Smoke and Mirrors

Chapitre 0 : Smoke and Mirrors

Chapitre final

5908 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 28/11/2016 16:22

Barbara est piégée par L’Ogre, et celui-ci lui demande plusieurs fois qui elle veut qu’il tue. D’abord réticente, Barbara finit par accepter.


 

-         Alors, dis- moi, qui est-ce que tu aimerais que je tue ?


Jason avait posé la question à plusieurs reprises, et la jeune femme n’avait jamais réussi à y répondre. Elle ne pouvait pas vouer une vie à l’annihilation juste parce qu’elle voulait sauver la sienne. Même avec la lame sous la gorge, Barbara n’acceptait pas cette idée. Mais elle avait peur, elle était tout à fait terrorisée. Cet homme en qui elle avait cru, qui l’avait aimé. Elle avait décidément fait beaucoup de mauvais choix. Mais au moins, Jim n’avait jamais essayé de la tuer. Elle sentit la lame du couteau s’approcher dangereusement de sa gorge. Elle regarda Jason, les yeux humidifiés par ses larmes.


-         D’accord, souffla-t-elle enfin, pour éloigner cette menaçante lame de sa gorge.


Jason la regarda avec contentement, et retira la lame de son cou. Il posa la blonde sur le canapé, et s’assit à côté d’elle. Barbara restait repliée sur elle-même apeurée, sachant pertinemment qu’elle devait procéder à un choix.


-         Tu peux choisir n’importe qui, l’encouragea Jason. Pour toi, j’irais tuer un roi.


Barbara ouvrit lentement la bouche, sans voix. Non pas que le compliment l’eut ému, mais que le choix était d’une difficulté insurmontable. Elle réfléchit un long instant, ses iris bleus perdus dans les yeux profondément noirs de Jason. Elle passa en revue les derniers mois de sa vie, pour trouver la personne qui lui manquerait le moins, puisqu’il fallait choisir. Elle ne trouvait personne. Elle pensait pourtant à plusieurs personnalités : James Gordon, qui l’avait faite souffrir, et qu’elle aimait encore, à la folie. Ou alors envoyer Jason sacrifier Lee, car après tout, c’était elle qui lui avait volé Jim. Mais une chose perturba Barbara au long de sa réflexion.

Il y avait des personnes qui lui avaient fait bien plus de mal, tout au long de sa vie. Elle battit plusieurs fois des cils, en fermant sa bouche. Elle regardait Jason, mais ne le voyait pas. Non, Barbara avait les yeux plongés dans le regard de sa mère, et dans celui de son père, comme s’ils étaient superposés devant elle. Elle humidifia ses lèvres du bout de sa langue. Le regard hagard, presque absent, et dépourvu de vie, elle revint à la réalité, pour retrouver le séduisant visage de Jason.


-         Alors, mon amour, tu as décidé ? demanda-t-il en lui caressant le visage avec une délicatesse agréable.


Elle ferma lentement ses paupières sur ses yeux, et les releva pour regarder Jason avec un abattement profond.


-         Oui, murmura-t-elle.


Jason sourit à l’annonce, et releva doucement le corps de Barbara pour le mettre à sa hauteur.


-         Qui as-tu choisi ?


Elle se dit que c’était la meilleure solution, car ils étaient les seuls qui ne lui manqueraient pas. Elle ne voulait pas tuer Jim, car elle l’aimait. Elle ne voulait pas tuer Lee, car Jim l’aimait elle, et que si elle faisait ça, il la détesterait. Après tout, ses parents ne l’avaient jamais réellement aimée. Ils étaient déçus d’elle. Il persistait cette absurde animosité entre eux. Elle n’avait pas suivi la ligne de conduite des Kean, cette riche famille qui aurait voulu voir leur fille unique au dessus de tout, au dessus de Gotham. Ce qu’elle n’avait pas choisi. Et maintenant, elle choisissait de les faire disparaitre, pour sauver sa vie, et celle de celui qu’elle aimait encore, parce qu’elle savait que Jim était intimement intégré à cette affaire.


