Blaireaux : sorciers de l'ombre

Chapitre 7 : Tête-à-tête-à-tête-à-tête

3030 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 25/05/2020 19:10

Dans les semaines qui suivirent, Pete et Arthur apprirent à apprivoiser les lieux – et ce parfois littéralement. Certaines portes, comme celle qui leur permettait d’accéder à leur salle de bain, exigeaient en effet tant de politesse et de compliments délicats pour s’ouvrir qu’ils préférèrent en écrire toute une liste qu’ils apprirent par cœur pour ne jamais en manquer.

Ils rejoignaient leurs salles de classe plus rapidement et trouvaient leurs cours plus intelligibles, mais le nombre de devoirs à faire augmentait chaque semaine. Or, faire leurs devoirs n’était ni ce qu’ils aimaient le plus (ils préféraient découvrir le Château ou lire des livres sur la magie), ni ce qu’ils pouvaient réaliser le plus facilement.

On accédait à la salle commune des Poufsouffle depuis le sous-sol du château, via un long corridor assez sombre qui menait également aux cuisines. Si à leur arrivée, ils s’étaient montrés désappointés par cet emplacement peu flatteur, ils comprirent rapidement que celui-ci n’avait pas été choisi par hasard et changèrent complètement d’avis sur la question.

Helga Poufsouffle, la fondatrice de leur maison et cofondatrice de Poudlard, était connue pour son sens de la fête et son amour des bonnes choses – et plus particulièrement de la bonne nourriture. La sorcière avait d’ailleurs son portrait accroché au-dessus de la cheminée de la salle commune : tout sourire, une tasse en or à la main, elle était prête à trinquer avec le premier venu.

Très régulièrement, un groupe d’élèves de troisième ou quatrième année partait chiper des victuailles dans les cuisines adjacentes et revenait les bras chargés de boissons fruitées, de pains, de beurre, de desserts savoureux ou de restes d’apéritifs des soirs de grands banquets. Ces petits larcins, souvent complétés par les apports personnels des étudiants, se transformaient presque systématiquement en goûters collectifs, en pots ou même en soirées. Le Professeur Chourave, qui enseignait la botanique mais qui était également leur Directrice de maison, se joignait d’ailleurs bien souvent à eux lorsqu’elle passait dans la salle commune pour apporter des plantes décoratives ou entretenir celles qui s’y trouvaient déjà.

Cette ambiance festive mettait nos deux héros de bonne humeur mais les empêchait bien souvent de se concentrer sur leur travail. Ils savaient pourtant qu’ils devaient valider leurs examens de fin d’année afin de rester à Poudlard l’année suivante. Ils apprirent donc rapidement à s’éclipser lorsqu’un groupe d’élèves lançait une partie de cartes ou revenait des cuisines la trop mine réjouie, s’ils n’avaient pas encore terminé leurs devoirs.

Toutefois, ils prenaient de plus en plus de plaisir à aller en cours, surtout ceux où ils apprenaient à lancer des sorts, tels que « Alohomora » ou « Reparo », pour ouvrir des portes ou réparer de petits objets, ou ceux où ils fabriquaient des potions aux propriétés époustouflantes avec des ingrédients toujours plus incroyables, comme des brins de valériane, de la peau de serpent, ou encore de la bile de tatou.

Les heures de cours étaient aussi l’occasion de retrouver d’autres élèves. Il y avait assez peu de mélanges entre les maisons, mais Pete et Arthur étaient heureux de pouvoir croiser de nouveaux visages. A partir de leur deuxième semaine de cours, ils découvrirent notamment avec une agréable surprise qu’ils partageraient leurs cours d’astronomie et de défense contre les forces du mal avec les Serpentard.

Un lundi soir, à minuit, ils se rendirent donc tout en haut de la tour d’astronomie, la plus haute tour du Château, où le Professeur Aurora les attendait. Ces cours, qui consistaient à étudier le ciel et les planètes, avaient en effet lieu à l’heure où celles-ci étaient le plus visibles. Tandis qu’ils montaient les escaliers, Arthur aperçut Drago et le salua joyeusement :

- Dragibus ! Comment ça va ?

Le jeune garçon pâle aux cheveux blonds fit brusquement volte-face. Reconnaissant son interlocuteur, il devînt blême et reprit sa route sans répondre.

