Lettockar, tome 2 : La Cour des Mirages

Chapitre 29 : La folie de la Kagoule

6706 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/08/2023 19:37

29. La folie de la Kagoule


Ce jeudi avaient lieu deux autres examens des élèves de seconde année : histoire de la magie le matin, et potions l'après-midi.


Kelly, Naomi, John et Mercedes avaient failli éclater de rire en découvrant l'intitulé de la première épreuve : Les Quatre Fondateurs de Lettockar. Eux qui avaient passé une bonne partie de l'année à faire des recherches sur l'histoire des Fondateurs maîtrisaient le sujet sur le bout de doigts, ils répondirent avec une facilité déconcertante à la série de questions traitant des origines, du parcours et des apports à l'école de Bernardo Curcumo, Imène Laloud, Philippe Gilluc et Augousto Scravoiseux.


Pour l'examen de potions, ils eurent à préparer une Solution Hémorroïcide. Kelly s'en sortit honorablement ; même si sa potion avait une consistance bien plus liquide que ce qu'elle aurait dû être, elle était au moins de la bonne couleur, contrairement à Huffö Gray qui avait trouvé le moyen de préparer une sorte de mousse jaunâtre, sans parler du malheureux Florian Ebstein, un élève de PatrickSébastos dont le chaudron avait explosé.


Mais la plus grande étrangeté de cet examen avait été le comportement du professeur Grog. Au lieu de surveiller attentivement ses élèves comme il aurait dû le faire, il n'avait eu de cesse de faire des aller-retours entre sa réserve et les placards et étagères de la salle de potions. Il avait l'air de chercher quelque chose… ou bien de l'avoir perdu, à en juger par son expression préoccupée, voire inquiète. Certains élèves avaient même profité de sa distraction pour tricher à l'épreuve. Kelly, elle, trouvait tout de même cela suspect… si seulement elle avait eu la Cuillère de Lalaoud avec elle...


Pour se détendre de cette journée harassante, Naomi, John et Kelly descendirent dans le parc du château. Malheureusement, le soleil n'était pas de la partie ; le ciel était gris, et des nuages sombres s'avançaient vers le domaine. Ils allaient sans doute devoir rentrer rapidement au château. Néanmoins, le temps boudeur n'entamait pas la bonne humeur de John, qui déclara d'une voix paisible :


- Je pense qu'on va passer, tous les trois.


- Oui, et pourtant… dit Naomi d'une voix hésitante, avec toutes ces histoires de Reliques, on a été assez surchargés en parallèle… j'ai vraiment eu peur qu'on ait pas le temps de travailler pour les cours, par instants. Je sais pas si l'an prochain, on pourra...


- Mimi, la coupa Kelly d'un ton affligé, toi, tu auras ta troisième année quoiqu'il arrive, même si on passe douze heures par jour à chercher les Reliques. T'as pas à t'en faire ! 


- Dis pas ça… je me connais, si je me relâche, je vais baisser, et mes par…


Naomi s'interrompit brusquement et rosit. Elle détourna le regard, espérant couper court à la discussion, mais son lapsus n'avait pas échappé à John et Kelly. Ceux-ci se regardèrent, puis Kelly dit d’une voix un peu sévère :


- Naomi, y’a quelque chose qui me gêne… et c’est pas la première fois, en fait. J’ai quand même l’impression que tes parents te mettent vachement la pression, par rapport à tes résultats… alors que tu réussis déjà super bien ! Ils pourraient penser à autre chose, non ? Mimi, réponds-moi, tu te mets en quatre pour toi, ou pour eux ?


Naomi se ratatina sur place et ne réussit même pas à répondre. Kelly tâcha de prendre un ton plus doux quand elle lui demanda :


- Quand vous vous écrivez, où quand tu es à la maison, essayez de parler d'autre chose que de tes notes, hein ?


Après un instant de silence, elle fit quelques mouvements de tête désordonnés qui ressemblaient vaguement à un acquiescement manquant beaucoup d'aplomb. Gênée, Kelly lui tapota doucement le dos. John, quant à lui, regarda le ciel et soupira :


- On devrait rentrer, il commence à pleuvoir.


Quelques gouttes venaient en effet de leur tomber sur la tête. Kelly, John et Naomi se dirigèrent d'un pas vif vers le château, et avec eux tous les élèves présents dans le parc. Ils étaient presque tous arrivés sur le parvis quand soudain, un énorme bruit d'explosion retentit sur le côté. Un morceau de l'aile gauche de l'école venait d'être défoncé, les briques volant dans les airs, levant un énorme nuage de poussière. Quand l'épais panache retomba, une gigantesque silhouette apparut aux yeux de tous.


C'était une créature monstrueuse haute de trois mètres, au dos voûté et à la peau grisâtre, complètement chauve et glabre, se déplaçant à quatre pattes et émettant des grognements hideux et terrifiants. Les personnes présentes poussèrent tous un cri et firent plusieurs pas en arrière. Quand tout à coup, un élève d'Ornithoryx glapit :


- Mais… c'est la Kagoule !


