My cannibal obsession

Chapitre 13 : La chasse.

5935 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:02

Dimanche 22 mars

 

Je me suis réveillée en espérant que tout ce qui est arrivé hier était un rêve, en vain. Je redoute de voir Hannibal parce que nous ne nous sommes pas du tout adressé la parole depuis que Will a failli le tuer.

 

Je ne parviens même plus à réfléchir à ce qui pourrait se passer par la suite, pourtant il va bien finir par falloir. Je me lève, me regarde dans le miroir : mes yeux sont rouges et gonflés et j’ai à peu près l’air d’un cadavre en décomposition.

 

Je me passe de l’eau sur le visage et me dirige vers la cuisine. Il fait très beau dehors. Hannibal lit le journal et boit un café. C’est à première vue une agréable matinée, pourtant une lourde et sombre ambiance pèse dans cette maison. Quand j’arrive il regarde dans ma direction par dessus son journal mais j’évite son regard. Je n’ai pas encore envie de lui parler, je suis trop perdue. Il ne cherche pas à m’adresser la parole. Je me sers un café, le bois et vais me préparer. Je ne peux rien avaler d’autre de toute façon.

 

J’arrive dans la salle de bain, m’enferme et me regarde à nouveau dans le miroir. Les larmes coulent sur mes joues, je les essuie. Je me frotte les yeux et m’appuie sur le lavabo pour me regarder de plus près.

 

Je pense à ma vie d’avant. Il faut vraiment que j’appelle mes parents parce que lorsqu’ils liront dans les journaux ce qu’il est arrivé ils mourront d’inquiétude. J’ai toujours été très proche d’eux, je suis fille unique, mais ils ne s’imaginent pas une seconde tout ce qui se passe actuellement dans ma vie. Qu’en penseraient-ils ? Je n’ose même pas l’imaginer. Je me demande si mes amis s’inquièteront eux aussi en lisant le journal. Probablement pas.

 

Je m’éloigne de tous ces gens que j’aime ou que j’ai aimés, mais je me rapproche de moi-même en même temps que je me rapproche de lui.

Mon cœur est lourd, mais pas autant que ma conscience.

 

« Ce silence nous glace tous les deux. », déclare Hannibal derrière la porte.

 

Mon cœur manque un battement lorsque j’entends le son de sa voix.

 

« Ouvre moi. », ajoute-t-il.

 

Je sens de chaudes larmes sur mes joues et m’appuie sur la porte.

 

« Qu’est ce que tu cherches à faire ? Me pousser à bout, comme tu l’as fait avec Will ? », pleuré-je.

 

J’ai peur. Pas qu’il me tue, ou de lui. J’ai peur qu’il me laisse, j’ai peur parce qu’aujourd’hui je l’aime au tel point que j’ai sans arrêt peur qu’il m’abandonne. Sans lui je ne suis plus rien, j’ai besoin de lui pour remonter la pente et pour continuer à vivre. Tout repose sur cette relation à présent, et rien de tout cela n’est un hasard. Je dois savoir à quel jeu il joue avec moi.

 

« Tu as fait en sorte que je n’aie plus que toi, ajouté-je.

- Je veux uniquement ce qu’il y a de mieux pour toi. », me répond-t-il. 

 

J’entends quelque chose que je n’ai jamais entendu dans sa voix, un soupçon de tristesse qui m’interpelle. Je me lève et me décide à lui ouvrir la porte. Il a l’air sincèrement affecté. Il est appuyé sur l’encadrement de la porte de sa main droite et il a l’autre main posée sur son front.

 

Il me fixe et attend que je réagisse. Je me déplace légèrement sur ma gauche pour m’appuyer sur le mur et pose mes mains autour de son cou pour l’attirer vers moi. Il pose son front contre le mien et s’appuie d’une main sur le mur. Je baisse les yeux.

 

« Regarde-moi. » 

 

J’obéis et me plonge dans son regard sombre. Je l’aime tellement.

 

«  On pourrait partir, toi et moi, proposé-je.

- Pas maintenant, rétorque-t-il. Finissons d’abord ce que nous avons commencé ici.

- J’ai peur pour la suite, je ne sais plus faire la différence entre le bien et le mal.

- Tu devrais avoir confiance en tes propres réactions, même si elles te surprennent. Moi j’ai confiance en toi. »

 

Je baisse les yeux et attrape dans ma trousse de toilette un collier avec un crucifix comme pendentif. Ma famille est catholique et je garde ce collier avec moi, par principe et par superstition.

