Une rose dans un bouquet d'épines

Chapitre 7 : Chapitre Septième : "Le vide"

Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:19

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La lettre que m’avait envoyée ma mère me mit dans un état de transe pendant plusieurs jours. C’était comme si l’on avait remonté le temps à l’intérieur de mon cerveau pour me faire revivre les pires supplices que j’ai jamais vécu. Je n’irai pas chez ma mère pour les vacances bien qu’elle me l’ait demandé. Malgré moi, je devais avouer que l’envie de la revoir était intenable mais le fait de devoir passer deux semaines avec mon cousin était bien pire que la perspective de rester au château renfermée sur moi-même.

Je lui avais donc répondu que je préférais fêter Halloween avec mes nouveaux amis et que l’on se verrait à Noël.

Si seulement elle avait su la véritable raison de mon refus. Quelque chose brûlait en moi de tout lui avouer mais ma raison me rattrapait in extremis, m’empêchant de commettre l’irréparable. Au cours des semaines passées à Poudlard il m’était arrivé de commencer à rédiger une lettre pour ma mère où les raisons de mon mal-être étaient enfin révélées. Mais au dernier moment le long parchemin noirci d’encre et souillé de larmes finissait en cendres au pied de mon lit et mon cœur, comme rattaché à cette lettre par un quelconque lien, me donnait l’impression d’exploser et de creuser un peu plus le vide présent à l’intérieur de moi.

Depuis dix jours, les quatre dernières années de ma vie ne cessaient de défiler devant mes yeux et c’est avec beaucoup de volonté que je parvins à me concentrer sur la façon dont je devais m’habiller en ce 31 octobre pour rejoindre les autres élèves qui seraient présents à Pré-au-Lard. Après avoir finit de me préparer, je descendis dans le hall sentant l’appréhension et la faim transformer mon ventre en une boule douloureuse. Neville et Ron étaient déjà arrivés et attendaient le reste de notre petit groupe. Je traversai une file de cinquièmes année et vint les rejoindre. Lorsque Neville me vit, un immense sourire éclaira son visage. Il devait être content que je me décide enfin à sortir de mon trou. Pour lui, le fait d’avoir oublié la précédente sortie était une preuve de mon manque d’intérêt pour le monde extérieur et une raison de plus de penser que mon moral était au plus bas. J’avais eu beau essayer de trouver toutes les excuses possibles pour plaider ma cause, il n’en avait pas moins été persuadé qu’il fallait agir et son insistance pour que je participe à la sortie d’Halloween avec eux était une façon touchante de me montrer qu’il tenait à ce que j’aille le mieux possible. Touchante mais quand même soûlante… Cependant je n’arrivais pas à en vouloir à Neville qui, au lieu d’essayer de me tirer les vers du nez, préférait me changer les idées en me faisant changer d’air.

 

« -Et voilà Rose ! s’écria Ron. Maintenant que tu es là je me demande si ce ne sont Harry et Hermione qui ont zappé la sortie. » Il me fit un petit clin d’œil moqueur.

« -Tu connais Harry, toujours le dernier à sortir du lit et Hermione n’avait même pas commencé à petit déjeuner lorsque je suis partit de la Grande Salle. Expliqua Neville. »

«-Pourtant elle devrait être toute excitée. C’est pas toi, Ron, qui nous a dit que l’écrivain qui dédicassait des livres l’autre fois refaisait une séance exceptionnelle pile aujourd’hui ? Demandai-je plus pour discuter que par réel intérêt pour le sujet. »

« -J’imagine qu’elle veut prendre des forces avant de devoir se battre avec le nombre incroyable de fans hystériques qui voudront un autographe. L’autre fois, Hermione a failli se faire piétiner par l’une d’elles et elle n’a pas pu accéder à l’estrade pour faire signer son exemplaire. »

 

A peine avait-il finit sa phrase que la dénommée Hermione apparut en trombe dans le hall et courut vers nous, les joues rouges et le souffle court.