Il avait raison ; Kelly distingua les traits de la Kagoule derrière le monstre. Mais elle avait subi d'affreuses transformations en plus d'avoir incroyablement grandi. Ses dents étaient devenues des crocs acérés, ses muscles aux veines apparentes avaient gonflé au point de ressembler à des troncs d'arbres noueux. Sa peau était à présent hérissées de pointes osseuses et ses ongles griffus avaient atteint une taille de plus de dix centimètres. Ses yeux d'ordinaire verts étaient devenus rouges sang, et sur sa tête, il y avait des débris de sa cagoule, déchiquetée par la mutation. Kelly remarqua avec horreur qu'une longue queue souple et pointue, comme celle d'un lézard, lui avait poussé.


- Mais… mais qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi elle est comme ça ? s'écria-t-elle.


La Kagoule tourna son horrible tête vers la petite troupe d'élèves terrorisés. Elle ahanait avec férocité et bavait si abondamment que de gros jets de salives tombaient sur le sol. Elle avait l'air encore plus folle et décérébrée que d'habitude, et à présent agitée d'une volonté meurtrière. Incapables de s'enfuir, les adolescents se resserrèrent les uns contre les autres. Alors, elle se hissa sur ses deux pattes avant et ouvrit en grand sa bouche. Au lieu de ses habituels gémissements, c'est un titanesque hurlement qui en sortit, évoquant un rugissement de lion mêlé à un barrissement d'éléphant, si puissant qu'il produisit une onde de choc qui projeta tout le monde à terre.


Mais au lieu de se jeter sur les jeunes gens, elle bondit sur le mur du château, et commença à grimper à toute vitesse. Son corps ondulait à la lumière des éclairs qui avaient commencé à zébrer le ciel, alors qu'elle escaladait l'école, aussi rapidement et facilement qu'un écureuil autour d'un arbre, ses griffes s'enfonçant dans la pierre en faisant tomber d'autre briques. Kelly et ses camarades étaient comme hypnotisés par le spectacle, ne comprenant pas ce que la Kagoule voulait.


La créature grimpa jusqu'au donjon du directeur. Une fois arrivée au niveau du bureau de Doubledose, elle fracassa la paroi de la tour et y pénétra. Quelques secondes plus tard, une silhouette fut violemment éjectée hors du donjon, fonçant dangereusement vers le parc à la vitesse d'un obus. Mais alors qu'il se trouvait à un mètre du sol, tout près du lac de l'école, l'homme qui venait d'être propulsé beugla :


- Arresto Momentum !


Une sorte d'onde bleuâtre apparut sous lui, et il s'arrêta alors de justesse, flottant dans les airs à une très petite distance du sol. Puis, le sortilège s'évanouit et il tomba sans violence sur la terre boueuse. Certains élèves, dont Naomi, se ruèrent à l'intérieur du château, beaucoup trop effrayés, mais d'autres, dont Kelly et John, se précipitèrent, malgré leur peur. C'était bien Doubledose, qui se relevait péniblement. Un casque de baladeur était encore flanqué de travers sur sa tête. La baguette à la main, il se redressa et éructa, profondément ahuri :


- Qu'est-ce que c'est qu'ce bordel ?


Un cri strident retentit alors depuis le donjon. La Kagoule venait d'en sortir et redescendait le château en direction du parc à une vitesse fulgurante. Depuis le toit de l'aile droite, elle fit un bond impressionnant sur Doubledose, toutes griffes dehors. Plein de réflexes, le directeur fit un grand mouvement de baguette de bas en haut, et du sol jaillit un épais mur magique haut de cinq ou six mètres, noirâtre et légèrement translucide. La Kagoule s'y cogna violemment, et roula en arrière par terre sur une dizaine de mètres, faisant grésiller la protection magique, qui s'évanouit un instant plus tard.


Mais elle ne sembla même pas avoir mal. Elle se releva d'un bond comme si de rien n'était, et se remit à quatre pattes, sa queue toute nouvelle s'agitant nerveusement. Kelly était saisie par l'effroi ; la burlesque goule était devenue une bête démente et sanguinaire. La Kagoule montra les dents à Doubledose, l'air féroce. Elle ne prêtait aucune attention aux adolescents présents ; c'était uniquement après le directeur qu'elle en avait. Le visage de ce dernier se tendit de colère, et la lumière d'un autre éclair fit briller ses cicatrices.


- Je sais pas ce qui t'arrive, saloperie, gronda-t-il, mais si tu cherches la castagne, tu as trouvé ton homme !


La pluie tombait de plus en plus fort et martelait à présent la tête des personnes présentes. La Kagoule poussa un autre hurlement à onde de choc, mais contrairement à ses élèves, et à la grande surprise de ces derniers, Doubledose ne tomba pas à la renverse et fit juste un pas en arrière. Il commença par se lancer lui-même un Impervius, et son corps entier se mit à repousser la pluie. Puis il traça un grand triangle de sa baguette ; trois longs pieux de lumière bleue, apparurent alors à chaque point et se lancèrent sur la Kagoule, comme des javelots.


