Chuter pour mieux se relever

Chapitre 3 : Récit douloureux

2676 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/04/2019 22:46

~ environ 4 ans après ~


<< Jane, il est temps d'aller te coucher, annonça Severus Rogue en entrant dans la chambre de sa filleule. >>


Allongée à plat ventre sur le parquet, la petite fille ne releva même pas la tête. Le visage caché par ses cheveux ébènes, elle feuilletait un livre coloré. Son parrain s'approcha d'elle et se pencha pour regarder ce qu'elle tenait entre les mains. Il soupira et tendit son bras pour récupérer le bouquin.


<< Jane, combien de fois devrais-je te répéter de ne pas fouiller dans ma bibliothèque ? >>


Il avait pincé les lèvres et l'observait d'un regard qui se voulait réprobateur, mais, comme très souvent, son ton n'était pas méchant. Au contraire, il était même amusé par le comportement de la petite. Elle n'avait que 4 ans, mais elle prenait déjà plaisir à s'intéresser aux livres de potions que possédaient Rogue. Bien sûr, elle était encore bien loin de comprendre toute la finesse de ce sujet, mais elle aimait beaucoup observer les différents dessins de plantes qui figuraient un peu partout sur les pages jaunies des ouvrages.


Elle leva finalement les yeux vers lui, presque suppliante.


<< Encore un peu, demanda-t-elle d'une petite voix fluette.

- Jane..., soupira son parrain.

- S'il te plaît ! rajouta-t-elle précipitamment, se souvenant brusquement qu'elle avait oublié la célèbre formule de politesse. >>


Severus se mit à rire. Il déposa le livre qu'il tenait encore dans les mains sur la commode en bois clair qui était posée près de la porte de la chambre, et il se pencha à nouveau vers Jane pour l'attraper délicatement et la porter jusque dans son lit. Sans grande conviction, elle tenta de se débattre, mais elle aimait tellement lorsque son parrain la serrait dans ses bras qu'elle ne le faisait jamais sérieusement. Elle se laissa donc faire, le sourire aux lèvres, et lorsqu'elle fut finalement installée sous ses couvertures, elle releva ses yeux émeraudes vers Severus.


<< Raconte-moi encore une fois, s'il te plaît. >>


Rogue se sentit défaillir un instant ; il avait encore un peu de mal à ne pas retrouver le visage et les yeux de Lily dans ceux de sa fille, et cela le faisait toujours souffrir de se souvenir qu'il avait définitivement perdu cette femme qu'il aimait tant. En réalité, Jane l'aidait beaucoup. Ainsi, il était obligé de ne pas sombrer. Il avait rejeté loin de lui l'envie de se noyer dans l'alcool après la mort de sa bien-aimée, pour se concentrer sur son rôle de parrain. Il voulait tant se racheter de ses fautes passées. Il savait que ce n'était pas une bonne idée, mais il ne pouvait pas s'empêcher de ressasser ses erreurs et de se dire que s'il n'avait pas rallié le camp du Seigneur des Ténèbres, Jane serait entre les bras de ses parents, à jouer avec son grand frère. Aussi, il faisait tout ce qu'il pouvait pour qu'elle soit la plus heureuse possible. Il n'avait jamais été très à l'aise avec les enfants, mais Jane n'était pas une petite fille très difficile. Très douce, très attachante, elle offrait beaucoup d'affection à son parrain, qui lui en rendait bien plus encore. Il ne pouvait imaginer ce qu'il se serait passé s'il n'avait pas eu Jane à ses côtés ; il serait certainement déjà mort à l'heure qu'il était.


En entendant les quelques mots de Jane, Severus avait bien compris ce qu'elle désirait entendre. C'était une autre chose assez dure à faire pour lui, mais il s'y forçait ; Jane méritait de tout savoir sur la famille qu'elle aurait dû avoir. Étonnement, Severus Rogue savait faire preuve d'une objectivité impressionnante. Il ne crachait pas à longueur de temps sur James Potter, qu'il avait pourtant toujours détesté étant jeune. En réalité, il ne supportait pas l'idée de mentir à sa filleule, alors qu'il était la cause de tout son malheur. Bien qu'elle ne soit pas encore en âge de comprendre la place qu'il avait réellement eu dans la disparition des Potter, il se préparait déjà psychologiquement à tout lui expliquer lorsqu'elle serait plus grande. En attendant, son rôle était de lui conter l'histoire de ses parents.


Il s'assit à côté d'elle sur le bord du lit aux draps verts et s'appuya contre le mur pour que Jane puisse se blottir contre lui.


Si on lui avait dit qu'un jour il se retrouverait aussi proche de quelqu'un, il ne l'aurait jamais cru ; Severus Rogue était loin d'être quelqu'un de très tactile, et encore moins câlin. Mais il avait su faire des efforts pour sa filleule, et la douceur de cette dernière avait rendu la tâche de plus en plus naturelle et agréable. Désormais, c'était même lui qui venait le plus souvent lui réclamer de l'attention. Il en avait toujours reçu si peu, que l'amour que lui portait la petite fille lui réchauffait le cœur. Il n'était jamais aussi souriant qu'avec elle ; plus précisément, il n'y avait qu'elle qui le voyait sourire.