 

« -J’ai mangé aussi vite que j’ai pu ! Harry n’est pas encore là ?! Que fait-il, bon sang ! Rusard ne va pas tarder à ouvrir les portes ! »

« -Du calme Hermione ! S’esclaffa Ron. Il ne devrait plus tarder maintenant… »

 

En effet, parmi la foule des élèves agglutinés se forma un mince passage et Harry apparut enfin, les lunettes de travers, les cheveux encore plus décoiffés que d’habitude et la trace de l’oreiller encore imprimée sur la joue.

Pour une raison que je ne connais pas, la boule de mon ventre se ressaiera et une impression de malaise s’empara de moi. Peut-être était ce dû au fait que je n’avais plus parlé à Harry depuis notre dispute sur la tour d’astronomie mais en plus de dix jours il m’était arrivé de le croiser furtivement, car aucun de nous deux ne tenait à rester trop longtemps en présence de l’autre, et jamais une telle nervosité ne m’avait rongé les entrailles.

Quelque chose me dit que tout cela n’avait rien à voir avec Harry. Je pense que le souvenir de notre dispute me ramenait directement à ce qui s’était passé après et notamment à la lettre de ma mère…Sans m’en rendre compte, j’assimilais directement Harry à des problèmes qui n’avaient strictement rien à voir avec lui. Mais au lieu de me rendre coupable, cette révélation me mit en colère. Si en plus d’en savoir trop sur moi il me faisait revivre la souffrance que j’essayais d’oublier, les jours à venir promettaient d’être particulièrement intenables !

 

Lorsqu’il arriva devant moi je me détournai et fit remarquer aux autres que les portes étaient enfin ouvertes. Harry ne dit rien et se contenta d’avancer, ne faisant aucune remarque sur le fait d’avoir été ignoré. Ma réaction était peut-être celle d’une première année mais la douleur qui s’associait à présent à mon ancien ami était trop insoutenable. Pour une fois je voulais simplement passer une journée agréable à me promener sans penser à rien. Une journée sans angoisses et sans « réflexions-prises de tête ». Mais la présence de Harry de me faciliterait très certainement pas les choses… Je suppliais intérieurement un dieu quelconque et imaginaire pour qu’il m’accorde ne serait-ce qu’une journée de lâcher prise.

 

Une demi-heure plus tard nous entrâmes aux Trois Balais et commandâmes des Bières au Beurre. Ma prière n’avait pas du avoir été entendue car dès que la chope fut posée devant moi un combat mental éclata dans ma tête m’empêchant de boire la moindre gorgée de ce liquide que je savais délicieux pour l’avoir goutté bon nombre de fois. Désespérée je levai alors la tête vers Neville, assit en face de moi, qui me fixait avec intensité, semblant attendre quelque chose. Je pris la chope entre mes mains tout en l’interrogeant du regard. Il hocha imperceptiblement la tête en signe d’affirmation et c’est avec nervosité et empressement mêlés que je portai la chope à ma bouche. La première gorgée fut délicieuse et je la sentis réchauffer mon estomac et dénouer un peu la boule qui s’y logeait. Je fis alors un petit sourire timide à Neville qui me le rendit, puis je vidai la moitié de ma chope d’une seule traite. La culpabilité qui commençait à poindre en moi fut réduite au silence par l’impression de chaleur intense que répandait la boisson dans mon corps. Un sentiment de bien être que je ne croyais plus jamais pouvoir ressentir s’empara alors de moi. C’était une victoire. J’étais parvenue à faire taire la petite voix déplaisante qui me forçait à me restreindre pour ne penser uniquement qu’à me faire plaisir. Je me rendis compte également que l’effort était épuisant à produire même pour une simple Bière au Beurre.   

