Le dragon et l'esprit du lac

Chapitre 1 : L'esprit et le dragon du lac

Chapitre final

3996 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/12/2025 00:51


Avertissement : Les personnages de Ghost Whisperer et des contes peuvent sembler différents par rapport à la manière dont ils sont présentés dans leurs univers d’origine respectifs.





23 janvier 2009, près du lac de Grandview, 14 h 00.


Melinda Gordon, une élégante brune vers la fin vingtaine, vêtue d’un manteau vert olive et de pantalon samt vert, se promenait depuis plusieurs minutes dans la forêt. Elle voulait simplement se reposer un peu de sa boutique et de son quotidien assez chargé avec les tâches ménagères et les enquêtes des esprits. Elle regardait autour d’elle, contente de ne remarquer aucun revenant sur sa route. La médium n’entendait que le crissement de ses talons hauts sur la neige. 


Enfin, pensa-t-elle, la tête haute, écouter les oiseaux, le vent, la nature ! Se reposer un peu des voix humaines, qu’il s’agisse des vivants ou des esprits…


Près d’un lac, une apparition brumeuse attira son attention. La médium tourna sa tête vers elle. C’était un esprit, aucun doute. Elle le devinait intuitivement, car il s’agissait d’une subtile différence énergétique. Le revenant, un grand et maigre homme d’âge mûr, aux traits du visage réguliers, vêtu d’un complet bleu marine et d’une chemise blanche, fixait la femme d’un air surpris.

Il balbutia d’une voix hésitante :

— Vous me voyez ?

Elle approuva d’un signe de tête discret, puis l’aborda d’une voix qui se voulait douce :

— Je suis Melinda Gordon, passeuse d’âmes et propriétaire d’une boutique d’antiquités ici, à Grandview. Et vous ?

Sans hésiter, l’esprit répondit :

— William White, professeur de littérature anglaise au Collège de Piermont.

— Enchanté ! répliqua son interlocutrice. Dites-moi pourquoi demeurez-vous encore parmi les vivants ?

— Mon saphir ! cria-t-il. 

Puis le revenant disparut aussitôt.


Melinda soupira et continua sa marche près du lac. Elle s’arrêta et observait la surface gelée, qui reflétait la lumière du soleil, créant un jeu de lumière aveuglant.

Comment retrouver le saphir de William White ? songea-t-elle. Je dois sérieusement revenir dans ma boutique pour obtenir plus d’informations…

Elle s’apprêtait à faire demi-tour pour revenir sur ses pas que le fantôme apparut à nouveau devant elle, la faisant sursauter.

Il s’exclama dans un souffle :

— Mon saphir a été volé !

— Par qui ? demanda Melinda par automatisme.

— Par le dragon du lac !

Un dragon dans un lac ? pensa-t-elle, perplexe, les sourcils levés, une moue dubitative au visage. Il me semblait que les dragons gardiens des trésors n’étaient présents que dans les contes de fées… Pas dans la réalité… Peut-être William est-il un peu confus ?…

Elle soupira, puis murmura :

— Êtes-vous certain de ce que vous dites ?

— Oui, fit William d’une voix tremblante en promenant craintivement son regard autour de lui.

Bon, ça va, je dois jouer son jeu pour avoir plus d’informations ! songea pragmatiquement la médium.

Elle s’éclaircit la gorge puis demanda à mi-voix :

— Comment votre saphir a été volé ?

— Simplement, un jour que je me suis promené ici, près de ce lac… 

— Excusez-moi, l’interrompit Melinda, mais que faisiez-vous à Grandview, si vous vivez à Piermont ? 

