Was it all worth it ? - avarice

Chapitre 1 : Was it all worth it ? - avarice

Chapitre final

1491 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/02/2024 14:23

Cette fanfiction est une réponse au challenge "7 sins : les sept péchés capitaux" qui se déroule actuellement sur le forum de FFR


Trop de finesse est artifice,

Trop de rigueur est cruauté,

Trop d'audace est témérité,

Trop d'économie avarice.

Charles-François Panard


Reece Patrick Tyler était un homme pragmatique. Il préférait qu’on l’appelle R.P. Tyler pour gagner du temps. Les pieds sur terre et la tête sur les épaules résumaient assez bien tant sa physionomie que sa philosophie.

À la retraite (il avait fait carrière comme Inspecteur des Impôts), il était devenu le responsable du Comité de Surveillance de Quartier à Tadfield, et prenait son rôle très au sérieux. Aussi, 3 fois par jour, il sortait Apple – son teckel – pour une longue promenade au cours de laquelle son regard à l'affût restait attentif au moindre détail un tant soi peu intrigant. Il songeait d’ailleurs à écrire ses mémoires ! Il avait un jour croisé une américaine habillée bizarrement qui transportait un gros cahier avec des plans de Tadfield, un pendule dans l’autre main. Il avait sèchement invité la demoiselle à retourner fumer ses gros pétards en Amérique … Plus tard, il avait guidé un groupe de quatre motards déguisés pour le Carnaval, après la chute des panneaux de signalisation suite à une tempête. Une autre fois, par un truquage dont il n’avait pas compris le secret, étaient apparus une voiture en feu avec son conducteur en pleine forme. Dément !

Cet homme-là traquait les excentricités et les travers de ses congénères comme d’autres chassaient jadis les sorcières.


Abigail, son épouse, était quant à elle très pointilleuse concernant son intérieur. Elle passait la moitié de son temps à épousseter, balayer, nettoyer et récurer du sol au plafond, l’autre moitié étant consacrée au papotage avec ses voisines, activité qui pouvait s’enrichir sans trop se forcer de quelques médisances ou ragots. R.P. était sommé de laisser dehors ses chaussures ou ses bottes avant d’enfiler une paire de charentaises Made in France pour pénétrer en ces lieux soigneusement entretenus.


Et ses bottes, il était souvent dedans notre homme ! Il avait en effet une passion pour les pommes et se montrait très fier de son verger, où s'alignaient des variétés de « Bramley », « McIntosh » et autres « Reinette d’Angleterre ». Il bichonnait ses arbres, les taillait avec dévotion, les surveillait avec la bienveillance d'un père de famille, et s’essayait même - parfois avec succès - à l’art du greffage. Aussi le jeune Adam Young le mettait en rage quand il venait discrètement chaparder ses fruits.

- Adam Young ! Tu peux être sûr que ton père sera mis au courant ! criait-il lorsqu’il le surprenait en flagrant délit.


Mais pour l’heure, une autre actualité lui causait des soucis : leur prochain anniversaire de mariage, en juin, à Abi et lui. Les noces d’or, dites-donc ! Cinquante années d’existence partagée jour après jour. Bien sûr, les élans des débuts s’étaient mués en douce affection, puis en tendre complicité, pour finir dans la rassurante torpeur des habitudes, et cela suffisait à leur bonheur, simple mais sincère. Ils n’avaient hélas pas réussi à concevoir d’enfants, aussi leurs familles respectives (si l'on exceptait le chien) se composaient de quatre frères et sœurs, une dizaine de cousins, et leur descendance à tous, enfants et petits-enfants. Une quarantaine de personnes.


Abigail avait évoqué une réservation au « Good Place », le restaurant le plus chic de Tadfield. Mais, affolée par le coût de ce repas, elle s’était rabattue sur le traiteur du coin, après enquête auprès de ses voisines, qui lui en avaient fait les éloges. Ils allaient organiser une garden-party chez eux, le traiteur s'occuperait de tout, ce serait parfait.

R.P. suivait d’assez loin les préparatifs, laissant la gestion de l’évènement à son épouse. Ce qui ne l’empêchait pas de se tracasser au vu des frais forcément engendrés (il comptait 350 £ au bas mot). Il faudrait aussi prévoir quelques décorations, et il allait devoir se fendre d’un cadeau. Un bijou en or s’imposait. Il en avait des sueurs froides.


