Une rose dans un bouquet d'épines

Chapitre 2 : Chapitre Second : Le grand nettoyage

Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 16:17

Je me retourne dans mon lit, encore apée par le demi-sommeil du matin qui précède le réveil. Celui grâce auquel je suis si bien et qui, juste avant le levé du soleil, me remplie de contentement et de paresse.

Je suis encore à moitié dans des rêves quelconques lorsqu’une partie de mon cerveau, engourdie jusque là, se met à remuer lentement. Cette petite bête, ce serpent incurable qui commence à s’agiter n’est autre que ma conscience. Je sens bien qu’elle veut me rappeler quelque chose… Elle veut encore insuffler dans ma tête une pensée désagréable qui me tirera de cette douce léthargie matinale où je me sens si heureuse, où je ne pense à rien. Où il n’y a plus de soucis ni de dilemmes et de contraintes. Je me bats contre elle mentalement. Je la repousse et essaie de l’ignorer. Je combats pour mes dix minutes de bonheur vidé de stresse et de chagrin.

Malheureusement « Dame Conscience » me rattrape. Comme à chaque fois, je perds la bataille.

La pensée apparaît dans ma tête, derrière mes paupières. Elle fait bouillir mon sang. Mon pouls s’accélère et des fourmillements asseyent tout mon corps.

J’ouvre enfin les yeux, brutalement, comme si j’avais entendu un bruit sonore et strident : aujourd’hui nous sommes le premier septembre. Jour de la rentrée à Poudlard pour ma sixième année d’école de sorcellerie.

Le choc est passé, j’essaie de me reprendre, me redresse sur mon séant et regarde le raie de lumière rose qui se fraye un chemin entre les volets de ma chambre. Je regarde le réveil, il est six heures trente du matin.

La tension redescend, je suis un peu plus calme que tout à l’heure. La maison semble vide tant elle est silencieuse. Ma mère doit encore dormir ou bien être entrain de se réveiller. Je décide de profiter de ces quelques instants de solitude pour réfléchir à mon aise. J’ouvre la fenêtre et les volets, laisse l’air tiède s’engouffrer dans la pièce et soulever doucement le tissu noir et fin de ma nuisette. Le contact du vent sur ma peau me détend un peu plus. Je prends le paquet rectangulaire laissé sur la table de nuit, en sort une cigarette et l’allume. La première taffe finit de me décontracter tout à fait.

Je m’accoude à la rambarde et regarde Londres qui s’étale devant moi, taciturne et calme.

Quelques voitures passent dans ma rue qui d’ordinaire est plutôt tranquille. Certains commencent déjà à partir travailler. Je suis étrangement sereine à présent. La clope que je tiens entre mon pouce, mon majeur et mon index n’y est sans doute pas pour rien.

Je repense donc au mois qui vient de s’écouler.

Le déménagement, l’arrivée en Angleterre, ma découverte (enthousiaste au départ, je l’avoue) de la capitale, puis les jours, les semaines entières à être restée enfermée ici volontairement, à déprimer et à regarder la BBC dans l’espoir d’apprendre un peu ma nouvelle langue d’adoption.

 

Je regarde de nouveau mon réveil, il est sept heures et quart. J’entends du bruit dans la pièce d’à côté. Ma mère. Comme d’habitude elle se lève plus tard que ce qu’elle avait prévu et le fait de se rendormir à chaque fois l’oblige à se préparer à toute vitesse, à avaler son café si vite qu’elle s’en carbonise la bouche et à courir attraper un métro pour arriver au boulot à huit heures. De la folie pour moi qui aime toujours être en avance où que j’aille…

Je descends jusqu’à la cuisine. Inutile de lui faire croire que je dors encore. Lorsque j’entre dans la pièce, elle est tout juste entrain de déposer son mug ans l’évier avant d’y faire couler un rapide jet d’eau du robinet. Geste qui ne sert à rien mais que beaucoup ont le réflexe de faire, moi notamment. Comme si ce simple geste pouvait empêcher la dite tasse de passer au supplice du liquide vaisselle…

Je m’avance un peu plus, ma mère se retourne, aussi vite que l’éclair, pour prendre son attaché-case qui trône au milieu de la table. Elle lève tout à coup les yeux vers moi comme si elle venait juste de se rendre compte de ma présence.