Le monstre en esquiva deux, mais le troisième se planta dans son épaule droite, faisant jaillir du sang sombre, épais comme du goudron. Mais la Kagoule ne parut pas perturbée le moins du monde, et l'arracha d'un coup sec avant de la briser comme du verre entre ses doigts. Tout comme quand elle s'était fracassée contre le mur magique, elle ne paraissait pas ressentir la moindre douleur. Elle eut une sorte de ricanement et se rua à nouveau sur Doubledose et engagea le combat, cherchant à le lacérer de ses griffes qui fendaient l'air.


Les élèves restaient à bonne distance, mais ne pouvaient s'empêcher de rester, leurs visages tétanisés braqués sur le combat. Cela eut le don d'énerver encore plus Doubledose, qui esquivait tant bien que mal les assauts de la Kagoule.


- BARREZ-VOUS, BANDE D'ATTARDÉS ! mugit-il. JE M'OCCUPE DE CE TRUC, ALLEZ VOUS METTRE A L'ABRI !


Mais seuls quelques individus lui obéirent ; la plupart restèrent malgré les ordres, comme immobilisés par la tension de l'événement. Alertés par le bruit, des cohortes entières d'élèves sortirent du château et vinrent grossir les rangs de la foule assistant au combat, n'osant cependant pas s'interposer. Une minute plus tard, ils entendirent derrière eux le bruit de pas lourds au point de faire trembler la terre. C'était Viagrid qui courait à toutes jambes vers son supérieur. A son passage, il poussa sans ménagement les élèves ahuris, dont certains voltigèrent littéralement.


- Tiens bon Niger, je viens à ton secours ! s'écria-t-il.


Mais au moment où il sautait pour écraser la Kagoule de son énorme masse, celle-ci lui attrapa la cheville de sa queue de lézard. Avec une puissance inattendue, elle fit tournoyer le demi-ogre dans les airs durant quelques secondes, puis le balança sur plusieurs centaines de mètres. Dans un grand cri, Viagrid fut jeté avec fracas dans le lac, causant d'énormes vagues dignes d'une mer en furie. En refaisant surface, il poussa d'autres hurlements de frayeur, et se mit à agiter les bras dans tous les sens, au summum du grotesque.


- Aidez-moi, je ne sais pas nager ! s'écria-t-il.


Mais personne ne savait véritablement quoi faire pour tirer un individu aussi énorme du lac, sans parler du fait qu'aucun élève n'était très pressé de venir en aide à l'horrible garde-chasse. L'une d'eux fit tout de même l'effort de faire apparaître une très grosse bouée et de la faire léviter jusqu'à Viagrid, qui s'en empara, et barbota comme il le pouvait vers la rive ; mais le lac était trop agité par le déluge, et le demi-ogre était sans cessé ramené en arrière.


Pendant ce temps, Doubledose tentait d'immobiliser la Kagoule : il fit naître de grosses chaînes en acier du bout de sa baguette magique et les fit s'enrouler autour du corps de la bête. L'espace d'un instant, il crut avoir réussi, mais après s'être débattue, la Kagoule fit éclater les liens de métal rien qu'en forçant avec ses bras, et les chaînons tombèrent en cascade sur le sol. La foule étouffa une exclamation sonore, et Doubledose lui-même écarquilla les yeux.


La Kagoule profita aussitôt de la déconcentration de son ennemi pour pivoter sur elle-même et lui donner un énorme coup de queue qui l'atteignit en plein visage en claquant comme un fouet. Doubledose fut alors projeté sur le côté, s'effondrant sur le sol boueux. Grognant de douleur, ce n'est que d'extrême justesse qu'il parvint à rouler sur le côté pour esquiver un autre coup de queue s'abattant sur lui pour l'achever. Il se releva précipitamment, les jambes tremblantes. Du sang ruisselait sur sa face : son arcade sourcilière était cassée. Quelques personnes s'avancèrent vers lui, inquiètes, mais il les repoussa avec rudesse, refusant catégoriquement toute aide des élèves, et repassa à l'attaque.


- Stupéfix ! rugit-il en pointant une nouvelle fois sa baguette sur la Kagoule.


Et un trait de lumière rouge sang fusa de la baguette du directeur, mais le sortilège rebondit sur la Kagoule sans lui causer aucun effet. Kelly se sentit défaillir ; même les assauts du puissant Doubledose étaient inefficaces, alors que la dernière fois, il avait stupéfixé la créature sans aucune difficulté. Que se passerait-il si le directeur ne parvenait pas à venir à bout de cette chose ? Elle semblait invincible, invulnérable, en plus d'être extrêmement forte et terriblement féroce...