— J’avais aussi un poste au Collège de Grandview, de sorte que je voyageais beaucoup entre les deux villes…

—  Je comprends…

— Et bien, que je revienne à ce que je disais… C’était en janvier 1999… Il neigeait beaucoup… Une tempête ! Du jamais vu de toute l’histoire de Piermont et de Grandview ! De sorte que la visibilité était presque nulle… 

Il fit une courte pause puis reprit, les mains dans les poches du pantalon de son complet :

— Aveuglé par la tempête de neige, je marchais au hasard, sans savoir où j’allais… Jusqu’à ce que j’entendis un bruit… Un rugissement…

— C’était le dragon ? questionna d’un air craintif son interlocutrice.

— Oui ! s’exclama-t-il, les yeux qui devinrent grands comme ceux d’un hibou. Et il avait volé mon saphir qui se trouvait dans la poche intérieure de mon manteau !

Comment une telle chose est possible, pensa-t-elle, les sourcils levés d’étonnement.

— Vous n’avez pas essayé de prendre la fuite ou de frapper le voleur ?

— Je ne pouvais rien faire, vous comprenez ?

— Pas tout à fait, fit Melinda, avec une moue qui déformait les lignes délicates de son visage. Pouvez-vous préciser ?

— Oui, soupira à contrecœur William. Le dragon bleu m’avait saisi entre ses horribles pattes antérieures, pour me subtiliser par je-ne-sais quelle diablerie mon saphir, sans avoir à ôter mon manteau… Comme s’il savait qu’il se trouvait là… Devant lui, je ressemblais à un nain tellement il était énorme… Le plus redoutable était lorsqu’il ouvrit sa gueule pour cracher sur moi non pas du feu, mais de l’eau, une eau très froide qui me laissa gelé sur la rive du lac… 

Il s’exclama en faisant des grands gestes des mains :

— Quelle horrible sensation ! Très désagréable !

Vraiment, songea la médium, cette histoire est des plus originales… Il me semblait que dans les contes, les dragons crachent du feu et non de l’eau… À moins qu’il s'agisse d’une nouvelle espèce de dragon ?... Ainsi, je pourrais dire que j’ai entendu toutes sortes d’histoires… Plus ou moins crédibles…

Comme s’il ignorait ses pensées, le revenant continua :

— Et voilà que le monstre, qui est d’une longueur sans doute de plusieurs mètres, plongea dans le lac, emportant mon saphir avec lui…

— Avez-vous alors appelé la police pour vol de bien ?

— Vous êtes comique, jeune dame ! Je n’avais pas eu le temps de faire un seul mouvement que voilà que le coquin de dragon apparut devant moi et m’entraîna avec lui dans l’eau ! Et il avait de la force dans ses pattes, je vous le dis ! J’avais essayé de me débattre, mais rien ne faisait… D’autant plus que j’étais paralysé par l’eau froide qu’il m’avait crachée auparavant…

Pauvre William à mourir noyé ! conclut la médium. Ça explique alors pourquoi il erre près du lac…

Le revenant, comme s’il lisait les pensées de la jeune femme, commenta d’un ton amer après une courtre pause :

— Oui, j’avais quitté mon corps dans ce lac…

— Et ce saphir vous retient ici ? 

Il acquiesça puis ajouta :

— Je voudrais que mon saphir ne soit pas entre ses monstrueuses pattes, mais qu’il soit remis à ma femme, à ma chère Mary… Je ne peux pas partir tant qu’elle ne l’a pas, vous comprenez ?

La passeuse d’âmes manifesta sa compréhension d’un hochement de tête et demanda d’une voix chaleureuse :

— Très bien, mais où vit votre épouse ?

— Au 4 rue Owl, à Piermont.

— Merci, murmura la femme.

— J’espère que vous m’aiderez…

— Je l’espère aussi… Mais une dernière question…

— Oui…

— Ce saphir, qu’est-ce qu’il a de particulier ?

— C’était un cadeau de ma mère pour mon mariage. C’est pourquoi je tiens beaucoup à lui et qu’il pèse comme une pierre sur mon âme…

— Je comprends, fit la médium avec son air le plus compréhensif.

William disparut de sa vue. Melinda fixa le lac d’un air perdu.