 

«  Tu te demandes ce que Dieu penserait de tout ça ?, me demande-t-il.

- Ca fait un moment que je n’ai plus pensé à Dieu. »

 

Tout en serrant fort mon collier dans ma main gauche, j’admire le visage d’Hannibal. Je n’ai jamais abordé la question de la religion avec lui. Je ne suis pas pratiquante et il m’a toujours paru difficile d’associer science et religion. Mais je n’ai jamais cru autant en quelqu’un qu’en lui.

 

Nos visages ne sont qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.

 

« J’espère qu’Il me pardonnera et qu’Il ne sentira pas trop importuné lorsque je pose les yeux sur toi et que je te désire tant que je te mangerais crue, déclare-t-il en souriant légèrement.

- Je pense que tu as commis de pires péchés.

- Dieu lui-même aime tuer, sinon il ne le ferait pas constamment. »

 

J’aime sa façon de penser. Il sait exactement comment me parler, néanmoins il ne semble pas mentir, il a vraiment l’air de vouloir me dévorer, et j’adore ça.

 

«  Que cela plaise à Dieu ou non, je crois en toi, dis-je.

- J’avoue que ça me plait plutôt bien.

- Mais c’est insensé.

- L’amour est insensé. »

 

J’observe longuement ses lèvres, elles m’inspirent à la fois la tendresse et la cruauté. Il me dévore du regard, et ça c’est cruel. Cette conversation nous rapproche mais ouvre toujours plus de mystères. Chaque fois qu’il s’ouvre un peu, j’ai l’impression qu’il en cache davantage. Je me rends compte qu’en essayant de comprendre Hannibal, j’ai ouvert une chasse psychique excessivement complexe.

 

«  L’amitié aussi visiblement, rétorqué-je.

- Je n’ai pas su travailler avec Will comme je l’aurais dû, soupire-t-il.

- Qu’est ce que tu vas faire maintenant ?

- Will reste mon ami. Et toi qu’est ce que comptes faire ?

- Votre amitié n’a pas l’air très réciproque.

- Patience.

- Je voudrais le voir, soupiré-je.

- Il t’obsède.

- Et pas toi ?

- Il m’intrigue, déclare-t-il en penchant légèrement la tête.

- Obsessionnellement. »

 

Bien sûr que Will Graham nous obsède, mais nos approches sont très différentes. J’ai besoin de voir Will pour savoir où j’en suis alors que j’ai l’impression qu’Hannibal sait exactement où il en est, et il n’a pas terminé son travail avec lui. Il a l’air d’être sincère lorsqu’il dit qu’il veut faire de Will son ami, mais pour autant je ne ressens aucune culpabilité de sa part.

 

 

Lundi 30 mars

 

Une semaine est passée. Lundi dernier j’ai eu mes parents au téléphone, ils étaient comme prévu morts d’inquiétude avec tout ce qui s’est dit dans la presse. J’avais beau leur dire que les journalistes exagéraient les faits et que Will n’était qu’un pauvre patient perdu, ils n’ont rien voulu savoir et ont tenu à ce que je reste une semaine chez eux. J’en ai profité pour me ressourcer, j’ai essayé de réfléchir le moins possible et de prendre du recul. Pendant une semaine je me suis rapprochée de ma vie d’avant, et cela m’a servi à me rendre compte que je m’épanouis plus que jamais dans ce que je fais et que cette vie d’avant ne me ressemblait pas. Quoi qu’il en soit, j’ai rassuré mes parents, et c’est mon but principal. Je veux les protéger.

 

Je suis venue déposer mes affaires chez lui ce matin et il n’y était pas. Il m’a appelée cette semaine, il était passé voir Will à l’hôpital, c’est tout ce que je sais. Will a été transféré ce matin à l’unité psychiatrique pour détenus de Baltimore et je suis actuellement en route pour lui rendre visite. Et j’appréhende sans vraiment savoir pourquoi.

 

Une fois sur place, un employé m’accompagne dans les locaux. C’est un bâtiment peu accueillant et froid, j’ai l’impression que le résonnement de mes talons sur le sol s’étend sur des kilomètres. Ce gardien est grand et mince, il ne cesse de remuer son trousseau de clés et  il marche d’un air totalement dédaigneux et hautain. Il a l’air vraiment spécial. Nous arrivons devant une porte.