Lorsque la brune se fut installée contre le torse de son parrain, elle ferma les yeux, un sourire aux lèvres, et attendit que Severus commence son histoire. Il inspira longuement, avant de finalement se lancer. Même si Jane avait pris de plus en plus l'habitude de le questionner sur le passé de ses parents, cela restait toujours une épreuve pour lui ; il ne pouvait que se rappeler qu'il était responsable de la chute finale de cette triste histoire.


<< Ta maman s'appelait Lily Evans, commença-t-il tristement. Elle est née dans une famille de moldus, non loin de chez moi. Ses parents étaient des gens admirables et très aimants, mais sa sœur, Pétunia, n'était pas une jeune fille très agréable. Pourtant, Lily l'aimait beaucoup, et c'est ce qui m'a toujours étonné. J'observais beaucoup ta maman lorsque j'étais jeune ; c'était une petite fille magnifique et elle me fascinait. J'ai très vite compris que c'était une sorcière ; c'est ce qui nous a rapprochés. Nous passions des après-midis à parler du monde des sorciers, et Lily me confiait ses peurs, ses tristesses. Elle était très touchée par le comportement de sa sœur : Pétunia était devenue encore plus méchante avec elle depuis que la famille Evans savait que leur fille était une sorcière. Elle était très jalouse, elle aussi aurait aimé pouvoir faire de la magie. Mais ce n'était pas le cas, et sa colère se dirigeait toujours vers Lily. Elle la traitait de monstre, tout le temps. Et ta maman en était très triste. Je suis content d'avoir pu être là pour elle dans ces moments ; il vaut mieux faire face aux problèmes à deux... >>


Severus soupira légèrement à ces mots, et Jane releva les yeux vers lui. Elle glissa sa main dans la sienne, et ses lèvres s'étirèrent dans un joli sourire.


<< Nous aussi, on est deux, souffla-t-elle simplement, de sa petite voix fluette. >>


Son parrain sentit les larmes lui monter aux yeux. Jane avait toujours les mots pour le toucher. Il hocha vaguement la tête, glissa ses bras autour de sa filleule pour la serrer un peu plus contre lui, et il reprit son récit.


<< A nos onze ans, nous avons donc rejoint Poudlard. Lily était très impatiente : je lui avais raconté tout ce que je savais sur l'école, et elle rêvait de la découvrir. C'était un tout nouveau monde pour elle, mais elle savait déjà qu'elle s'y sentirait merveilleusement bien. Pour un grand nombre de gens, Poudlard devient leur nouvelle maison ; c'était le cas pour Lily. Elle s'est rapidement fait des amis, elle était aimée et appréciée par tous, et surtout des professeurs. Elle était loin des méchancetés de sa sœur et c'était une sorcière remarquable. Elle était à Gryffondor. Moi, j'étais à Serpentard. Lily était très triste de voir qu'elle n'était pas avec moi. Je l'étais aussi, bien sûr. Mais je savais déjà, en arrivant, que je ne serai pas avec elle. Alors, la douleur a été moins forte chez moi. Et puis, de toute façon, nous avons continué de nous parler. Nous restions de très bons amis, et c'était la seule chose qui comptait à mes yeux. C'est à partir de là où j'ai commencé à faire des erreurs. De nombreuses erreurs. >>


Il inspira profondément, se mordant la lèvre au passage, retenant de toutes ses forces les larmes qui menaçaient de couler. C'était à partir de ce moment que l'histoire devenait réellement douloureuse pour Severus Rogue.


<< Lily et moi devenions moins proches. Elle s'était liée d'amitié avec de nombreux élèves. Moi, ce n'était pas vraiment mon cas. Je n'ai jamais été très ouvert aux autres, très sociable. Je préférais rester seul, surtout à Poudlard. Et Lily avait tellement besoin de ses nouveaux amis. J'étais triste, mais je ne lui en ai jamais voulu. J'étais un peu responsable, moi aussi, de notre éloignement. Je n'osais pas aller la voir lorsqu'elle était entourée. J'avais peur de lui faire honte, après tout j'étais un Serpentard, elle était une Gryffondor. La guerre des maisons a toujours été ridicule à mes yeux, mais j'ai moi-même nourri cette guerre en décidant de me tenir éloigné du groupe de Lily. Surtout que certains garçons de Gryffondor ne manquaient pas de lui tourner autour...

— C'est Papa, n'est-ce pas ? demanda brusquement Jane, le sourire aux lèvres. >>


Severus l'observa d'un œil amusé. 