- Oh, bah tu ne réponds plus ? Ou tu ne parles pas le chimpanzé ?

- Il le parlait très bien quand il s’agissait de nous insulter, ajouta Pete qui l’avait rejoint.

Malefoy rougissait à vue d’œil en serrant les poings. Il s’arrêta en plein milieu de l’escalier et leur rétorqua :

- Surveillez votre langage, bande de moldus !

- Ah, ça y est, il parle ! répondit Arthur avec un grand sourire. Tu vas pouvoir m’aider en astronomie, parce que la semaine dernière, j’étais complètement largué !

- Pas étonnant que tu ne comprennes rien à la magie. Poudlard est une école de sorciers ! répondit-il avec du venin dans la voix tandis que Crabe et Goyle commençaient à ricaner.

- C’est vrai qu’utiliser un télescope, ça n’arrive jamais chez les moldus, remarqua Pete avec ironie.

- Oui, c’est clair, poursuivit Arthur. Tenter de comprendre les lois de la physique en observant son environnement… Heureusement que les sorciers étaient là pour faire cette magistrale démonstration d’intellect.

Et ils pouffèrent de rire en voyant Malefoy s’éloigner d’un pas pressé et furieux. Arrivés en classe, Pete et Arthur s’installèrent au poste d’observation juste à côté de celui de Crabe, Goyle et Malefoy, et ils passèrent tous le cours à leur poser des questions ou à leur demander de l’aide. Quand ils explosèrent de rire pour la troisième fois consécutive où Goyle s’était mis la lunette de son télescope dans l’œil, Malefoy ne contenait tellement plus son exaspération qu’il leur cria de se taire, et le Professeur Aurora menaça d’enlever des points aux Serpentard.

Ils furent cependant assez vite absorbés par l’observation des étoiles, tant cela demandait d’attention et de minutie. Régler la collimation de leur télescope leur prit presque autant de temps que de dessiner sur un parchemin les objets célestes qu’ils observaient. Quand le cours fut terminé, ils tombaient de sommeil au point d’en perdre toute envie de taquiner Malefoy.


Comme d’habitude, Pete fut le dernier à sortir de classe et quand Arthur et lui repartirent vers leurs dortoirs, le reste des élèves était déjà retourné dans sa salle commune. Ils marchaient seuls dans les couloirs et trouvèrent très surprenante cette sensation soudaine de solitude dans cet immense château, qui leur apparut pour la première fois calme et désert.

- L’astronomie, ça me rappelle quand on allait faire du camping avec mes parents, racontait Arthur tandis qu’ils descendaient le grand escalier de marbre qui les ramenaient à leur maison. On allumait un feu, on grillait des marshmallows et on regardait les étoiles toute la nuit.

Pete était trop fatigué pour lui répondre mais se représentait parfaitement la scène qui lui inspira beaucoup de nostalgie. Depuis son départ à la gare de King’s Cross, il n’avait pas cessé de repenser à sa famille. Quelques jours après son arrivée à Poudlard, il avait maladroitement rédigé une lettre pour raconter son installation au château et sa rencontre avec Arthur, et l’avait envoyée par hibou à son adresse à Londres, mais n’avait toujours pas reçu leur réponse.

- Ma sœur nous joue toujours du ukulélé pendant ces soirées, poursuivait Arthur que Pete n’écoutait plus que d’une oreille distraite. Au début, ça me cassait les oreilles de l’entendre s’entraîner, mais aujourd’hui ça me manquerait pres… WHOOOOO !

Alors qu’ils poursuivaient leur descente d’étages en étages, l’escalier où ils se tenaient s’était soudainement transformé en un tobogan géant que les deux garçons dévalaient dans une glissade spectaculaire. L’escalier recourba ses dernières marches, ce qui freina leur chute et les fit s’écraser contre un revers en marbre particulièrement peu agréable.

Secoués par cette étonnante métamorphose, les deux garçons tentèrent de se relever, mais ils se retrouvèrent à nouveau à terre lorsque l’escalier se détacha de son étage et partit vagabonder auprès des murs, comme s’il s’agissait d’une simple promenade de fin de journée.

- Non ! grommela Pete qui se tenait à la rambarde pour éviter de retomber. Pas à cette heure-ci ! J’aimerais aller me coucher, ajouta-t-il d’un ton sec en s’adressant à l’escalier.