 

Une heure passa et je laissai Ron finir la fin de ma chope ayant décidé que j’avais fait assez d’efforts pour aujourd’hui. De plus, la culpabilité commençait à me rattraper et à me faire me sentir mal. Le gras et le sucre de l’alcool que mon corps n’avait plus l’habitude d’ingérer, même en si faibles quantités, me pesaient sur l’estomac et lorsque nous partîmes du pub l’envie ridicule et enfantine me prit de m’enfuir en courant jusqu’au château et me terrer sous ma couette. Je dû me contrôler pour masquer la colère que je ressentais d’avoir bu cette foutue Bière au Beurre et d’avoir eu l’idée de fuir face à ma propre faiblesse. C’est donc plus morose que jamais que je suivis les autres jusque chez Zonko. Mon self contrôle fut mis à rude épreuve lorsque mes yeux se posèrent sur l’incroyable vitrine exposant des centaines de sucreries multicolores. Des souris couinantes à la fraise et au chocolat ne mettaient jamais apparues aussi alléchantes qu’à se moment là. Les glaces au citron et les caramels fondants semblaient clignoter comme des néons et c’est au bout de dix minutes que je du sortir de ce maudit magasin avant de définitivement mettre mon cerveau en court circuit. Je me mis donc à chercher un endroit peu fréquenté pour pouvoir me détendre.

 

Je me décidai pour une petite ruelle à trente mètres de chez Zonko où personne ne passait en raison de sa propreté douteuse et, à peine cachée par l’angle du mur, je m’allumai une cigarette. Cette dernière ne me détendit pas comme elle l’aurait du mais elle eut au moins le mérite de m’occuper la bouche et les mains.

C’est alors qu’une voix que je commençais malheureusement à connaître un peu trop se rapprocha de l’endroit où je me trouvais. Avec un peu de chance, Malefoy ne tournerait pas son hideuse tête vers moi et continuerait d’avancer, le nez enraciné dans son écharpe. J’eus à peine le temps de m’enfoncer un peu plus dans la rue et d’éteindre le reste de ma cigarette qu’il surgit au coin de la ruelle. Au début, je crus qu’il ne m’avait pas remarquée mais je le vis ralentir le pas et dire à ces deux débiles de Crabbe et Goyle de l’attendre plus loin. Il revint un peu en arrière  et s’adossa au mur à quelques mètres de moi.

 

« -De qui te caches-tu Vic ? »

 

Avais-je peur de Malefoy ? Bien sûr que non ! La seule raison qui m’avait fait me cacher un peu plus était juste le fait que je ne me sentais pas la force d’avoir une nouvelle discussion narquoise et qui ne mènerait à rien avec la personne que je détestais le plus à Poudlard. La journée à Pré-au-Lard promettait d’être encore longue et mon énergie se faisait de plus en plus rare chaque jour…

Je me décidai à sortir de mon coin et à marcher vers lui, résignée à devoir encore une fois lui adresser la parole :

 

« -De personne et sûrement pas de toi, Malefoy. »

« -Dans ce cas là, peut-être devrais-je signaler à l’un des enseignants qu’une certaine élève s’éloigne volontairement de ses amis pour s’isoler et pour, peut-être, faire des choses qui pourraient nuire à l’ensemble de l’école… Déclara t-il. »

« -C’est vraiment très gentil à toi de te préoccuper des autres, Malefoy mais ce n’est pas parce que tes occupations, à toi, sont douteuses qu’il en est de même pour tout le monde… »

 

 J’avais sorti cette dernière réplique d’un ton léger et je fus étonnée de le voir soudain submergé par la colère. Moi qui m’attendais à ce qu’il joue mon jeu… ce soudain revirement de situation m’étonnai. Comment cette sale petite crapule pouvait-elle me prendre encore au dépourvue ! Il était tellement limpide qu’il en devenait ennuyant quelquefois. Je me demandais alors si une soudaine fragilité émotionnelle ne lui faisait pas prendre mes réparties plus au sérieux qu’autrefois. Peut-être s’était-il découvert une passion pour ce qui était de sauver le monde des complots de l’horrible personne que j’étais… Ou peut-être traversait-il une douloureuse peine de cœur. Je me mis à rire en pensant à un Malefoy  enfermé dans sa chambre  entrain de sangloter comme une fille.