« -Bonjour ma chérie. Je suis à la bourre. Je te laisse l’argent du taxi sur le plan de travail, à côté de la gazinière. Je pense que trente livres devraient suffire pour aller jusqu’à King’s Cross. N’oublie pas tes affaires et envoie-moi un hibou lorsque tu arrives ! »

Elle me fait un signe de la main, me tourne le dos et s’apprête à partir. Elle s’arrête brusquement dans l’encadrement de la porte et, comme ayant oublié quelque chose, elle se retourne vers moi l’air médusé. Je savais bien que ma mère ne se fichait pas de moi au point d’oublier de m’embrasser pour me dire au revoir, de m’encourager pour ma rentrée en terre inconnue et de ne pas être un peu peinée à l’idée de ne pas me revoir pendant les deux prochains mois !

Soulagée, je m’avance vers elle, prête à une scène d’adieux dignes de ce nom lorsqu’elle me sort : « -Au fait, déjà levée ?! Miracle ! »

Je m’arrête, choquée, sans rien dire. De toute façon elle n’attend pas ma réponse et court déjà dans l’allée jusqu’au portillon qui donne sur la rue.

 

Un grand moment de solitude.

 

Comment ai-je pu être aussi conne et croire un seul instant que quelqu’un soit triste de mon absence ? Pourtant je ne pouvais pas en vouloir réellement à ma chère maman car depuis notre arrivée ici elle et moi, sans forcément être fâchées, vivions chacune notre vie de notre côté. Pour elle ce devait être un jour comme les autres. Je ne devais plus être qu’un fantôme.

Je m’en voulu alors d’avoir souhaité qu’elle stresse un minimum pour moi alors que j’avais tout fait durant ces dernières quatre semaines pour me faire la moins présente possible.

 

Je sorti lentement de mes réflexions et m’approchai de l’évier. Je pris la tasse dans laquelle stagnait un fond d’eau marronâtre et sur laquelle était représenté un plan du métro de Londres. Souvenir minable que je n’avais pu m’empêcher d’acheter en arrivant dans la ville, en tant que touriste nouvelle, enjouée et dépensière qui se respecte. Maintenant l’excitation des premiers jours était passée et Londres n’était qu’un endroit gris de plus où je me sentais enfermée et où je n’avais pas ma place. Je ne me suis jamais sentie bien nulle part depuis mes douze ans de toute façon…

J’ouvre le robinet, prends l’éponge et le liquide vaisselle que je fais couler abondamment. L’odeur chimique de pamplemousse rose me soulève un peu le cœur. Je frotte rapidement la tasse, la rince à l’eau froide et la laisse à égoutter sur le bord de l’évier. Puis machinalement, sans réfléchir et comme d’habitude lorsque ce genre de « nettoyage » m’arrive, je prends l’éponge du côté vert et commence à me frotter le dessus de la main droite qui, elle, ne tient rien. Plus le frottement se fait fort, plus je me sens bien. Je continue avec la paume puis la moindre partie de chaque doigt. Le liquide mousse de plus en plus et l’eau coule toujours. Je m’attaque ensuite au poignet puis à l’avant du bras m’arrêtant au coude.

Je frotte dans tous les sens de plus en plus fort, de plus en plus vite. Je ne contrôle rien. J’ai juste besoin de propreté, de pureté, d’enlever la crasse qui me recouvre. J’écarte l’éponge de mon bras et me rince sous le jet puissant. L’eau froide me fait frissonner. Ma main, mon bras et mes doigts sont rouges. Le liquide vaisselle qui s’est incrusté sous mes ongles me donne l’impression qu’on me les a soulevés.

Je n’ai pas finit. Je passe à la main gauche. Même rituel, même sentiment de pureté à chaque passage du poil vert, dur, agressif sur ma peau. Même sensation de douleur libératrice. Je m’acarne sur le dessus de ma main et tout à coup une douleur fulgurante m’arrache un cri. Le liquide vaisselle devient rouge. Je me rince, mes jointures sont à vif. J’ai été trop loin une fois encore, sans même m’en rendre compte.

J’essors l’éponge, ferme le robinet et m’enroule la main dans du sopalin. Le papier, au contact de l’eau, se colle à ma peau et devient presque transparent. Cinq points rouges se forment là où je sens que mes plaies me brûlent. Je finis de me sécher et m’assieds à le table de la cuisine quelque peu scotchée. Cela faisait plus d’un mois que je n’avais pas fait ça.

