Hot Church
Le retour au commissariat s’effectua sous une pluie de mort et un silence battant. Crowley, yeux rivés à la route noyée sous les trombes d’eau, conduisait à une allure d’escargot. Il s’arrêta au feu rouge, arrachant un soupir mécanique soulagé à la Mini Cooper. La petite scène à laquelle il avait assisté dans la Forêt du Tarot avait ravivé la blessure infligée à son orgueil. Il enclencha la vitesse et redémarra à pas de tortue. Son « maudit orgueil » comme lui avait lancé Samaël en même temps qu’un manuel d’astronomie, au cours de leur dernière dispute. Ce n’était pas tant l’infidélité de son partenaire qui avait sonné les trompettes apocalyptiques de leur relation – l’avait-il seulement aimé ? –, mais les conséquences de cette incartade sur sa carrière et sa réputation. Il ne s’était pas trompé… Et la Chute, bien que prévisible, avait été sacrément douloureuse !
– Capitaine, murmura un Aziraphale se tordant les mains avec nervosité. Je suis… je suis désolé.
– Pour quoi ? s’enquit son coéquipier d’un ton détaché en reprenant sa conduite infernale.
– Vous savez…
Crowley lui coula un regard surpris : qu’est-ce que l’Angelot allait s’imaginer ?! Qu’il avait dû faire face à la tromperie d’un soi-disant grand amour ? Qu’il avait sombré dans le dernier cercle du désespoir et avait tenté de soigner son petit cœur trahi en se gavant de crème glacée devant la filmographie de Richard Curtis ? Le policier esquissa une grimace : il avait certes vidé une bouteille de vin et avait regardé Love Actually pour la énième fois après le départ d’un Samaël larmoyant, mais il ne s’était pas effondré. Pas encore. Alors qu’il savait qu’il devrait affronter bien pis qu’une simple infidélité.
– Vous pouvez économiser votre salive, lieutenant Boucle d’or.
– Mais je croyais… je pensais…
– La petite fredaine de la personne partageant plus mon lit que ma vie m’a coûté certes quelques plumes, mais si ça peut vous rassurer, la pompe organique me faisant office de cœur n’a pas été brisée.
– Je ne vous crois pas ! Quand on est censé aimer quelqu’un, quand on est avec quelqu’un, on ne doit pas… ce n’est pas « bien » de faire une chose pareille !
Crowley s’apprêtait à lui répondre que la vie n’était pas une fiction et que le « ils vécurent heureux pour toujours » n’existait que dans les contes – et encore, nul ne savait ce qu’il advenait de Cendrillon ou de Blanche-Neige après leurs mariages avec leurs princes respectifs –, lorsque ses yeux se posèrent sur la main gauche de son coéquipier. Celui-ci, succombant à sa curieuse manie, ne cessait de tourner son alliance autour de son doigt. La peau de l’annulaire était à vif, comme si le simple contact avec le métal doré le consumait à petit feu.
Le capitaine freina un grand coup devant un passage piéton afin de laisser passer une femme tenant un canard en laisse. Le fier palmipède portait un imperméable jaune et des bottes assorties afin de le protéger de l’humidité. Crowley fixait cet étrange duo, bouche bée. Il avait vu bien des choses insolites à Londres, notamment dans le métro à une heure avancée de la nuit, mais la ville de Tadfield avec ses voleurs de pommes, ses doux géants, ses roquets monstrueux et ses angelots à bouclettes, lui réservait son lot de surprises ! Comme pour confirmer cette opinion, le canard fit claquer son bec en guise de remerciements avant de s’éloigner de sa démarche chaloupée.
– Qu’est-ce qui m’attend encore dans cette foutue ville ? marmonna Crowley à haute voix.
Sa remarque lui valut un sourire amusé de la part d’Aziraphale qui en oublia sa maudite alliance. Un scooter conduit par une vague forme bariolée, les dépassa dans un concert de sons pétaradants. Les deux équipiers échangèrent un regard et s’esclaffèrent… Le rire du lieutenant se brisa net et il tourna la tête vers la vitre. Crowley appuya sur la pédale d’accélération et, au grand dam de la Mini, reprit sa route infernale.
– L’Angelot, fit Crowley d’un ton suspicieux, ça fait combien de temps que vous êtes casé ?
– Je… depuis plus de vingt ans, répondit Aziraphale avec précipitation. Depuis ma troisième année à l’école de Police.
– Vingt ans ? Presque une éternité ! Et vous allez tout juste vous marier ?!
– Je ne … pourrions-nous éviter le sujet ? Je vous l’ai déjà dit : je ne parle jamais de ma vie privée !
– Très bien, Boucle d’or ! Pas la peine de monter sur vos grands ours ! Jamais tenté de goûter au fruit défendu, comme notre suprême imbécile, après tant d’années ?