 

« -Qu’est-ce qui te fait marrer, Vic ! Si j’avais su que les ennuis te faisaient marrer j’aurais du parler de ta petite habitude à Mc Gonagall ? »

« -Malefoy, sache que tu peux raconter ce que tu veux à qui tu veux étant donné que je ne fais rien de mal et je ne vois pas de quelle petite habitude tu parles ? Dis-je avec un sourire innocent. »

 

Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose. Allait-il avouer m’avoir suivie en haut de la tour ? J’attendis pendue, malgré moi, à ses lèvres, lorsque j’entendis quelqu’un crier mon nom. Deux secondes plus tard je vis Neville, Hermione, Ron et Harry dépasser la petite ruelle où Malefoy et moi nous fixions toujours. Lui avec hargne et moi avec curiosité et impatiente. C’est Harry qui tapa sur l’épaule de Ron pour lui indiquer où nous nous trouvions. Ce dernier héla les deux autres et tous les quatre vinrent à nous.

 

« -Qu’est-ce que tu fiches là Malefoy ? Demanda Ron, son regard passant de la fouine à moi. »

« -Vic et moi discutions tranquillement jusqu’à ce que ton troupeau et toi nous interrompe, Weasmoche. »

 Le visage de Ron s’empourpra lorsqu’il entendit le surnom Hermione dut le pousser avec sa main pour qu’il se recule avant que le tout ne finisse en bagarre.

 

« -Rose, où étais-tu passée ? On t’a cherchée partout après être sortis de chez Zonko ! »

«-Comme tu le vois, je n’étais pas loin. Je cherchais un coin tranquille pour fumer et me détendre quand le détritus est arrivé, répondis-je en pointant un pouce désinvolte en direction de Malefoy. »

 

Celui-ci allait répliquer quelque chose lorsque, l’ignorant comme je l’avais fait le matin même avec Harry, je le dépassai et commençai à sortir de la ruelle. Abasourdis, mes quatre amis me suivirent, jetant sans doute un dernier regard à Malefoy pour lequel je n’eus pas l’impression qu’il faille que je me retourne. Et c’est le plus normalement du monde que je laissai ce sale petit gosse de riche dans une ruelle toute pourrie.

Il allait avouer qu’il m’avait suivie et, même si je n’avais plus aucun sur l’identité de celui qui m’avait dérangée ce fameux soir, j’avais besoin de l’entendre de sa bouche. Sûrement une espèce de plaisir à avoir vu juste et aussi l’inquiétude d’avoir été découverte…

 

Aucun de mes amis ne chercha à savoir ce qui s’était vraiment passé. Ils devaient savoir que, comme à son habitude, Malefoy était venu vers moi pour le seul plaisir de m’insulter ou de me rendre folle mais ce qu’ils ignoraient c’était que j’étais en colère contre eux. En colère qu’ils aient débarqué au moment où j’allais avoir la réponse officielle à cette question qui me tournait dans la tête. J’ai toujours été comme ça ; j’ai beau savoir que ma conclusion est juste il faut que la personne étant la cause de mon questionnement avoue elle-même la réponse pour que tout soit claire dans mon esprit. Si je n’ai pas cette réponse claire, nette et précise, mon cerveau continue de chercher la moindre solution plausible qui pourrait discréditer ma conclusion. Un peu confus, je sais, mais lorsqu’on est déjà pas mal tourmentée il faut au moins que certaines choses soient mises en ordre pour éviter de se retrouver enfermée…

 

Nous nous dirigeâmes donc vers une animalerie ou je devais acheter un élixir pour Merlin. Mon pauvre pot de colle n’avait pas l’air d’avoir la frite ces derniers temps et bien qu’il ne fut qu’un simple crapaud j’étais persuadé qu’il avait assez d’intelligence pour comprendre ce que je lui disais. On peut donc comprendre que le fait de le voir avec l’œil vitreux m’inquiétait.

