Histoires d'Avant la Fournaise

Chapitre 7 : Les voilà !

1078 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/09/2023 21:43

– Les voilà !


Du haut de son perchoir, le jeune Lauren vit le premier la colonne de réfugiés.

Le soleil n’était pas encore levé. Le ciel avait une teinte incertaine de bleu mêlé de gris.


La colonne de réfugiés s’annonça par une lueur jaune orangé, au-dessus des collines, au sud du plateau vallonné au bout duquel les Ascaloniens avaient établi leur colonie, dans les ruines d’un vieux village.


Les éclats de torches révélèrent les premiers cavaliers, encadrant les réfugiés.

Ils avançaient avec mesure.en rang serré, impatient d’arriver et inquiet aussi.


Lauren avait escaladé le mur d’un ancien grenier à blé. Là-haut, il s’était installé et avait attendu…

Lorsqu’il aperçût les réfugiés, il sauta sur ses pieds et se pencha dangereusement en avant.

Il porta ses doigts à sa bouche, siffla pour attirer l’attention. et cria :


– Les voilà !


Puis il dégringola avec agilité de son perchoir, et couru en direction du centre du camp, en répétant à l’envi :


– Les voilà !


Au centre du camp, on avait dressé un feu autour duquel, Emma, en compagnie de ses officiers, dégustait une boisson, confectionnée à base d’une racine locale. Le consensus au sujet de cette boisson était qu’elle était chaude.


– Chef ! Les voilà ! Lauren, essoufflé, s’avança dans le cercle de lumière.

– Oui, oui, on a entendu ! Merci Lauren !


Une fois les premiers préparatifs effectués en toute hâte, l’agitation du camp était retombée.

On avait éteint les torches, réduit les lanternes, placé des sentinelles et les gens qu’on avait réveillés précipitamment étaient partis se recoucher en grommelant.

Certains, parmi ceux à qui l’on n’avait rien demandé, mais qui étaient venus quand même, s’étaient recouchés, d’autres erraient dans le camp, en cherchant de quoi occuper leurs impatiences.


En traversant le campement à toute berzingue, Lauren avait tiré un coup de pied dans la fourmilière.

La tension qui couvait sous l’apparente quiétude s’était réveillée et avait cédé le pas à une véritable excitation.


Les officiers assis autour du feu se levèrent, et ajustèrent leurs ceinturons.


« Qu’est-ce qu’il leur prend, à ces cons-là ? On ne part pas à la bagarre ! »


Debout devant le feu, Emma sentit sur son dos, le poids de l’impatience de ses hommes.

Elle prit le temps de boire une nouvelle gorgée. C’était chaud, un peu amer, voire acide.

Pas bon en tout cas.

Elle marqua une pause. Sachant qu’aucun de ses hommes n’aurait l’impolitesse de partir en avant pour accueillir les nouveaux.

Intérieurement, elle bouillonnait. Mais il y avait, dans le camp, suffisamment de gens excités… Elle devait montrer l’exemple, du calme, et de la discipline… Au besoin, en recadrant un officier qui la ramènerait…


« Il y a beaucoup d’attente… Beaucoup de gens espèrent revoir un proche… Il va y avoir beaucoup de déçus… »


Ce qui l’inquiétait par-dessus tout, c’était la réaction des déçus, quand la précarité de leur situation viendrait se rappeler à leur bon souvenir…


« Faudrait pas que ça se termine par un lynchage… On n’a pas besoin de ça… »


Emma remua sa tasse, fit tourner le liquide à l’intérieur et siffla le reste d’un coup. Ce n’était pas meilleur, mais par respect pour celui, ou celle qui avait préparé le breuvage, il n’était pas question de gaspiller…


– Allons-y ! Dit-elle en reposant sa tasse.


Elle fendit le groupe de ses officiers, et pris la tête, laissant ses hommes se mettre à sa remorque.


Le camp recommençait à se remplir.

Les impatients avaient réveillé les gens partis se recoucher et se faisaient engueuler. Ceux qui attendaient beaucoup se pressaient à la hauteur du portail marquant l’entrée du camp. Ceux qui n’attendaient rien s’étaient mis en retrait et observaient la scène d’un air faussement goguenard.

Et puis il y avait tous les autres…

L’ensemble formait un tas vaguement aggloméré, qui bouchait l’entrée du camp.


Emma donna quelques ordres et les soldats obligèrent la foule à se ranger de part et d’autre de l’allée de tentes.


« S’agirait pas non plus de les effrayer… »


Le groupe de réfugiés s’avança. Une quarantaine à vue de nez… Des femmes, des hommes, quelques enfants, pas de vieillards, quelques éclopés… Tous, noirs de crasse et raides de trouille ; vêtus de bouts d’armures, de vieux vêtements et de fourrures ficelées ensemble.


« Ils sont encore en pire état que nous ! »


Une personne se détacha du groupe et fit quelques pas en avant. Emma fronça les sourcils : c’était ça, leur guide ? Thom avait dit : « Une gamine ».


« Un petit morceau de gamine, alors… Dix-sept ans ? Dix-huit ans ? Non… Plus… »


La nouvelle venue était blonde. Pâle. Avec de grands yeux et des traits harmonieux et paisibles. Elle arborait une coiffure étonnamment sophistiquée, du point de vue d’Emma, qui se coiffait avec les doigts et se coupait les cheveux avec un couteau.


– Vous êtes le Général Indoril ?

La gamine s’était plantée devant Emma, et la toisait gentiment par en bas. Elle lui arrivait à peine au niveau de la poitrine. Emma en fut décontenancée. La petite était jolie, coquette, et déterminée.


– Heu… oui, je suis… Enfin, je ne suis pas Général, mais…

– C’est sous ce titre que l’on m’a désignée à vous, depuis la Gueule du griffon jusqu’à l’Arche du Lion…


Emma se reprit. La petite la mettait mal à l’aise. Cela l’irrita.

– He bien, va pour Général, alors… Et bienvenue à la Colonie d’Ascalon, Mademoiselle ?


Emma et la petite échangèrent une poignée de main.

– Indoril. Annastasia Indoril.


Emma broncha, comme un cheval rétif, et renifla bruyamment.

– Indoril ?


La jeune fille lui sourit :

– Je suis votre cousine !

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