-         Mes parents, répondit-elle alors qu’une larme silencieuse courait le long de sa joue.


C’était définitivement le meilleur choix, pensait-elle. Elle sentait son cœur se déchirer, en même temps qu’un sourire fendait le charmant visage de l’homme en face d’elle.


-         C’est un excellent choix, complimenta-t-il.


Elle hoqueta une fois, en retenant un sanglot. Ces dernières heures l’avaient totalement épuisée. Il y avait d’abord eu ce stupide bal de charité, où Jason l’avait rejointe. Il lui avait parlé avec tant de sincérité, et avec tant de véracité, qu’elle l’avait cru. Barbara se sentait perdue, et Jason avait été la première personne qui lui avait tendu la main. La première personne qui finalement, l’avait comprise. Et elle prit peur, une peur encore plus violente que ce qu’elle avait pu ressentir. Car Jason l’avait comprise, et c’était clairement un détraqué. Jason était malade. De ce fait, peut-être qu’elle aussi elle l’était, peut-être qu’elle était complètement tarée, et que c’est pour ça que Jason l’avait comprise. Ensuite, elle l’avait suivi chez lui, ce qu’elle regrettait désormais amèrement, ils avaient couché ensemble – chose qui ne lui avait d’abord pas déplu – et elle n’avait dormi qu’une heure. Et c’est après ça qu’il l’avait gardée enfermé plus de six heures dans sa fichue pièce grise, entourée de toutes ces armes barbares, les bras attachés au plafond. Elle en avait encore mal aux épaules, ses yeux piquaient, et elle retenait sa nausée.


-         Allez, ma Belle, on va se lever, et tu vas me montrer où on va aller, dit Jason d’une voix calme et sereine, qu’il voulait rassurante.


Et qui, étrangement, était effectivement rassurante. Anéantie, Barbara se leva avec Jason pour le suivre. La jeune femme, prise d’une fatigue accablante, n’arrivait pas à suivre. D’un geste souple, Jason la souleva pour la porter, un bras sous ses épaules et un autre sous ses genoux. La blonde laissa sa tête reposer négligemment contre son torse, vidée de ses forces. Elle ferma ses yeux un instant, essayant par ce geste de reposer son esprit en espérant que ses forces lui reviendraient. Ils montèrent à l’étage, et il put la poser sur le lit.


-         On va te changer, dit-il, il faut que nous soyons présentables, tu es d’accord ?


Elle acquiesça négligemment. Jason sortit une robe couleur chaire, qu’il lui tendit.


-         Tu arrangeras tes cheveux, aussi.  


Sans attendre de réponse, il s’en alla pour la laisser se changer. Dans des gestes lourds et fatigués, Barbara enfila lentement la robe. Elle se posa ensuite devant le miroir, et avec des gestes connaisseurs défit la coupe de la veille, et se coiffa avec beaucoup d’application, comme elle le faisait toujours pour aller voir ses parents. Il fallait qu’elle soit parfaite physiquement, si elle ne pouvait les rendre fier autrement.

Lorsqu’elle eut terminé, elle sortit de la chambre pour retrouver Jason à l’étage en dessous. Il sourit en la voyant, et la complimenta. Elle répondit par un presque sourire détaché et incertain. Il lui proposa son bras, qu’elle prit après une courte hésitation, et le suivit en direction de la porte. Il tapa rapidement le code, et ils purent sortir.

Jason entra dans l’ascenseur, soutenant Barbara d’une main, sachant qu’elle allait tomber d’un moment à l’autre. Elle ferma ses yeux, appuyée sur Jason, se laissant bercer par la descente de l’ascenseur. Elle entendit le jeune homme saluer une personne qui venait d’entrer, alors que l’ascenseur s’était arrêté. Il sourit avec courtoisie à la femme qui se poussa pour faire de la place.


