Corentin et le renard

Chapitre 1 : Corentin et le renard

Chapitre final

3527 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/08/2025 11:32

Cette fanfiction participe au défi d’écriture « Aquatique et chic : poisson » (avril 2019) du forum Fanfictions.fr.

Catégorie deuxième chance





L’ange et le démon, dans le but de superviser l’éducation du jeune Antéchrist, avaient passé avec succès l’entretien d’embauche pour devenir, au sein de la famille Dowling, jardinier pour l’un et gouvernante pour l’autre. Il n’avaient eu aucun mal à falsifier leur curriculum vitæ (formation, dates, missions, compétences, etc), lettres de recommandation à l’appui, que ni Thaddeus ni Harriet, les parents, n’avaient pris la peine de vérifier, trop heureux de trouver aussi rapidement des domestiques de confiance, des perles rares. Et en effet, on pouvait totalement faire confiance autant à Aziraphale pour inculquer le bien au jeune garçon de cinq ans, qu'à Crowley pour lui peindre l’âme de quelques nuances bien sombres.


Et ils n’étaient pas venus les mains vides vers le fils de l'Ambassadeur. Ils avaient apporté, tels les Rois mages au petit Jésus, des présents soigneusement choisis. L’ange, qui se faisait appeler Frère Francis, avait offert au bambin son premier kit de jardinier, composé d’une petite brouette contenant un râteau, une bêche, une pelle, un râteau à feuilles, un plantoir et un sécateur en plastique, ainsi qu’une paire de gants, le tout en version miniature. Quant au démon, il avait trouvé une ravissante boîte à musique. En lieu et place de la ballerine en tutu rose sur ses pointes, c’est un macabre squelette qui se mettait à tourner sur lui-même tel un pantin désarticulé au son du Requiem de Mozart quant on remontait la manivelle. Le petit Warlock l’adorait. De même qu’il adorait les histoires que lui racontait la désormais Nanny Astoreth avant de s’endormir. Car Crowley bénéficiait (et ce, davantage encore depuis qu'il avait endossé ce rôle de gouvernante) de ce qui manquait cruellement à la plupart des démons : la mémoire et l'imagination. Pour tout dire : un cerveau.


Comme tous les soirs, Warlock était bien emmitouflé sous sa couette en tartan, la tête calée au creux du confortable oreiller de plumes. La lampe de chevet projetait des ombres inquiétantes au plafond. La boîte à musique avait terminé sa messe des morts.

– Tu me racontes une histoire, Nounou ?

– Bien sûr, mon poussin.


Il était une fois, peu de temps avant la Noël, un loup affamé et transi de froid. Partout dans les fermes, les humains étaient occupés à tuer, dépecer et saler leurs porcs.

– Pourquoi ils salent les porcs, Nounou ?

– Pour les conserver, mon chaton. Y’avait pas de congélateur, à cette époque. C'était encore bien avant le 14ème siècle, c'est pour te dire.

Boudins, saucisses, andouilles, s’entassaient au garde-manger. Mais les réserves de nourriture s’amenuisaient pour les animaux, et tous cherchaient désespérément de quoi se nourrir.

– Ça veut dire quoi s’amenuisaient ?

– Ça veut dire qu’il y en avait moins, mon souriceau. Mais cesse un peu de m'interrompre, répondit la nourrice avec une pointe d'agacement.

Gaby le loup n’y faisait pas exception. Il s’en fut alors trouver Anton, le renard.

Dites-moi, beau neveu, où donc trouvâtes-vous ces anguilles délicieuses que vous me fîtes goûter l’autre jour, et dont le fumet est encore présent à mon souvenir ?

– Pourquoi il parle bizarrement, le loup ?

– C’est du langage soutenu, mon lapin. Les verbes bien conjugués, des mots recherchés, et tout le toutim. Tu apprendras ça à l’école, plus tard. Ou bien tu demanderas à Frère Francis, il en connaît un rayon, avec tous les bouquins qu’il lit !

Contrairement à la question précédente, celle-ci ne provoqua aucun mouvement d'humeur chez Nanny, mais plutôt une lueur admirative dans son regard à l'évocation du jardinier bibliophile.

