Lettockar, tome 1 : la honte des écoles

Chapitre 4 : Le premier jour (partie 1).

3972 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/01/2022 16:42

4. Le premier jour




Le lendemain, lors du petit déjeuner, Kelly essayait de faire le point concernant sa situation. Elle qui avait ressenti la plus grande joie de sa vie en découvrant qu’elle était dotée de pouvoir magiques et qu’elle allait les mettre en œuvre dans une école spécialisée, la soirée d’hier était loin de l’idée qu’elle se faisait de l’inauguration de son apprentissage. Elle avait assisté à un spectacle grotesque, et les enseignants de Lettockar transpiraient une malfaisance et un cynisme qui rendait soudainement l’univers de la magie beaucoup moins merveilleux. Le bienveillant, le rassurant professeur Dumbledore lui semblait très loin.


Durant ces dernières semaines, elle avait conçu la révélation de sa nature de sorcière comme un nouveau départ, elle qui s’était si longtemps sentie mal dans sa peau. Toutes les bizarreries de son existence passée avaient trouvé leur explication. Elle avait sa place dans ce monde qui lui avait semblé tellement étranger et allait enfin s’épanouir dans son véritable univers. Mais maintenant, ses certitudes étaient fortement ébranlées. L’Institut Lettockar allait-il lui apporter le bonheur qu’elle avait tant espéré ?


Elle allait engager la conversation avec John et Naomi quand Madame Freyjard vint les voir à leur table pour leur distribuer leur emploi du temps. Kelly s’en empara et lut :


Lundi :

9h-10h30 : Métamorphose.

10h30-12h : Potions

12h-14h : Pause

14h-16h : Sortilèges.


- Métamorphose… murmura Kelly.


Elle mit alors ses tourments de côté et tâcha de se montrer enthousiaste. C’est même de l’excitation qu’elle finit par ressentir : elle allait avoir son tout premier cours de magie. Cela allait être un moment mémorable pour toute sa vie. Mais une chose lui vint alors à l’esprit.


- Dis-moi Peter, demanda-t-elle à son préfet, il me semble que le matin, les élèves des écoles de sorciers reçoivent du courrier, non ?


- Tout à fait, confirma Peter en hochant la tête. Seulement, comme la plupart des parents des élèves de Lettockar ne connaissent pas les voies de communication des sorciers, le courrier n’arrive pas lors des premières semaines. Il faut leur laisser le temps de se familiariser avec la poste par hibou.


- D’accord… mais je crois savoir qu’il y a aussi des journaux d’informations de sorciers, non ? On ne peut pas non plus les recevoir ?


- Ça, en revanche, c’est totalement interdit. Personne ne doit savoir que Lettockar existe, donc je vois mal l’école prendre son abonnement à La Gazette du Sorcier – un quotidien anglais, précisa-t-il. Pour savoir ce qui se passe dans le monde, il faut se référer au panneau des Nouvelles Officielles de Lettockar. Je te montrerai quand on ira en cours.


Kelly remarqua son air gravement désabusé. Et elle comprit vite pourquoi. Après leur petit déjeuner, Peter les emmena, elle et quelques élèves de première année, devant un gigantesque panneau au rez-de-chaussée surmonté de l’inscription « Nouvelles Officielles ». Kelly s’attendait à y voir de nombreux articles juxtaposés les uns aux autres, mais à la place, elle ne vit qu’une seule ligne écrite de travers :


Tou va trait bien.


- C’est Viagrid qui écrit les nouvelles, expliqua Peter d’un ton amer. Et cette phrase est la seule qu’on y trouve chaque jour. En réalité, on a aucune information sur le monde extérieur à Lettockar.


Les saluant d’un bref signe de tête, le préfet les quitta et se rendit à grand pas vers un autre étage. Kelly resta figée, totalement interdite, devant le panneau des Nouvelles. Ses craintes vis-à-vis de Lettockar refaisaient surface d’un seul coup, et c’est le pas lourd qu’elle rejoignit ses camarades en classe de métamorphose au premier étage.


9h – Métamorphose.


Une fois entrée dans la pièce, elle regarda tout autour d’elle. Sculptée dans la pierre, elle était vaste et entièrement blanche. Son plafond était élégamment bâti en clé de voûte. Un bureau noir ouvragé, avec des parures argentées, présidait la salle devant un grand tableau. Le long des murs, il y avait toute sortes d’animaux en cage : des oiseaux, des batraciens, des souris et des rongeurs en tout genre… Mais il y avait également des pantins et tout un tas de bibelots et objets tout à fait ordinaires. Sur chaque pupitre, il y avait une tige de coton immaculée. Elle devina que tout ceci constituait l’équipement qui servait d’entraînement à la métamorphose. Elle porta alors son regard vers l’individu qui se tenait debout devant le bureau.