-         Elle a un peu trop bu, confia-t-il avec un petit rire moqueur.


La femme sourit, interdite. Barbara gardait les yeux fermés cependant, espérant par là qu’on l’ignore, puisqu’elle ignorait le monde, n’ayant plus aucun espoir en ce dernier. Elle ne croyait même plus en l’arrivée de Jim. Un ricanement interne retentit, un rire qui la traitait d’idiote : comment avait-elle pu croire que Jim viendrait la sauver elle ? Il ne devait même pas avoir remarqué son absence, il devait être en ce moment même dans les bras de Lee, à manger du chocolat devant un joli film romantique qu’elle adorait.

Jason posa Barbara sur le côté passager de sa voiture. Il l’attacha, et passa côté conducteur.


-         Barbara, mon amour, dit-il avec douceur, dis-moi où habitent tes parents, maintenant.


Elle lui donna l’adresse, avec une voix plate et blanche, sans expression. Elle douta même d’avoir parlé, d’avoir sorti ces mots de sa bouche. C’était comme si elle n’était pas là, son esprit était tout à fait ailleurs, perdu entre le rêve et la réalité, un endroit que peu de gens peuvent atteindre, et qu’on ne peut aborder seulement si l’on est assez fou pour s’abandonner aux oniriques illusions, qui font de l’homme de ce qu’il n’est pas. Elle laissait alors son regard se perdre par la fenêtre, pendant que la voiture semblait rouler depuis des heures, sans s’arrêter. Elle entendit à peine Jason parler au téléphone, le nom de Gordon ne lui parvint que de très loin, sans qu’elle n’y fasse vraiment attention. Ce ne fut que lorsque le visage de son ancien amant s’afficha devant ses yeux, qu’elle tourna la tête vers Jason, qui avait raccroché le téléphone depuis quelques secondes déjà.


-         Jim, souffla-t-elle, alors que le nom rencontrait le vide dans un silence assourdissant.


Les mains de Jason enserrèrent le volant avec force, il tiqua légèrement en se pinçant les lèvres. Barbara regretta immédiatement ses mots, elle battit des cils plusieurs fois, comme si elle se réveillait, et recula comme elle le put pour se coller à la portière.


-         Je suis désolée, s’excusa-t-elle prestement, je suis vraiment désolée, je ne recommencerai pas.


Elle avait les yeux grands ouverts, et le regardait avec une inquiétude non feinte. Il eut un mouvement de tête grâce auquel il retint toute sa colère, et adopta un sourire forcé pour la rassurer.


-         C’est mon dernier avertissement, se força-t-il à dire.


Elle hocha fébrilement la tête, en tenant sa ceinture de sécurité entre ses mains, afin de pouvoir se retenir à quelque chose, pour ne pas tomber tout à fait contre la porte, et maintenir ce qu’il restait de sa raison debout. La voiture fila, sans qu’aucune parole ne soit échangée. La nuit tomberait dans quelques heures, ravivant avec elle les appréhensions de Barbara qui ne cessaient de s’agrandir, encore et encore, un peu plus à chaque fois que la voiture avançait. Un peu plus même lorsque Jason respirait en gardant un rythme régulier, qu’il semblait toujours contrôler, à croire que rien ne lui échappait.

Barbara s’endormit sur le siège de la voiture, bercée par la progression harmonieuse. Jason se pencha sur elle pour la réveiller.


-         Barbara, il faut que tu te réveilles… on est arrivés.


La jeune femme s’éveilla dans un sursaut craintif. Pendant quelques minutes, elle avait pu oublier Jason et sa folie, et oublier son propre trouble. Un instant de paix, qui ne lui était plus permis, puisqu’elle reconnu le devant de la maison de ses parents. Jason sortit pour lui ouvrir la porte, et l’accompagner à l’extérieur de la voiture comme si elle avait été une reine. Mais Barbara ne se sentait pas reine, elle se sentait traitre et menteuse. Et étrangement, elle connaissait ses deux sentiments, alors qu’elle ne pensait les avoir jamais côtoyés.