– Je les pêchai moi-même dans un vivier tout près d’ici, répondit Anton.

– Vraiment ? Serait-il indiscret de vous en demander le chemin ?

– Pas le moins du monde. Ce m’est une joie, au contraire, de vous faire profiter de mes bonnes aubaines.

– C’est trop de complaisance, mon bon neveu.

– Partons donc, mon cher oncle, et, si vous suivez bien mes instructions, je puis vous promettre une pêche miraculeuse.

– Ils en font des politesses et des simagrées…

– Ouais, t’a bien raison mon canard… Mais ouvre grand tes oreilles, répondit la gouvernante avec un soupçon de nervosité.

Et Anton d’emmener son oncle le loup, le soir, auprès d’un trou soigneusement entretenu chaque jour par les paysans du village, dont ils brisaient régulièrement la glace, et près duquel attendait le seau qui leur servait à puiser de l’eau. Anton, indiquant du doigt le trou d’eau et le seau, expliqua :

– Voici l’endroit, dit-il. C’est là que se tiennent en quantité les barbeaux, les tanches et les anguilles.

– C’est quoi des barbeaux ?

– C’est une espèce de poisson, mon ourson en pilou, répondit patiemment Nanny, d'une voix où perçait néanmoins un zeste de contrariété.

– Quand je veux du poisson, c’est là que je viens. Dès que le seau me semble plein, je le tire hors de l’eau et j’apporte ma pêche à Ziraphine, ma renarde, qui en fait ce que vous savez.

– Ziraphine est une cuisinière de tout premier ordre, remarqua Gaby avec courtoisie.

– Je l’admets bien volontiers.

– Elle cuisine bien, Ziraphine ?

– Oui, mon petit requin en cachemire. Divinement bien. Et surtout elle aime manger de bonnes choses.

Cette nouvelle interruption ne sembla nullement contrarier Crowley, bien au contraire, qui offrit au mouflet son plus beau sourire, de ses lèvres violine, avant de poursuivre :

– Précisément, voici l’engin qui sert à les prendre, ajoute-t-il en montrant le seau. Il suffit de le tenir quelque temps plongé dans l’eau, puis de l’en tirer quand on sent à sa pesanteur qu’il est bien garni de poissons. 

– C’est quoi la pesanteur ?

– Ça veut dire que c’est lourd, mon alligator en soie des Indes.

Le haussement de sourcils de sa gouvernante mécontente n'échappa aucunement au gamin, qui se tint coi quelque temps.

Séduit par cette perspective, Gaby se laisse convaincre :

– Je comprends, dit-il, et pour bien faire, je crois, beau neveu, qu’il faudrait attacher l’engin à ma queue. N’est-ce pas ainsi que vous faites vous-mêmes quand vous voulez avoir une bonne pêche ?

– Mon oncle, c’est merveille comme vous êtes intelligent et comme l’intuition est chez vous une seconde nature. Je vais faire ce que vous demandez.

Le renard, ravi, attache le seau à la queue du loup et le place dans le trou d’eau, tout en lui conseillant de rester parfaitement immobile pour ne pas effrayer les poissons.

– Et maintenant, vous n’avez plus qu’à attendre sans bouger pendant une heure ou deux, jusqu’à ce que vous sentiez les poissons arriver en foule dans le récipient, ajoute la rusée créature.

– Je comprends fort bien. Pour de la patience, j’en aurai plus qu’il n’en faut.

Le goupil file se dissimuler à l’abri d’un buisson, observant la scène d’un œil malicieux.

– C’est quoi le goupil ?

– C’est le renard, ma tarentule en zibeline. Mais si tu continues à me couper toutes les deux phrases, on en verra pas le bout !

Or, la nuit est si glacée, le froid est si vif que la surface de l’étang se remet rapidement à geler. La queue de Gaby est bientôt prisonnière de la glace. Pourtant, le loup, sentant que ça tire de plus en plus fort sur sa queue, s’imagine que ce sont les poissons qui remplissent son seau et il se réjouit, persuadé que la pêche sera vraiment miraculeuse.