Le professeur de métamorphose était l’homme aux cheveux châtains, aux yeux bleus avec des lunettes qui se tenait à gauche du directeur à la table des professeurs. Drapé dans son grand manteau noir à manchettes, il jaugeait un à un les élèves qui passaient devant lui. Kelly prit place aux côtés de Naomi au troisième rang à droite. Elle ne vit pas l’expression légèrement déçue de John quand il dut s’asseoir un peu plus loin. Une fois que tout le monde fut installé, le professeur prit la parole.


- Bonjour à tous, élèves de Dragondebronze. Je suis votre professeur de métamorphose ainsi que votre directeur de maison : Poséidon McGonnadie.


C’était donc cet homme qui les suivrait tout au long de leur scolarité. Hier soir, on leur avait parlé des directeurs de maison, mais personne n’avait précisé leur identité. Quand elle l’avait vu hier, Kelly n’avait pas su quoi penser du professeur McGonnadie. Il respirait l’intelligence et la compétence, mais également une inquiétante froideur qui n’avait rien à voir avec la distance qu’il pouvait y avoir entre un enseignant et ses élèves. Et l’étrange regard qu’il avait jeté à Kelly lors de la Cérémonie de la Répartition lui était resté tout au long de la soirée. McGonnadie se mit à faire les cent pas, les mains dans les poches, et continua :


- Je suis donc là pour vous enseigner le plus créatif des arts magiques, la métamorphose. La métamorphose est souvent vue comme le changement total de l’apparence et la consistance d’un sujet, vivant ou non. Par exemple, la transformation des objets...


Pour illustrer ses propos, il sortit sa baguette de son manteau, la fit tournoyer avec élégance au dessus de sa tête et le lustre du plafond se changea en un mannequin pendu par le cou, réaliste au point d’être malaisant. Les élèves se figèrent après un sursaut d’effroi. Puis, comme si un interrupteur avait été actionné, le mannequin projeta des rayons de lumière par tous les orifices que la nature avait donné aux êtres humains, remplaçant le lustre dans sa fonction. Bien que ce spectacle offrait une vision d’horreur, Kelly ne put s’empêcher d’être impressionnée par la démonstration de magie. Pendant que les élèves fixaient le faux pendu, McGonnadie se promenait parmi les rangs.


- Mais aussi la transformation des animaux... continua-t-il.


Il bougea alors sa baguette en direction d’un aigle qui somnolait sur son perchoir. Celui-ci fut alors immédiatement changé en un superbe vase en or incrusté de pierres précieuses, tandis que le perchoir devenait un élégant support en bois massif. Cette fois, des murmures enthousiastes traversèrent toute la classe. Cette métamorphose-là était bien plus rassurante que la précédente. Après quelques hésitations, les applaudissements retentirent dans la salle. McGonnadie n’eut aucune réaction particulière et passa à côté du pupitre de John et de son voisin.


- Ou celle des êtres humains, acheva-t-il.


Et sans crier gare, il jeta un sortilège à John qui se transforma en gorille.


L’enthousiasme des élèves s’évanouit aussitôt. Beaucoup d’entre eux eurent la mâchoire décrochée par le geste de leur professeur. John mit un certain temps avant de réaliser ce qui venait de lui arriver. Il ouvrit alors la gueule pour parler, mais il n’émit que des cris de singes. Horrifié, il plaqua ses mains poilues devant sa bouche de gorille. Il se tortilla alors sur lui-même à toute vitesse, le visage de plus en plus épouvanté. Il tenta à nouveau de parler, mais rien n’y fit. Ses gémissements devinrent de plus en plus hystériques. Kelly était complètement sonnée. Elle se retourna alors vers McGonnadie, en quête d’une quelconque explication. Mais celui-ci, assis nonchalamment sur le bord de son bureau, professait simplement :


- Mais en réalité, la notion de métamorphose recouvre bien plus que cela. En fait, on peut y regrouper tous les enchantements qui viennent d’une manière ou d’une autre modifier la nature du sujet. C’est pourquoi vous serez amenés, au cours de votre scolarité, à étudier les sortilèges de Disparition et d’Apparition, mais aussi les sortilèges de Transfert, etc. Voilà pour cette petite introduction.