-         Je t’en prie, dit-il avec élégance, passe devant. C’est toi qui dois me présenter à tes parents.


Il avait ce sourire perpétuellement courtois, qui avait d’abord plu à Barbara, mais qui maintenant lui faisait manquer des battements de cœur, comme s’il s’effondrait un peu plus à chaque fois. Elle avança alors devant Jason, les yeux perdus dans le vide qui trouvait sa source dans ce cœur instable, et son esprit oublié. Elle toqua à la porte, plus fort qu’elle ne l’aurait voulu, en attendant qu’un des ses parents vienne ouvrir.

Sa mère apparut à la porte, au grand regret de Barbara, qui avait encore le vain souhait que ses parents ne soient pas là. Son cœur revint alors un instant, pour peser et cogner dans sa poitrine, et exprimer la culpabilité que Barbara devait ressentir. En voyant le visage défait de sa fille, ce regard invraisemblablement vide, et pourtant le soin qu’elle avait apporté à sa coiffure et ses vêtements, elle eut une expression de surprise. Un léger son sortit de la gorge de Barbara, sans qu’elle ne puisse former le mot qu’elle essayait de communiquer. Son inaction agaça Jason, qui se rapprocha d’elle.


-         Bonsoir, madame Kean, dit-il alors en la saluant avec sa tête. Je m’appelle Jason Skolimski, je suis le petit ami de Barbara. Nous sommes venus vous faire une petite surprise, ajouta-t-il avec un sourire galant.


Barbara remarqua la figure indécise de sa mère, qui ne sut comment réagir face au visage effacé de sa fille, et celui aimable de Jason. Barbara secoua imperceptiblement la tête de droite à gauche, comme pour lui signifier inconsciemment de s’en aller. Après quelques secondes d’hésitation, la mère de Barbara tenta de fermer la porte sur les deux êtres, épouvantée. Immédiatement, Jason bloqua la porte avec ses mains et un pied. Elle essaya de la fermer totalement, mais Jason était plus fort qu’elle, combattant la vieille femme, alors que Barbara restait immobile. Jason repoussa la porte d’un coup, et Madame Kean s’étala sur le sol en hurlant le nom de son mari.

Jason se pencha au dessus d’elle, en la menaçant avec son couteau sous la gorge. Monsieur Kean descendait au même instant des escaliers. Il s’arrêta net en découvrant l’horrible scène : sa femme coincée sous la lame d’un homme au visage coléreux, et sa fille, immobile, sur le seuil de la porte, à le regarder faire, sans prendre la défense de sa mère.


-         Barbara, fais quelque chose ! s’écria-t-il après quelques secondes, se retenant à la rambarde des escaliers.


Elle leva les yeux sur lui, sans comprendre, remarquant tout juste son arrivée. Et elle comprit pourquoi elle avait choisi ses parents. Elle comprenait pourquoi elle les avait désignés, lorsque Jason lui avait demandé qui elle voulait qu’il tue. Son père lui avait toujours parlé de cette façon, sans délicatesse, sans amour. Il lui parlait comme cela, en toutes les situations. Elle venait de s’en rendre compte, en entendant la dureté dans sa voix alors que sa femme était en train d’attendre la mort. Elle leva légèrement les sourcils, surprise.


-         Je vous en prie, que personne ne panique, dit-il avec le calme qui le caractérisait tant. Bonsoir, Monsieur Kean, ajouta-t-il sur le même ton avec lequel il s’était présenté à madame Kean.

Je pense, que nous allons nous asseoir sur le fauteuil, comme des personnes civilisées.

-         Qui êtes-vous ? s’exclama monsieur Kean avec agressivité. Lâchez ma femme !

