Dollhouse

Chapitre 22 : La protéger de lui

10005 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/12/2023 18:09

Je me réveillai au beau milieu de la nuit alors qu’une pensée angoissante ne me quittait pas. Nous allions bientôt rentrer pour les vacances de Noël. Nous allions retrouver nos familles. Et nous allions le retrouver, lui. Il pourrait s’initier dans nos esprits autant qu’il le voudrait, et il saurait. Il saurait pour Granger. Il saurait qui elle était, et ce qu’elle était. Il aurait conscience de sa valeur, de sa valeur pour l’Ordre, pour Potter, et pour moi. Comment avais-je pu commettre une telle erreur sans l’anticiper au préalable ? Comment avais-je pu sincèrement me dire « et si je racontais ma vie à mes amis », sans songer une seule seconde que cela la mettrait elle en danger ? S’il savait, il la voudrait. Il la trouverait, et il lui ferait des choses que je n’osais même pas imaginer. Je sentis la nausée me gagner alors que je me redressai sur mon lit. Comment avais-je pu être aussi égoïste, au point de ne même pas réaliser le péril dans lequel je la mettais en ayant simplement raconté toutes ces choses à mes amis ? Comment avais-je pu oublier, pendant autant de temps, que nos esprits lui appartenaient, et que chaque pensée, chaque souvenir, chaque sentiment, était quelque chose qu’il pouvait s’approprier et utiliser ? Comment avais-je pu avoir le culot de supposer qu’il était encore possible pour moi de me confier à mes amis sur un tel sujet, sans songer aux conséquences pour elle ? Elle serait prise en chasse. Elle serait utilisée. Si elle n’était pas tuée immédiatement, elle serait gardée, torturée et utilisée pendant des années pour les renseignements qu’elle aurait certainement. Ou bien encore comme moyen de pression contre l’Ordre, et contre Potter. Je lui offrais son arme secrète sur un plateau d’argent, et je n’y avais même pas songé une seule seconde. Je l’avais condamnée. En racontant ce qu’il s’était passé entre nous à mes amis, je l’avais condamnée. Ma respiration se fit difficile. J’allais vomir. Je prenais une profonde inspiration et stoppais le fil de mes pensées. Non. Je ne laisserai rien de tout cela arriver. Nous étions en novembre. J’avais le temps. J’avais le temps de rectifier le tir. J’en étais largement capable. Si quelqu’un pouvait le faire, c’était moi. Je pouvais le faire. Je n’étais pas inquiet de ce qu’il pourrait trouver dans mon esprit, j’étais un excellent Occlumens. Ma mère m’y entraînait régulièrement depuis ma deuxième année à Poudlard, quand elle avait compris qu’il y avait un réel risque que le Seigneur des Ténèbres revienne un jour. Beaucoup pensaient que c’était mon père, le vrai guerrier. J’aurais tendance à dire que c’était plutôt ma mère. Elle avait fait en sorte que je sois capable de me protéger, et de protéger ceux que j’aimais. Elle m’avait appris à bloquer mon esprit, à bloquer mes souvenirs et à faire en sorte de pouvoir contrôler ce que je laissai voir à un Légilimens qui s’introduirait dans mon esprit. Elle avait également essayé d’apprendre à Theodore, et c’était là le plus gros problème. Elle n’avait jamais réussi. 

Theodore était incapable de bloquer son esprit à qui que ce soit, tout simplement parce qu’il était incapable d’y rester lui-même. Dès que ma mère lui demandait de se concentrer alors qu’elle le pénétrait, Theodore partait, comme lorsqu’il était enfermé dans la cave de son père. Il dissociait. Il était là, mais il n’était plus là. Il était incapable de se concentrer sur son monde intérieur, parce qu’il n’en avait pas. Parce qu’il n’y avait rien auquel il arrivait à s’accrocher à l’intérieur de lui-même. Elle avait passé de longues heures à essayer, encore et encore, à lui apprendre à rester dans son esprit, à y faire le tri, à bloquer ses souvenirs, ses sentiments, à protéger tout cela à l’intérieur de lui. Mais dès qu’elle lui demandait de se concentrer sur son monde intérieur, il disparaissait quelque part à l’intérieur de son esprit, ou à l’extérieur, je ne le savais pas très bien, mais en tout cas il ne protégeait rien de ses souvenirs. Et ils étaient tous là, libres d’être inspectés d’aussi près que possible. Theodore était incapable de se protéger lui-même avec l’occlumencie, et je savais que c’était pour cela qu’il avait été incapable de ne plus aimer Pansy, quand il était parti s’enfermer dans sa cave pendant des jours après qu’elle ait annoncé qu’elle allait elle-aussi rejoindre les rangs. Il ne pouvait pas contrôler son esprit. Il en était tout simplement incapable. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était le fuir. Mais l’organiser, le contrôler, cela lui était inaccessible. Pourtant, il allait falloir trouver un moyen. Ma mère essayait depuis des années, sans succès, mais il fallait trouver un moyen. Theodore savait tout. Il savait absolument tout. J’avais à peine plus d’un mois pour faire de lui, et du reste de mes amis des Occlumens capables de duper le plus grand mage noir de tous les temps. La vie de Granger était en jeu. Je ne pouvais pas échouer. Ce n’était pas une option. Peut-être que cela changeait quelque chose, le fait que Theo soit désormais heureux avec Pansy. Peut-être que cela lui permettrait d’avoir plus amplement accès à ce qu’il se passait à l’intérieur de lui, sans avoir besoin de fuir absolument ce qu’il s’y trouvait. Peut-être que désormais, il serait capable de se confronter à ce qu’il se trouvait là, au fond de lui-même. J’acquiesçai à cette pensée. Oui, cela changerait certainement beaucoup de choses. Nous y arriverions. Il n’y avait pas d’autre option. Nous y arriverions. Je commencerai à les entraîner demain. Je trouverai des solutions concrètes qui me permettraient de lui apprendre, à lui en particulier, à protéger son esprit de la magie noire du Seigneur des Ténèbres. A protéger Granger de lui. Je tournai le visage vers mon réveil, et découvrait qu’il était 3 heures du matin, et que les grands yeux bleus de Theodore étaient rivés tout droit sur moi. Je sursautai et chuchotai en sa direction : 