 

« C’est là, derrière la porte au bout du couloir à gauche. » me dit-il.

 

J’hoche la tête et fixe la porte pendant quelques secondes. Puis il l’ouvre et me fait signe d’entrer.

 

« Ne faîtes rien entrer d’autre que du papier, pas de crayons ni de stylos. N’acceptez pas ce qu’il vous donne, ne le laissez pas vous toucher et ne le touchez pas, je serai juste dehors, ajoute-t-il.

- Bien, mais je… J’ai confiance en lui. Vous pourrez nous laisser.

- Vous êtes ?

- Je suis le Dr Hoster.

- Oh bien. Je ferai peut être une petite exception pour vous alors. Mais ne me faîtes pas perdre mon job. »

 

Il a l’air d’avoir un toc avec son trousseau de clés et il a la bougeotte.

 

« - Promis, réponds-je.

- Vous aimez Michael Jackson ?

- Quoi ? Euh… Oui. » hésité-je en détournant le regard et en fronçant les sourcils.

 

 

Il finit par m’ouvrir la porte où se trouve Will et souris malgré moi. Ce gardien n’a pas vraiment le profil typique pour travailler avec des aliénés à longueur de journée.

 

C’est une pièce claire remplie de fenêtres et Will est assis, les mains sur la table. Il porte des menottes elles mêmes fermement attachées à la table par une grosse boucle en métal. Je tourne la tête pour regarder le surveillant, en espérant qu’il nous laisse. Il comprend et recule jusqu’à ce qu’on ne puisse plus le voir. Je m’assieds en face de Will, passe une main dans mes cheveux et m’appuie sur le dossier de ma chaise. Nous nous observons pendant quelques secondes le visage détendu.

 

En le voyant assis la, les menottes aux poignets et l’air tellement fatigué et désespéré mon cœur se brise en mille morceaux, ça me fait vraiment du mal et je suis aussi très en colère, mais pas contre lui bien évidemment.

 

« Je t’en prie dis quelque chose. », me dit-il en s’avançant un peu plus vers moi.

 

Je déglutis et détourne le regard vers la fenêtre en pinçant les lèvres.

 

« Ton épaule va mieux ?, finis-je par demander.

- Ça va, ils m’ont donné ce qu’il faut à hôpital. »

 

Il avance sa chaise du mieux qu’il peut pour se rapprocher de moi.

 

« Tu ne peux pas m’en vouloir, déclare-t-il.

- Je sais. Je ne t’en veux pas. 

- Approche. »

 

Il tend sa main vers moi tout en laissant son coude posé sur la table. J’avance ma chaise, pose les coudes sur la table et avance mon visage. Il passe sa main dans mes cheveux et je sens contre ma joue le métal froid et désagréable de ses menottes, ce qui me fend encore un peu plus le cœur.

 

Quand je le vois, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce que j’ai fait, ou plutôt à ce que j’étais prête à faire. S’il n’avait pas tenté de tuer Hannibal alors c’est moi qui l’aurais envoyé ici. Il n’a tué personne, mais il aurait pu. Je reste persuadée que le don de Will n’en est pas un et qu’il pourrait bien être au plus profond de lui un meurtrier psychopathe. Seulement, il s’en sort bien puisqu’il avait réussi à reconvertir ses pulsions pour aider le FBI. C’est un homme bien et il essaie de combattre le démon qui est en lui. Il prend délicatement une de mes ondulations brunes pour la placer derrière mon oreille.

 

Je repousse sa main et m’appuie à nouveau sur le dossier de ma chaise en me prenant la tête entre les mains. J’aime Will, profondément. Mais je lui suis nuisible, sur tous les plans. Je suis prise d’un élan de colère.

 

« Ça ne peut plus durer Will.

- Quoi ?

- Je suis désolée, pour tout, mais maintenant je vais partir. »

 

Je me lève et il tente de faire de même mais il est retenu par les menottes.

 

« Je t’en prie, reste, explique moi.

- Quoi qu’il arrive, ne parle pas à Freddie Lounds. Tu peux compter sur Alana, déclaré-je.

- J’ai besoin de pouvoir compter sur toi.

- Non c’est faux, tu n’as pas besoin de moi. Bien au contraire.

- Tu n’y es pour rien, alors reste.