Il fait un mouvement, puis s’arrête, persuadé que plus il attendra, plus il amènera de poissons à la surface. Enfin, il se décide à tirer le seau ; mais ses efforts sont inutiles. La glace a pris de la consistance, le trou est fermé, sa queue est prisonnière sans qu’il lui soit possible de rien tenter. Il se démène et s’agite, il appelle Anton :

– Au secours, beau neveu ! Il y a tant de poissons que je ne puis les soulever ! Viens m’aider ! Je suis épuisé, et le jour ne va pas tarder à venir…

– Ah ! réplique le renard en riant, je vois ce que c’est ! Mais à qui la faute ? Vous avez voulu trop en prendre, et voilà le résultat : Qui trop désire tout perd !

C’est maintenant le matin. Messire Constant des Granges, un honnête bourgeois dont la maison est proche, se lève, attrape son cor, appelle ses chiens, fait seller son cheval ; bientôt des clameurs partent de tous les côtés : on se prépare pour la chasse.

– C’est quoi des clameurs ?

– Des cris, mon scorpion en satin.

La gouvernante, quelque peut énervée, poursuivit :

Anton ne les attend pas, il reprend le chemin de Maupertuis où il habite, laissant là le pauvre Gaby qui tire de droite et de gauche, et déchire sa queue cruellement sans parvenir à la dégager. Survient un garçon tenant deux lévriers en laisse. Il aperçoit le loup arrêté par la queue dans la glace et s’écrie :

– Au loup ! Au loup !

Et Gaby entend Constant des Granges donner l’ordre de lâcher les chiens. Sous l’assaut, le loup, la pelisse hérissée, se prépare à se défendre. Il mord les uns, tient les autres à distance par ses grondements. Alors messire Constant descend de cheval, approche l’épée au poing et pense couper le loup en deux. Mais il manque son coup : ébranlé lui-même, il tombe sur la tête et se relève à grand-peine. Il revient à la charge, vise la tête, la lame glisse et le glaive descend sur la queue qu’elle emporte toute entière.

– C’est quoi le glaive ?

– C’est un autre nom pour l’épée, mon rhinocéros en flanelle, fit Crowley avec un soupir d'exaspération manifeste.

Gaby, surmontant une douleur aiguë, fait un effort suprême et s’élance au milieu des chiens qui s’écartent devant lui et s’élancent aussitôt à sa poursuite. Malgré la meute entière acharnée à ses trousses, il gagne une hauteur d’où il les défie. Les chiens alors renoncent, et Gaby rentre au logis, humilié et souffrant, regrettant la longue et riche queue qu’il s’est vu contraint d’abandonner contre sa liberté et sa survie. Cette magnifique queue touffue qui faisait sa fierté. Repousserait-elle un jour ?

Oh ! Comme il hait Anton à ce moment ! Et comme il désire se venger, d’une manière ou d’une autre, de cette bien fâcheuse aventure !


– Pauvre loup. C’est cruel, quand même… Frère Francis dit qu’il faut montrer de l’amour et du respect envers toutes les créatures. Même les loups.

– N’écoute pas ce qu’il dit. Et puis, tu vois, la ruse et la fourberie te combleront de joies qu’il ne faut pas bouder.

– C’est quoi la fourberie, Nounou ?

– Ça suffit pour ce soir, ma petite vipère en taffetas ... Tais-toi et dors maintenant, conclut la gouvernante après avoir compté mentalement jusqu'à dix à la vitesse de l'éclair pour se retenir d'exploser.

Certains jours, sa patience avait des limites bien vite atteintes...


Le lendemain matin, l’enfant gambadait dans le jardin, courant après les papillons, quand il rencontra le jardinier occupé à lancer du grain aux pigeons, un brin d’herbe entre les dents et un chapeau de paille solidement enfoncé sur la tête.

– Tiens, voici le jeune maître Warlock ! le salua Francis.

– Nounou m’a raconté une histoire hier, celle du renard qui tend un piège à son oncle le loup en lui faisant plonger un seau au bout de sa queue dans un trou d’eau pour pêcher des poissons, mais l’eau gèle et la queue est prisonnière et un chasseur arrive et lui coupe et il a très très mal. C’est pas bien gentil, hein ?