L’odeur m’agressa le nez à la seconde où je franchissais le pas de la porte, suivie de mes quatre mousquetaires qui, plissant le nez, se contentèrent de regarder les animaux exposés près d’eux.

J’imaginai alors que ce n’était pas des chouettes, des rats et des tortues enfermés dans ces cages mais des êtres humains. Des personnes que je croisais chaque jour. Je ne sais pas pourquoi mais l’image de Dean Thomas cloîtré derrière des barreaux, étalé sur un lit de paille et ayant pour seule compagnie un vieux mangeoire, me fit beaucoup sourire et c’est en montrant toutes mes dents, la mine joyeuse, que j’arrivai au comptoir.

Après avoir montré Merlin au vendeur, avoir acheté mon « Crataunic » et en avoir versé quelques gouttes dans la gueule du dit Merlin, nous sortîmes et Hermione décida d’aller manger une glace.

 

J’espérais que les autres refusent à cause du froid qui glaçait la moindre parcelle de peau non couverte mais la proposition fut accueillit gaiement et, « pour ma plus grande joie », nous nous dirigeâmes vers chez le vendeur de glace.

J’aurais pu croire que la tentation ne serait pas aussi forte que chez Zonko car je n’ai jamais trop aimé les glaces, mais des semaines de privations et une humeur plutôt massacrante eurent raison de ma détermination.

Je mangeais trois boules de glace dont je ne sentais même pas le goût. Dès que le sorbet avait touché ma langue, j’avais perdu le contrôle et le serpent s’était réveillé de nouveau. Non pas pour me dire d’arrêter de manger mais pour m’ordonner de tout engloutir. Et, dans un état de transe totale, je lui obéis.

C’est ainsi que j’entrainai les autres de nouveau chez Zonko, prétextant le fait de ne pas avoir eu le temps de tout regarder plus tôt dans la journée et le fait que nous n’avions pas déjeuner, ce qui me donnait faim. J’achetai autant de confiserie et de gâteaux que mon argent me le permettait. Une fois dehors Harry, Hermione, Neville et Ron déclarèrent vouloir se promener encore un peu. Je leur dis que je voulais rentrer. Et c’est donc sans leur dire au revoir et sans leur proposer la moindre douceur que je pris la direction de Poudlard. Je n’avais plus aucun contrôle, le paysage autour de moi me donnait  l’impression d’être flou. Une sorte de bourdonnement s’était logé dans ma tête et je n’essayais même pas de l’en faire sortir. Seul le vide qu’il faillait que je remplisse d’urgence comptait. Le froid se faisait de plus en plus mordant et les sacs en plastique violet criard étaient tellement lourds qu’ils commençaient à me scier les doigts.

Enfin j’arrivai devant le portail surmonté de deux statues représentant des sangliers ailés. Je pressai le pas, le serpent me murmurant que j’approchai du but. Je m’étais presque mise à courir pour atteindre la grande porte d’entrée en chêne massif lorsqu’une main m’agrippa le bras, stoppant mon élan. La surprise m’avait faite trébuchée et l’un des sacs, écrasé par terre, déversait des flots de sachets remplis de friandises. Je m’assis par terre, complètement sonnée. Mon état de transe s’était un peu estompé mais le monstre rampant à l’intérieur de moi ne cessait de me rappeler à l’ordre : il fallait que je comble le vide.

 

Je n’eu pas à mettre longtemps pour trouver le propriétaire de la main responsable de ma chute.

Malefoy se tenait devant moi, me dominant de toute sa hauteur, un sourire goguenard déformant son visage pâle.