- J’aurais pu éviter tout ça, mais je ne l’ai pas fait et j’ai fait un choix. Je ne veux plus avoir à choisir.

- Je ne t’ai jamais demandé de choisir entre Lecter et moi. »

 

Cette dernière phrase m’interpelle. Je ne veux plus le blesser. Je savais, j’étais au courant qu’Hannibal le manipulait et je n’ai rien fait. Je pourrais lui parler de l’accord entre Forns, Freddie Lounds et moi, mais ce n’est profitable pour personne.

 

Malgré tout cela, la colère dépasse la culpabilité. Je suis en colère et j’ai réellement envie de me venger. Le mal est réel et je le sais, je le sens, il grandit au fond de moi. Je déteste ne pas avoir le contrôle. On a volé et perturbé mon travail. Camille veut me faire tomber, et elle veut récupérer Will. Je lance un dernier regard à Will qui va certainement lui faire comprendre qu’autre chose ne va pas.

 

Je sors de la pièce et m’appuie contre le mur. J’essuie les larmes qui ont coulé sur mes joues sans que je m’en aperçoive et reprends mes esprits.

 

« Vous êtes sûre que ça va, doc ? », me lance le gardien.

 

J’hoche la tête et le suis pour sortir. Il me conduit dans le hall puis m’y laisse, et lorsque je sors du bâtiment je tombe sur Hannibal qui discute avec Freddie Lounds. Ma colère monte encore un peu plus.

Ils sont tous les deux à quelques mètres l’un de l’autre et Freddie tient son appareil photo qu’elle dégaine et qu’elle pointe sur moi.

 

« Je peux savoir ce qu’il vous prend ?

- On ne sait jamais, vous pourriez devenir intéressante Docteur, me répond-t-elle.

- Quel honneur serait-ce d’intéresser les lecteurs de Tattle-Crime, lancé-je ironiquement.

- Dieu sait que vous êtes l’une de mes plus fidèles lectrices.

- Quel manque de politesse Mademoiselle Lounds, intervient Hannibal.

- Que faîtes vous ici Freddie ? demandé-je.

- Je suis ici à la demande de Will Graham. » répond-t-elle.

 

A sa demande ? Pourquoi Will voudrait-il voir Freddie ? Elle sourit et pousse la porte d’entrée. Je regarde Hannibal.

 

« Est-ce que j’ai manqué un épisode ?

- Oui, répond-t-il.

- Que s’est-il passé ? Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?

- Parce qu’il fallait que je te montre. Je vais t’emmener au FBI. »

 

Il s’approche de moi avec toute son élégance et me serre dans ses bras. Enfin. J’avais oublié à quel point c’était bon.

 

« Qu’est-ce que tu faisais avec Lounds ?

- En fait je venais te chercher, je savais que tu serais ici. »

 

Nous entrons dans la voiture, je me demande vraiment ce qu’Hannibal a de si important à me montrer.

 

                                                                      ***

 

Au FBI nous croisons des membres de l’équipe de Crawford qui nous saluent puis nous entrons dans une salle où se trouve Beverly Katz.

 

« Bonjour Docteur, dit-elle.

Bonjour. », répondons-nous en même temps.

 

Beverly me regarde d’un air inquiet, et je déteste ça.

 

« Pourriez vous nous laisser, s’il vous plaît Mademoiselle Katz ?

- Oui Dr Lecter, mais s’il vous plaît ne touchez à rien, vous connaissez les procédures.

- Assurément. »

 

Elle sort et Hannibal pose sa main en bas de mon dos pour me faire avancer devant une petite table où sont disposés des appâts de pêche.

 

« - Ce sont des appâts de pêche retrouvés chez Will. Tous sont formés à partir de restes humains.

- Quels restes humains ?

- Nous avons un morceau de la trompe utérine d’Elisabeth Forns, ici un morceau de Mark Sherman et sa maîtresse Vanessa Doyle. »

 

Mark Sherman et Vanessa Doyle sont le couple tué par l’imitateur qui n’est autre qu’Hannibal.

 

Il en reste deux. Il reste deux appâts.

 

« Et ceux-ci ? demandé-je.

- Jenna Greene, c’était une prostituée. Elle a été retrouvée morte hier.  », déclare-t-il en pointant un appât du doigt.