Comment convaincre un dragon de rendre le saphir volé ? Est-il possible de discuter avec lui ? Étant donné la description que William en fait, le dragon ne semble pas être très abordable… Une brute ! Bon, puisqu’il est impossible de parler avec lui, qu’est-ce que je peux faire ? Dans les contes, habituellement, un prince le combat… Mais moi, je ne sais pas manier les armes ! J’ai horreur des armes, du sang et des blessures !

La médium commença à paniquer, son cœur frappant très fort sous l’effet de l’anticipation à s’imaginer un affrontement avec un dragon.

Mais comment faire ? Je n’imagine quand même pas demander à Jim de l’affronter ! C’est vrai qu’il a vu de tout en tant qu’ambulancier… Mais je ne voudrais pas prendre le risque de le perdre… Mon amour…

Une larme glissa doucement sur sa joue, qu’elle essuya du revers de sa main.

Il pourrait demander à notre ami Carl de suivre une formation rapide de maîtrise d’armes… Bonne idée !... Hmm… Je ne pense pas que ce soit une bonne idée… Une formation, toute rapide qu’elle soit, prendra un certain temps… Ce qui fait en sorte qu’il est impossible de récupérer au plus vite le saphir de William… Que faire ?... Comment faire rapidement ?...

Elle marchait autour du lac pour calmer l’angoisse qu’elle sentait monter dans sa poitrine.

Pendant plusieurs minutes, elle passait en revue toutes les possibilités des armes pour vaincre un tel monstre : avec un couteau de cuisine, une barre de fer, une épée… Et si c’est avec une épée, où trouver une telle arme ?


Exaspérée, ne sachant pas quoi faire, Melinda se dépêcha de revenir chez elle, où son mari, Jim Clancy, était au salon, allongé sur le canapé. Lorsqu’elle se pointa au salon, le front plissé d’inquiétude, il se releva à moitié et l’interrogea d’une voix forte :

— Mel, que vient-il de se passer ? Encore un ennui avec un esprit ?

— Oui, fit-elle dans un souffle. Laisse-moi boire de l’eau pour me remettre et je t’expliquerai tout…

L’ambulancier manifesta sa compréhension d’un signe de tête. La petite brune but un verre d’eau, puis revint au salon, où elle s’assit à côté de lui. Elle résuma sa rencontre avec William White et ses réflexions puis lui demanda d’un air exaspéré, les yeux larmoyants :

— Jim, comment puis-je récupérer le saphir que William veut remettre à sa femme ? Comment discuter avec le dragon ? Ou comment le combattre ?

Après plusieurs minutes de silence, l’homme répondit d’une voix rauque, une lueur d’inquiétude dans ses yeux clairs :

— Mel, tu as raison lorsque tu me dis qu’un dragon ne peut se vaincre qu’avec une arme… La meilleure solution serait, à mon avis, de demander à notre ami Carl d’affronter directement le dragon…

— Ce ne serait pas l’exposer à un danger ? fit-elle d’un air inquiet.

— Je ne doute pas de lui… Il n’est pas policier pour rien ! Il saura certainement maîtriser le monstre du lac ! Je pense bien que tu peux lui faire confiance…

— Tu es génial ! s’exclama d’un air enjoué la femme en enlaçant son époux et en l’embrassant sur les lèvres.

Jim l’embrassa en retour et se libéra de son étreinte. Melinda se hâta d’expliquer par voie téléphonique la situation à leur ami policier, qui arriva devant la porte de leur maison quelques minutes plus tard.



***


Quelques heures plus tard, les deux amis se rendirent près du lac.

Carl Neely, un trentenaire aux traits sérieux, vêtu de son uniforme de policier, suivait Melinda. Chemin faisant, il tâtait sans cesse ses armes sagement accrochées à sa ceinture. Il y avait un pistolet semi-automatique, un pistolet à impulsion électrique, une matraque pliable et une paire de menottes. Il observait attentivement le lac, qui était calme.