Il s’attendait à un regard outré, suivi d’une salve de contestations offusquées avec une petite pointe de cris indignés de la part de son lieutenant, mais tout ce qu’il obtint fut un regard mortifié qu’il ne sut – ou ne voulut pas – interpréter. Ainsi, même les comtesses douairières aux airs compassés pouvaient se comporter comme la dernière des gourgandines ! Il le vit porter sa main, celle non abîmée par les frottements de l’alliance nuptiale, à sa bouche pour en effleurer la lèvre supérieure. Crowley déglutit à la vue de ce geste intime sonnant comme un aveu. Son air de Marie- Madeleine pleurant sur ses péchés s’était changé en un sourire non dénué de tendresse, comme s’il se remémorait – par la cervelle de Satan ! – ce doux adultère. Il fut tenté de le provoquer en lui demandant si, comme Samaël, sa petite « incartade » avait eu lieu durant une opération de filature et combien de personnes avaient été impliquées dans ce petit extra extraconjugal…
– Attention ! cria Aziraphale en s’agrippant à la boîte à gants.
La Mini pila, évitant de justesse de se retrouver dans le coffre d’une berline allemande blanche. Le lieutenant se tassa sur lui-même tandis que le chauffeur, un homme à la calvitie prononcée, leur décocha un regard à travers le rétroviseur. Crowley lui adressa un hochement de tête auquel le chauffeur répondit par un rictus de mort-vivant. La voiture redémarra, laissant le champ libre à la Mini Cooper qui dut patienter quelques instants avant de reprendre sa route : Goliath était en train de réceptionner les livraisons du jour. Il adressa un petit signe de la main aux deux policiers avant d’emporter le carton, contenant les ingrédients nécessaires à la préparation des Welsh cakes : farine, mort aux rats et raisins secs, dans sa supérette.
– Fell, grommela Crowley en garant la Mini devant le commissariat, c’est pas mes oignons… Du moment que vous ne vous livrez pas à des… c’est quoi, l’expression déjà ?
– Actes génésiques à visée non reproductive.
– Ouais, votre périphrase sur votre lieu de travail, le reste, je m’en fous ! Sauf si c’est avec Furfur, auquel cas vous chuteriez dans mon estime, lieutenant Azipassifidèle !
– Je vous prierai de ne pas souiller ce souvenir, morigéna le lieutenant, dents serrées. Je ne vous le permettrai pas !
Crowley faillit se désincorporer sur place. Aziraphale redressa le menton et sortit de la voiture avec l’assurance d’une reine venant de condamner un prisonnier à mort. Son équipier lui lança un regard inquisiteur : mentait-il juste pour lui rabattre le caquet ou venait-il effrontément d’avouer une tromperie ?! Lui, le lieutenant au langage de Lady et aux bouclettes de petite communiante ?! Satisfait de son petit coup d’éclat, Aziraphale réajusta son nœud papillon détrempé avant de se retourner vers Crowley venant de le rejoindre devant la porte d’entrée du commissariat.
– Capitaine, voulez-vous dîner à la maison, ce soir ?
– Dîner ?
– Vous savez : s’asseoir autour d’une table, manier de jolis couverts, prendre une assiette, partager un bon repas…
– Merci, je connais le principe ! Pourquoi cette invitation, lieutenant ? Vous voulez que votre partenaire et moi-même échangions sur nos déboires de porteurs de cornes ? À moins que vous n’ayez un quota de bonnes actions à accomplir pour effacer votre péché ?
– Non, j’essaye simplement d’être poli, saperlipopette !
– Saperlipopette ?! Mais vous avez quel âge, au juste ?! Six ans ?
Sa tentative d’humour échoua et tout ce qu’il gagna, cette fois-ci, fut une porte manquant de peu de lui arracher le nez. Crowley laissa échapper un juron, contrarié de ne pas savoir sur quel pied danser avec son nouvel équipier et cela le déconcertait, lui, qui pourtant savait mener la danse avec les autres ! Mais avec l’Angelot, les pas lui était inconnus. Il pénétra dans le poste de police et voulut rattraper son coéquipier afin de lui présenter ce qui pourrait s’apparenter à des excuses, lorsqu’une tornade en la personne d’un jeune agent s’abattit sur lui.
– Capitaine Crowley ! On a une surprise pour vous !
Sans attendre sa réponse, Muriel le saisit par le bras et l’entraîna à sa suite. Aziraphale aurait pu regagner la quiétude de son bureau mais la curiosité fut la plus forte. Il prit la direction empruntée par Muriel, tout en se mortifiant pour le semi-aveu qu’il venait de faire à ce semi-inconnu qui se trouvait être son supérieur hiérarchique. Il avait raison sur un point : Crowley devait quitter Tadfield au plus vite. Ce démon, qu’il avait par stupidité attiré dans son petit paradis, mettait son cœur à nu, lui arrachant lambeau par lambeau, ce masque mensonger qu’il avait réussi à se sculpter au cours des années. En passant près de la réception, Aziraphale fut interpellé par une Shax en pleine lecture de son horoscope ( au vu de son charmant tempérament, nos lecteurs auront deviné que la diabolique secrétaire était native du signe de scorpion).