- C’est n’importe quoi, commenta Arthur. Où est-ce qu’il pense aller, comme ça ? C’est un escalier, pas un car touristique !

Mais sourd aux plaintes des deux élèves, l’escalier poursuivit sa promenade aérienne en émettant un grondement qui ressemblait presque à un rire moqueur, et il accéléra la cadence de son déplacement. Il n’avait en effet que peu d’endroit où bouger, et son parcours forma rapidement un mouvement circulaire qu’il effectua de plus en plus vite. Les deux garçons se cramponnèrent à la balustrade en poussant des cris. Mais loin de se laisser intimider, Arthur s’écria avec jovialité :

- On se croirait dans un Grand Huit !

Au bout de quelques minutes, visiblement très amusé par sa plaisanterie, l’escalier ralentit sa course folle et retourna à son poste initial. En reprenant sa forme d’escalier, il expulsa les deux garçons en les projetant face contre terre sur la plateforme à laquelle il était revenu s’attacher.

Haletant, Pete et Arthur restèrent allongés par terre quelques minutes.

- Foutus escaliers ! commenta Arthur avec amusement. Il faut vraiment savoir leur parler. C’est bien un truc de Serdaigle, ça, des escaliers qui bougent ! Oh… Ça va, Pete ?

- Je… Je crois que je vais vomir, répondit-il en se relevant.

Il avait porté les deux mains à sa bouche et s’élançait à l’aveuglette dans le couloir face à lui, priant pour trouver rapidement des commodités. Il tenta plusieurs portes fermées à clé et s’enfonça un peu plus dans la galerie qui était éclairée par de simples torches. Certaines portes étaient ouvertes mais donnaient sur des salles de cours inutilisées ou de simples remises.

Par bonheur, l’une des portes qu’il poussa l’amena enfin dans des toilettes et il se précipita vers le lavabo au-dessus duquel il attendit que sa nausée passe. Le manège de l’escalier lui avait sérieusement retourné l’estomac et il avait la sensation que le sol et les murs tournoyaient tout autour de lui.

Quand il retrouva ses esprits, il se redressa et découvrit peu à peu la pièce où il s’était rendu par hasard. L’endroit était désert et très sombre. Les deux torches sensées apporter l’éclairage étaient couvertes de toiles d’araignées et n’avaient visiblement pas été allumées depuis très longtemps. Seul le faible rayon de lune qui transperçait la fenêtre tirait la pièce du noir absolu. Il chercha du savon pour se laver les mains mais ne trouva ni savon, ni essuie-mains, ni aucune affaire du quotidien. Tout indiquait que personne n’était plus passé par là depuis un bon moment et, dans son inspection de la salle, il finit également par percevoir l’odeur pestilentielle qui régnait sur les lieux. Pris de frissons, il ressortit précipitamment, regrettant d’être même entré ici. Mais en franchissant le pas de la porte, il poussa un cri d’effroi quand il se retrouva nez-à-nez avec Arthur.

- Pete ! Ça va ? Désolé de t’avoir fait peur !

- Ah… C’est toi… murmura Pete tandis que son cœur se remettait à battre. J’ai la chair de poule ici.

- Il y a de quoi ! On est en plein dans l’aile droite, la fameuse aile interdite. Je ne pense pas qu’on ait le droit d’utiliser ces toilettes.

- Désolé, je ne me suis pas rendu compte d’où j’allais, mais ça va mieux. On n’a qu’à repartir.

Mais un soudain bruit de verrou retentit à côté d’eux et leur glaça le sang. Ils se ré-engouffrèrent à toute vitesse dans les toilettes obscures et y restèrent figés comme des ombres. Ils retenaient si bien leur souffle qu’ils en oublièrent presque la fétidité des lieux.

Au bout de quelques secondes, le son d’un pas lourd se rapprocha d’eux et une gigantesque silhouette les dépassa sans les voir dans le corridor. Ils reconnurent immédiatement la carrure de l’immense garde-chasse de Poudlard. Le visage détendu de Hagrid apparut en pleine lumière quand il atteignit le bout du couloir et ils purent voir qu’il tenait dans chaque main deux seaux immenses.