-       Ça fait combien de temps que t’es réveillé ? 

Il cligna doucement des yeux. Pas très longtemps. 

-       Depuis que tu l’es, j’imagine, me répondit-il doucement. Mais tu avais l’air de contrôler, observa-t-il. 

J’acquiesçai alors que je le regardai. 

-       Comment ça se fait que tu te réveilles toujours quand je commence à paniquer ? 

Il demeurait couché dans son lit, tourné vers moi. Il laissa son épaule exprimer son ignorance et répliqua en chuchotant : 

-       Je suppose que mon corps est trop habitué à analyser les réactions du tiens. 

Je m’autorisai à réfléchir à son hypothèse un instant. Cela ne me semblait pas improbable. Ses sens étaient surdéveloppés à cause de son histoire avec son père. Il avait dû apprendre malgré lui à repérer les signaux environnementaux qu’il pouvait sentir et entendre, privé de pouvoir voir concrètement. Il voyait les choses autrement. Il sentait les choses autrement. Et il faisait très, très attention à moi. Depuis de nombreuses années. Quinze années, exactement. Il ne me semblait pas impossible que son corps soit constamment attentif au mien, et à la moindre montée d’adrénaline ou de cortisol. 

-       Qu’est-ce qu’il se passe ? me demanda-t-il finalement. 

Je soupirai. J’aurais largement le temps de l’inquiéter et de le presser le matin venu. Il était 3 heures du matin. Il avait le droit à un peu de repos, lui aussi. Il avait fait disparaître le pire cadavre que nous n’ayons jamais vu, et il avait cuisiné pour tout le monde quelques minutes après. Son corps était constamment sur le qui-vive pour s’assurer que nous allions bien, et moi en particulier. Il méritait un peu de repos. 

-       La routine, une montée d’angoisse, lui dis-je alors. Mais j’ai contrôlé, lui confirmai-je avec sincérité. Rendors-toi, on en parlera demain. 

Il m’observa un instant sans me répondre. Il cherchait à s’assurer qu’effectivement, je contrôlais la situation. Mais autant lui que moi savions qu’il m’avait déjà assez analysé, et depuis assez de minutes pour savoir qu’effectivement, en cet instant, je contrôlais. Je n’avais aucun doute sur le fait qu’il avait certainement compté les secondes qui séparaient mes inspirations, prêté une oreille attentive aux bruits des battements de mon cœur pour s’assurer de leur régularité, et senti avec attention l’odeur que je dégageai, empreinte d’abord d’angoisse et de ses hormones caractéristiques, puis de plus en plus normale et habituelle. 

-       Je te dis que ça va, appuyai-je avec un sourire en coin. 

Il acquiesça doucement, mais je savais qu’il ne s’était autorisé à fermer les yeux et à se rendormir qu’une fois qu’il avait entendu ma propre respiration se faire plus profonde. 

Le lendemain matin, Rogue était venu nous trouver au petit-déjeuner, et il nous avait convoqués tous les quatre dans son bureau pour justifier de notre absence la veille. Nous n’avions pas eu besoin de beaucoup nous justifier pour qu’il nous couvre auprès de Dumbledore, et qu’il nous laisse repartir comme si de rien n’était. Étant donné que c’était le week-end, Kira, le serpent de Theodore, et Loki, le rat de Pansy qui ne sortait de sa cage que lorsque Kira pouvait être avec nous, nous tenaient compagnie dans notre salle commune où j’avais réuni mes amis. Même Atlas, le chat noir de Blaise que nous ne voyons que fort rarement s’était joint à nous. Il ronronnait sur les genoux de Pansy, assise sur son fauteuil à côté de Theodore, tandis que Kira et Loki jouaient ensemble sur le sol, à leurs pieds. Blaise regardait son chat avec dégoût. Même lorsqu’Atlas était avec nous, il préférait la compagnie de Pansy à celle de son maître. 