<< Oui, ton père en faisait partie. Il était toujours accompagné de ses trois éternels acolytes : Sirius Black, Remus Lupin et Peter Pettigrow. Et j'avais très bien remarqué que James Potter était très intéressé par Lily. Ce qui n'était pas pour me plaire... Je n'avais jamais apprécié ce garçon, un peu trop fanfaron et arrogant à mon goût. Heureusement, c'était aussi le cas de Lily, dit-il dans un sourire. James Potter cherchait par tous les moyens à attirer son regard sur lui, mais elle ne supportait pas non plus son comportement, aussi, elle l'ignorait bien souvent. Malheureusement, James Potter semblait s'être mis en tête que me martyriser lui permettrait d'impressionner Lily ; c'est là qu'il a commencé à m'embêter. Chose que je lui rendais largement. Toutes mes années à Poudlard ont été rythmées par nos coups bas et nos insultes. Ce qui plaisait pas du tout à Lily. Je crois qu'elle n'aimait pas découvrir cette part plus... Sombre et mesquine chez moi. Après tout, je m'en sortais bien en potions. Et James Potter en a très souvent connu les frais. Pendant que moi, je souffrais de son talent en sortilèges. Lily en a très vite eu marre de nous voir nous batailler comme cela tout le temps. Elle me parlait encore moins qu'avant. Et, me sentant un peu seul, délaissé, c'est là que je me suis rapproché des mauvaises personnes. Des personnes qui n'était pas fréquentables. Je me suis laissé tirer vers une magie plus sombre, vers une part de moi-même que j'aurais préféré ne pas connaître. Lily ne l'a pas vraiment supporté. Nous nous sommes disputés, plus d'une fois. Et j'ai dit tellement de choses horribles, que je ne pensais pourtant pas. Cela a brisé notre amitié. >>


Ainsi que mon cœur, au passage, pensa amèrement Severus. Remarquant la tristesse de son parrain, Jane l'entoura de ses bras pour le câliner.


<< Mais maman t'aimait encore. Sinon, tu ne serais pas mon parrain. >>


Severus soupira. A vrai dire, il était surtout venu s'excuser auprès de Lily quelques années après leur sortie de Poudlard. Et ce n'était pas forcément pour les bonnes raisons, même s'il était vraiment désolé par ce qu'il avait fait. Le Seigneur des Ténèbres voulait surtout garder un œil sur les deux Potter, qui commençaient déjà à se dresser face à lui. Il avait envoyé Severus. Et ce dernier en avait profité pour offrir de véritables excuses à son amie d'enfance, à celle qu'il avait toujours aimé, même si par-derrière, il avait encore fait l'erreur de la trahir. Égoïstement. Lâchement.


<< Certainement, souffla finalement son parrain, sortant de ses pensées. Je peux continuer ? >>


Jane hocha doucement la tête, se blottit un peu plus contre Severus, puis referma les yeux pour écouter la suite.


<< Je n'ai pas eu de nouvelles de Lily pendant un très long moment. C'était... C'était très douloureux pour moi. Surtout que j'ai appris qu'elle s'était mariée avec James Potter. Je ne savais pas comment ils avaient pu se rapprocher. Mais ils s'aimaient, c'était certain. La preuve ; ils ont eu deux merveilleux enfants. Et puis un jour je suis allé... Je suis allé m'excuser. J'ai réussi à trouver où vivait Lily. Harry n'était pas encore né, je ne suis même sûr que ta maman était enceinte ; mais James était là lui. Et il n'était pas très content de me voir. Lily l'était, elle. Elle m'a pardonné dans la seconde qui a suivi mes excuses, et ça m'a réchauffé le cœur. Puis elle s'est mis en tête de me réconcilier avec son mari. James n'était pas très emballé par l'idée, et c'était la même chose pour moi. Mais nous avons fait un effort, pour faire plaisir à Lily. Alors, nous avons fini par nous tolérer, sans pour autant beaucoup nous apprécier. Mais c'était un bon début. C'est sûrement pour ça qu'il a accepté que je sois ton parrain. 

— Heureusement alors. Moi je t'aime plus que tout ! Je ne veux personne d'autre comme parrain, déclara-t-elle, presque avec fermeté. >>



Une fois encore, Severus Rogue sentit les larmes lui monter aux yeux. Il resta un instant près de Jane, la câlinant doucement, sans rien dire. Il n'avait jamais encore raconté à sa filleule le décès de ses parents. Elle savait, bien sûr, qu'ils ne seraient plus jamais là. Qu'elle ne les verrait pas. Mais Severus ne voulait pas encore lui parler... Des détails. Du Seigneur des Ténèbres. Ou encore pire, des prophéties qui la concernaient, elle, et son frère. Elle était encore trop jeune, et il avait lui aussi besoin de temps. Un jour, elle saurait l'entière vérité. Et peut-être ne l'aimerait-elle plus du tout. Aussi, il préférait profiter pleinement du moment présent, en priant que d'ici-là, il ne refasse pas quelques erreurs qui lui soient fatales. Il ferma les yeux, et une unique larme dévala sa joue.



<< Je t'aime aussi, Jane. >>


Sa filleule eut un sourire. Il se leva, la borda lentement et se pencha vers elle pour déposer un baiser sur son front. Il quitta la chambre le plus doucement possible, se retournant simplement sur le pas de la porte pour observer une dernière fois la petite Jane, qui dormait déjà paisiblement. Oui, il l'aimait plus que n'importe qui. Peut-être même plus que Lily. S'il la perdait, il ne pourrait pas le supporter. Jamais.


Laisser un commentaire ?