Tout à coup, un cri guttural se fit entendre du fond de l’eau, faisant sursauter la médium.

William White, qui les suivait en silence, s’écria, en désignant du doigt un point vers l’étendue d’eau :

— C’est le dragon ! Sauve qui peut !

La femme, hors d’elle, hurla, les yeux agrandis de peur :

— Carl, le dragon ! Sois prudent !

Le policier, sans se départir de son calme, murmura :

— Pas de panique, Melinda. Tout est sous contrôle.

Il tâta son pistolet semi-automatique et ajouta :

— J’attends seulement que le dragon arrive devant moi. N’oublie pas que je sais comment maîtriser un homme armé…

— Mais un dragon, c’est plus dangereux… commenta-t-elle.

— Peut-être, fit-il en haussant les épaules.

Je me demande bien comment Jim vit avec elle… pensa-t-il ironiquement. Elle s’alarme pour un rien… Je peux seulement dire que Dieu merci qu’elle ne soit pas ma femme !

Carl regarda autour d’eux et repéra un chêne un peu à l’écart puis dit :

— Ne me déconcentre pas avec ton inquiétude…

Le rugissement du dragon l’interrompit.

Les deux vivants et l’esprit observaient attentivement le monstre, qui surgit alors de l’eau : un immense dragon bleu aux yeux brillants. Il déployait lentement ses ailes afin de paraître plus imposant. Le policier sortit ses pistolets de leur fourreau, en tenant un dans chaque main.

Il jeta un coup d’œil à Melinda et dit à mi-voix :

— Laisse-moi agir et va te cacher derrière ce chêne là-bas…

Il fit un geste du menton vers l’arbre en question, qui avait un large tronc, dont les branches couvertes de neige s’élevaient fièrement vers le ciel.

— De là, tu peux suivre ce qui se passera sans être en danger. Si le dragon à raison de moi…

— On va espérer que ce ne sera pas le cas, l’interrompit Melinda.

— Tiens-toi prête alors à appeler Jim… Compris ?

Elle confirma d’un geste positif et courut vers l’arbre, d’où elle voyait l’affrontement du policier avec le dragon. Elle remarqua du coin de l’œil qu’à sa droite, William White suivait aussi ce qui se passait, son bras droit appuyé nonchalamment contre le tronc de l’arbre. La médium, très inquiète de l’issue du combat, ramena son attention vers Carl.


Le policier dit d’une voix de stentor pour couvrir le bruit de la créature légendaire qui agitait ses ailes vers lui :

— Monsieur le Dragon, veuillez vous identifier.

Son interlocuteur baissa sa tête vers lui et répliqua d’une voix caverneuse :

— Monsieur le policier, je n’ai aucune pièce d’identité avec moi…

— Cherchez votre permis de conduire ou votre passeport, peu importe !

— J’ai perdu tous ces documents, gémit le monstre.

— Comment vous appelez-vous ?

Le policier ajusta sa plaque nominative afin de s’assurer qu’elle soit visible.

Après un long silence, le dragon répondit, la mine pensive :

— À vrai dire, Monsieur Carl Neely, j’ai oublié mon nom…

L’agent de l’ordre, sans se départir de son calme, pensa, un dragon amnésique ? Par ailleurs, je me demande depuis quand ils ont un prénom et un nom… Je devrai peut-être relire mon recueil de contes…

Le dragon continua, sa patte antérieure droite appuyant sur sa poitrine :

— Mais si ! Je m’en souviens ! J’étais Steve Bedfort…

Carl Neely, Melinda Gordon et William White clignèrent des yeux, perplexes.

Mais qu’est-ce que cette histoire ? songea la femme, qui tremblait derrière l’arbre, car elle imaginait déjà le dragon qui se léchait les babines sur son ami. Là, ça dépasse toutes les histoires les plus incroyables d’esprits que j’aie pu entendre jusqu’à ce jour !