Il fit à nouveau tournoyer sa baguette à travers la pièce, et le mannequin et le vase furent immédiatement rendus à leur forme originelle de lustre et d’aigle. Le rapace émit alors plusieurs caquètements de fureur. Les élèves attendirent alors qu’il libère également John de son apparence de gorille, mais il n’en fit rien. À la place, l’enseignant reprit très sereinement son cours.


- À présent, ça va être à vous de pratiquer. Pour votre premier cours à Lettockar, il serait dommage que vous soyez cantonnés à recopier une leçon théorique sur du parchemin. Nous allons commencer par...


- Euh… professeur, dit timidement Kelly.


- Qu’est-ce qu’il y a ? lui répondit-il sèchement.


- Vous… vous avez oublié de… balbutia-t-elle en désignant John, toujours transformé en primate apeuré qui poussait encore ses gémissements grotesques en guise de paroles.


- Mmmh ? Ah, oui, pardon.


Il s’approcha du gorille sans se presser et lui donna deux petits coups de baguette négligents sur la tête. John retrouva aussitôt sa véritable apparence. Son visage affichait une expression mêlant la frayeur et l’ahurissement. Il se mit à tâter nerveusement son corps, comme pour vérifier qu’il avait bien perdu toute sa fourrure et qu’il avait recouvré toute sa forme humaine.


- Ne m’en veut pas, je n’ai pas vraiment vu la différence avec le singe », dit McGonnadie à John sans même lui adresser un regard.


À ces mots, il tapota l’épaule de John d’un geste faussement bienveillant et retourna vers son bureau. La salle de classe fut parcourue d’expressions et d’exclamations outrées une fois que les élèvent eurent compris le trait « d’esprit ». Le cœur de Kelly avait raté un battement devant la plaisanterie ouvertement raciste de leur professeur. Elle regarda alors John. Celui-ci, la bouche entrouverte et les yeux exorbités, avait le regard braqué sur McGonnadie. Quand ce dernier fut à nouveau assis sur le rebord de son bureau, il s’aperçut du malaise général et s’adressa tout particulièrement à John.


- Un problème, mon garçon ?


- Mais… pr… professeur… balbutia John. Vous ne pouvez pas… Vous… vous n’avez pas le droit !


- Bien sûr que si, j’ai le droit, répliqua McGonnadie d’un ton très calme. Tout comme j’ai le droit de t’enlever 5 points pour manque d’humour. »


C’en était trop pour Kelly. Pendant que ses condisciples poussaient des cris de protestations, elle se leva d’un bond, ivre de colère, la respiration haletante. Tournant la tête vers elle, le professeur McGonnadie accueillit ce geste par un haussement de sourcils relevant plus de la curiosité que de la sévérité. Naomi tenta de faire se rasseoir Kelly.


- Kelly, non ! gémit-elle.


- De l’humour ? Vous appelez humour vos remarques ignobles et votre blague raciste ?


- J’appelle les choses comme ça me chante, ici, répliqua McGonnadie d’un ton cassant. Et si ça vous dérange, vous n’avez qu’à… et bien… fermez-la, en fait.


- LA FERMER ? hurla Kelly.


La tension que Kelly avait accumulée depuis la veille éclatait d’un seul coup. Elle perdait totalement de vue le fait qu’elle n’était qu’une élève et McGonnadie un professeur, et qu’elle n’avait aucune compétence magique en plus de n’avoir aucune légitimité.


- Mais qu’est-ce que c’est que cette école, à la fin ? On doit pédaler comme des forcenés dans un bus pourri pour nous y amener nous-même ! On traverse un lac guidés par une brute épaisse et on se fait attaquer par un monstre géant ! On doit mettre notre tête dans une cuvette de chiottes ! Et là, vous nous transformez en animaux et nous lancez des remarques odieuses sans qu’on puisse rien faire ?


Soudain, on entendit plusieurs coups frappés contre le mur, et la voix du professeur Jar Jar Binns résonna depuis la salle voisine.


- Hé, à côté, c’est fini, ce bordel ?


- Comme si t’étais en train de travailler ! lui rétorqua McGonnadie d’un ton acerbe. Quant à toi, ajouta-t-il à l’intention de Kelly, retenue vendredi soir. 20 heures, dans cette même salle.


Tout le monde étouffa un glapissement devant la terrible nouvelle. Les élèves qui entouraient Kelly la regardaient avec des yeux grands comme des soucoupes. Même si elle faisait en sorte de rester digne et inflexible, la jeune fille eut l’impression qu’un objet lourd tombait au fond de son estomac. Une retenue dès son premier jour, et pour une raison totalement injuste en plus. Plus encolérée que jamais, elle serrait les dents tellement fort qu’elle s’en faisait mal.


