Mad Love (Jerome Valeska)

Chapitre 20 : "T'es tout ce que j'ai"

1891 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/01/2017 20:50

Sous la demande de Kaysha, Jérôme n’évoqua pas l’histoire qu’elle lui avait racontée. Bien inutilement, elle lui fit promettre de ne rien dire à personne. Son esprit avait encore du mal à y croire, malgré les jours qui passaient. Kaysha était redevenue le garçon-manqué qu’il avait toujours connu, et qui ne prenait pas garde au reste des gens. Ils auraient bientôt dix-huit ans, dans douze mois. Ça paraissait long, dit ainsi, mais ils savaient que le temps passait vite. Et il avait envie, que pour cet anniversaire décisif, cet âge si symbolique, tout change.

Se rendant un jour au chapiteau pour retrouver Kaysha, aux alentours de son anniversaire, Jérôme croisa le visage qu’il n’avait jamais soupçonné d’avoir fait de mauvaises choses. Le père de Cole était là, et parlait avec une autre personne, que Jérôme ne remarqua même pas.

Le rouquin s’était arrêté subitement, pour dévisager le malfaiteur. Le père de Cole remarqua le regard insistant de Jérôme, et le dévisagea à son tour. Les deux se fixèrent un long moment, sous l’incompréhension de l’autre. Jérôme se vit lui attraper le cou, et l’enserrer, de longues minutes, pour qu’il meurt entre ses doigts. Aucune expression ne traversait son visage, cependant.

Et pourtant, il sentait bien sa faiblesse : il avait promis de venger Kaysha, mais savait qu’il en était incapable. Il était incapable de se protéger lui-même, comment aurait-il pu faire payer au père de Cole ? Il avait dit cela sous la colère, sous la rage, mais savait qu’il ne pourrait pas le faire. Et le pire, c’est qu’il savait que Kaysha le savait aussi.

Une main attrapa le bras de Jérôme, et il fut emporté jusqu’à l’intérieur du chapiteau. Kaysha se posta devant lui, et le regardait avec sérieux. Il la jugea quelques instants. Il savait qu’il n’aurait pas du regarder le père de Cole ainsi. Mais il n’avait pas pu faire autrement. Compréhensive, Kaysha lui caressa la joue d’une main. Il la regardait avec cet air triste en compatissant, ce dont il ne se rendait pas compte.

-         Sourit donc, Valeska ! Tu ferais pleurer les rats du cirque, avec cette tête !

Un mince sourire redonna quelques couleurs à son visage.

-         Wade ! appela Christopher derrière eux.

Elle ne répondit pas, et gardait son regard bloqué dans les yeux de Jérôme. Ce dernier fronça légèrement les sourcils.

-         On t’appelle, murmura-t-il pour qu’il ne l’entende pas.

-         Je m’appelle Kaysha, répondit-elle en faisant semblant de lui sourire.

Jérôme eut un rictus satisfait.

-         Wade ! s’agaça son père.

-         Il veut pas que je traine avec toi, expliqua-t-elle au rouquin. Il te fait pas confiance.

Une main s’abattit sur son épaule, et la fit se retourner.

-         T’entends pas quand on t’appelle ? lui reprocha Christopher.

-         J’étais pas sûre qu’on parle de moi, répondit Kaysha avec arrogance. Mon nom est Kaysha. Kay’, à la limite. Wade, c’est mon nom de famille. Et je n’y répondrai plus.

Elle se détourna. Christopher n’avait rien osé répliquer. Du moins, il n’en avait pas eu le temps. Kaysha avait parlé d’une voix calme et posée, tranchante, le genre de voix inflexible, qui ne laisse aucune chance à celui qui l’écoute. Elle fit quelques enjambées, et revint sur ses pas pour prendre la main de Jérôme et l’emporter avec elle. Elle marchait rapidement, avec force et colère, frappant à chaque fois ses pieds contre le sol dur.

-         C’est pas lui qui va me dire ce que je fais, ce que je fais pas, ‘manquerait plus que ça, tiens ! ça va lui faire comprendre qui je suis, un peu.

-         Kaysha, calme toi, essaya Jérôme d’une voix qu’il voulait rassurante.

-         Oh, s’il te plait ! s’agaça-t-elle. Toi et moi on sait très bien que j’ai raison.

Oui, elle avait raison. Oui, « calme-toi » n’était pas la chose la plus judicieuse qu’il avait dite. Il la sentait s’énerver, il savait qu’elle contenait toute cette colère, et qu’elle ne voulait pas la faire sortir, pour que tout le monde continue à ne pas la comprendre. Qu’elle reste Kaysha, cette fille aux allures de garçons, qui ne demandait rien à personne, et à qui personne ne demandait jamais rien. Elle lâcha la main du rouquin et frappa dans une pierre, levant la poussière.