 

« -Et bien Vic, tu sembles pressée. Mais, dis-moi, où sont partis les ratés qui te servent d’amis ? »

 

Je me relevai, consciente que ma position n’était pas des plus impressionnantes face à un ennemi déclaré :

 

« -Et bien vois-tu, Malefoy, mes amis sont libres de faire se qu’ils veulent. Moi également. Ce n’est pas comme toi et tes deux trolls. Vous êtes toujours collés les uns aux autres, c’était mignon au début mais je trouve le schéma un peu redondant à la longue… »

 

Ne trouvant rien à répondre, Malefoy se contenta de se baisser pour attraper le sac échoué lamentablement à terre. Quelques sachets glissèrent du sac pour venir finir leur course avec les autres mais le reste de ma marchandise remplissait quand même les trois quarts du grand sac violet. Malefoy regarda à l’intérieur, surpris et releva la tête vers moi avec un air suspicieux.

 

« -C’est la fête chez les Gryffonfor on dirait. Vous êtes vraiment de vrais petits fous ! Et avec tout ça vous vous bourrez au jus de citrouille ? Ca doit être la vraie débauche. »

Sa propre réplique le fit éclater de rire.

Je m’empressai de lui arracher le sac des mains et de ramasser ce qui était resté sur le sol.

 

« -Tu en as deux comme ça ?! J’imagine que Weasley n’a pas pu participer à l’achat commun… il a déjà du mal à économiser pour aller chez le coiffeur… »

En disant ça il tira légèrement sur le deuxième sac comme pour l’entrouvrir et jauger la quantité de bonbons empilés à l’intérieur. J’étais déjà en colère et ce geste eut le mérite de me faire véritablement péter un câble. Je devais combler le gouffre qui s’ouvrait en moi et cette espèce de petite merde se mettait sur mon chemin.

 

« -Dégage Malefoy ! Dégage ! M’écriai-je tout en le poussant avec force loin de moi. »

 

Il parut sur le point de tomber en arrière pendant un instant avant de se remettre d’aplomb et de me fixer, complètement ahuri face à la furie qui venait de naître devant ses yeux en moins de trois secondes.

Je m’engouffrai par la porte et commençai à monter quatre à quatre les marches de l’escalier de marbre lorsque j’entendis quelqu’un courir derrière moi. Il essayait de me rattraper. Je me mis aussi à courir dans le but de le semer. Une fois arrivée devant le portrait de la grosse dame je criai le mot de passe et m’engouffrai dans le trou ovale laissé par le tableau. Sans penser d’avantage à cette course poursuite ridicule digne des pires films d’action je me précipitai dans mon dortoir et, après m’être assurée que j’étais seule, je pris cinq minutes pour me calmer.

 

Machinalement, après avoir repris mon souffle, j’ouvrai l’un des sachets pioché au hasard dans l’un des deux sacs. Je ne faisais même pas attention à la forme, à la couleur et encore moins au goût des bonbons, des gâteaux et des dragées que j’ingérais par poignets, prenant à peine le temps de mâcher entre chaque nouvelle fournée.

 

Les sacs commençaient à se vider et ma seule pensée était tournée vers ce gouffre infernal et ma fierté, mon soulagement à l’idée d’arriver enfin à le remplir. La nourriture à peine mâchée me déchirait l’œsophage à chaque fois que je l’avalais mais cette douleur n’était rien par rapport à celle que je ressentais au plus profond de moi.

 

Les minutes passèrent et je dû bientôt m’arrêter de m’empiffrer car je ne pouvais plus supporter la douleur lancinante qui me transperçait le ventre. Mon esprit était étrangement lucide maintenant que le serpent avait été nourrit et je me mis à réfléchir rapidement, le souffle saccadé, à quatre pattes sur la pierre glacée du dortoir.

Je me dis qu’il fallait d’abord que je range et je fis disparaître les sachets vides, et le peu de friandises restantes au fond de sacs, dans ma grosse valise placée sous mon lit.

