R.A.B

Avant que Harry et Régulus puissent sortir de sous la cape, Sirius avait quitté la pièce, n’ayant visiblement pas envie de discuter de la situation immédiatement. Harry fit un pas en direction de la porte, prêt à le rattraper pour le rassurer sur le fait qu’il ne lui en voulait absolument pas, mais Régulus le retint avec une grimace.

   — Laisse-le. Il a besoin de digérer ça.

Harry secoua la tête, en se mordillant la lèvre.

   — J’aurais voulu le rassurer, lui dire que… ça ne change rien.

Régulus se frotta le visage et marmonna, une expression lointaine sur ses traits.

   — Je commence à penser que nous avons tous été… manipulés à un moment ou à un autre. Rogue, Sirius, moi… et surtout toi, Harry.

Face à l’air soudain vulnérable de Harry, Régulus s’approcha pour l’enlacer. Il murmura, en le serrant contre lui.

   — D’abord, on arrête le fou furieux. Ensuite… je t’aide à faire le ménage.

Harry ricana.

   — Le ménage ? Vraiment ?

Régulus fronça le nez.

   — Virer tous les profiteurs qui tournent autour de toi. Faire en sorte de te protéger.

Ils restèrent silencieux un très long moment. Puis Harry soupira en posant son front sur l’épaule de Régulus, soudain fatigué.

   — Je ne suis pas assez puissant pour le battre, Reg. J’ai déjà essayé, j’ai échoué. Peut-être qu’ils ont raison, que je dois… me sacrifier.

   — Ne sois pas stupide ! Harry, tu ne peux pas sérieusement penser ce genre de choses…

Harry haussa les épaules, sans lever la tête, profitant de l’étreinte de son compagnon, avec l’impression d’être parfaitement à sa place dans ses bras.

   — Si c’était le seul moyen ? Ils sont sûrs d’eux après tout. Peut-être…

Une voix sèche les interrompit, faisant sursauter Harry.

   — Ne t’avise même pas de terminer cette phrase !

Le jeune homme leva la tête pour regarder Sirius qui venait de revenir.

*

Après la conversation surréaliste avec Rémus, Sirius avait fui le salon, nauséeux. Il lui semblait soudain ouvrir les yeux et être rattrapé par chacune de ses erreurs. Il avait toujours pris la vie comme une vaste plaisanterie, sans se préoccuper des conséquences de ses actes. James avait été un peu comme lui, également, mais il s’était rapidement assagi sous l’influence de Lily. Puis, il était devenu père et… il avait changé. Il était devenu un homme bon, loin de l’adolescent idiot qu’il avait été.

Lui n’avait eu personne pour le canaliser, et il n’avait plus de famille. Il avait toujours pensé que ses actes n’avaient aucune conséquence et il découvrait des années plus tard à quel point il s’était fourvoyé. Il avait tout perdu, sa famille et ses amis. Son filleul était en passe de le détester pour ses actes passés.

Entrant dans la salle de bain sur son chemin, il se passa de l’eau glacée sur le visage, hagard. La chute était rude… très rude. Mais pour une fois dans sa vie, il était déterminé à ne pas faire d’erreurs. Il avait juré de prendre soin de Harry, il l’aimait plus que tout, et il allait tout faire pour l’aider même s’il devait mourir pour lui.

Il se regarda un instant dans le miroir avant de détourner les yeux, haïssant son image en cet instant. L’arrivée brutale de Kreattur le fit sursauter, mais il ne prit même pas la peine de hurler sur l’infernale créature, attendant juste que l’elfe commence à se plaindre d’une chose ou d’une autre.

Après l’avoir dévisagé un instant, l’elfe hocha la tête et marmonna, toujours aussi revêche.

   — Le traître devrait aller voir le petit maître Harry, il a besoin d’aide.

Sirius ne se vexa même pas d’être nommé traître, et il ne fut pas surpris de voir que Kreattur semblait attaché à son filleul. Harry était quelqu’un de bien après tout et cet elfe avait toujours idolâtré son frère… Harry, en ayant sauvé Régulus, était probablement devenu un héros dans le cœur desséché de la créature.

Il sortit de la pièce et retourna sur ses pas, inquiet. Il arriva devant la porte du salon à temps pour entendre Harry envisager de devoir se sacrifier. L’objection de Régulus ne sembla pas détourner Harry de son idée, mais Sirius intervint, horrifié à l’idée de voir son filleul être mis à mort pour le monde magique.

Lorsqu’il leva la tête, Sirius secoua la tête. Harry lui avait semblé aller bien un peu plus tôt. Mais soudain, il était pâle, il avait les yeux rouges et de larges cernes noircissaient sous ses yeux. Il était agrippé à Régulus et semblait terriblement faible.

Sirius se redressa et croisa le regard de son frère. Il murmura, en le fixant.

   — Emmène-le se reposer. Je vais demander à Rogue quelque chose pour l’aider à dormir.

Régulus hocha la tête sans la moindre hésitation, avec une lueur reconnaissante dans ses yeux gris identiques aux siens, puis entraîna Harry à sa suite, le tenant par la taille. Le jeune homme se laissa faire sans protester, visiblement à bout de forces, et Sirius soupira en prenant conscience qu’ils n’étaient encore que des enfants tous les deux. Lui avait vieilli, mais son frère était resté un adolescent… Un adolescent qui était devenu un Mangemort, qui avait décidé de trahir Voldemort, avait failli mourir et avait fait un bond dans le temps de presque vingt ans. Les deux garçons étaient peut-être majeurs aux yeux de la loi, du haut de leurs dix-huit ans, mais ils avaient encore toute la vie devant eux. Et ils en avaient bien trop sur les épaules.

Sans la moindre hésitation, Sirius se dirigea vers la cheminée et lança une poignée de poudre, puis il mit la tête dans l’âtre.

   — Appartements de Severus Rogue, Poudlard.

Le maître des potions ne fut pas long à arriver, l’air inquiet. Une fois encore, la culpabilité déferla sur Sirius en se rendant compte à quel point il avait fait erreur. Il se montra plus poli qu’il ne l’avait jamais été, pleinement sincère pour une fois.

   — Severus ? Aurais-tu une potion de sommeil sans rêves pour Harry ? Il est… à bout.

L’homme leva un sourcil, les yeux fixés sur les flammes où apparaissait le visage de son ancien bourreau. Puis, il hocha la tête.

   — Je t’amène ça d’ici cinq minutes. Besoin d’autre chose ?

Sirius hésita avant de secouer la tête avec un sourire crispé.

   — Je pense que ça ira. C’est le contrecoup de tout… Tout ce merdier. Au moins, il n’est pas tout seul.

Severus eut un léger sourire approbateur, mais il ne répondit pas. Après quelques secondes d’un silence hésitant, Sirius libéra la cheminée pour qu’il puisse l’utiliser et lui apporter la potion demandée.