– En effet, mon garçon. Elle t’a raconté “La pêche aux anguilles”, qu’on appelle parfois “La pêche miraculeuse d’Ysengrin”. Cet épisode fait partie d’une histoire très ancienne nommée “Le Roman de Renart”, où, dans la plupart des aventures, Renart fait preuve de beaucoup de ruse et ses ennemis rencontrent de nombreux malheurs. Ce n’est pas très charitable. Tu te rappelles ce que je t’ai expliqué l’autre jour ?

– … Que je dois montrer de l’amour et du respect…

– … Envers toutes les créatures de la terre. Même sœur limace, oui. C’est très bien, mon garçon. J'espère que tu appliques ces préceptes à la lettre, n'est-ce pas ?

Le gosse, gêné, trouva soudain ses chaussures très intéressantes à observer.

– N'est-ce pas ? insista l'ange.

– Ben... pas toujours...

– Tu n'as pas fait de mal aux animaux, quand même ?

Warlock rougit violemment.

– Ben... j'ai peut-être écrasé une ou deux fourmis avec un bout de bois... Et papa m'a appris comment épingler les papillons sur une planche de liège...

– Les animaux sont nos amis et nos alliés, mon petit, quand on les traite avec égards. Tiens, assieds-toi au bord du muret, je vais te raconter une autre histoire de poisson...


Il était une fois, en France, dans les terres sauvages de Cornouaille, un ermite nommé Corentin. Solitaire, il vivait au pied du Menez-Hom, dans les forêts de Plomodiern, vouant sa vie à la prière et à la contemplation. Sa nourriture ne se composait guère que de racines, herbes et baies, qu'il trouvait dans la nature environnante. Un jour, alors que ses forces déclinaient, il pria ardemment Dieu de lui accorder un moyen de subsistance plus sûr. C’est alors qu’un miracle se produisit : une fontaine jaillit de la roche, et dans ses eaux limpides nageait un poisson unique.


Ce poisson n’était pas ordinaire. Chaque jour, fidèle au rendez-vous, il venait à la rencontre de Corentin, qui alors prélevait délicatement une fine tranche de sa chair pour se nourrir. Et là où le saint avait tranché, la chair du poisson se reconstituait aussitôt, le laissant intact et plein de vitalité. Ainsi, jour après jour, le poisson permettait au saint homme de survivre sans jamais périr. Un miracle de générosité et de bonté divine !


Mais cette existence recluse connut un bouleversement. Un jour, le légendaire roi Gradlon, souverain de l'antique cité d’Ys - hélas disparue dans les flots qui entrainèrent avec eux sa fille unique Dahut, la prunelle de ses yeux - chassait dans les bois avec toute sa cour et ses serviteurs. Ils s’égarèrent et errèrent des jours entiers, mourant de faim et de soif. C’est alors qu’ils arrivèrent, épuisés et affamés, devant la modeste demeure de Corentin. Pris de pitié, Corentin offrit au roi un morceau de ce poisson miraculeux. Gradlon, d'abord incrédule devant la maigre part offerte, fut stupéfait de voir qu’une toute petite tranche suffit à les rassasier tous, lui et sa suite toute entière.


Intrigué par ce prodige, le roi demanda à voir le poisson. Ils se rendirent ensemble à la fontaine, où nageait le poisson, indemne, sa blessure déjà guérie. Émerveillé, Gradlon comprit qu’il était en présence d’un homme béni de Dieu. En signe de reconnaissance et d’admiration, il nomma Corentin évêque de Quimper, marquant ainsi le destin du saint qui allait quitter l’ermitage pour se consacrer à la communauté chrétienne du diocèse de Quimper et Léon.


Warlock, qui n'avait pas osé interrompre le jardinier pendant son récit pour lui demander ce qu'étaient un ermite, un diocèse ou une existence recluse, n'y tenait plus cependant, et l'interrogea :

– Pourquoi la ville a disparu dans les flots ? Pourquoi le roi s'en est sauvé, mais pas sa fille ?

– Je te raconterai la légende de la ville d'Ys une autre fois, mon petit. Rappelle-toi juste que le Tout-Puissant peut accomplir de grandes choses pour toi si ton âme est pure, tandis que laisser entrer le Diable en ta demeure ne provoquera que catastrophes et deuils.