J’avais à peine refermé cette dernière que la culpabilité s’écrasa sur moi pour la troisième fois dans la même journée. Comme si mon instinct me l’avait dicté, je me dirigeai vers les toilettes, toujours à quatre pattes car la douleur de mon ventre me faisait me replier sur moi-même. Je fermai la porte à clé derrière moi et me trainai jusqu’aux toilettes dont je relevai la lunette. Je n’avais jamais fait cela auparavant mais je ne fus pas étonnée de savoir comment faire. Tout me paraissait si naturel…

 

C’est alors que commença à la fois ma torture et ma libération. Mes doigts allaient et venaient dans ma gorge en un rythme endiablé me donnant l’impression de ne pas les contrôler. Chaque vomissement me tranchait la gorge mais me soulageait du poids que le vide faisait régner en moi, désormais.

Je ne pensais plus, j’agissais comme un robot et la douleur déchirante de mes ongles raclant le fond de ma gorge s’estompa. J’oubliais aussi le raclement de mes dents sur le dessus de ma main donnant à mon supplice un goût de sang.

 

Au fur et à mesure que je me vidais, des images s’imposaient à moi. Comme si tout ce à quoi je m’étais refusé de penser jusqu’alors était enfin éliminé en même temps que toute cette immonde nourriture.

 

Une image de mon cousin, Dimitri, m’apparut. Une larme coula le long de ma joue.

 

J’étais assise sur la chaise de la cuisine.

J’entendis son rire, celui qu’il avait eut lorsqu’il avait vue ma tête après que j’eus goûté une Dragée de Bertie Crochue au sang de rat.

J’avais senti ses mains agripper mes épaules tendit que son rire continuait de retentir à mes oreilles.

Il s’était tut, se tenant derrière moi. Ses doigts m’avaient lentement caressé les épaules avant de descendre jusqu’à mes clavicules. Il s’était penché doucement sur mon cou et l’avait embrassé.

 

La vitesse des allers et venues de mes doigts s’intensifièrent ainsi que mes larmes. Je fermai les yeux avec toute la force dont j’étais encore capable.

 

 

J’avais alors compris que quelque chose clochait et je l’avais repoussé en le traitant de cinglé mais il avait rit encore une fois et s’était agenouillé face à moi.

Il avait essayé de me faire croire que c’était des choses qui se passaient souvent entre cousins et cousines.

J’avais essayé de lui échapper. Peu m’importait que ça se passe souvent je ne voulais pas de ça avec lui !

Mais il avait continué à me sourire ce qui m’avait effrayé et il m’avait juré qu’il ne me ferait pas de mal.

J’avais eut beau me débattre comme un diable rien ne l’avait empêché de me violer en plein milieu de la cuisine alors que personne n’était la pour me venir en aide.

 

Je continuais de me faire vomir. Je voulais me débarrasser de toute cette crasse qu’il y avait en moi. J’étais sale.

 

Après avoir ruinée ma vie en moins de dix minutes il m’avait fait jurer de ne rien dire.

Après tout, il me l’avait dit lui–même, qui aurait pu croire à mon histoire.

Moi, violée par le gentil cousin que tout le monde adorait, l’un des seuls au courant de ma nature de sorcière.

Mon seul ami Moldu, mon meilleur ami. Celui qui m’avait soutenue depuis toujours. Celui qui m’avait détruite.

 

Un dernier vomissement me détruisit la gorge avant que je ne m’affale contre le mur. Complètement épuisée. Le peu de force physique qui me restait avait disparue. Mon ventre était redevenu vide.

Ma tête me brûlait et mes larmes ne cessaient de couler tandis que je repensais à la sensation de sa peau hideuse contre la mienne, à la présence de son contacte malsain envahissant mon corps.

 

Je fondis en larme, me remémorant chaque détail, chaque odeur et chaque sentiment de cette après-midi maudite. Celle de mes douze ans.

 

Je pris soin de tirer la chasse d’eau avant de m’étaler sur mon lit, toujours secouée de sanglots incontrôlables. Je me roulai en boule sans même prendre la peine de rentrer sous mes draps et m’endormie, malheureuse mais soulagée tout de même d’avoir pu faire sortir un peu de la matière immonde qu’il y avait en moi.

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