Pire, elle cracha un énorme jet de salive verdâtre et collante sur Doubledose. Quand la substance se répandit sur son poitrail, elle se mit aussitôt à fumer et à brûler les vêtements. C'était de l'acide. Le colosse se recroquevilla en hurlant de douleur. Profitant de l'ouverture, la Kagoule galopa vers lui et lui mordit cruellement l'épaule gauche. Hurlant de plus belle, Doubledose essaya de la repousser à coups de poings, mais elle s'accrochait fermement, secouant violemment la tête pour lui déchirer la chair. A présent mû par la rage, le directeur envoya une boule de feu au monstre qui le força enfin à reculer. Néanmoins, la Kagoule n'avait toujours pas l'air de souffrir, bien que son torse fut noirci de brûlures. Doubledose, lui, commençait à faiblir...


Les professeurs Grog, McGonnadie, Pourrave et Jar Jar Binns avaient à présent rejoint les lieux. Les yeux exorbités en découvrant la nouvelle apparence de la Kagoule, ils voulurent se précipiter à leur tour au secours de Doubledose.


- NON, N'INTERVENEZ PAS ! hurla celui-ci.


Les professeurs s'immobilisèrent. Leur chef eut alors un geste étrange : il fit passer sa baguette dans sa main gauche. Puis, il fit signe à la Kagoule de s'approcher. Celle-ci, trop décérébrée pour se méfier, lui fonça dessus en hurlant. Doubledose affrontait à présent la créature à mains nues, esquivant ses griffes acérées, et répliquant par des coups de poings de sa main libre, ou bien des coups de pieds ou d'épaule pour la repousser. A un moment, la Kagoule leva les bras en l'air, joignit ses deux poings et les abattit pour fracasser le crâne de son adversaire, mais Doubledose l'esquiva en bondissant sur le côté et roula au sol sur quelques mètres. En se relevant, il sourit et fit un doigt d'honneur. Énervée, la Kagoule feula et chargea une énième fois sur le directeur, soulevant de grandes traînées de boue à son passage.


Par cinq fois, Doubledose eut le même comportement, se battant au corps-à-corps avec la Kagoule un bref instant, avant de sauter ou rouler sur le côté. Il encaissa plusieurs morsures et griffures, et son sang macula bien vite son corps. Les élèves et professeurs présents devenaient de plus en plus fébriles : leur directeur se faisait charcuter sous leurs yeux, mais ils avaient interdiction totale de tenter quoique ce soit. Mais si Doubledose perdait le combat ? Que devraient-ils faire ? Kelly ne comprenait pas : elle voyait le bout de la baguette de Doubledose scintiller d'un point de lumière. Alors pourquoi ne lançait-il pas le sortilège qu'il amorçait et s'exposait aux coups de la Kagoule ? Pourquoi gardait-il sa baguette indéfectiblement rivée vers le sol ?


La situation sembla dégénérer au plus haut point quand le monstre parvint à renverser Doubledose et à le plaquer au sol. Un grand cri de terreur retentit de la foule. Perdant patience, McGonnadie, Grog et Jar Jar Binns se précipitèrent, leurs baguettes magiques brandies.


BANG !


Ils furent repoussés… par un sortilège projeté par Doubledose lui-même. Ce dernier leur brailla encore de ne pas intervenir. Kelly ne comprenait toujours rien ; comment pouvait-il encore refuser l'aide de ses subordonnés alors qu'il était à deux doigts de se faire tuer ?


La Kagoule grognait comme un tigre enragé au-dessus de sa proie, ses grosses lèvres tremblotantes. D'autres minces filets de salive verdâtre s'échappaient de sa bouche, causant de nouvelles brûlures à Doubledose. Puis, sa gueule s'ouvrit en grand, distordant son visage, découvrant ses crocs tranchants comme des épées dans toute leur longueur. Elle se lécha les babines d'une longue langue râpeuse ; elle s'apprêtait à dévorer tout cru le directeur. C'en était trop pour les élèves ; outrepassant les ordres, les plus âgés d'entre eux dégainèrent leurs baguettes… mais le visage rustaud de Doubledose se fendit soudain d'un sourire retors et il marmonna d'un air triomphant :


- Pauvre conne.


Alors, à quelques mètres derrière la Kagoule, un cercle lumineux se traça dans le sol, et de son centre naquit une longue et épaisse chaîne dorée et translucide qui s'enroula autour de la gorge de la créature. Celle-ci fut brutalement tirée en arrière et cria à pleins poumons. Elle tenta d'arracher la chaîne qui l'étranglait, mais, à quelques pas du premier, un deuxième cercle apparut et créa une autre chaîne qui attrapa le bras de la Kagoule et dont le fer se clipsa autour de son poignet. Très vite, trois autres jaillirent du sol à des endroits qui, reliés les uns aux autres, formèrent une étoile à cinq branches. L'autre bras et les jambes de la Kagoule furent aussitôt emprisonnés. Elle se débattit de toute ses forces, mais contrairement à la chaîne en métal de tout à l'heure, ces liens-ci étaient magiques et ne pouvaient être brisés par la force physique. Elle était complètement immobilisée.