-         J’en oublie de me présenter ! vous savez, c’est la première fois que je rencontre les parents d’une fille, comprenez mon impolitesse. Je suis Jason Skolimski, le petit ami de Barbara. Et concernant votre femme, je suis vraiment désolée, mais si elle essaye de s’enfuir, il va me falloir la retenir.


Il se leva, pour ensuite lever la mère de Barbara. Cette dernière n’avait toujours pas bougé.


-         Barbara, demanda Jason avec amabilité, veux-tu bien nous rejoindre, s’il te plaît ?


Il se dirigeait en effet en direction du salon.


-         Monsieur Kean ? dit Jason en désigna le fauteuil.


Le père de Barbara descendit prudemment les escaliers, pour suivre la progression de Jason. La mère de Barbara se détacha de Jason pour courir dans les bras de son mari.


-         Il va nous tuer, se plaignit-elle à voix basse en se blottissant contre lui.  


En essayant de garder un visage impassible, le père de Barbara entoura sa femme de ses bras sécuritaires, en regardant Jason droit dans les yeux.


-         Nous allons régler ça, n’est-ce pas ? qu’est-ce que vous voulez ? Combien vous voulez ?


Jason se mit à rire avec distinction, prenant la question pour une énormité. Il se tourna vers Barbara, comme pour s’assurer qu’il n’était pas seul à trouver cela absurde, et pour l’entrainer à rire avec lui. Un léger sourire spectral se dessina sur les lèvres de la blonde qui ne savait plus vraiment comment réagir. Faisant mine d’essayer une larme hilare, Jason fit signe aux Kean de s’asseoir sur le fauteuil, jusqu’où il les accompagna. Ils suivirent ses mouvements, et s’assirent, toujours blotti l’un contre l’autre.


-         Vous avez vraiment l’impression que j’ai besoin d’argent ? demanda-t-il alors qu’il était toujours proche d’eux.


Le père de Barbara eut une mine défaite en comprenant son erreur. Jason Skolimski n’était pas un homme dans le besoin. Il avait fait une erreur en croyant encore en l’argent, en croyant en ce bien misérable, qui allait lui ruiner la vie. Sans plus attendre, Jason revint vers Barbara, pour se placer à côté d’elle. Il avait arrêté de rire, retrouvant ce visage serein et assuré. Il prit une courte inspiration, en sortant un couteau de sa poche.


-         On fait ça pour toi, Barbara, dit-il, sans qu’elle ne comprenne vraiment pourquoi.


Elle s’en remettait tout à fait lui désormais, car elle n’avait personne d’autre sur qui s’accrocher. Et pour une fois qu’on lui tendait la main, jusqu’au bout. Il s’avança vers ses parents, la lame hostile en avant, comme s’il allait la planter dans l’un. Mais, il se stoppa au milieu de son geste, avec une mine faussement pensive. Barbara le regarda avec surprise, alors qu’elle attendait le son tranchant de la lame sur la peau, et le liquide rouge se déverser avec abondance sur le fauteuil et la peau usée de ses parents.


-         Non, attendez… viens là, dit-il en tendant la main.


Comme si elle avait été hypnotisée, Barbara s’avança machinalement vers lui, et mit sa main dans la sienne. Jason se posta derrière elle pour poser son menton contre son épaule. Il mit la lame devant elle, la tenant toujours.


-         C’est toi qui va le faire, murmura-t-il en lui chatouillant l’oreille.


Elle tourna lentement la tête vers lui, et son regard oscilla vers la lame brillante sous le lustre. Elle ouvrit légèrement la bouche, alors que son esprit hurlait. « Je ne peux pas. Je ne peux pas faire ça, je ne suis pas comme ça. Ce sont mes parents ». Comme lisant dans ses pensées, Jason se colla un peu plus à elle, pour ajouter :


-         Voyons, Barbara, si tu les as désignés, ce n’est pas pour rien. Tu dois vraiment leur en vouloir. Ils n’ont jamais été les parents que tu voulais, hein ? je ne peux pas te retirer le plaisir de t’en débarrasser toi-même.