 

Le tueur de cette femme veut donc certainement communiquer avec le FBI, ou bien avec Will. Un admirateur. Je ne sais pas encore si c’est Hannibal. Pourquoi tuerait-il une prostituée ?

Le dernier appât est différent, il ne s’agit pas de chair ou d’organe, mais d’une mèche de cheveux brune. Je m’approche pour la regarder de plus près.

 

« Cette mèche t’appartient. »

 

Je tourne brusquement la tête vers lui.

 

Mes cheveux ? Ce sont mes cheveux ?

 

Hannibal s’approche de moi et je lui fais signe de rester là où il est. Je vérifie d’un coup d’oeil que la porte de la pièce soit bien fermée. Il faut que je sache si c’est lui qui a fait ça et dans quel but. Il aurait facilement pu récupérer une de mes mèches de cheveux quand je dormais.

 

« Est ce que…

- Non, me coupe-t-il.

- Tu perds le contrôle Hannibal », chuchoté-je en le regardant fixement dans les yeux.

 

Tout va très vite. Quelqu’un frappe à la porte et entre. C’est Beverly.

 

« Désolée, j’ai oublié quelque chose.

- Inutile de vous excuser, nous allions partir. », répond Hannibal.

 

 

                                                                      ***

 

 

« Dis-moi tout ce que tu sais Hannibal, dis-je en entrant dans le salon.

- Ce soir au dîner. »

 

Je secoue la tête. Comment veut-il que j’attende si longtemps ? Je vais devenir folle.

 

« J’ai un rendez-vous avec Monsieur Evans. Il doit déjà être dans la salle d’attente. »

 

Il quitte aussitôt la pièce. Je me sens totalement dépassée. Qui, à part Hannibal, a pu me prendre cette mèche de cheveux ? J’ai vraiment du mal à croire que Will ait pu faire ça. Est-ce que quelqu’un veut me prévenir ? Me menacer ? Pourquoi Will ne m’a-t-il rien dit quand je suis allée le voir ? Sans cesse des questions sans réponse.

 

Je tends les bras devant moi. Mes mains tremblent considérablement.

 

Je m’assois un bon quart d’heure sur le canapé, respire profondément et plonge dans mes pensées.

 

Quelqu’un frappe à la porte.

 

Mon cœur frappe si fort contre mes côtes que j’ai l’impression d’imploser à chacun de ses battements. Je me lève et attrape un grand couteau de cuisine que je cache derrière mon dos puis j’avance vers la porte. Chaque nouveau pas est plus laborieux que le précédent. J’ai peur de découvrir qui se trouve derrière cette porte.

 

Respire

 

 

Doucement je saisis la poignée de la porte et respire profondément. Puis j’ouvre.

 

 

Ce sont mes amis, Clotilde et Alex.

 

« Salut ! » lance Clotilde.

 

Je simule un grand sourire et les salue en retour puis délicatement je glisse le couteau dans le porte-parapluie qui se trouve derrière la porte. Ils ne se rendent compte de rien.

 

« On a su ce qu’il s’était passé. On voulait juste savoir comment tu allais.

- C’est vraiment gentil de votre part, réponds-je.

- Oui je trouve aussi. », dit Alex en me lançant un regard noir.

 

Je fais mine de rien et les invite à entrer.

 

« Ouah ! Quelle maison ! Il se refuse rien Lecter. », s’exclame Clotilde.

 

Je réponds par un sourire gêné. Alex m’en veut toujours depuis le fameux dîner. Je lui ai menti, je lui avais dit qu’il n’y avait rien entre Lecter et moi.

 

« Tu vas bien ? Ça n’a pas du être facile. Il a l’air carrément dingue ce mec, c’était un de tes patients ?, me demande-t-elle.

- Ça va merci. Will était plutôt un ami en fait, et la presse a beaucoup exagéré, comme toujours. Et toi, ça va ?

- Ouais je vois le genre. Ça va plutôt bien. »

 

Elle visite la pièce, je tente de capter le regard d’Alex mais il ne cesse de m’éviter.

 

« Alors… Toi et Lecter vous… ?

- Oui, la coupé-je.

- Oh… Toi non plus tu ne te refuses rien, me répond-t-elle avec un sourire en coin.

- Tu as des nouvelles de Florine ?

- Pas trop. Je sais juste qu’elle était bien en colère contre toi. Et à vrai dire t’as pas vraiment assuré.