Kelly écarquilla les yeux, son cerveau brusquement illuminé. Toute l'attitude de Doubledose prenait sens : il avait planifié cela depuis le début. Il avait discrètement tracé les points d'un pentacle dans le sol à chaque endroit, bien calculé, où il avait tenu tête à la Kagoule. Et les deux combattants se tenaient précisément au centre.


Puis, le directeur se releva d'un bond, brandit sa baguette vers le ciel, et y projeta un trait de lumière blanche qui illumina les nuages gris. Une seconde après, l'orage gronda avec force, et un énorme éclair s'abattit sur la Kagoule qui s'effondra, foudroyée. Le sol trembla avec force au moment de l'impact, et toute la foule présente, aveuglée par la lumière qui envahit le paysage, se recroquevilla sous le choc. Tous les regards se posèrent sur la Kagoule, face contre terre et le corps fumant. Pendant une bonne minute, rien ne se passa, puis la créature émit un grognement et remua faiblement : elle était encore en vie. Mais les chaînes magiques étaient toujours là et n'étaient aucunement abîmées, et la maintenaient parfaitement emprisonnée. Elle était vaincue.


Le danger apparemment écarté, la foule, parcourue de chuchotements inquiets, se resserra autour de Doubledose, qui contemplait le corps inerte de la Kagoule. Aucun élève, cependant, n'osa questionner le directeur dont la fureur était encore palpable. Viagrid, lui, avait enfin réussi à sortir du lac : le professeur Pourrave, qui s'était détaché de la foule durant le combat, avait fait naître une très solide liane de l'épaisseur d'une hampe de hallebarde qui avait poussé jusqu'au garde-chasse et l'avait tracté hors de l'eau. La pluie était si torrentielle que le demi-ogre était à peine plus mouillé que les autres personnes dans le parc. Il s'avançait avec difficulté, son poids le faisant s'enfoncer dans le sol bourbeux. Le professeur Fistwick arriva plusieurs minutes après, trottant comme il le pouvait de sa démarche claudicante.


- Niger, tout va bien ? Tu n'es pas blessé ? s'enquit-il après avoir fendu la foule.


- Si, mais ça va aller, répondit Doubledose en jetant un coup d’œil désinvolte à ses blessures pourtant graves.


- Mais enfin, qu'est-ce que c'était que ce foutoir ? s'exclama Jar Jar Binns. Comment tu t'es retrouvé à te battre avec une Kagoule hypertrophiée ?


- J'ai rien compris, j'étais en train d'écouter tranquillement ma musique, et cette cochonnerie m'est tombée dessus et a voulu me déchirer la moelle épinière !


- Monsieur le directeur, nous, on a vu ce qui s'est passé ! intervint une élève de sixième année qui s'était trouvée dans le parc en même temps que Kelly et les autres. La Kagoule est sortie de l'aile gauche du château en démolissant le mur, et elle a escaladé le bâtiment jusqu'en haut du donjon.


- Elle a pas abîmé la statue, j'espère ? s'inquiéta Fistwick.


- Elle est sortie du château, tu dis ? dit Doubledose à mi-voix, les yeux plissés.


La sixième année confirma d'un signe de tête, et d'autres de ses voisins avec elle. Kelly et John restèrent muets, mais un échange de regard suffit à leur faire comprendre qu'ils partageaient le même désarroi. Ils ne comprenaient rien à l'affaire, mais ce qui était sûr, cet attentat contre le directeur allait mettre leurs enseignants sur la défensive, et que cela n'augurait rien de bon pour eux ; pour s'en convaincre, il suffisait de voir leur mine songeuse et en même temps courroucée. Fistwick tâta la tête de la Kagoule du bout de sa canne, et demanda à Doubledose :


- Tu l'as…


- Apparemment non, mais s'il faut le faire, j'hésiterai pas !


Mais au moment même où Doubledose faisait un pas menaçant en direction de la Kagoule vaincue, elle fut entourée d'une lueur jaune-blanche. Elle rétrécit alors à vue d’œil, pour retrouver sa taille normale ; ses griffes, ses dents et les picots sur sa peau se rétractèrent, ses muscles fondirent, puis sa queue de lézard se détacha et se désagrégea aussitôt. L'enchantement qui l'avait rendue monstrueuse avait pris fin.


La Kagoule se réveilla alors sous les yeux médusés de l'assistance, se remettant difficilement à quatre pattes. Quand elle vit Doubledose la toiser avec une stupéfaction mêlée de colère, ses yeux redevenus verts s'emplirent d'effroi. Elle se dégagea des fers des chaînes magiques à présent trop grands pour la contenir et s'enfuit à toutes jambes en direction de l'école en couinant :


- Kaï ! Kaï ! Kaï !