Il respira longuement la parfaite chevelure blonde de Barbara, en la tenant par la taille d’une main.


-         Je t’en prie, mon amour, prends le couteau, et tue-les.


« Ce sont mes parents, je ne peux pas tuer mes parents ». Mais sa main se tendit mécaniquement sur l’arme, et elle l’empoigna en même temps que Jason retirait sa main. Elle observa le couteau avec intérêt, comme si elle découvrait l’objet pour la première fois.


-         Barbara, ne fais pas ça, supplia sa mère en sanglotant.


Barbara baissa son regard vidé de toute raison vers elle, la lame se reflétant légèrement dans ses yeux à cause du lustre. Elle n’avait pas vraiment d’idée sur ce qu’elle devait faire, ou même comment s’y prendre. Elle fronça légèrement les sourcils, emplie de réflexions incohérentes qui se fracassaient les unes contre les autres, dans un bruit assourdissant, ressemblant étrangement au son des vagues pesantes s’écrasant sur les lourds rochers.

Barbara se déplaça lentement pour se poster devant sa mère. Elle se baissa doucement vers elle, comme pour l’embrasser.


-         Dépêche-toi, entendit-elle alors que Jason commençait à s’impatienter.


Le visage égaré, l’esprit se déchirant entre vie et mort, entre raison et folie, Barbara agrippa un peu plus le couteau, et l’enfonça une première fois dans le ventre de sa mère. Le geste avait été rapide et précis, alors qu’il lui avait semblé d’une longueur incroyable.


-         Je suis désolée, dit-elle d’une voix légèrement chevrotante.


Son père, qui n’avait jusque là pas parlé, trop épouvanté pour cela, hurla sur sa fille, quelque chose qu’elle n’entendit pas, mais qui devait certainement ressembler à un « Barbara, pourquoi as-tu fait ça ? Qu’est-ce qui t’arrives ?! Laisse-nous partir ! ». Madame Kean tenait son ventre, pour empêcher le sang de s’écouler, la bouche grande ouverte, sans qu’un seul son en sorte. N’en pouvant plus, Barbara lâcha le couteau qui tomba sur le sol, en essuyant sa main ensanglantée sur ses vêtements, la respiration saccadée.


-         Qu’est-ce que tu fais ?! s’écria Jason.


Il s’empressa vers elle, et attrapa rapidement le couteau poisseux.


-         Reprends ça ! Reprends-le !


Jason semblait fou de rage. Il attrapa le derrière de sa nuque, pour la rapprocher de lui. Elle le regardait, les yeux humides, les lèvres tremblantes. Jamais elle ne l’avait vu si en colère. Mais elle était fatiguée, si fatiguée, épuisée d’une force en laquelle elle avait cru longtemps, même après le départ de Jim. Et elle en avait assez d’être cachée, de ne pas se sentir comme elle le voulait, d’être cette personne aux allures mensongères. Et cette fatigue aussi, qui se sentait dans tous ses membres, dans chacun de ses muscles, après ces heures passées dans la funeste pièce de torture. Elle n’arrivait plus à pleurer, à se sentir normale. Il y avait bien longtemps que Barbara ne l’était plus.

En voyant son visage perdu et incertain, Jason se radoucit. Il passa lentement son indexe sur sa joue, comme si ce geste avait pu la rassurer.


-         Si tu ne le fais pas toi, je vais devoir le faire, prévint-il. Et tu pourras les rejoindre.

-         Je ne peux pas, arriva-t-elle enfin à formuler.


Un sourire frustré s’afficha sur son visage alors qu’il baissait la tête pour le dissimuler. Barbara en comprit qu’elle n’avait définitivement pas le choix. Jason n’eut pas le temps de lui répondre :


-         Okay, okay, souffla-t-elle en dirigeant lentement sa main vers le couteau qui avait déjà frappé une première fois.