– Vous avez un message, déclara-t-elle tout en lisant le paragraphe lui annonçant quelques difficultés financières suite à des placements fort peu judicieux.
– Quel est ce message ?
Shax leva les yeux de son ascendant la mettant en garde contre les commérages.
– Vous devez rappeler Monsieur le Maire. Tout de suite.
Elle se saisit de l’antique téléphone et le lui tendit. Aziraphale prit une profonde inspiration, composa le numéro d’une main tremblante. Quelques notes de la Mélodie du Bonheur s’égrenèrent avant de laisser place à une voix dont il avait appris à décrypter les tonalités afin d’en dévoiler l’humeur de son propriétaire. Ce jour-là, elle le tétanisa.
♠♠♠
Muriel avait conduit Crowley jusqu’au garage. Elle desserra son étreinte et se mit à tournoyer sur elle-même en battant des mains telle une enfant découvrant son premier sapin de Noël. Elle prit une pose théâtrale avant de pointer d’un index sautillant, ce qui était auparavant l’ancienne réserve de Gomorrah. La pièce, comme l’avait ordonné Crowley, avait été vidée de tous les objets indésirables. Le capitaine s’avança et découvrit que seul le nécessaire avait été conservé sur des étagères à présent vides. Muriel lui apprit avec enthousiasme qu’elle et Eric avaient trouvé des armes flambant neuf ainsi que des boîtes à cartouches fermées en effectuant leur rangement. Crowley aperçut alors Furfur, avachi contre l’une des étagères et savourant une brique de lait. Eric quant à lui, finissait de ranger les menottes. Il se retourna vers Crowley, révélant l’épais morceau de gaze recouvrant son œil droit. Une petite égratignure, s’empressa-t-il de rassurer son supérieur. Furfur aspira une gorgée de lait tout en se félicitant d’avoir eu l’excellente idée de charger les deux bleus de cette mission, s’épargnant ainsi un coup de fatigue !
Crowley gratifia Muriel d’une bourrade amicale mais se contenta d’adresser un petit signe de tête à Eric, craignant de lui déboîter l’épaule.
– Bravo, Junior n°1 et Junior n°2 ! Vous avez fait du bon boulot !
Muriel et Eric poussèrent des petits cris extatiques d’enfants tout en couvrant leur supérieur d’un regard éperdu d’amour. Les deux jeunes officiers n’avaient pas pour habitude d’être congratulés pour leur travail. Aziraphale avait toujours un mot gentil mais ce n’était pas pareil ! Ils le connaissaient depuis l’enfance ; le capitaine Crowley, lui, venait de la Metropolitan et avait arrêté de nombreux criminels ! Muriel et Eric avaient passé une bonne partie de la soirée de la veille à lire des articles vantant les exploits de leur nouveau capitaine. Eric désirait à présent en savoir plus sur les crimes du Professeur Satan ; Muriel, elle, brûlait de l’interroger sur l’Ange Tueur de la Tamise.
– Et moi ? quémanda un Furfur suçotant sa paille, je n’ai pas le droit à mon petit compliment ?
Crowley lui aboya qu’il devait s’estimer heureux qu’il ne lui fasse pas nettoyer le garage avec un poil de brosse à dents afin d’occuper sa paresse ! L’agent se contenta d’un bâillement insolent avant de piquer un petit somme fort peu mérité. Le capitaine explora la salle désencombrée offrant des perspectives d’aménagement tout à fait intéressantes. Il aperçut sur le sol une plume blanche, provenant d’un des nombreux masques de l’ancien capitaine. Il se pencha, la ramassa pour l’examiner, avant de la faire danser entre ses doigts.
– Que comptez-vous faire de cette réserve, capitaine ? l’interrogea Eric trottinant à ses côtés. Une salle de jeux privée comme le capitaine Gomorrah ?
À cet instant, Aziraphale fit son apparition. Crowley lui jeta un rapide coup d’œil avant de se retourner vers les deux jeunes constables.
– Une salle de tir, ça ne serait pas mal… répondit-il dans un grognement. On pourrait aussi stocker des choses utiles.
Muriel et Eric accueillirent cette proposition avec joie. Crowley se retourna à nouveau vers son lieutenant mais celui-ci, le regard éteint, ne paraissait guère ébloui par sa brillante idée. Aziraphale toussota pour s’éclaircir la voix :
– Muriel, ma chère…
– Oui, capitaine ?
– Où as-tu envoyé les objets « personnels » du capitaine Gomorrah ?
Furfur ouvrit les yeux et se piqua d’intérêt pour la discussion.
– À la maison de retraite, comme l’a demandé Furfur, lieutenant ! Il nous a dit que c’était un ordre du capitaine. Comme nous n’avions pas la Mini, Monsieur Goliath a prêté sa camionnette…
Le jeune officier piqua un fard et confessa en se balançant d’un pied sur l’autre.
– Il se pourrait que j’ai malencontreusement heurté le portillon de la maison de la retraite… Et pour la jambe de la vieille Mrs.Paddington, je suis vraiment désolée !
– Muriel, qu’as-tu fait… souffla Aziraphale.