-         Et toi ! s’écria-t-elle. Pourquoi tu fais rien ?! demanda-t-elle. Pourquoi tu bouges pas ? Jérôme ! on te mène en bourrique !

Il la regardait avec incompréhension, si soudainement agressé.

-         Tu devrais pas la laisser faire ! Elle a pas le droit, et toi tu fais rien ! Regardes ça !

Sans prévenir, elle souleva le vêtement de Jérôme.

-         Tu vois ! Tu vois ! J’ai qu’à lever ton t-shirt et je tombe sur un bleu !

Elle appuya dessus avec son doigt, retirant une grimace à Jérôme qui ne répondait pas.

-         Arrête ! s’exclama-t-il.

-         Moi ? moi arrête ?

Il ne comprenait pas son emportement soudain.

-         Non ! Elle arrête !

Il allait s’apprêter à répondre, il ne savait pas vraiment quoi d’ailleurs, mais elle allait plus vite. Elle s’approcha de lui, prit le derrière de sa tête pour poser son front sur le sien avec une brutalité non recherchée.

-         J’en ai marre qu’elle te fasse du mal, expliqua-t-elle. Je ne le supporte plus. T’es mon meilleur ami, Jérôme. Je t’aime comme un frère.

Elle avait les yeux fermés. Jérôme ne pouvait s’empêcher de la regarder, de scruter ses paupières closes, se rendant compte de la force des paroles de la jeune femme. Il comprenait que chaque coup qu’il se prenait, la touchait elle. Kaysha frappa ses deux épaules de ses mains, pour le réveiller.

-         Tu comprends ?

Il la regardait, l’air absent, en pleine réflexion. Qu’elle lui ait avoué ce lourd évènement de son enfance l’avait, dans un sens, libérée. Kaysha était plus sûre d’elle. Elle ne voulait plus que quelque chose la touche ni lui ni elle. Elle prenait le contrôle de sa propre existence, n’étant plus soumise à un souvenir odieux. Il sourit légèrement.

-         Je te parle sérieusement, Valeska, dit-elle en arquant un sourcil.

Jérôme laissa son regard glisser vers le côté. Un rictus plus inquiétant se dessina sur sa figure, qu’il effaça rapidement.

-         Ne t’inquiète pas, répondit-il avec calme et froideur, je vais m’en occuper.

Kaysha fut surprise de sa réponse. Après quelques secondes d’hésitation, elle sourit à son tour.

-         Fais pas de bêtise non plus, Rouquin ! se moqua-t-elle.

Il eut un faux rire, qu’il voulait convainquant. Désormais trop grand pour elle, elle passa sa main dans le dos du garçon, ses épaules n’étant plus atteignables. Il posa son bras sur ses épaules.

-         T’es beaucoup trop grand, se plaignit-elle gentiment.

-         Et toi t’as pas beaucoup grandi, se moqua-t-il.

-         Je te permets pas !

Ils rirent ensemble. Rien ne pouvait plus rassurer l’un ou l’autre de se savoir rassemblé, loin de tout, loin des autres et des jugements, simplement deux adolescents qui rêvaient de mieux, sachant que même s’ils n’étaient pas de la même taille, ils pourraient toujours se rattraper sur leur compère.

-         Tu sais quoi, Valeska ?

-         Dis toujours ?

-         On va s’manger une glace, annonça-t-elle.

Il l’observa avec suspicion.

-         Je te jure Kaysha, que je remonte pas en voiture avec toi.

Elle éclata de rire.

-         La confiance règne ! ironisa-t-elle. T’en fait pas pour ça Rouquin, j’en ai au congélateur !

-         J’avoue que j’ai paniqué. Un peu. Vraiment un peu.

Elle tira la manche de Jérôme pour le faire descendre vers elle. Il se laissa faire, et elle lui laissa un baiser sur la joue.

-         Merci, dit-elle.

Il l’observa avec un air interrogateur.

-         Merci de rester mon ami, expliqua-t-elle. Après tout ça.

« Tout ça ». Ce qu’elle n’arrivait pas à évoquer : ses propres sentiments, ses faiblesses, sa force, son histoire. Tout ce qui faisait qu’elle était elle. Il serra ses épaules en l’approchant un peu plus de lui.

-         T’es tout ce que j’ai, répondit-il presque inaudiblement.

 

D’accord, « inaudiblement » est un mot qui n’existe pas x) Mais je l’aime bien :’) j’aime bien les néologismes, c’est joli parfois :’)

Enfin, j'espère que le chapitre vous a plu !


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