Moins d'une minute après, elle était rentrée au château, allant probablement se terrer quelque part dans les cachots, loin de la fureur de Niger Doubledose. Les chaînes de lumière, n'ayant plus de raison d'être, explosèrent et disparurent, laissant l'assemblée médusée. McGonnadie, dont les verres de lunettes étaient constellés de gouttes d'eau, se rapprocha de son supérieur et interrogea :


- Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver, à cette putain de goule, pour se retrouver transformée comme ça ?


- J'en sais rien, répondit amèrement Doubledose, qui était en train de s’appliquer des sortilèges de soin. C'est toi, l'expert en métamorphose, non ?


- Bah ouais, mais...


- Moi, je sais.


C'était Grog qui avait parlé. Tout le monde se tourna vers le professeur de potions. Il fixait l'endroit où la Kagoule avait été terrassée, le vent et la pluie fouettant son visage. Kelly et ses camarades écarquillèrent les yeux, ou entrouvrirent la bouche, stupéfaits par sa phrase laconique et abrupte. Doubledose leva le menton et plissa les yeux, tandis que ses collègues affichaient une expression aussi décontenancée que leurs élèves. Tout le monde était suspendu aux lèvres de Grog. Le maître des potions releva très lentement la tête vers les autres professeurs… avant de s'adresser d'une voix monotone à la foule des élèves :


- Foutez le camp, vous tous.


Cet ordre laissa tout le monde abasourdi. Très vite, des réactions indignées de nombreux élèves refusant de s'en aller éclatèrent :


- Professeur, qu'est-ce qui se passe ?


- Qu'est-ce qui est arrivé à la Kagoule ?


- Vous pouvez nous dire, quand même !


- VOUS AVEZ ENTENDU VOTRE PROFESSEUR ? rugit Doubledose. RENTREZ AU CHÂTEAU !


Tandis que les adolescents sursautaient de frayeur, le directeur claqua des doigts, et Viagrid se précipita pour faire déguerpir les élèves avec sa brutalité habituelle. Le garde-chasse poussa la masse d'écoliers vers le château en les insultant abondamment et en bousculant les personnes à sa portée. Kelly et John tombèrent même dans la gadoue. Rouge de colère, Kelly se releva et sortit sa baguette, mais John lui attrapa le poignet pour l'empêcher de jeter un maléfice.


Bien que scandalisés, les élèves renoncèrent à s'attarder davantage dans le parc. Avant de rentrer dans le grand hall, Kelly jeta un dernier coup d’œil par-dessus son épaule. Elle vit tous les professeurs se rassembler autour de Grog, qui avait le regard rivé sur le sol…


Quand les derniers élèves furent rentrés dans le château, la grande porte d'entrée se referma d'un coup sec avec fracas. Le hall était noir de monde ; plus de la moitié des étudiants s'y trouvaient, discutant fiévreusement de l'événement qui avait fait le tour de l'école en un temps record ; ceux qui y avaient assisté étaient littéralement bombardés de questions de leurs amis.


Kelly entendit Peter les héler depuis l'escalier. Naomi était avec lui. Ils dévalèrent les marches, et le préfet les fit s'écarter de la masse des élèves pour discuter à voix basse, l'air inquiet. En voyant ses deux amis maculés de saleté, Naomi glapit :


- Qu'est-ce qui vous est arrivé ? Vous êtes couverts de boue ! C'est… c'est à cause de la Kagoule ?


- Non, c'est ce con de Viagrid, il m’a faite tomber… gronda Kelly.


- Mais où sont les profs ?


- Ils sont restés dehors… ils discutent de ce qui vient d'arriver, répondit John. Apparemment, Grog sait quelque chose.


- Kelly, John… intervint Peter, Naomi vient de me raconter que la Kagoule était devenue géante et complètement folle… qu'est-ce qui s'est passé ?


Ils décrivirent précisément la transformation de la Kagoule : son immense taille, membres démesurément musclés, sa peau couverte de piquants, ses yeux rouges, et ses crocs et ses griffes tranchants comme des épées, et ses yeux rouges gangrenés par la folie… suite à quoi ils décrivirent aussi son comportement hystérique, sauvage, enragé, affirmant qu'elle n'avait manifestement pas eu conscience de ce qu'elle faisait. Au terme du récit, Peter se gratta pensivement le cuir chevelu… avant de murmurer d'un ton interdit :


- Un Berserker…


- Quoi ?


- On a vu ça en cours de métamorphose, cette année. C'est un état de transformation d'un être vivant : on gagne une taille gigantesque, on obtient des capacités physiques prodigieuses, ou bien des pouvoirs quand on est une créature magique. On devient aussi incroyablement endurant, et on n'est plus sensible à la douleur. Mais on perd aussi sa raison, tout contrôle de soi... on devient maboule et assoiffé de sang, et on ne peut plus s'arrêter de se battre tant que la soif n'est pas étanchée. Et on peut s'en prendre à n'importe qui, même à ses amis...