-       Sérieusement, pouffa-t-il depuis le canapé, je n’ai pas vu cette salle bête depuis au moins deux semaines, et c’est sur ses genoux à elle qu’il ronronne ! 

Pansy caressa le chat noir qui ronronnait sur ses jambes fines avec un sourire en coin, puis elle répliqua : 

-       J’aimerais dire qu’il me préfère à toi, mais je pense que c’est simplement que j’ai mes règles. 

Blaise fronça les sourcils en sa direction :

-       Quel est le rapport ? 

-       Les chats sentent les changements hormonaux chez les êtres humains, et évidemment notamment chez les femmes, expliqua-t-elle avec un ton hautain tandis qu’elle continuait de caresser l’animal. Ils ont tendance à venir plus facilement vers une femme qui a ses règles pour lui donner plus d’amour et d’affection. 

Il haussa les sourcils : 

-       Son instinct de survie n’est clairement pas au point. Les meufs sont, de base, dangereuses, mais aller intentionnellement vers elles alors qu’on sait qu’elles ont leurs règles…, soupira-t-il, faut littéralement aimer le sang et la violence. 

Les yeux de Pansy s’aventurèrent vers le visage de Theodore, qui lui, la regardait déjà. Il avait posé sur elle des yeux affamés, et très discrètement, mais pas assez, il humidifia ses lèvres. Les joues de Pansy rougirent violemment et elle baissa les yeux vers le sol. Blaise ne manqua pas non plus le spectacle dont je venais d’être témoin : 

-       Oh mon dieu, c’est pas vrai ! s’exclama-t-il avec dégoût. Vous êtes sérieux ?! s’égosilla-t-il alors en se cachant les yeux de ses deux mains.

Je portais une main sur ma bouche alors que j’essayai de m’empêcher de rire. Et accessoirement, que j’essayai de chasser de mon esprit l’image des lèvres ensanglantées et souriantes de Theodore. Pansy se défendit alors : 

-       On n’a rien dit ! 

-       Vous avez pas besoin de dire quoi que ce soit quand vous vous regardez comme ça ! continua Blaise qui continuait de se cacher les yeux. Oh mon dieu, répéta-t-il avec dégoût en couvrant sa bouche innocente. 

Les épaules de Theo sursautaient alors qu’il contenait son rire comme un gentleman se devait de le faire. 

-       Tu devrais pourtant essayer, lui dit alors doucement Theodore, c’est plein de fer. Ça t’aiderait peut-être à te rappeler le nom de tes conquêtes pour éviter de t’en prendre une en pleine gueule le lendemain, dit-il en plaisantant en rapport avec le passé de Blaise avec Daphné Greengrass, qui l’avait baffé devant tout Poudlard. 

Blaise resta interdit un moment, ses yeux rivés sur Theo avec une moue de dégoût ancrée sur son visage, puis il demanda :

-       Attends, c’était sérieux ? Nan parce que je pensais qu’on parlait d’un peu de violence au pieu là, pas littéralement de bouffer du sang. 

Il resta interdit en scrutant Theodore des yeux un instant, et le lèchement de lèvres de Theodore ainsi que le rougissement écarlate des joues de Pansy lui apprirent qu’il ne rigolait pas une seule seconde. Blaise éclata d’un rire nerveux alors qu’il laissait sa tête basculer en arrière : 

-       Oh mon dieu, non ! Je ne veux pas savoir ça ! Oh putain, s’exclama-t-il en cachant son visage derrière ses mains alors qu’un profond rire nerveux faisait vibrer son torse. 

Nous rions tous, aussi Blaise leva les yeux vers moi : 

-       Me dis pas que tu fais ça, toi aussi ? 

Je réfléchis un instant à sa question avant de répondre : 

-       En soit, je n’ai jamais vu une fille assez régulièrement pour en être au stade où il fallait faire avec ses règles, donc je peux difficilement me prononcer sur le sujet. 

Je devais leur parler. Je devais leur parler de Granger et du fait que je devais absolument les entraîner à l’Occlumencie avant que sa vie ne soit damnée à cause de moi. Mais c’était un de ses rares moments où ils riaient tous. Je supposai que nous n’étions pas à quelques minutes près. Mais moi je savais que cette discussion nous pendait au nez. J’essayai de profiter d’eux et de cet instant autant que je le pouvais. 

-       Mais qui fait ça ? questionna Blaise en se retournant vers Theodore. 

Il y avait peu de choses dont nous ne pouvions pas parler ensemble. Peut-être trop peu de choses. 

-       Qui bouffe une chatte qui a ses règles ? continua Blaise avec dégoût. 

