L'enfant

Chapitre 6 : L'enfant 6

1622 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:29

Alors que je courais dans la forêt, m'éloignant de plus en plus du campement, je me rendais compte que j'allais avoir besoin d'un certain nombre de choses essentielles... Déjà, je n'avais pas de carte et cela s'avèrerait utile pour me repérer dans la région, voire indispensable si je voulais partir loin de la Vallée de la Reine. Bien sûr, je n'avais ni tente, ni sac de couchage et les nuits risquaient d'être dangereuses en plus d'être inconfortables, avec les Taminis et les autres créatures qui rôdaient dans les bois. Et, surtout, une question restait sans réponse: où allais-je pouvoir partir? Je refusais de m'interroger sur ce point, mais un jour où l'autre, il faudrait y réfléchir. Pour le moment, le soleil tombait et je ne savais pas du tout où j'allais passer la nuit. M'arrêtant pour réfléchir un instant, je tentais de me souvenir d'une direction, d'un village, que j'aurais pu entendre au camp. Tout ce que je savais c'est qu'au nord coulait une rivière où j'allais parfois m'entraîner et qu'au passage jusqu'à la région au sud de la Vallée, se dressait un petit village. Le problème, c'est qu'il pouvait se trouver aussi bien à quatre heures de marche, qu'à vingt minutes. Je n'en savais rien...  De toute façon, c'était ça ou une nuit dehors avec les centaures rôdant dans les environs... Je commençais à courir vers le sud: il me fallait pour commencer nettoyer le sang sur mon visage à défaut d'enlever celui sur mes cheveux, pour ne pas ressembler à un cadavre fraîchement déterré. J'aviserais ensuite.  Par chance, je trouvais le patelin juste au moment où la nuit tombait. Il s'appelait Claypool. La plupart des habitants semblaient dormir, et les volets des maisons étaient en grande majorité clos. Seule une petite chaumière paraissait ouverte, et de la lumière s'échappait par les fenêtres mal lavées. Un petit écriteau en bois pendait au-dessus de la porte d'entrée qu'une lampe à pétrole éclairait. Sans doute une auberge ou une taverne. Je traversais le village, passant devant les ateliers de travailleur du cuir, de bijoutier, de forgeron, et devant les habitations aux toits colorés. De jour, l'endroit devait grouiller d'artisans et de marchands itinérants transitant avec les Collines de Kessex, et de clients discutant des prix et échangeant des potins. J'entrais dans l'auberge, arc à la main, flèches dans le dos. Six tables rectangulaires, un comptoir en bois massif rongé par les termites et les coulures de bière, devant lequel étaient disposés des tabourets. L'allure de l'auberge oscillait entre le miteux hors d'âge, qui me fixait à travers les yeux de biches et de cerfs dont les têtes accrochées au plafond semblaient presque se plaindre de la poussière qui s'accumulait sur leur nuque, et le moderne qui s'exhibait sous forme d'un espèce d'aquarium aux vitres tellement propres qu'on entendrait presque l'eau s'écouler sur le parquet d'acajou. Sans compter l'odeur de cacahuète trempée dans la bière, qui donnait sûrement aux poissons l'envie de s'enfoncer dans les graviers luisants tapissant le fond de leur grand bocal rectangulaire. Un bar dans les règles de l'art, sauf qu'il n'y avait personne à part deux hommes à la large carrure assis au bout du comptoir, discutant autour d'une chope de bière. L'un d'eux me jeta un bref regard lorsque je m'asseyais. La tavernière était une jolie blonde qui devait avoir dans les vingt-cinq ans, vêtue d'une jupe lui arrivant aux genoux et d'un tablier tâché. J'en venais à me demander pour quelle blonde venaient les deux hommes qui lançaient des regards en pensant qu'elle ne les remarquait pas. Elle passait un coup de chiffon sur l'arrière bar, et me salua d'un signe de tête lorsqu'elle me vit. Je lui demandais:"Bonsoir, vous avez des chambres?