– Je sais que l’assurance ne voulait plus payer pour mes bêtises mais…
– Je n’aurais jamais dû laisser le capitaine Crowley suggérer une telle idée, murmura Aziraphale en se tournant vers lui.
– Je suis sûr que les petits vieux ont adoré notre offrande, lieutenant l’Angelot !
– J’ai reçu un appel du maire. La directrice de la maison de retraite lui a passé un coup de fil. Il est furieux.
Muriel émit un petit cri de souriceau pris au piège et d’une voix tremblante, tout en s’agrippant au bras du pauvre Eric, demanda si elle devait présenter ses excuses à Monsieur le Maire.
– Non, la rassura Crowley en chargeant une arme. Je m’arrangerais avec notre sommité locale.
– Qu’allez-vous faire ? demanda un Aziraphale quelque peu inquiet par ce changement d’attitude.
– Rien qui ne vous concerne, lieutenant, répliqua Crowley en pointant le semi-automatique vers la plume qu’il venait de lancer en l’air.
Il pressa la détente. La plume blanche retomba sur le sol, transpercée d’une balle encore fumante. Crowley fit tournoyer le Glock-17 autour de ses doigts, sous les applaudissements des deux jeunes agents.
– Lui, marmonna Furfur, il ne doit jamais louper son coup…
Aziraphale ne put que souscrire aux propos de l’officier face à cette démonstration non dépourvue d’arrogance. Son air surpris se changea en regard terrifié lorsqu’il entendit Muriel supplier le capitaine de lui apprendre le maniement des armes à feu. Il se mit à secouer la tête dans un déferlement de bouclettes craintives. Crowley arqua un sourcil interrogateur.
– Tu as déjà dû t’entraîner, non ?
– Eh bien, avoua la jeune constable en se grattant la nuque, je n’étais pas tellement douée…
Aziraphale exécuta de grands gestes désarticulés pour tenter de faire comprendre au capitaine qu’il ne fallait pas laisser Muriel s’approcher d’un quelconque pistolet et ce, même factice !
– Si j’étais vous, j’éviterais, intervint Furfur. Moi, en revanche, je suis toujours prêt à tirer un coup.
Crowley s’approcha de lui. Croyant son heure venue, Furfur adopta une posture décadente et entrouvrit les lèvres. L’objet de son désir tendit la main et lui arracha sa brique de lait. Furfur émit une série de protestations en voyant que ladite briquette fut déposée sur une étagère accrochée sur le mur au fond de la salle et allait servir de cible. Crowley, loin de se soucier de ses jérémiades, se lança dans une série d’explications destinées aux deux agents buvant ses paroles. Il faisait preuve d’une patience qu’Aziraphale ne lui aurait jamais soupçonnée.
Embarqué à son tour par les instructions distillées avec clarté, Aziraphale en oublia ce maudit coup de fil et se laissa entraîner par un souvenir qui le conduisit à l’école de Police de Cardiff, au moment où, lui et ses camarades de promotion avaient accueilli la délégation écossaise. Le jeune Aziraphale s’était retrouvé près du trio infernal faisant la pluie et le beau temps à l’Académie. Furfur, qui appartenait à cette détestable bande, ne cessait de lancer des remarques désagréables. Quelques heures auparavant, les « mauvais gars » comme les surnommait Aziraphale, l’avaient pris à part afin de lui rappeler la stratégie élaborée pour enfin vaincre les Écossais lors de ces jeux célébrant l’amitié entre les deux écoles. Aziraphale n’avait rien répondu et son silence avait sonné comme un accord, alors qu’en réalité, il n’avait que faire de leurs magouilles. Aziraphale s’était mis à observer leurs futurs adversaires, lorsque son regard avait été happé par un élève officier dont l’allure tranchait avec celle de ses camarades. Ses cheveux, d’un noir peu naturel, étincelaient comme des ailes de corbeau et accentuait son aspect étrange, détonnant parmi tous ces élèves officiers arborant les mêmes coupes courtes. Aziraphale lui aussi, à cette époque, avait sacrifié ses boucles blondes pour un crâne rasé. Il avait voulu détourner les yeux de l’Écossais mais trop tard, celui-ci l’avait remarqué. Il lui adressa un sourire auquel Aziraphale répondit avec maladresse. Furfur, qui avait assisté à cette scène, s’était alors penché vers lui et avait susurré :
– T’es pas son style.
Aziraphale sursauta en entendant Furfur prononcer exactement les mêmes mots que lors de cette journée-là. Il leva son sourcil droit, ce que Furfur, qui n’avait jamais été un bon communicant verbal ou corporel, interpréta à tort comme une marque d’acceptation.
– Au fait, où étais-tu donc passé lors de cette sacrée soirée ? le questionna Furfur en s’étirant. On les avait tellement bien épuisés ces foutus Écossais, qu’on les avait rétamés le lendemain !
– C’était un total manque de fair-play, répliqua Aziraphale qui avait refusé de participer à ce plan douteux, puis aux jeux – pour cause de cœur en miettes – et qui avait dû, par la suite, affronter la rancune de ses instructeurs et de ses camarades.