Le policier, en reprenant son sérieux professionnel, demanda :

— Monsieur Steve Bedfort, connaissez-vous Monsieur William White ?

— Non, je ne connais aucun homme sous ce nom.

— Pourtant, j’ai entendu une plainte de Madame Melinda Gordon, qui a rencontré l’âme de William White…

— Et quoi alors ? fit Steve en penchant sa tête de manière à fixer l’agent de l’ordre droit dans les yeux, vous pensez me faire peur avec vos armes et votre uniforme ?

— Non pas du tout. Je veux seulement comprendre ce qui est arrivé en janvier 1999.

Après une courte pause, Carl demanda d’un air sévère : 

— Quand avez-vous la dernière fois aperçu le saphir de William White ?

— Mais de quoi vous parlez ? se défendit Steve en haussant les épaules.

Et la créature agita furieusement des ailes, pour s’élever un peu dans les airs, faisant tomber sur Carl des gouttes d’eau glacée.

Il est vraiment un coquin, ce Steve Bedfort le dragon, songea le policier en analysant le moindre geste de son interlocuteur.

Il recula de quelques pas, pour éviter d’être encore plus mouillé, mais il ne put éviter un jet d’eau très froid au visage.

Carl s’écria, vexé d’un tel manque de respect :

— La prochaine fois que vous me crachez ainsi au visage, je vous immobilise avec mes armes, compris ?

— Sérieux ? s’esclaffa Steve en se posant pesamment sur le sol, à quelques millimètres de l’ami de Melinda.

— Oui ! C’est une atteinte à la dignité d’un policier ! Pourtant, je ne plaisante pas du tout ! insista le trentenaire d’un air sérieux, en essuyant prestement son visage avec les manches de son uniforme.

Le dragon ouvrit grande sa gueule pour cracher à nouveau de l’eau, mais Carl, rapide comme l’éclair, tira plusieurs fois sur les pattes antérieures avec ses deux pistolets, ce qui l’immobilisa complètement.

Carl reprit son interrogatoire :

— Steve Bedfort, avouez que vous avez volé le saphir de William White, en plus de le noyer…

— Non ! dit le dragon.

— Vous savez que si vous ne me rendez pas à l’instant la pierre précieuse, je peux vous tuer immédiatement…

Un rire profond fut la réponse de son interlocuteur.

— S’il vous plaît, soyez collaboratif et je vous laisse tranquille, ajouta le policier.

À ce moment, un rire cristallin se fit entendre. 

Intrigués, Steve, Carl, Melinda et William tournèrent leurs têtes vers le son, qui semblait provenir d’au-dessus du lac. En effet, il y avait une jeune femme vêtue d’une longue robe bleu clair qui battait des petites ailes, comme celles d’un papillon derrière son dos. Elle calma son fou rire puis s’écria :

— Monsieur Cal Neely, ne vous inquiétez pas ! Je vais vous aider !

— Qui êtes-vous, Mademoiselle ?

— Oh là ! Le policier est sérieux !

Elle claqua des doigts, faisant apparaître une carte d’identité qu’elle montra à l’agent de l’ordre en disant d’un air assuré :

— Je suis la fée Viviane.

Carl jeta un coup d’œil rapide à la carte et approuva silencieusement.

La fée se retourna vers le dragon et agita sa baguette au-dessus de sa tête en prononçant des paroles en une langue inconnue de Carl, de Melinda et de William. Ensuite, elle s’inclina devant eux et précisa d’une voix cordiale :

— Monsieur Neely, vous n’avez rien à craindre de Steve. Il est maintenant doux comme un agneau et il reprendra bientôt sa forme humaine.

— Pouvez-vous m’expliquer, Mademoiselle Viviane, fit le policier, les sourcils levés d’étonnement, comment est-ce possible qu’un homme puisse être transformé en dragon ?