-Oui, simple ou double?"Je tournais la tête vers les deux autres clients, puis répondais dans un sourire"Simple, ça ira, combien cela me coûtera?- Deux pièces d'argent"J'avais réussi à en ramasser dix. Mais pour l'instant, ce n’est pas comme si j'avais le choix. Je posais les pièces luisantes devant la tôlière, qui m'indiqua la chambre et me lança les clés. Je montais le petit escalier de bois usé, et arrivais dans un petit corridor mal éclairé couvert d'une moquette verte olive sûrement aussi vieille que la bâtisse. J'entrais dans la pièce, éclairée par une petite lampe à pétrole. Elle contenait le minimum syndical: un lit, une armoire de bois, un lavabo, une baignoire et un miroir. Je me précipitais vers celui-ci, et me regardais dans la glace. Je m'en sortais bien: après m'être nettoyée tout à l'heure dans la rivière, ma peau avait plus ou moins retrouvé sa couleur habituelle. Par contre, mes cheveux faisaient peine à voir: crasseux, secs, ébouriffés et en cascade sur mes épaules. Tout cela irait mieux après un bain et un peu de savon. J'enlevais ma tunique et mes sous-vêtements que j'abandonnais sur le sol, versais l'eau chaude et l'eau froide contenues dans deux sauts posés dans un coin de la pièce dans la baignoire, et me glissais dedans. Tout d'un coup, il me semblait que toute la pression et la peur accumulées depuis l'attaque du camp se relâchaient. Mes muscles se décontractaient, je fermais les yeux. L'eau et la lumière dansante de la lampe m'apaisaient, et je restais un petit moment sans bouger, prenant le temps de me demander comment j'allais pouvoir m'enrichir, et mener ma nouvelle vie. Mais tant que je n'avais pas vengé ma mère et ma sœur en tuant Ulgoth le Modniir, je ne pourrais pas partir à l'aventure en paix. Revenant à la réalité, j'attrapais la savonnette posée sur le bord du lavabo en pierre grise, et commençais à enlever le sang sur ma peau. Je tentais de nettoyer mes cheveux, même si Eileen m'avais assuré que la couleur ne partirai jamais. Il avait raison: j'avais beau frotter et frotter, je n'obtenais aucun résultat. En sortant du bain, je me regardais dans le miroir. Fine, assez musclée, un peu de poitrine... Je ne devais pas être trop désagréable à regarder, à un détail près. J'attrapais un ciseau et une brosse à cheveux sur le rebord, et me mettais au travail. Après quelques minutes, je me regardais à nouveau dans la glace. J'avais coupé en long carré qui me descendait jusqu'aux seins, le front proprement couvert par une frange bien droite. Toute la partie supérieure était rouge sang, mais la couleur s'estompait au niveau du menton dans un dégradé brun et sang désordonné. Un cri résonna sous mes pieds nus. Je me baissais et collais mon oreille au sol. Il y avait deux voix d'hommes, et la voix de la tavernière:" Sortez de mon bar!- Allez, viens, on va s'amuser tu vas voir! Fit la première voix d'homme.- T'as pas envie de prendre un peu de plaisir? Tu n'as même pas de mari, faut bien se détendre un peu non? Enchaîna la deuxième- Je vous ai déjà dit non! Maintenant dégagez! Hurla la jeune femme.Je n'attendis pas la suite, j'avais déjà compris ce qui allait se passer. J'enfilais mes sous-vêtements à la hâte, prenais mon arc et mon carquois que je mis en bandoulière, et je sortais en trombe de ma chambre pendant que la tôlière hurlait. Je m'arrêtais en haut de l'escalier. Le plus fort des deux hommes tenait la femme par les poignets, et tentait de l'amener vers les chambres à l'étage. J'encochais rapidement une flèche et tirais.

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