 

Je décidai de ne pas m’attarder sur les raisons qui m’avaient poussée à recommencer et me dirigeai dans la salle de bain pour prendre un bandage. J’avais vraiment de plus en plus mal et je n’arrivais plus à supporter la douleur maintenant que l’état de transe avait pris fin.

Je me dirigeai ensuite vers ma chambre en essayant de ne pas penser à ma « rechute » et vérifiai que toutes mes affaires étaient enfermées dans ma valise. Lorsque j’eus finit mon inventaire je regardai le réveil et vis qu’il était neuf heures et demi. Il me restait trente minutes à tuer sachant que j’habitais à trois quarts d’heure de la gare et qu’il me faudrait quelques minutes pour accéder à la voie et trouver une place dans le train.

Pour m’occuper, je descendis mes affaires dans l’entrée et remontai dans ma chambre pour y prendre mon crapaud, Merlin.

C’est un nom pourri pour un crapaud, c’est vrai, je vous l’accorde. Je ne l’ai pas baptisé ainsi en référence à l’un des plus grands magiciens de tous les temps mais plutôt en souvenir d’un de mes voisins, en France, qui était vraiment laid. Et qui l’est toujours je suppose…

J’ai toujours pensé que Merlin était un nom plus bizarre pour un Moldu que pour un animal visqueux et coassant. Ceci dit, Merlin (mon crapaud, pas mon voisin) est un animal intelligent et très affectueux malgré ce que l’on pourrait croire. En tout cas, celui qui n’a jamais eut de crapaud pour animal de compagnie de peut pas prétendre connaître à juste titre les « bisous baveux ». On va dire que Merlin est mon petit pot de glue perpétuelle personnel.

Encore dans mes pensées ! Je dois me bouger si je veux être à l’heure à cette foutue gare.

 

J’appelle un taxi qui vient très rapidement.

Le conducteur hisse mon bagage avec difficulté et, après être montés tout deux dans la voiture, me demande ma destination.

Le voyage se fait silencieux bien évidement. Mon chauffeur regarde du coin de l’œil le crapaud vert que je tiens dans ma main. Je suis soulagée qu’il est accepté de me prendre avec un animal. Soit il est sympa, soit il ne considère pas Merlin comme un animal digne de ce nom. Je ne pourrais pas lui en vouloir remarque… Le dit Merlin a toujours plus ressemblé à un tas de vase qu’à un véritable amphibien.

Je me laisse bercée doucement par les mouvements de la voiture au gré des freinages, accélérations et virages. Je regarde par la fenêtre. Un soleil timide apparaît entre les nuages gris et lourds de pluie. Satané temps pour une fin d’été !

Quelques minutes plus tard (ou bien quelques heures, je ne sais plus vraiment, me serai-je endormie) le taxi s’arrête, je donne mes trente livres au lieu des vingt cinq prévues sous l’œil ahuri mais content de mon chauffeur. Après tout je n’aurai plus besoin d’argent Moldu avant deux longs mois.

J’insiste pour extirper seule mon bagage du coffre, me retourne et me retrouve devant King’s Cross avec ma lourde valise et mon inutile crapaud. Je regarde l’horloge de la gare, il n’est que onze heures moins vingt. Parfait ! J‘ai mis moins de temps que prévu on dirait. Je traverse le grand hall à la coupole de verre, zigzag entre le gens et atteint enfin le troisième pilier en partant de l’escalier au bout du quai, situé entre les voies neuf et dix. Il n’y a personne d’autre que moi pour le moment. Enfin, je veux dire, personne à part moi qui n’empreinte le passage magique qui mène au dénommé Poudlard Express. Je me place devant le pilier et une idée me traverse l’esprit, fugitive :

« -Et si on s’était payée ma tête ? Non mais j’vous jure ! Traverser une barrière en brique pour prendre le train ! »

Et puis je me dis que, après tout, je suis une sorcière et qu’il est ridicule de trouver encore ce genre de phénomènes improbables depuis le temps.

Un petit sourire aux lèvres, comme pour rire de ma stupidité, je m’appuie nonchalamment contre le pilier après avoir fait attention qu’aucun Moldu ne me voit. Je sen mon corps passer à travers un voile froid et invisible.

 

Je ne vois plus rien et à peine deux secondes plus tard l’énorme serpent de fer surgit devant moi crachant sa fumée sur un quai bondé de monde.

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