— Parce qu’il avait été méchant envers moi et d’autres consœurs, en plus de vouloir enlever de force ma consœur Sophie pour la marier. Ceci s’était déroulé ici même, près de ce lac. Elle l’avait alors transformé en dragon pour le punir.

En effet, sous les regards étonnés des deux amis et de l’esprit, le dragon prit de plus en plus une forme humaine, jusqu’à devenir un cinquantenaire musclé aux yeux clairs et aux cheveux blonds désordonnés. Carl le maîtrisa sans difficulté et recommença son interrogatoire. 

Cette fois, Steve gémit :

— Oui, mea culpa ! J’ai volé le saphir de Monsieur William White…

— Pourquoi avez-vous fait cet acte de vandalisme ?

— Je ne le sais pas… Parce que je n’étais pas un homme… Je le reconnais, j’étais alors un monstre, un non-humain, un sous-humain, peu importe !

— Où l’avez-vous caché ?

— Au fond du lac, entre deux pierres…

L’agent de l’ordre le menotta.

À ce moment précis, la fée Viviane réapparut devant lui, en tenant la pierre précieuse dans sa main droite. 

Carl Neely, les yeux agrandis d’étonnement malgré lui, prit le saphir, remercia la fée et le donna à Melinda. Celle-ci le saisit et balbutia d’une voix tremblante :

— Merci, Carl, grâce à toi, je vais pouvoir accomplir la dernière volonté de William White…

— Il n’y a de quoi, répliqua le policier en ôtant son képi qu’il remit aussitôt sur sa tête. C’est plutôt la fée qui nous a le plus aidé. Moi, je ne me sentais pas d’une très grande utilité, mais bon…

— Tu devras peut-être penser à changer ton uniforme mouillé ! plaisanta la médium.

— Oui, bien sûr ! Sur ce, passe une bonne journée !

— Pareillement pour toi !

Puis il revint tranquillement à Grandview, tandis que la médium, guidée par l’esprit, retrouva rapidement l’adresse où vivait sa veuve. 


***


Melinda se rendit devant une petite maison de briques avec deux jardins recouverts de neige. Un chemin de pierres, propre de toute neige, menait jusqu’à la porte. Une femme vers la cinquantaine, vêtue d’une large jupe d’hiver verte et d’un pull tricoté beige, sous lequel se voyait un chandail blanc, ouvrit la porte. 

Melinda, avec son plus beau sourire, se présenta et expliqua la raison de sa venue. Mary accepta la pierre précieuse et remercia la passeuse d’âmes d’avoir pris autant de risques pour aider son mari à quitter le monde des vivants en paix, sans aucun souci. L’esprit caressa une dernière fois la joue droite de son épouse puis promena son regard d’elle à la médium.

Melinda dit d’une voix douce :

— William, prêt pour le grand voyage ?

L’interpellé tourna sa tête à gauche et à droite puis fixa un point vers sa droite. Il s’exclama :

— Prêt ! Voilà une lumière devant moi ! Tellement chaleureuse ! Sans aucun monstre…

Il plissa des yeux puis ajouta :

— On dirait qu’il y a un bal… De princes et de princesses…

On dirait que les contes ont aussi un au-delà adapté… conclut Melinda, étonnée. Comme quoi peut-être que les êtres des contes ne sont pas seulement des histoires pour enfants… Surtout après avoir vu un dragon et une fée aujourd’hui, je commence même à croire qu’ils existent réellement. 

Elle s’éclaircit la gorge pour ne pas divaguer davantage dans ses pensées puis murmura :

— Cette lumière, c’est pour vous… Allez-y sans crainte… Bon voyage !

L’esprit avança vers sa droite vers la lumière que seul lui voyait, jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement de la vue de Melinda. Cette dernière rapporta à Mary que son époux était parti depuis peu dans l’Autre Monde. Les deux femmes échangèrent des formules de politesse puis l’antiquaire revint chez elle d’un pas léger. Elle résuma à son mari le dénouement de toute cette histoire fantastique.


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