Avec une réjouissance maîtrisée, Jason laissa Barbara s’emparer de la petite lame. Son père la suppliait encore, avec une petite voix gémissante, en serrant sa femme déjà mourante dans ses bras. Barbara ne l’écoutait plus, elle n’entendait pas, ne sentait pas. Elle avait l’étrange impression d’avancer dans un brouillard épais, voyant à peine ce qui se dressait devant elle. Elle n’espérait plus rien, ni de clémence de la part de Jason, ni l’arrivée de Jim Gordon.


Et les coups partirent seuls. Il n’y avait rien eu de plus facile à faire. Simplement tenir le couteau, et le faire entrer dans la peau fatiguée de ses deux parents, à plusieurs reprises, dans un bruit dérangeant de chaire arrachée. Aucun son ne lui parvenait, mise à part celui répétitif de la mort. Jason n’existait plus, ses parents non plus. Et finalement, sa propre existence venait de s’écrouler. Elle se détruisait un peu plus, à chacun des coups de couteau. C’était cela qui le lui avait fait lâcher, la première fois qu’elle avait percé le ventre de sa mère : la première brisure dans son âme. Et celles qui s’appliquaient maintenant à détruire sa conscience, lui faisaient tenir le couteau, jusqu’à ce qu’elle ouvre leur gorge respective, dans un geste plein d’assurance, qu’elle n’aurait jamais cru pouvoir maîtriser.


Son œuvre achevée, sans qu’elle n’en ressente une certaine fierté, mais plutôt la sensation d’un accomplissement, elle s’arrêta. Les corps immobiles et vermeils de ses parents la heurtèrent d’abord, comme si elle venait de les découvrir, à la manière d’un artiste, qui verrait pour la première fois sa création complétée.

Jason, tout doucement, se plaça derrière elle, et descendit sa main le long de son bras pour reprendre le couteau souillé. Barbara le laissa couler entre les doigts de Jason, qui l’embrassa tendrement dans le cou.


-         Viens, mon amour, on va t’enlever ces vilaines traces.


Ses mains étaient couvertes de sang, plus que sa robe. Il l’emporta jusqu’à la salle de bain, dirigée par elle, et lui lava la peau avec délicatesse. Tout ce temps, Barbara évita de se regarder dans le miroir, trop anxieuse de voir la nouvelle elle. Lorsqu’il eut terminé, Jason se pencha gentiment vers elle et lui embrassa la tempe. Il passa ensuite devant le lavabo, pour laver le couteau et ses mains, avec des gestes précis. Barbara s’en alla, pour retourner dans le salon, où ils avaient laissé ses parents.

Un mouvement à l’entrée la surpris, sachant pertinemment qu’il n’y avait personne d’autre dans la maison. Et quelle fut sa surprise lorsqu’elle découvrit le visage de Jim, arme à la main. Son expression était horrifiée, il venait de trouver les parents de la jeune femme l’un contre l’autre, assis sur le fauteuil qui s’imbibait de leur sang, et maintenant, il trouvait Barbara avec toutes ces affreuses tâches sur ses vêtements.


-         Jim ?

-         Barbara !

-         Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle.


Ils s’observèrent plusieurs secondes. Elle ne savait pas s’il était vraiment là, ou s’il était une illusion, une agréable illusion, en laquelle elle n’avait cessé de penser. Peut-être qu’elle était devenue vraiment folle, à présent. Mais pourtant, Jim semblait bien réel.


-         T’aurais jamais dû venir ici, ajouta-t-elle alors qu’il n’arrivait pas à répondre.

-         Où est-ce qu’il est ?