Kelly retroussa les lèvres. Cela correspondait en tout point au phénomène qui avait frappé la goule. Oui, cela ne faisait aucun doute, elle avait été transformée en Berserker. C'était terrifiant… si l'on en croyait les dires de Peter, elle aurait pu commettre des atrocités dans l'école.


- Mais comment la Kagoule s'est retrouvée comme ça ? demanda-t-elle.


Peter ne répondit pas tout de suite à la question, qui paraissait répétitive à Kelly tant elle avait été posée, à voix haute ou non.


- Il paraît qu'elle a attaqué Doubledose ? questionna-t-il.


- Ouais, confirma John. Elle a escaladé tout le château avec une facilité hallucinante… puis elle a percé un trou dans le mur du donjon et elle a balancé Doubledose dans le parc, depuis la tour ! Mais il a réussi à amortir sa chute. Ensuite, la Kagoule est ressortie et lui a foncé dessus… et ils se sont battus.


- Et il l'a repoussé à lui tout seul… ?


- Y'a des gens qui ont essayé d'intervenir – les profs, notamment – mais il a refusé toute aide, répondit Kelly. Il ne voulait pas qu'il y ait de blessés, j'imagine… c'est vrai que cette bestiole était ultra dangereuse.


- Sans doute, mais je pense que Doubledose l'a aussi fait par orgueil… ajouta Naomi avec perspicacité. Il ne voulait pas qu'on l'aide pour montrer qu'il pouvait vaincre la Kagoule tout seul.


- Mais pourquoi elle s'en est prise à lui, spécialement ? s'interrogea John. Peter vient de dire qu'un Berserker peut s'attaquer à n'importe qui…


- Un sortilège de l'Imperium, peut-être ? suggéra Naomi d'une voix tendue.


- Sûrement, même si à mon avis, ça n'a pas dû être difficile de convaincre une Kagoule dont on a décuplé la force de se venger de Niger Doubledose… argua Kelly d'un ton lugubre.


Les quatre comparses se turent, plongés dans leurs réflexions. Mais, quelles qu'aient été les intentions de la créature, cela ne répondait pas à la question essentielle, que tout le monde se posait depuis que la Kagoule était sortie du château, métamorphosée en monstre sanguinaire, se dit Kelly...


- Peter, tu ne nous as pas répondu... comment on devient un Berserker ? insista-t-elle.


- Et bien, ça peut être un sortilège, ou bien...


Peter s'interrompit. Kelly vit alors avec stupéfaction son visage devenir flasque, son regard se vider et sa mâchoire se décrocher petit à petit. Alors qu'elle allait lui demander ce qui n'allait pas, il marmonna, plus pour lui-même que pour ses interlocuteurs :


- Non, c'est impossible...


Kelly, John et Naomi se consultèrent du regard, déconcertés. Alors, Peter se rua vers les escaliers menant au premier étage, les bousculant légèrement au passage, sans révéler ce qui l'effarait.


- Peter ! Peter, qu'est-ce qu'il y a ? lui cria John.


Mais le préfet ne se retourna pas. Très vite, il disparut sans donner aucune explication, laissant Naomi, John et Kelly désemparés. Quelques minutes plus tard, la porte d'entrée s'ouvrit à la volée, dans un bruit semblable à un coup de tonnerre. Doubledose pénétra dans son domaine, sa baguette magique à la main, ses enseignants sur ses talons. Le bref instant où la porte fut ouverte suffit à la pluie pour inonder les premiers mètres carrés du grand hall. Le directeur s'avança, ne s'arrêtant qu'au milieu des élèves qui s'écartaient, de peur, à son passage. Sa colère était si intense qu'elle semblait brûler l'atmosphère. Tout à coup, il appliqua l'extrémité de sa baguette sur sa gorge, et prononça une formule magique :


- Sonorus Scholae.


Sa voix fut alors amplifiée, comme s'il avait parlé dans un micro surpuissant.


- Tous les élèves doivent se rendre immédiatement dans la Cantina Grande, sans exception. C'est un ordre ! tonna-t-il.


A en juger par les échos provenant des étages supérieurs, le sortilège avait permis à sa voix d'être entendue dans l'école toute entière. Hélas, pour Kelly et tous ses camarades ne se tenant qu'à quelques mètres de lui, le son leur vrilla les tympans et ils se recroquevillèrent, les mains plaquées sur leurs oreilles.


Doubledose mit fin au Sonorus Scholae, et alors que les personnes présentes dans le hall commençaient à se diriger sur son ordre vers la Cantina Grande, il s'adressa à Josette la Dyslexique, qui flottait dans le coin :


- Josette, ma petite, va chercher les autres fantômes, et allez forcer le pas aux merdeux qui traînent dans les étages.


- A vos ordres, monsieur le directeur.