Ils ressortirent lentement des toilettes avec un soupir de soulagement.

- Heureusement qu’il ne nous a pas vus ! chuchota Pete. On aurait eu de sacrés ennuis.

- Qu’est-ce qu’il faisait là ? Tu as vu d’où il sortait ?

Mais en tournant la tête, ils découvrirent l’unique et massive porte en bois d’où Hagrid était forcément sorti.

- Il venait de là… répondit Pete qui fixait la porte avec une curiosité inexplicable.

Arthur s’approcha de la porte sur la pointe des pieds et y colla son oreille.

- J’entends un bruit ! s’exclama-t-il à voix basse. On dirait… comme un ronflement.

Pete s’approcha à son tour et tenta de deviner ce qui se passait à l’intérieur.

- Je l’entends aussi ! Qu’est-ce que ça peut bien être, et qui mériterait d’être enfermé à double-tour au fond d’un couloir interdit ?

- Je ne sais pas, répondit Arthur… Mais j’irais bien voir !

- T’es dingue ?

- Je passe juste une tête, répondit Arthur, je n’entre pas ! Toi, reste caché !

Il sortit sa baguette, l’approcha de la serrure et chuchota :

Alohomora !

Le loquet s’ouvrit. Arthur tira la porte vers lui et la referma aussitôt en la claquant d’un coup sec. Pete se rapprocha de lui, tandis que des bruits de plus en plus distincts s’élevaient derrière la porte.

- Alors ? Qu’est-ce que tu as vu ?

- On va tous crever dans ce château, répondit simplement Arthur. Notre directeur est un psychopathe. Je veux rentrer chez moi.

- Quoi ? s’écria Pete. Mais qu’est-ce qui te prend ? Alohomora !

- Non, Pete, NON !

Pete avait rouvert le loquet et passait la tête par la porte, mais il bondit aussitôt en arrière tandis que des aboiements furieux et des filets de bave lui giclaient dessus depuis l’autre pièce.

- Aide-moi ! cria Pete.

Arthur et lui se jetèrent sur la porte pour la refermer, mais un coup provenant de l’intérieur repoussa la porte vers eux et les projeta au sol. La bête qui se tenait de l’autre côté essayait visiblement de les atteindre avec l’une de ses pattes.

Coloportus ! crièrent-ils en chœur en pointant leurs baguettes vers la porte, alors qu’ils étaient toujours à terre.

La porte se referma avec son loquet. Le monstre continua de gratter la porte pendant quelques instants, puis les bruits s’affadirent. Ruisselant de sueur, les deux garçons se relevèrent prudemment, sans quitter des yeux la porte dont aucun des deux ne voulait aller vérifier qu’elle était bien fermée.

- Avant qu’on meure, haleta Arthur qui était plié en deux et se tenait les côtes, je voulais que tu saches que… je n’ai rien fait de plus cool dans ma vie que… pfiou, je suis crevé… que de lancer un sortilège en chœur avec mon meilleur pote.

- Pareil, répondit Pete qui haletait tout autant. Pareil.

Quand ils eurent repris leur souffle, ils repartirent dans l’autre sens à toute jambe, rejoignant en à peine quelques secondes le hall complètement éclairé et les escaliers de marbre qui descendaient vers la Grande Salle.

- Qu’est-ce que c’était que cette chose à quarante têtes ? s’écria Arthur maintenant qu’ils étaient hors de danger.

- On aurait dit un chien, répondit Pete qui avait du mal à respirer. Un chien à trois têtes.

- C’est donc pour ça que ce couloir est interdit. A ton avis, pourquoi est-ce que ce chien est là ?

- Je n’en ai aucune idée. Je t’avoue que là, tout ce que je veux, c’est aller dormir.

- Nous reprendrons cette discussion ! répondit Arthur visiblement très excité par cette étonnante découverte.

Ils jetèrent des coups d’œil aux alentours pour vérifier que personne n’avait vu d’où ils revenaient. Ils n’auraient pas voulu terminer cette aventure sur une injuste punition de Rusard, le surveillant et homme-à-tout-faire de Poudlard.

Finalement rassurés, ils reprirent leur route vers les dortoirs de Poufsouffle, décidés à user de tous leurs charmes et de tous les compliments du monde pour que leurs escaliers les amènent enfin à bon port.


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