Au même instant, Jason arrivait derrière Jim, pour lui sauter dessus. Barbara les vit se battre l’un et l’autre, Jason essayant désespérément d’enfoncer sa lame dans le corps de Jim. La jeune femme ne savait pas vraiment qui elle voulait voir mourir en premier : l’homme qu’elle avait aimé et qui l’avait trahie, ou bien celui qui venait de l’obliger à tuer ses parents. James avait cependant plus de force que Jason, et il reprit bien vite le dessus, après que avoir cassé une table et évité plus d’une fois le couteau de L’Ogre. Sachant qu’il n’avait pas de réelles chances de gagner, ce dernier se précipita derrière Barbara pour lui mettre son couteau sous la gorge. Cette dernière se laissait malmener par Jason, sachant que si elle ne répondait pas à ses attentes, il lu trancherait la gorge sans hésitation.


-         Baissez ça, baissez le couteau, ou je tire, prévint l’inspecteur sans perdre son fabuleux aplomb.


Le regard de Barbara ne cessait de se perdre dans le vide, sous l’inquiétude de Jim.


-         Un seul mouvement, et elle se retrouve la gorge ouverte, précisa Jason comme si cela n’avait pas été clair. Je ne voudrais pas que ça arrive.

-         Vous ne le voulez pas ? Tout va bien se passer, Barbara. Tout va bien se passer, répéta Gordon.

-         Si vous vous souciez de cette femme, vous ne seriez jamais venu me chercher, rétorqua Jason.

-         Je l’aime plus que vous ne l’avez jamais aimé, dit James avec frustration. Posez le couteau, ordonna-t-il sans que sa voix ne perde son assurance.  

-         Ce n’est pas moi qui vais lui trancher la gorge. Ce sera vous, inspecteur, dit Jason avec sarcasme.

-         Posez ça, répéta Jim encore une fois.

-         Jim, s’il te plait, supplia Barbara tendue sous le couteau. On voulait simplement être seuls, sourit-elle.

-         Hey, enfoiré ! appela Bullock qui apparut derrière eux.


Surpris, Jason tourna la tête, et Gordon en profita pour lui tirer une balle qui le fit s’effondrer sur le sol, le couteau glissant lentement sur le cou fin de Barbara, qui tomba à son tour, comme libérée. Libérée d’elle ne savait plus vraiment quoi, finalement : cette lame qui la menaçait, le corps de Jason derrière elle, la vie du jeune homme qui n’aurait pas cessé de la tourmenter, et peut-être avait-elle aussi ce sentiment que tout pourrait bien finir par s’arranger.

Elle posa immédiatement une main sur sa gorge blessée, pendant que Gordon et Bullock se précipitaient vers elle.


-        Il est mort, fit savoir Bullock, évoquant une évidence.

-         Ça va aller, dit Gordon en s’accroupissant vers Barbara. Regarde-moi. Barbara ? ça va aller.


La voix de Gordon était lointaine, presque inaudible. Elle voyait simplement ce sang qui s’écoulait sur sa main, et qui était le sien. L’impression était étrange, alors qu’elle avait eu le sang de ses parents sur sa peau, quelques minutes auparavant. Elle ne savait même plus, les souvenirs s’entremêlaient dangereusement dans son esprit. Elle ne dit pas qu’elle avait tué ses parents, car elle n’en était plus certaine. La vision d’elle maintenant le couteau, était parfois remplacée par Jason frappant ses parents à plusieurs reprises. Elle avait été le bourreau et la victime. Et maintenant, elle était sur le sol, proche de l’homme qu’elle avait longtemps attendu et qu’elle ne pouvait pas se résoudre à aimer pour autant.


Et elle avait cette intime impression que malgré tout l’amour qu’elle pourrait lui porter, lui ne pourrait plus jamais l’aimer.



Hellow ! Alors voilà ma version du meurtre des parents de Barbara Kean ! J'espère qu'il n'y a pas trop d'incohérences avec la série (je sais la saison 1, ça remonte à loin :') ) Enfin, j'espère que ça vous aura plu ! :D


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