Theodore fronça ses sourcils avec un air désolé pour lui, mais il ne répondit rien. Probablement parce qu’il aurait été blessant s’il avait répondu ce qu’il pensait vraiment. Le regard de Blaise se tourna vers Pansy, et il demanda avec sincère curiosité : 

-       Et toi ça te dérange pas qu’il te bouffe alors que t’as tes règles ? Genre t’es à l’aise je veux dire pendant l’acte, en tant que la personne qui reçoit, t’es pas en train de te dire « c’est dégueulasse », je sais pas quoi ? 

Pansy fit non de la tête alors qu’elle sembla réfléchir un instant : 

-       Je pense qu’avec quelqu’un d’autre ce serait surement différent, mais non, pour le coup, pas du tout, répondit-elle sincèrement. Le truc c’est que c’est assez explicite que lui aussi il prend son pied en le faisant, dit-elle en évitant le regard de Theodore alors que ses joues rougissaient encore, donc il n’y a même pas la place pour que je me sente mal à l’aise au final, il…, hésita-t-elle un instant, il laisse pas la place à ça. 

Les yeux de Blaise se tournèrent à nouveau vers Theodore, et ils s’observèrent mutuellement en silence pendant quelques secondes. Blaise avec une moue de dégoût qui interrogeait les pratiques de Theodore, et Theodore avec un petit sourire en coin qui transpirait d’assurance. 

-       Je comprends pas, dit alors Blaise en regardant Theodore. Genre tu peux pas attendre qu’elle n’ait plus ses règles ? 

Blaise n’était pas insultant, il était simplement réellement curieux. Il ne comprenait vraiment pas. Probablement parce qu’il n’avait jamais eu de sentiments pour une fille, et qu’il ne voyait le sexe que comme un exutoire. C’était largement différent lorsque l’amour rentrait dans l’équation. Cela n’avait plus rien à voir. Theodore laissa un seul de ses sourcils se dresser discrètement sur son magnifique visage, et il répliqua doucement alors que les joues de Pansy devenaient réellement écarlates :

-       Non. Et pourquoi je me forcerai à attendre si j’en ai envie et qu’elle en a envie ? lui demanda Theo quelques secondes plus tard. 

-       Mais parce que c’est dégueulasse ! s’exclama alors notre ami. 

-       T’as déjà joui dans la bouche d’une fille ? questionna Theo sans détour. 

-       Ben oui, répliqua Blaise avec évidence. 

-       En quoi c’est différent ? continua Nott. 

-       Eh ben c’est…, c’est du sang ! 

-       T’as déjà goûté ton sperme ? enfonça Theo. 

-       Ew, répondit Blaise avec dégoût. 

-       Donc tu t’attends à ce que ta partenaire avale quelque chose qui sort de ton corps, sans même savoir quel goût ça peut avoir, tout en partant du principe que ce qui sort de son corps à elle doit être dégoutant, sans jamais y avoir goûté, et de toute évidence il est hors de question que tu daignes y goûter un jour ? le termina alors Theodore. 

Blaise marqua une pause en observant notre ami alors qu’il commençait à saisir où il voulait en venir, mais encore incapable d’aller aussi loin dans sa réflexion. Je supposai qu’il fallait être intime avec quelqu’un, et pas simplement partager des expériences sexuelles avec, pour avoir ce niveau de profondeur dans les rapports sexuels. 

-       Je préférais encore quand t’étais puceau, déclara finalement Blaise en s’enfonçant dans le canapé. 

Theodore laissa son dos s’enfoncer dans son fauteuil et sa main gauche trouva sa juste place sur la cuisse de Pansy qui frémit de ce contact. Atlas, le chat de Blaise, ne broncha pas de sa place. 

-       Au cas où un jour tu voudrais sortir de l’ignorance, murmura-t-il avec provocation à l’encontre de Blaise, c’est délicieux. 

Je nous laissais profiter un peu de cet instant, en famille, avant de leur amener alors que ma gorge était serrée : 

-       Il faut vous entraîner à l’occlumencie. 

Theo leva des yeux graves vers moi, et les yeux surpris de Blaise et Pansy se posèrent également sur moi. Mais c’était le regard de Theo que je rencontrais. Lui comme moi savions que cela faisait des années que nous essayions, en vain. 

-       On va le revoir bientôt, et il y a des choses qu’il ne peut pas savoir, ajoutai-je gravement alors que mon cœur battait plus vite dans ma poitrine. Vous devez être capables de lui cacher des choses de votre esprit. On ne peut plus risquer de batailles parce qu’il veut s’immiscer dans l’un de nos esprits. On doit être capables de contrôler ce qu’il pourrait y trouver. Et on doit tous en être capables avant de rentrer pour Noël, conclus-je alors.  