– Tous les coups étaient permis pour gagner à cette époque ! N’empêche, on n’a jamais su qui avait mis hors jeu le petit champion d’Édimbourg !
Crowley, qui n’avait pas perdu un seul mot de cet échange, commença à s’empêtrer dans ses explications et mit quelques secondes avant de retrouver le fil de sa leçon. Prétextant que celle-ci était terminée, il montra à Muriel comment charger son arme et la plaça face à la cible improvisée, tout en lui recommandant de bien prendre appui sur ses deux pieds.
– Si ça se trouve, reprit Furfur d’une voix forte, car il avait perçu le trouble de leur capitaine, c’était moi !
Aziraphale ne répondit pas, se souvenant que lui, cette nuit-là, avait goûté à d’ineffables délices avant d’en être brutalement privé l’aube venue.
– Alors ? s’entêta son ancien camarade de promotion. Tu faisais quoi, ce soir-là ? T’étais plongé dans un rouquin… pardon, bouquin. Pas vrai, notre Perdant favori ?
Crowley déconcerté, se mit à bredouiller des ordres contradictoires. Muriel, croyant qu’il lui donnait le feu vert pour tirer, pressa la détente. La balle siffla, frôla – on ne sait pas par quel miracle alors qu’il se tenait sur sa droite –, l’oreille du pauvre Eric, ricocha contre une étagère, fit quatre cabrioles dans le garage, revint dans la salle où elle termina sa course dans le mur du fond, sans toucher la brique de lait. Le jeune officier se confondit en excuses que Crowley n’entendit pas, tant son attention était captivée par les deux policiers gallois évoquant leur folle jeunesse.
– Raphale le Perdant, c’était ton surnom à l’époque, déclara un Furfur nostalgique de ces années passées. Et cela t’allait comme un halo à un foutu angelot !
Le coup porté, perfide, renvoya Aziraphale à une époque où perclus d’angoisses, il se sentait peu à sa place à l’école de Police. L’insulte le toucha encore plus profondément qu’une balle visant le cœur et raviva de vieilles plaies. Il baissa la tête et s’éclipsa de la salle pour éviter le déferlement d’émotions se déversant dans sa poitrine.
Crowley ordonna à Muriel, avec une intonation plus sèche qu’il ne l’aurait voulu, de lui rendre le pistolet. Tout en promettant à elle et Eric qu’il achèterait des armes en plastique pour les entraîner, il rangea le Glock-17 dans une boîte qu’il plaça sur une étagère que la jeune constable ne pourrait atteindre. Il se tourna ensuite vers Furfur et lui conseilla, d’un ton hargneux, de quitter cette salle et de se trouver une occupation qui le dispenserait d’avoir le déplaisir d’échanger avec lui. Muriel et Eric suivirent l’agent bougonnant.
Crowley se retrouva seul dans la future salle de tir. Il procéda à quelques rangements pour occuper son esprit mais un simple surnom proféré avait fait rejaillir le souvenir d’un Gallois menteur aux yeux clairs… et de quelques confidences échangées après une première étreinte dans un lit si étroit qu’il avait failli en tomber à plusieurs reprises ! Le capitaine sourit à cette réminiscence. Le corps qu’il avait exploré avec maladresse était si menu, si frêle, qu’il avait redoublé de tendresse par crainte de le briser. Il porta ses doigts à sa lèvre inférieure. Il avait osé, cependant, l’envelopper de ses bras et l’attirer contre lui. Il avait probablement dû gazouiller ces paroles bêtes d’amant trop épris en passant ses doigts sur le crâne nu recouvert d’un fin duvet blond. Crowley appuya son front contre l’étagère. Au moment de leur rupture, Samaël l’avait accusé de ne pas savoir aimer. La vérité, ridicule, était tout autre : il avait abandonné son cœur à cet amour d’une nuit qu’il n’avait jamais su oublier.