- Comprenez-moi, dit McGonnadie à l’ensemble de la classe, je ne vais quand même pas continuer à enlever des points à ma propre maison. Et en même temps je ne peux pas manquer à mon titre de « professeur modèle de Lettockar » que m’a décerné le professeur Doubledose. Maintenant Kelly, rassieds-toi ou je te transforme en banane.


Il avait dit cette dernière phrase en jetant un regard flamboyant à Kelly. Celle-ci, toutefois, ne parvint pas tout de suite à se rasseoir, toujours verte de colère, bien qu’elle entendait Naomi la supplier faiblement d’obéir. Elle ne s’y résolut que quand elle vit des étincelles s’échapper de la baguette de McGonnadie. Des larmes de rage vinrent lui brûler les yeux. Elle ne revenait pas de ce qui venait de se passer, et l’absurdité de sa condition devenait de plus en plus nette dans son esprit. Ce n’est qu’à grand-peine qu’elle parvint à recentrer son attention sur le cours. Le professeur avait posé à sa droite, sur son bureau, un casque à pointe d’officier allemand du XIXe siècle et l’effleurait du bout de sa baguette.


- Vous allez tout bonnement apprendre un sortilège de changement de teinte. C’est très simple, il permet de changer la couleur d’un objet. On le soupçonne d’avoir été inventé par un daltonien pour pallier son handicap. Colovaria !


Sous l’effet du sortilège, le casque noir et or devint alors rose bonbon. Le professeur le saisit de sa main gauche et le brandit pour qu’il soit bien visible de tout le monde.


- Vous voyez ? C’est à vous maintenant. Bien sûr, comme vous débutez, vous allez vous entraîner sur un matériau facile à teindre. J’espère que personne n’a de problème avec les plants de coton ? demanda-t-il avec un horrible sourire en lorgnant à nouveau vers John.


Les élèves se raidirent et John paraissait sur le point d’éclater en sanglots. Mais cette fois, personne ne réagit, pas même Kelly. Apparemment très satisfait de lui-même, McGonnadie poursuivit ses instructions :


- Alors, écoutez bien : vous pointez votre baguette vers l’objet, vous pensez à la couleur de votre choix et prononcez l’incantation Colovaria. Bien sûr, lors de vos premières tentatives, vous n’allez obtenir aucun résultat, alors persévérez. Mais attention… quand il est pratiqué par des incapables, ce sort peut avoir des effets problématiques...


Les élèves de Dragondebronze, anxieux, tirèrent un à un leurs baguettes. Ils fixèrent tous intensément leurs plants de coton. Les incantations ne débutèrent qu’au bout de quelques minutes. Mais rien ne se produisit. Devant l’échec des plus entreprenants de leurs camarades, les autres élèves tardèrent à les imiter. Mais au bout d’un moment, la classe fut tout de même emplie par les « Colovaria ! ».


Le premier bouleversement apparut au bout d’une douzaine de minutes. La jeune fille minuscule aux cheveux noirs, Maria Talbec, métamorphosa son plant de coton en un tas de serpentins rouge brique. Tout le monde tourna la tête vers elle. Certains lâchèrent un vague gloussement, mais la majorité était encore plus ébranlée devant ce premier effet peu encourageant. Et leurs craintes étaient on ne peut plus justifiées. Peu après, Huffö Gray, qui avait voulu teindre son coton en bleu se retrouva avec une grosse flaque d’encre sur son pupitre. Encore plus tard, John transforma sa cible en un filet d’anchois au lieu de lui donner la couleur qu’il espérait.


Ainsi, pendant près de trois quarts d’heure, ils continuèrent inlassablement leur manège, obtenant des résultats divers, mais jamais satisfaisants. Kelly n’obtenait strictement rien. Elle observa alors McGonnadie du coin de l’œil. Pendant que ses élèves se débattaient avec leur propre magie, il avait réduit de taille le casque à pointe rose et en avait coiffé son aigle. A présent, il observait avec un sourire moqueur l’animal piailler de mécontentement. Kelly leva les yeux au ciel et se concentra sur sa tige de coton. Elle se dit qu’il devrait être plus facile donner une couleur claire à cette matière blanche. Aussi, c’est un jaune poussin qu’elle imagina lorsqu’elle lança son sort.


- Colovaria ! s’exclama-t-elle.