Ils reçurent mes paroles un instant sans me répondre, étudiant ce que je venais de dire. Ce fut Pansy qui demanda finalement : 

-       Au pire, qu’est-ce qu’il y trouverait ? Qu’on est encore des gamins qui ont du mal à tuer et torturer des gens ? Ce n’est pas comme s’il ne l’avait pas déjà vu de ses propres yeux, amena-t-elle. 

-       Nous voir pleurer parce que l’un des nôtres est torturé est une chose, être dans nos têtes et y trouver tout ce qu’on pense et ressent de tout ça en est une autre, dis-je alors. 

-       Il sait très bien pourquoi on s’est rallié à lui, il est fou de bien des façons mais il n’est pas complètement demeuré, répliqua-t-elle plus pour relativiser les choses que pour quoi que ce soit d’autre. 

Je cherchais comment lui répondre pour qu’elle comprenne l’intérêt qu’il y avait à apprendre à mieux contrôler son esprit sans avoir à parler de Granger quand Theodore, qui me regardait depuis que j’avais initié cette conversation, lui répondit : 

-       Drago a raison, il faut qu’on mette toutes les chances de notre côté pour pouvoir nous protéger de lui, ne serait-ce que par rapport à la condition d’Alexa, dit-il très justement. 

Blaise acquiesça doucement et Pansy s’enfonça dans son fauteuil, le chat de Blaise dormant toujours sur ses cuisses. 

-       Et par rapport à Granger, lâcha-t-elle finalement à voix basse. 

Je rencontrais ses yeux verts alors que ma mâchoire se crispait. 

-       Entre autres, répliquais-je avec tension. 

Elle pouffa, son épaule sursautant pas si discrètement pour exprimer son arrogance alors qu’elle s’enfonçait dans son fauteuil, la main de Theodore toujours fermement posée sur sa cuisse. 

-       C’est ça, chuchota-t-elle avec dédain. 

-       Quelque chose que tu aimerais dire, Pansy ? la questionnai-je avec défi alors que le ton de ma voix se fermait. 

-       Ouais, pouffa-t-elle, et pas qu’une chose, mais visiblement on ne peut plus rien dire ici à moins d’être menacé d’être dégagé de ta vie après six ans d’amitié pour une meuf que tu côtoies depuis même pas trois mois, donc je vais gentiment fermer ma gueule, cracha-t-elle en m’adressant un sourire qui n’avait rien d’amical. C’est bien ce que tu attends de nous, non ? ajouta-t-elle avec le même défi dans la voix que le mien. 

J’inspirai profondément alors que la rage montait en moi, mais Theo m’empêcha de répondre quand il coupa la discussion avec puissance : 

-       Ça suffit. Tous les deux, appuya-t-il gravement, ça suffit. Granger ne sera plus un sujet à tension dans cette pièce pour la simple et bonne raison que si Drago décide d’être en relation avec elle, et ce peu importe la forme de cette relation, tout ce qu’on va faire en tant que ses amis c’est le soutenir, dit-il fermement en direction de Pansy, tout comme il nous a soutenus, nous, pendant des années. 

-       Bien sûr, répliqua-t-elle en pinçant ses lèvres avec sarcasme en rencontrant les yeux de Theo, et on continuera de le soutenir avec amour et tendresse la prochaine fois que Granger t’attaquera et qu’elle te traitera de malade.  

-       Ce malentendu a été réglé, tranchai-je sèchement. 

-       Super, et celui où son meilleur pote est à une seconde près de te buter, ça en est où ? continua-t-elle en ma direction. 

-       Elle n’est pas responsable de ça, dis-je gravement. 

-       Oui, parce qu’on est sûrs et certains qu’elle est digne de confiance puisque t’as développé on ne sait trop quel genre de sentiments pour elle, c’est ça ? enchaîna-t-elle sur le même ton provocateur. 

-       J’ai dit ça suffit, trancha la voix vibrante Theo, ses yeux fixés sur le sol entre nous.

Un silence pesant régna entre nous un moment. La mâchoire de Theo se crispait alors qu’il devait se positionner entre les deux personnes qu’il aimait le plus au monde pour qu’elles arrêtent de s’en prendre l’une à l’autre, abîmant leur relation. Pansy léchait ses dents avec insolence mais ses grands yeux verts étaient fixés sur le sol alors qu’elle demeurait silencieuse. 

-       Peut-être que si Drago pouvait nous dire une bonne fois pour toutes ce qu’il se passe vraiment avec elle, tout le monde pourrait accepter les choses et avancer ? questionna doucement, très doucement, Blaise. 

Le regard noir de Theodore se posa vivement sur lui. 

-       Parce qu’il doit justifier de tout ce qu’il fait pour que vous ayez confiance en lui ? répliqua alors un Theo sanglant. 

Un nouveau silence lourd s’abattit dans notre salle commune et même Kira et Loki arrêtèrent de jouer ensemble, sur leurs gardes. Cela devait cesser. Cette tension entre nous lorsque Granger était sujet à discussion devait cesser. S’il fallait qu’ils sachent pour qu’ils acceptent la situation, alors j’allais leur dire. Je pris une profonde inspiration et lâchai : 

-       J’ai couché avec elle. 