Il dormit mal cette nuit-là. Des assiettes pleines de nourriture passaient devant ses yeux en folle sarabande. A intervalles réguliers, un tiroir-caisse surgissait de nulle part pour danser joyeusement, tantôt ouvert tantôt fermé, tintinnabulant d’une petite sonnette entêtante à chaque mouvement. Un dessin animé Walt Disney version épouvante ! Quand il se réveilla, en proie à l’agitation et à l’angoisse, une addition pharamineuse en tête, il secoua son épouse sans ménagement.

- Darling, il va nous falloir réduire le nombre de convives, sinon notre bourse n’y suffira pas ! déclara-t-il, avec en arrière-pensée les jeunes arbres de « Cox Orange » qu’il comptait acheter pour remplacer quelques sujets mal en point.

D’aussi loin qu’il se souvienne, ils avaient connu dans le village un climat parfait en toute saison. Mais voilà maintenant 5 ans environ que le temps s’était déréglé. Souvent, la douceur arrivait trop tôt, et une grosse gelée tardive venait griller les tout jeunes bourgeons, compromettant sérieusement la récolte. Oui c’est ça, l’enchantement de la météo idéale avait cessé en 2019 …

- Comme tu voudras, répondit-elle dans un demi sommeil.

Au cours de la matinée, ils tombèrent d’accord sur une célébration en très petit comité.

- Les enfants et les jeunes s’ennuieraient, déclara Reece avec conviction. Nous convierons ceux de notre âge, conclut-il d’un ton péremptoire.


Ceci décidé, le poids qu’il ressentait sur l’estomac s’allégea considérablement. Il passa la matinée dans son verger, l’esprit néanmoins toujours occupé à explorer quelle coupe drastique pouvait être encore effectuée dans le budget. En somme il ne rechignait pas à la dépense, mais ses choix s’orientaient le plus souvent vers des achats qui durent, des biens tangibles, ses pommiers par exemple. Il aimait tout simplement que ce qu'il achetait puisse lui profiter longtemps. C'est pour cette raison qu'il avait horreur de dilapider ses maigres deniers en festivités comme des repas, des spectacles ou des voyages, qui par nature étaient éphémères. S’il grappillait assez sur cette satanée fête, il pourrait envisager l’achat de 3 ou 4 nouveaux arbres, par exemple des « Belle Sanguine », variété délicieuse mais capricieuse sous ces latitudes, et qu’il fallait entourer de soins attentifs.


De retour à la maison, après avoir enfilé ses pantoufles douillettes, et une fois installé dans son fauteuil attitré, il rassembla tout son courage pour suggérer à son épouse :

- Abi, et si nous demandions un peu d’aide à nos charmants voisins, tu sais, Mr Fell le magicien, et Mr Crowley, qui est pépiniériste ? Le premier pourrait animer la soirée avec ses tours de magie, l’autre pourrait décorer les lieux avec ses si jolies plantes, qu’en dis-tu ?

- Mais Reece, ce sont des … enfin ils vivent … un couple … ce ne serait pas …

- Je sais bien que c’est un couple gay, répondit son mari, qui était prêt à faire passer sa bourse avant ses préjugés moraux, mais ça nous enlèverait une grosse épine du pied, non ?

- Dans ce cas, il faudrait aussi les inviter, n'est-ce pas ?

- Ah, je n’y avais pas pensé … soupira-t-il d’un air de peser le pour et le contre.



Quelques jours plus tard, il avait pris une décision pleine de sagesse. Ils étaient parvenus à se mettre d'accord sur le nombre de convives (douze au total), et, abandonnant le traiteur, ils avaient opté pour un buffet maison, pour lequel ils allaient embaucher en extra leur voisine, Mme Tracy, excellente cuisinière aux dires des commères du voisinage. Il y aurait à volonté des viandes froides et toutes sortes de salades, accompagnées de vin français commandé pour l’occasion. Il se rendrait à la bijouterie pour y acquérir une bague en plaqué or à l’intention d’Abi (plaqué ou massif, personne ne verrait la différence). Mr Fell et Mr Crowley, en remerciement de leurs services d’animation et de décoration, seraient conviés au vin d’honneur, ainsi que Mme Tracy la cuisinière.


- Et pour le dessert ? demanda Abi

- Eh bien, que dirais-tu de préparer des tartes aux pommes ?...




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