À sa grande surprise, la pousse de coton prit la couleur qu’elle désirait. L’espace d’une seconde, le cœur de Kelly fit un bond de ravissement. Mais elle déchanta très vite quand elle la vit se transformer en ballon de baudruche. Elle eut à peine le temps de réaliser quand le ballon se dégonfla d’un coup et partit dans les airs en sifflant. Consternée, Kelly suivit bêtement les zigzags du morceau de caoutchouc, qui finit par s’étaler mollement sur sa face. Complètement hébétée, elle resta totalement inerte, dans un tableau grotesque. Puis, elle entendit Naomi pouffer de rire. Kelly tourna la tête vers sa voisine, qui détourna immédiatement les yeux en rosissant légèrement. Kelly se doutait bien que de l’extérieur, la situation devait être assez comique, aussi elle hésitait à faire part de son agacement à Naomi. Mais elle n’eut pas le temps de faire un choix, car son attention fut détournée par une odeur pestilentielle qui avait soudainement envahi la pièce. Et elle ne fut pas la seule. Car les « Colovaria » s’évanouirent peu à peu pour laisser place à des exclamations de dégoût. La plupart des personnes tentèrent de boucher les narines de toutes les manières possibles et se mirent à chercher l’origine de ce fumet ignoble...


- Mais… ça sent la merde ?? pensa alors Kelly.


- Quel est le con qui a essayé de le changer en marron ? s’écria McGonnadie.


On découvrit enfin l’origine de cette puanteur. C’était Milosz Wavarum, l'élève courtaud aux cheveux bruns qui avait pris place au fond de la classe. Sur sa table, à l’endroit où se tenait auparavant son plant de coton, s’étalait un tas épais de matière fécale. Milosz, dont le bras qui tenait sa baguette tremblait comme une feuille, fondit alors en larmes. Ne suscitant guère de compassion, il s’attira un regard noir de tous ses camarades. Poussant un grommellement d’agacement, McGonnadie brandit sa baguette et bougonna :


- Evanesco.


Il y eut comme une douce rafale de vent dans la pièce, et toutes les plantes et substances créées malgré eux par les élèves disparurent en même temps. Et avec elles se dissipa l’effluve nauséabond du tas d’excrément de Milosz Wavarum. Pour la première fois, Kelly éprouva de la gratitude envers son enseignant.


- Bon, déclara ce dernier, je m’attendais pas à des miracles. Mais quand même, tâchez de faire mieux. Concentrez-vous, pensez uniquement un changement de teinte et en aucun cas à modifier le matériau de votre cible. Ah, et évitez les couleurs évoquant les déjections en tout genre, ou bien vous pourriez me donner des idées de métamorphose…


McGonnadie lança alors un regard venimeux à Milosz, qui parut sur le point de pleurer à nouveau. Puis, il agita encore sa baguette, et une nouvelle série de plants de coton intacts apparurent sur les tables.


- Allez, on reprend !


Il restait une demi-heure de cours. Kelly espérait sincèrement que quelqu’un réussisse, de crainte que McGonnadie attribue de nouvelles sanctions devant leur insuccès. Ce fut Naomi qui exauça sa prière : après une incantation ferme, son plant de coton prit une couleur verte. Quand on s’aperçut sa performance, Naomi fut félicitée par toute la classe. Des visages réjouis parcourent les rangs d’élèves : elle les avait rassérénés.


- Ah, enfin ! commenta le professeur McGonnadie d’un ton énergique. Pas mal du tout. Cela vaudra cinq points pour Dragondebronze.


Bien que le professeur McGonnadie l’intimidait, elle lui répondit par un sourire nerveux. Enhardis par le premier succès de la journée, ses semblables reprirent leurs essais et les « Colovaria ! » redoublèrent. Bien que dans l’ensemble, les résultats ne furent guère brillants, plusieurs plants de cotons avaient changé de couleur sans prendre une nouvelle apparence à la fin du cours. Celui de Kelly ne fut qu’à moitié teint en rouge, mais apparemment cela suffit à McGonnadie. Celui-ci distribua cinq points à tous les élèves qui avaient réussi à modifier leur coton. En tout, Dragondebronze recueillit trente-cinq points.


- Et oui, faut pas croire, moi aussi je participe à la course ! Allez, c’est tout pour aujourd’hui. Vous pouvez partir. Et Kelly, tâche de tenir ta langue, la prochaine fois.


Personne ne se fit prier. Après avoir remballé précipitamment leurs affaires, les élèves sortirent en trombe de la salle. Kelly, toujours scandalisée par l’attitude du professeur, évita soigneusement son regard.



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