Pansy mordit sa lèvre inférieure et pouffa alors qu’elle levait le visage vers le plafond, Blaise me regarda, interdit, et Theo passa une main sur son visage. 

-       J’ai couché avec elle, et pas qu’une seule fois, repris-je sans me laisser distraire par leurs réactions respectives, décidé à dire ce que j’avais à dire une bonne fois pour toutes. Je ne sais pas ce que je ressens pour elle et je ne peux pas vous apporter des réponses aussi claires que celles que vous aimeriez, mais voilà ce que je peux vous dire : je ne contrôle rien avec elle, avouai-je avec vulnérabilité. J’essaye de ne pas la regarder, et je ne peux pas. J’essaye de ne pas lui parler, et je ne peux pas. J’essaye de ne pas la toucher, et je ne peux pas, achevai-je avec un soupir. Je ne lui livre rien de compromettant, commençai-je en reprenant mes esprits, et elle n’a accès à aucune information pouvant nous mettre, ni moi, ni vous en danger. Mais quand mon esprit est embué et que mon âme est déchirée de ce qu’on doit faire, repris-je avec émotion, et que je la vois, pendant un instant j’oublie tout. Pendant un instant, c’est comme si je n’étais pas un monstre. Quand je l’entends rire, je sens mon âme se réparer. Quand je la vois sourire, mon anxiété disparaît. Quand je me dispute avec elle, c’est comme si la magie noire qui coule dans mes veines s’évanouissait, et que je n’étais plus que Drago, l’étudiant arrogant qui débat avec sa plus proche et meilleure compétition. Alors j’essaye, autant que je le peux, et avec autant de force que possible, de rester loin d’elle et de dresser des murs de plus en plus hauts et épais autour de moi pour qu’elle n’ait accès à rien, mais quand elle se tient juste là, devant moi, que je sens son odeur, que j’entends sa voix, et que je vois ses yeux, parfois je n’y arrive pas, avouai-je. Parfois je n’arrive pas à empêcher à mon corps de toucher le sien. A empêcher mes yeux de se noyer dans les siens. Alors je peux vous promettre que jamais elle ne vous mettra en danger parce que je ne lui céderai jamais un tel pouvoir, et ça je l’ai déjà prouvé quand je lui ai enlevé tout souvenir de ce qu’elle a su, quand elle a tout su, dis-je alors calmement. Mais je suis absolument et totalement incapable de vous promettre de réussir à demeurer loin d’elle, parce que peu importe à quel point j’essaye, je suis impuissant face à elle. Alors oui, je suis désolé parce que je vous en demande encore beaucoup, mais je vous en prie, aidez-moi à la protéger de lui, suppliai-je finalement en un murmure. 

Je levai enfin les yeux vers eux. Les sourcils froncés de Pansy témoignaient de l’attention qu’elle m’avait portée. Theodore me regardait sans rien dire ni faire, et Blaise pinçait ses lèvres en acquiesçant doucement. Finalement, Pansy chuchota avec une tendresse sans égale : 

-       D’accord.

Et les yeux de Theo se fermèrent un instant tandis qu’il souriait, apaisé. 

-       Mais j’te préviens si elle touche Theo encore une fois, j’la démarre, lâcha alors Pansy, bien plus égale à elle-même. 

Blaise ri, Theodore laissa son visage basculer en arrière sur son fauteuil alors qu’un rire sourd vibrait dans son poitrail, et je lui adressai moi-même un sourire en acquiesçant. Ma famille. 

Nous avions donc passé notre samedi après-midi enfermés tous les quatre, avec Kira et Loki à nos côtés, dans la salle sur demande, assis en rond au milieu du bordel sans nom de cette salle, et nous nous étions entraînés pendant des heures. J’avais commencé par pénétrer les esprits de Blaise et Pansy, qui étaient déjà bien plus avancés que Theodore. Je leur avais expliqué à plusieurs reprises comment sélectionner un souvenir ou un sentiment particulier, et comment le cacher dans un coin reculé de leur esprit. Je leur avais expliqué comment l’enfermer sous clé, et comment amener volontairement un autre souvenir, ou d’autres sentiments à l’avant de leur esprit. Pansy y était étonnement douée naturellement, et quand bien même elle ne contrôlait pas encore totalement les souvenirs qu’elle me laissait voir, je ne doutais pas qu’avec quelques simples jours d’entraînement de plus elle serait tout à fait capable de cacher ce qu’elle souhaitait au Seigneur des Ténèbres. Blaise s’était révélé moins naturellement doué que Pansy, mais il ne partait pas de zéro pour autant. J’avais plus travaillé avec lui le fait de mettre de côté les souvenirs sensibles plutôt que la capacité à montrer ce qu’il souhaitait, comme je l’avais plutôt fait avec Pansy qui était déjà douée pour cacher ce qu’elle souhaitait garder pour elle. Cela avait pris plusieurs heures, mais à la fin de notre entraînement il avait été capable de cacher dans son esprit ce qui était en lien avec sa mère. Il n’avait pas encore réussi à mettre en avant à leur place d’autres souvenirs, laissant un espace vide suspect dans son esprit, mais je ne m’inquiétais pas, il en serait bientôt capable lui aussi. Et puis, Theo s’était assis en tailleur face à moi, et nous nous étions regardés dans les yeux un instant en inspirant profondément à l’unisson.