Le petit garçon en resta fort perplexe un moment, mais très vite l'insouciance enfantine reprit le dessus :

– Tu veux bien venir avec moi jusqu'au potager, Francis ? J'aimerais bien ramasser des petits pois.

– Pour quoi faire ?

– Pour nourrir les canards de l'étang. Nanny m'a dit qu'ils aimaient ça.

Aziraphale ne put retenir un sourire, et accompagna volontiers le bambin jusqu'aux rangées de petits pois, navets, et autres carottes qu'il cultivait avec le plus grand soin.

– C'est une excellente idée, dit-il en prenant la petite main dans la sienne. Allons-y. Mais on va en garder un peu pour nous, tu veux bien ?

– Oui, les canards vont pas tout manger, quand même ! répondit Warlock en riant.


Plus tard, dans la soirée, l'ange et le démon se retrouvèrent une fois les travaux du jardin terminés et le petit garçon endormi.

– Dis donc, attaqua Crowley bille en tête, t'as pas un peu fini de lui bourrer le mou au gosse, avec tes bondieuseries ? siffla-t-il, venimeux. Il m'a raconté ton histoire de poisson, et tu lui as passablement flanqué la trouille avec ton miracle et ton Tout-Puissant, mais surtout ton Diable et cette ville engloutie et cette princesse noyée. Il en était tout retourné, le pauvre, et j'ai dû lui faire marcher sept fois le requiem du squelette pour qu'il accepte de fermer les yeux.

– Mon cher, c'est toi qui a commencé, rétorqua Aziraphale d'un ton outré, sûr de son bon droit. Bel exemple en vérité, que la ruse employée comme moyen de blesser son prochain ! Bravo pour l'enseignement ! Belle moralité !

– Mais...

– Il n'y a pas de “mais”. J'essaie juste de trouver des exemples dans des nuances de gris très clair pour contrebalancer les tiens qui sont volontiers gris très foncé, je le crains.


Ils se mesurèrent un instant du regard, tâchant d'imprimer dans leurs prunelles tout le défi et la morgue dont ils étaient capables - comme jadis au pays d'Uz parmi les chèvres de Job, bêlant tranquillement sous leur camouflage de corbeaux. Nanny, dans un geste théâtral, avait retiré ses lunettes noires, espérant impressionner davantage son concurrent par les éclairs que lançaient ses yeux d'ambre. Il est vrai que l'un comme l'autre œuvrait du mieux qu'il pouvait pour inculquer à l'Antéchrist des notions du bon, pour l'ange, et du mauvais, pour le démon. L'enjeu était de taille, car il fallait que le petit, quand il aurait atteint ses onze ans, se comporte de la façon la plus normale possible, avec les parts de lumière et de noirceur propres à chaque être humain. À cette seule condition, ils pouvaient espérer empêcher que la rencontre avec le molosse infernal ne provoque l'Apocalypse.


Impossible toutefois de se quitter en mauvais termes ! Mettant fin à cette joute, Crowley capitula le premier :

– Je peux te tenter avec un dernier verre, mon ange ? fit-il d'une voix soudain radoucie. Qu'est-ce que tu dirais d'un sherry ? L'ambassadeur en a un excellent dans sa réserve. Il a aussi un très bon whisky.

– Tentation accomplie, répondit “Frère Francis” sans prendre le temps de réfléchir bien longtemps.

Ils se dirigèrent alors d'un pas tranquille vers les cuisines de la famille Dowling.

– Alors comme ça, Ziraphine est une experte en préparation culinaire et en dégustation des mets les plus fins ? ajouta l'ange dans un sourire malicieux. Et Gaby a laissé sa queue dans la glace ?

– Ngk... bredouilla le démon en replaçant prestement ses lunettes de soleil devant ses yeux.


Ils s'apprêtaient à continuer autour d'un verre cette discussion - dont ils avaient une telle habitude l'un et l'autre que c'en était devenu, de même que pour le jeune Warlock, leur “histoire avant de s'endormir” - à propos des deux versants de l'âme humaine, qui font que le monde est monde depuis l'aube des temps, à savoir le Bien et le Mal.




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