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Crowley s’apprêtait à regagner son bureau – enfin passer par son bureau pour rejoindre celui de son lieutenant –, lorsque Shax lui rappela qu’il devait appeler la compagnie d’électricité au sujet du couvre-feu. Crowley s’empara du combiné tendu par la réceptionniste et composa le numéro indiqué. Contacter le fournisseur d’énergie mit la patience de Crowley à rude épreuve. Accueilli par la musique de Cho...Shos...Sosh… bref, d’un compositeur russe – Choskatovitch, voyons Crowley lui apprendrait plus tard Aziraphale –, il dut ensuite engager un âpre duel contre une standardiste peu agréable dont il voua l’âme au Septième Cercle infernal qui, comme chacun le sait, est réservé aux secrétaires, aux agents d’accueil, aux comptables et aux agents du Fisc (les responsables des ressources humaines et autres fonctionnaires se partageant un autre Cercle). Elle transféra son appel au guichet n°1 – qui se trouvait non loin du bureau des réclamations, couloir de gauche, dernière porte à droite –. La secrétaire au bout du fil l’informa alors qu’elle ne pourrait rien faire pour lui tant qu’il n’aurait pas rempli le formulaire A38 géré par un autre service. Elle lui souhaita une bonne journée tout en lui disant que ladite conservation avait été enregistrée et envoyée aux autorités compétentes car menacer une secrétaire de la balancer dans le Phléghéton n’était pas des « propos acceptables ». Il répliqua, avant qu’elle ne lui raccroche au nez, qu’il comptait bien la noyer, elle, dans le Styx ! Son appel fut transmis à la première standardiste qui, en reconnaissant ses grognements, s’empressa de le mettre en attente. Ce fut le secrétaire du bureau situé au sixième étage, non loin de la machine à café, qui eut le plaisir de l’accueillir en lui demandant de décliner à nouveau son identité et la raison de son appel. Il nota les renseignements donnés avant de conclure qu’il ne pourrait pas lui transmettre le document désiré car Crowley n’avait pas encore répondu à une « petite » enquête de satisfaction. Le secrétaire raccrocha, laissant à nouveau défiler les notes de la Valse n°2, tandis qu’une voix robotique proposait au client suant à grosses gouttes, de souscrire à une assurance pourvoyant aux aléas et autres projets de vie : séparation, perte d’un emploi, nouveau travail, nouvelle rencontre, mariage et achat d’un cottage dans les South Downs. Cette fois-ci, l’impatience de Crowley explosa et il se mit à insulter, sous les yeux d’une Shax plus que captivée par ce spectacle, la voix automatique lui débitant sans cesse les mêmes âneries ! Il s’apprêtait à raccrocher en marmottant que personne n’avait pour ambition de s’enfermer dans une foutue maison à la campagne dans le sud du Royaume-Uni, lorsque un être vivant reprit son appel. Après de nouvelles menaces et autres charmantes promesses de damnation éternelle, le capitaine parvint à obtenir un formulaire envoyé sur sa messagerie électronique, à remplir en deux exemplaires et à renvoyer sous quarante-huit heures à la compagnie d’électricité.
– Vous voyez monsieur, il n’était ab-so-lu-ment pas nécessaire de s’énerver ! claironna la jeune standardiste avant de couper leur conversation sur l’air de la Symphonie N°5 en D mineur, op.47.
Une fois l’appel achevé, Crowley quitta la réception et rejoignit la grande salle. Il surprit Furfur, pieds posés sur le clavier de son ordinateur, rivé à son téléphone. Lilith roupillait sous le bureau. Eric et Muriel, sous couvert de rédiger un rapport, se partageaient un ordinateur afin d’entamer la rédaction d’une page Wikipédia à la gloire de leur nouveau héros. En passant près de Furfur, le capitaine ne sut résister à la tentation et jeta un regard à son téléphone : son agent était en train de faire défiler les profils sur un site de rencontres bien connu dont nous tairons le nom, car cette fanfiction n’est pas sponsorisée.
Une idée tout à fait délicieuse et donc malicieuse, germa dans l’esprit de Crowley. Arrivé à son bureau, il se saisit de son portable et activa le faux profil lui servant à espionner sur tous les réseaux sociaux existant. Babygirl, car tel était son pseudonyme, s’était vu doté en guise d’avatar, de la photographie d’un écrivain anglais à la masse capillaire défiant superbement les lois de la gravité les plus élémentaires. Il se connecta sur le site consulté par Furfur et trouva sans mal l’annonce de son agent se présentant sous le nom de Fou Fourrure aimant le cuir, les bergers allemands, les moustaches, les tapis et les films de gladiateurs. Crowley lui envoya un message lui disant qu’à une époque pas si lointaine, il avait été le propriétaire d’une moustache fournie et frétillante. Son ricanement s’étrangla dans sa gorge lorsque Babygirl reçut une réponse instantanée, ce qui lui valut un regard de la part d’Aziraphale. Crowley fit mine d’être pris d’une quinte de toux et décida, à la vue de l’air d’angelot battu de son coéquipier, de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Il esquissa un rictus et, tel un chevalier revêtu d’une armure d’obsidienne, se jura de venger l’honneur de Boucle d’or. Il rédigea un nouveau message et attendit. Au bout de quelques secondes, il eut une réponse ne laissant planer aucun doute sur les intentions de Fou Fourrure. S’ensuivit un échange de messages n’ayant rien de professionnels ou de cordiaux ; Crowley dut reconnaître que l’agent, en dépit d’une orthographe déplorable et d’une syntaxe médiocre, avait de l’imagination à revendre dans ce domaine ! Il effectua quelques recherches rapides afin de mettre un terme à ce petit jeu de dupes et envoya un dernier message à Fou Fourrure pour lui donner rendez-vous, dans deux petites heures, dans un club de Heavell le bien-nommé Dead Boy Detectives Club. La réponse ne se fit pas attendre : Fou Fourrure lui demanda de mettre son plus beau pantalon de cuir tandis que lui, se conformant à une requête de son interlocuteur, porterait des boutons à coudre sur les yeux en signe de reconnaissance. Crowley se déconnecta avec la satisfaction de la vengeance accomplie.