-       Tu es en sécurité ici, chuchotai-je à son encontre alors que ses grands yeux bleus, pleins d’appréhension de ne pas pouvoir me donner ce que je voulais, me regardaient. 

Il acquiesça sans un mot. 

-       Il ne peut rien t’arriver, continuai-je tout doucement. 

Sa mâchoire se crispa, mais une nouvelle fois, il acquiesça. 

-       Personne ne peut te faire de mal, ajoutai-je alors qu’il prenait une nouvelle inspiration profonde. Souviens-toi, lui dis-je doucement, accroche-toi à tes souvenirs. 

Il acquiesça une dernière fois, et je lui tendis ma main. Il la serra dans la sienne et prit une dernière inspiration. C’était ma mère qui avait suggéré cela. Elle avait pensé qu’un contact physique l’aiderait à rester présent, et à ne pas s’enfuir on ne savait trop où dans son esprit. Cela n’avait pas marché. Mais cela devait marcher à présent. 

-       Ferme les yeux, chuchotai-je alors qu’il m’obéissait. 

Je tenais fermement sa main et regardai son visage alors qu’il essayait de demeurer présent. Je devais m’assurer qu’il était là avant de pénétrer son esprit. 

-       Tu es dans la salle sur demande, et tu n’es pas seul, dis-je à voix basse alors que je voyais ses pupilles s’activer sous ses paupières fermées. Tu es en sécurité, ajoutai-je doucement. Accroche-toi à tes souvenirs heureux. Avec eux, il ne peut rien t’arriver, murmurai-je alors que les sourcils de Theo se froncèrent sur son visage. 

Il serra ma main plus fort. 

-       Je suis là, chuchotai-je doucement. Je suis juste là, je ne te lâche pas. Pansy et Blaise sont aussi juste là, tu n’as pas besoin de t’inquiéter pour eux. En cet instant, il n’y a personne pour qui tu dois t’inquiéter, murmurai-je alors que ses pupilles semblèrent se calmer. Toutes les personnes que tu aimes sont en sécurité. Et tu vas les garder en sécurité, dans ton esprit, avec toi, dis-je doucement. Concentre-toi sur un seul et unique souvenir, ordonnai-je avec tendresse. Concentre-toi sur le souvenir de la nuit où je suis venu te réveiller alors que tu dormais, dis-je avec une voix hypnotique, et où je t’ai dit que j’avais baisé Granger. 

Un léger sourire se dessina sur son visage. 

-       Oui, commentai-je, c’est un bon souvenir. Tu as bien rigolé ce soir-là, même si tu as essayé de le cacher, chuchotai-je. C’est un souvenir qui ne peut pas te faire de mal, répétai-je doucement. Concentre-toi dessus, et reste avec ce souvenir. Reste dans notre salle commune, alors que tu me voyais faire les cent pas devant toi, en pleine nuit, à te répéter alors que je paniquais que je venais de baiser Granger. Reste avec ce souvenir, ordonnai-je encore alors que je sortais ma baguette. Je vais venir te retrouver, annonçai-je. Reste avec ça. 

Avant qu’il soit capable de cacher quoi que ce soit, il devait pouvoir être capable de rester dans son esprit avec ses souvenirs. J’entrais dans son esprit délicatement, désormais trop concentré pour pouvoir lui parler encore. Et comme à chaque fois, je me prenais tous ses souvenirs, non rangés, non triés, non digérés, en plein visage. J’avais accès à tout, à ses joies, à ses peines, à ses peurs, à Pansy, à ses innombrables souvenirs avec moi, et il n’était nulle part. Je traversai son esprit à sa recherche, et il n'était nulle part. Je cherchais entre ses souvenirs, j’essayai de trier ce que je trouvais et cherchais désespérément le souvenir où je lui apprenais ce que j’avais fait avec Granger. Le souvenir était là. Theo, lui, n’était absolument nulle part. Je ressortais de son esprit quand je senti l’épuisement me gagner, et senti mon cœur battre plus vite de l’angoisse qui montait en moi. Les grands yeux bleus de Theo fixaient le sol. 

-       Je suis désolé, chuchota-t-il avec embarras. 

J’avalais difficilement ma salive alors que l’angoisse montait de plus en plus rapidement en moi. 

