-il pu concevoir qu'une femme aussi brillante que Claudia voudrait sortir avec lui ? Et de toute façon, même un photographe médiocre avec un joli minois est bien plus séduisant que lui, un vieux fauteuil défraîchi.
***
Melinda tente une nouvelle fois d'assembler les pièces du puzzle, mais tout vole en éclats. Ce n'est pas une véritable explosion, cela ressemble davantage à un enfant qui vient d'assembler un puzzle et qui le détruit aussitôt. Mais ce n'est pas un enfant, c'est Jim.
Melinda ne comprend pas elle-même pourquoi sa proposition de déménager dans le Michigan, où se trouve une école de médecine qu’il a apparemment toujours rêvé d'étudier, l'effraie autant. Oui, il y a la boutique d'antiquités, mais ce n'est pas grave, ils peuvent la vendre ou la laisser à Delia qui ne déménagera certainement pas. Ce sont les paroles de Jim au sujet de son don qui l'inquiètent davantage. Il veut quitter Grandview non seulement pour faire ses études de médecine, mais aussi pour se débarrasser de la horde de fantômes, de Delia et de la boutique qui lui rappellent tous ces cauchemars, de Rick Payne qui débarque chez eux dès qu'il découvre une nouvelle histoire mystique... Melinda a besoin de conseils, elle en parle à Delia et discerne une tristesse dans son regard, malgré ses déclarations répétées que tout va bien.
Melinda ne sait pas comment parler de ce départ éventuel à Rick. Pas après ses étreintes, son comportement en état d’ébriété et sa remarque étrange à propos de sa robe : laquelle serait si belle qu'elle pourrait niveler les émotions négatives, nourriture des mauvais esprits. Pas après qu'il ait écouté ses plaintes et ses énigmes interminables et supporté les conséquences de l'histoire avec l'idole péruvienne. Pas après avoir vu le bonheur paisible de Rick lorsqu’elle a émergé de la ville souterraine. Pas après la liaison de Claudia avec son élève. Pas après…
On ne peut pas dire que Rick soit seulement un ami, estime Melinda. Il semble vouloir lui aussi fuir Grandview et avait prévu des vacances au Pérou, mais il est très difficile de lui en parler. Melinda voit dans le bureau de Claudia des photos assemblées en un grand collage représentant des amants à demi nus. Elle ne sait pas ce qu'elle verrait si elle assemblait de la même manière les photos de sa vie avec Jim, mais elle est certaine qu'elle le suivrait au bout du monde s'il y avait une école de médecine là-bas. Oui, Rick râlera un peu contre ses étudiants, puis sa vie continuera comme avant, c'est un adulte et il ne s’opposera à rien.
Même si, parfois, au fond de son cœur, Melinda aimerait beaucoup qu'il s'y oppose.
Elle a vu les images du suicide raté de Sophie : les vagues ont miraculeusement repoussé la jeune femme qui se noyait vers le rivage. C'est horrible, tout simplement. Melinda se convainc presque toujours que la vie est belle et qu'elle le restera dans une autre ville, l'essentiel étant que Jim soit à ses côtés. Mais dans de rares moments où elle est seule avec elle-même, elle se sent asphyxiée à l'idée de déménager, comme Sophie dans la vidéo, et cela l'effraie, car il n'y a aucune raison objective de craindre un changement d'environnement. Cependant, ces doutes la fatiguent, et Melinda veut soit partir le plus vite possible, soit rester pour de bon, sans se soucier de Jim, car il lui sera plus facile de vivre sans elle et son don.
D'un autre côté, où trouverait-elle quelqu'un qui l'aimerait, qui ne se moquerait pas d'elle, qui ne la traiterait pas d'étrange, qui l'écoutait avec attention parler de problèmes des autres et qui supportait son absence constante ? Melinda aimerait répondre fermement « non » à cette question, mais elle sait qu'un tel homme existe, même si cela ne lui plaît pas. Et cela fait à nouveau voler en éclats la mosaïque.
***
Rick voit à nouveau son monde habituel s'écrouler. Oui, tout le monde est sauvé, le fantôme est parti vers la lumière, Claudia et Sophie se sont réconciliées, tout est calme et paisible, mais un fragment de conversation capté au passage l'empêche de se détendre. Non, bien sûr, il ne voulait pas écouter, c'est Delia qui a délibérément dit à voix trop haute que le magasin tiendrait le coup sans Melinda, même pendant un an ou deux.
Melinda partira avec Jim, parce que c'est son mari. Parce que c'est plus facile avec lui. Rick comparait souvent chacun d’eux à des cours d'eau. Delia et Jim sont des rivières qui coulent dans une direction donnée, si sûres et majestueuses que rien ne peut les détourner de leur chemin. Rick lui-même est comme la mer, calme par temps clair, mais qui s'agite et se déchaîne lors d'une tempête. Et Melinda est l'océan, elle est la plus complexe et la plus mystérieuse entre eux avec les profondeurs de l'eau qui cachent ses secrets, une myriade de fantômes et de visions...
Claudia ? Impossible de se faire une opinion d’elle. Elle a envoyé ses photos à Rick — oui, maintenant on la voit dessus, alléluia ! Mais elle n'est certainement pas l'océan, et Rick ressent à nouveau la nostalgie de l'irréalisable, après ces mots, impossible de le chasser.
Il devrait probablement fuir en premier pour se réfugier au Pérou, sinon il ne tiendra pas le coup et offrira à Melinda sa mer en cadeau, et elle lui répondra avec un sourire poli qu'elle se contente de son propre océan. Sans les secrets et les fantômes qui peuplent la mer.
Mais pour l'instant, il a encore des choses à faire à Grandview. Personne n'est encore parti, et Rick reste aussi, sentant que chaque jour, il y a de moins en moins de bateaux et de poissons dans sa mer, tandis que l'océan de Melinda a atteint des limites trop grandes. Il est trop tard pour devenir fou, mais il est encore trop tôt pour ranger les cannes à pêche. Et puis, on trouve de l'eau pour la mer dans les montagnes et les forêts du Pérou, même si ce n'est pas de l'eau océanique.