Furfur fut le premier à quitter le commissariat, alléguant qu’il devait aider sa pauvre « grand-mère » souffrant de divers maux et nécessitant une attention particulière. Muriel s’en étonna, lui rappelant que l’une de ses grand-mères comptait les mouches dans sa chambre de la maison de retraite de Tadfield, et que l’autre tenait compagnie aux vers du cimetière de la ville. L’officier rétorqua que nul n’était tenu d’avoir seulement deux aïeules ! Crowley, jouant le rôle d’un chef magnanime, lui accorda sa soirée et la lui souhaita excellente. Furfur fit claquer sa langue dans un bruit de succion et lui suggéra l’idée qu’un soir, ils se rendent dans un petit club situé à Heavell afin de se gaver de poireaux, la spécialité culinaire du Pays de Galles. Crowley le remercia pour cette invitation qu’il déclina pourtant d’un ton obséquieux. Quelques heures plus tard, et en dépit de leurs protestations, Crowley donna congés à Muriel et Eric qui lui promirent de venir le lendemain dès les premières lueurs de l’aube. Shax, quant à elle, s’était éclipsée depuis belle lurette sans solliciter la moindre autorisation.
Les deux policiers se retrouvaient à présent seuls. Aziraphale, saisi d’une crampe à la main droite, suspendit la rédaction de son rapport et se perdit dans la contemplation de son coéquipier qui s’était endormi sans crier gare. Il ne pouvait nier que le policier, en dépit de son caractère indélicat, était un homme tout à fait charmant. Charmant… le lieutenant fronça son nez qu’on pouvait qualifier lui, de charmant. Ce n’était pas le mot adéquat, trop innocent. Ses yeux se glissèrent sur les lèvres entrouvertes d’où s’échappait un léger filet de bave avant de se couler, un brin curieux, jusqu’au creux du décolleté plongeant, se délectant de la vision d’un espace carnal qu’il devinait appétissant. Il rosit et, tout en se flagellant pour ses indécentes pensées, reprit son travail qui à défaut d’être passionnant, lui permettait de se détourner d’un fruit défendu. Crowley ouvrit un œil et tel un reptile guettant sa proie, se mit à observer son coéquipier. Il admira les contours du visage poupin, s’attardant sur les joues rebondies, avant de serpenter jusqu’à un cou, qu’il devinait délicieux, engoncé dans un col amidonné et retenu par ce maudit nœud papillon. Le passé, Diable surgissant de sa boîte, le frappa de plein fouet, l’arracha au présent et l’attira vers d’infernales réminiscences : celles de jambes fluettes entourant ses hanches, d’une bouche explorant sa nuque et ses épaules. Quelles confidences avaient-ils échangées cette nuit-là ? Il avait bien du mal à s’en souvenir, trop enivré par la voix du curieux oisillon qui lui était tombé dessus lors de sa course d’escargots en solitaire, avant de l’emporter dans son nid. L’oisillon qui lui avait confié, bouche pressée contre sa poitrine, ne pas se sentir à sa place dans cette école où il était considéré comme « l’éternel perdant » devant se contenter des places en milieu de classement. Le jeune Crowley l’avait saisi par le menton et avait déclaré, afin de chasser les larmes s’accumulant dans les yeux clairs, qu’il avait toujours eu un faible pour les prétendus perdants. Un petit rire avait secoué le corps de cet amant tombé d’un nuage, et leurs lèvres s’étaient unies en un nouveau baiser bien moins maladroit que le premier échangé dans une rue de Cardiff, sous un auvent cédant sous le poids de la pluie.
– Bonne soirée, capitaine, susurra la voix de son lieutenant.
Crowley se redressa d’un bond et faillit en perdre l’équilibre. Aziraphale avait éteint son ordinateur et revêtu son manteau. Il s’apprêtait à franchir la porte inexistante de son bureau lorsque Crowley le rattrapa.
– L’Angelot, je me demandais… votre invitation à dîner tient toujours ?
Les doigts d’Aziraphale se resserrèrent autour de sa thermos décorée d’un motif tartan.
– Oui, cela serait fort discourtois de ma part de ne pas respecter ma parole.
Soudain, quelques notes de musique – du Bebop commenterait plus tard Aziraphale d’un ton dédaigneux – retentirent. Crowley porta son téléphone à son oreille et mit le haut-parleur afin de mieux entendre la voix saturée de grésillements de son interlocuteur.
– Anthony… pleurnicha une voix saccadée. Anthony, ne raccroche pas !
Un hurlement non identifiable résonna au loin.
– Ne raccroche pas ! supplia la voix gémissante. Tu es la première personne que j’arrive à contacter depuis des heures !
– Par les tétons de Satan, où es-tu Samaël ? s’enquit Crowley d’un ton quelque peu coupable.
Aziraphale en profita pour s’éclipser en toute discrétion, ce qui arracha une vague de grognements à Crowley.