- Je sais. »

 

Je place mes mains sur mes hanches et Clotilde se rapproche de moi.

 

« Bon voilà, on veut pas te déranger plus longtemps, on passait juste pour savoir si t’allais bien. Tu es très belle en tout cas.

- Merci c’est gentil. Ça me touche vraiment que vous soyez passés.

- C’est rien. Bon moi j’ai la dalle, tu viens Alex, on va manger un truc ?

- Va dans la voiture, je te rejoins. » lui dit-il.

 

Elle me salue et sort de la pièce.

 

« J’ai compris ton petit jeu, dit sèchement Alex.

- Ecoute, j’aurais dû te dire la vérité, mais il est inutile de s’attarder là-dessus.

- Non, ce n’est pas inutile. Tu savais ce que je ressentais pour toi, tu l’as toujours su. Pas vrai ? Alors pourquoi tu m’as laissé espérer ? Tu ne peux donc définitivement pas t’en empêcher, c’est ça ? »

 

Je m’appuie sur le meuble qui est derrière moi et croise les bras.

 

« J’étais amoureux de toi tout ce temps, ça me fait mal de le dire mais de toute façon tu le savais très bien. J’ai vraiment l’impression que tu me manipules, mais c’est terminé tout ça maintenant. Je ne serai jamais Allan, Marion. Je n’irai pas jusque là, désolé pour toi. Je ne suis pas ta proie. », ajoute-t-il en me regardant fixement dans les yeux.

 

Je m’avance doucement vers lui jusqu’à me retrouver à quelques centimètres de son visage. Je lui lance un regard noir.

 

« Cette histoire n’a rien avoir avec Allan, alors ne me parle plus de lui, articulé-je tout en essayant de garder mon calme.

- Les gens normaux apprennent de leurs erreurs. C’est trop facile de tout refouler comme tu le fais là. C’est lâche.

- Détrompe-toi Alex, je n’ai rien oublié.

- Alors pourquoi tu refais les mêmes erreurs ? Ça ne marche pas avec moi. En tout cas j’espère que tu profites bien de la notoriété de Lecter, rétorque-t-il. Il est moins docile, n’est ce pas ? Néanmoins tu arrives à te le mettre dans la poche. Bravo à toi Marion, tu auras un bon dossier.

- Tu as raison, Lecter est bien moins docile que toi, et surtout bien moins naïf. Tu ne me connais pas Alex. », réponds-je tout en ouvrant la porte pour l’inviter à sortir de la pièce.

 

La colère monte en moi, comme tous ces anciens souvenirs auxquels je cesse immédiatement de penser.

 

«  C’est bien ce que je suis en train de me dire. Je ne te connais pas. Et moi, je ne referai pas la même erreur. »

 

Son regard ne quitte pas le mien le temps qu’il sorte de la pièce puis sans rien dire je ferme la porte derrière lui. Alex est naïf, même s’il n’est pas bête. J’ai toujours su le manipuler assez facilement mais il a aussi été un très bon ami. Je pense qu’il a surtout été vexé. Mais je n’ai vraiment plus le temps de penser à lui. Je n’ai plus envie de perdre mon temps. Quelle journée.

 

 Je ferme les yeux, remplis mes poumons d’air, passe une main dans mes cheveux, me retourne et me retrouve face à Hannibal. Qu’a-t-il entendu au juste ?  

 

Après quelques secondes sans bouger il s’humecte délicieusement les lèvres et se met à rire silencieusement. J’en déduis qu’il a entendu toute la conversation. Même si l’origine de ce rire peut être multiple, il se réjouit probablement d’avoir de nouveaux sujets de conversation pour son dîner de ce soir. L’expression de mon visage ne change pas, je me contente de le fixer d’un air neutre puis je le contourne pour quitter la pièce, sans dire un mot.

 

« On se retrouve pour le dîner, à dix neuf heures. J’ai prévu de l’agneau pour l’occasion. »

 

Je m’arrête net de marcher et me retourne. Il n’a pas bougé, je suis maintenant derrière lui.

 

« Oh, eh bien il ne sera pas le seul animal cuisiné, ce soir. », rétorqué-je avec un sourire amusé.

 

Il ne m’a pas fallu plus d’une journée pour comprendre que dorénavant, tous les esprits se chassent, et tout le monde se manipule. La saison de la chasse spirituelle est belle et bien ouverte. Et il est hors de question que j'y sois passive.

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