Kelly, Naomi et John furent donc pressés à l'intérieur de la grande salle. Les élèves s'asseyaient à leurs tables attitrées, bien que beaucoup restassent debout, déboussolés, cherchant à savoir pourquoi on les avait rassemblés ici. Peu de temps après le trio, Peter arriva aux côtés de Pavel. Était-ce ce dernier que le préfet de Dragondebronze était allé voir en trombe ? Kelly les chercha tous les deux du regard, mais elle les rata ; les deux préfets allèrent rejoindre leurs maisons respectives, pour encadrer leurs congénères très agités. Viagrid s'occupait également de faire s'asseoir les réfractaires, tandis que les derniers groupes d'élèves arrivaient, guidés par les fantômes.


Plusieurs minutes s'écoulèrent après que tous les élèves aient rejoint la Cantina Grande et interrogé leurs condisciples sur la situation, jusqu'à ce que Doubledose arrive enfin. Il se plaça au centre de l'embrasure de la porte, l'expression toujours aussi furieuse. Toute l'assemblée le regarda avec effroi, totalement silencieuse. Avec ses vêtements déchirés et tâchés de sang, il était plus effrayant que jamais. Les professeurs, tous convoqués, étaient en retrait derrière lui ; on ne distinguait que leurs silhouettes cachées dans l'ombre. Alors, Doubledose expliqua enfin la raison pour laquelle il avait fait venir l'ensemble de ses élèves dans la Cantina Grande, bien avant l'heure du repas :


- Vous allez rester ici bien sagement. Interdiction formelle de quitter la Cantina Grande. Moi et vos professeurs allons procéder à une fouille de tout le château. Salles de cours, salles communes, cachots, et même les chiottes s'il le faut. PERQUISITION GÉNÉRALE !


Et Doubledose tourna les talons et s'en alla à grand pas. Par-dessus son épaule, il donna un coup de baguette rageur, et la porte de la Cantina Grande se referma toute seule.


Une vague de protestations et d'exclamations terrifiées accueillirent cette annonce. Certains élèves, hors d'eux, se précipitèrent même vers la porte, mais Viagrid vint s'interposer juste devant, frappant lentement du poing la paume de sa main gauche d'un air menaçant. Toute tentative de sortie se dissipa immédiatement. Les malheureux retournèrent à leurs places, à la fois énervés et anxieux.


Durant plusieurs heures, toute la population de Lettockar resta ainsi, affalée sur les bancs de la Cantina Grande, attendant dans la tension le retour des professeurs, surveillée par Viagrid et par les fantômes, lesquels flottaient au-dessus des tables. Un silence de mort régnait. Barban le Connard essayait de détendre l'atmosphère en faisant ses éternelles blagues graveleuses, mais personne n'en riait. Kelly imaginait les professeurs mettant les classes et les salles communes sens dessus-dessous, faisant voltiger les affaires des élèves et renversant tout le mobilier, pour débusquer ce qu'ils cherchaient avec tant de hargne.


Si seulement elle avait pu parler à Peter… mais il aurait été suspect qu'elle se déplace pour aller chuchoter des choses à quelqu'un, alors que tous les autres élèves se tenaient immobiles et silencieux. Mais qu'était-il allé faire, quand il avait brusquement quitté leur conversation ? Y avait-il un rapport avec Pavel, puisqu'ils étaient arrivés ensemble à la Cantina Grande ? Pavel, si souvent aux côtés de Grog… savait-il quelque chose, comme lui ?


Enfin, au bout de ce qui sembla être une éternité, les professeurs revinrent dans la Cantina Grande. Grog ouvrait la marche. Il tenait une bouteille contenant un épais liquide rouge sombre. Kelly comprit que c'était la potion qui avait transformé la Kagoule en Berserker… et que c'était cela qu'il avait cherché dans toute sa salle de classe lors de leur examen l'après-midi. Alors que tous les autres enseignants paraissaient fous de rage, Grog avait le visage décomposé. Ce qu'il venait de découvrir l'avait visiblement ébranlé, même dévasté. Les enseignants s'avancèrent très lentement entre les tables. La foule se crispa ; de toute évidence, ils allaient d'un instant à l'autre désigner le coupable, celui qui avait volé la potion et l'avait fait boire à la Kagoule. Ils s'arrêtèrent alors… devant Pavel.


Dans un même mouvement, toutes les têtes se tournèrent vers lui. Il n'y eut aucun bruit : pas une exclamation, pas un cri étouffé, par un murmure. Kelly sentit comme un coup de vent glacial fouetter son corps. Comme tous ses comparses, elle était tétanisée par la révélation. Les yeux exorbités, elle garda son regard braqué sur son chef à l’OASIS. Le plus stupéfiant était sa réaction. Il aurait pu trembler, blanchir de peur, se tortiller sur sa chaise, voire essayer de s'enfuir… mais non. Il restait passif, calme, immobile sur son banc. Il baissa simplement les yeux, son visage éteint et assombri. Après un long silence, Grog lui dit, anéanti :


- Pavel… pas toi ?

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