– Ça ressemble au Dartmoor mais en plus désert… reprit un Samaël sanglotant. Anthony, il y a des loups en Angleterre ?
– Pas à ma connaissance… Pourquoi ?
– Il y a… Il y a des yeux jaunes qui m’observent.
Un crépitement se fit entendre, suivi d’un cri bestial. La communication coupa. Le capitaine Crowley envoya un rapide message à Dowling afin de mettre la Met’ au courant de la perte d’un de leurs agents, quelque part dans un coin dépourvu de toute forme de civilisation. Son lieutenant ayant décidé de se faire la belle, Crowley se résolut à quitter le commissariat à son tour, avec pour seule perspective, un repas préparé par Maggie et pris en solitaire devant un épisode des Craquantes.
En passant au niveau de la réception, il remarqua la lumière provenant du garage. Poussé par la curiosité, et voulant s’assurer qu’Eric ne s’était pas enfermé par étourderie, Crowley ouvrit la porte et découvrit Boucle d’or, dans l’ancienne réserve du capitaine Gomorrah, tenant à la main le Glock-17 ayant servi à l’entraînement de Muriel. Le lieutenant avait laissé tomber son manteau et sa thermos et examinait l’arme avec intérêt, sous toutes ses coutures.
– Vous pouvez le prendre, proposa Crowley en appuyant sa hanche contre la porte, les bras croisés sur la poitrine.
Aziraphale se tourna vers lui, avec la mine d’un enfant surpris à chiper dans la bonbonnière pourtant posée tout en haut d’un meuble de cuisine.
– Pardon, capitaine ! Je n’aurais jamais dû toucher à cette arme !
– Pourquoi donc ? fit Crowley dans un froncement de sourcils. Vous êtes flic après tout !
– A Tadfield, un pistolet ne me serait d’aucune utilité, répliqua son lieutenant en lui tendant le pistolet tentateur.
Crowley le repoussa vers lui.
– Vous avez dû pourtant vous en servir lorsque vous faisiez partie de la brigade de Cardiff !
Le lieutenant acquiesça.
– Cela fait une éternité que je n’ai pas tiré… je ne suis pas sûr de savoir comment m’y prendre.
– Foutaises ! C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas !
– Bicyclette, le corrigea son partenaire dans un sourire.
Aziraphale se plaça là où s’était tenue Muriel quelques heures plus tôt. Crowley se glissa à ses côtés pour mieux observer ses mouvements. Le lieutenant braqua son arme en direction de la briquette de lait. Il appuya sur la détente en fermant les yeux. Le coup partit dans un sifflement et vint percer le mur. Aziraphale rouvrit les yeux, s’excusa pour cette pathétique démonstration et voulut lui rendre le semi-automatique, lorsque la main de Crowley se replia contre ses doigts.
– Ce n’est pas parce que le premier tir est raté qu’il faut renoncer à ce plaisir, lieutenant Fell. Vos doigts…
– Quoi donc ?
– Ils sont mal positionnés. Puis-je ?
Aziraphale consentit d’un petit mouvement de menton. Crowley se saisit de sa main droite et la plaça sur la crosse. Il fit glisser ses doigts dans un lent geste descendant. Il lui distilla quelques conseils à ce sujet et lui recommanda de s’assurer que l’arme était bien tendue pour obtenir des résultats plus satisfaisants. Il se plaça derrière lui et corrigea la position de ses épaules tout en lui soufflant de nouvelles instructions au creux de l’oreille. Aziraphale se laissait guider, profitant de l’enseignement donné. Le bras gauche du capitaine s’enroula autour de sa taille tandis que ses jambes s’insinuèrent entre les siennes afin de leur faire prendre une posture plus adaptée.
– Lorsque vous tirez, ouvrez grand les yeux pour mieux profiter de l’instant, murmura Crowley en entrelaçant ses doigts à ceux d’Aziraphale.
Leurs mains jointes soulevèrent le pistolet. Aziraphale prit appui contre le torse de son instructeur. Crowley inclina la tête, ses lèvres frôlèrent la nuque offerte. Le lieutenant sentit un frisson lui titiller les omoplates quand le souffle de son coéquipier vint taquiner sa peau. Crowley entama le décompte dans un murmure pantelant et d’un même geste, leurs doigts pressèrent la détente. Aziraphale laissa échapper un gémissement à peine étouffé. Le deuxième coup partit, éventrant la briquette qui explosa dans un ruissellement de petites gouttes laiteuses.
Ineffables notes:
- Le titre du chapitre est une référence au titre du film Attrape-moi si tu peux.
- Les "films de gladiateurs" est une référence que je voulais caser, un jour, dans une fanfiction. Grâce à Furfur, j'ai réalisé ce rêve! C'est une référence au film Y a-t-il un pilote dans l'avion, une comédie pas très fine datant des années 80...
- L'auteur de la présente fanfiction présente toutes ses confuses aux standardistes, aux fournisseurs d'énergie, aux secrétaires et autres personnes travaillant dans les bureaux, ainsi qu'à un certain auteur anglais se trouvant mêlé à cette histoire...