-       Ce n’est rien, on va y arriver, dis-je en essayant de me calmer moi-même. On va trouver comment y arriver, répétai-je alors. Il est tard, et on fait ça depuis des heures, on réessayera demain, on a du temps, assurai-je alors que ma respiration se faisait difficile. 

Il acquiesça en silence mais ses sourcils étaient froncés sur son visage. Il fallait que je sorte. Il fallait que je prenne l’air. J’avais performé des sorts compliqués toute l’après-midi dans les esprits de mes meilleurs amis et j’étais épuisé. Et je n’étais pas parvenu à faire ne serait-ce que rester Theodore dans son esprit, sans même parler de lui apprendre à contrôler ce qu’il y avait dedans. Je passai une main sur mon visage. 

-       Je vais aller marcher un peu, il faut que j’aère mon esprit après avoir passé autant de temps dans les vôtres. 

-       Tu veux de la compagnie ? proposa Blaise. 

-       Non, merci, il faut que je recentre mon esprit après autant de légilimencie, dis-je alors que je me levai difficilement du sol. 

Les yeux inquiets de Theodore étaient fixés sur moi. Il avait le sentiment de ne pas être à la hauteur pour moi, de me décevoir, et je n’avais pas besoin d’être dans son esprit pour le savoir. Je feignais une tape amicale sur son épaule et lui adressai un sourire qui me demanda de collecter ce qu’il restait de mon esprit non contaminé par l’anxiété qui déferlait en moi : 

-        Fais-moi confiance, on va y arriver, mentis-je pour le rassurer avant de m’en aller alors que je n’arrivais plus à respirer. 

Il faisait nuit lorsque j’étais sorti de la salle sur demande. Il ne devait pas être tard, mais les jours étaient désormais raccourcis. Je croisais plusieurs élèves dans les couloirs alors que je marchais aussi vite que je le pouvais, cherchant un coin où je serai tranquille, un coin ou je pourrais respirer. Theodore n’allait jamais réussir à contrôler son esprit. Il n’arrivait pas même à y rester. Et ma mère essayait de lui apprendre depuis cinq longues années, en vain. Nous avions essayé multiple et multiple technique. Rien n’avait fonctionné. Et il savait tout. Il savait absolument tout. Et la vie de Granger dépendait du fait qu’il soit capable de rester dans son esprit, mais aussi de le contrôler. En un mois. Après cinq ans d’essai. J’ouvris la bouche pour essayer d’inspirer l’air ambiant alors que je marchais plus vite dans les couloirs du château, mais l’air ne semblait pas descendre jusque dans mes poumons. J’avais l’impression que j’allais mourir. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine qu’il me faisait mal alors que je marchais vers la cour du château. J’entendis du bruit derrière moi, comme si quelqu’un m’appelait, mais je n’étais pas en capacité d’entendre quoi que ce soit, et je continuai de marcher aussi vite que je le pouvais. Je défaisais hâtivement les premiers boutons de ma chemise pour m’aider à respirer. J’allais m’asphyxier. Je ne pouvais pas respirer. Elle allait mourir, et c’était ma faute. J’arrivai dans la cour du château et senti enfin l’air frais ambiant sur mon visage. Je posai mes mains sur mes genoux alors que je me recourbai sur moi-même, tentant de respirer. Je fermai les yeux et essayait de reprendre le contrôle sur mon esprit. De l’ordonner. Mais je n’avais à rien mettre de côté, la vérité s’imposait tout simplement violemment à moi alors que je ne parvenais toujours pas à inspirer. Je posai une main tremblante sur mon poitrail alors que ma vision se brouillait. Aucun air ne rentrait dans mes poumons. J’allais mourir. Des bruits sourds commencèrent à sortir de ma gorge alors que j’essayai de laisser l’air pénétrer en moi, mais aucun air ne passait. J’allais mourir. J’allais mourir parce qu’elle allait mourir à cause de moi. Soudain, une main se posa dans mon dos, me faisant sursauter violemment. Je me tournais pour lui faire face, ses longs cheveux sauvages dégoulinant sur ses épaules, ses sourcils fins froncés alors qu’elle me regardait avec peine. 

-       Malefoy, chuchota-t-elle en tendant une main vers moi. 

Je n’étais pas en état physique de feindre quoi que ce soit. Je lui tournai le dos alors que je tapai sur mon torse, cherchant à faire pénétrer un peu de putain d’air en moi. Ses mains se saisirent de mes épaules et elle me força à lui faire face. Elle posait sur moi des yeux paniqués que je ne pouvais pas regarder. Je tournais les yeux sur le sol alors que j’essayai désespérément de remplir mes poumons d’air.

-       Assieds-toi avec moi, dit-elle doucement en m’entraînant à m’asseoir par terre au milieu de la cour vide de l’école avec elle, plongée dans le noir. 

Elle se rapprocha de moi jusqu’à ce que ses genoux touchent les miens et elle posa les paumes de ses mains sur mes genoux alors que ma gorge continuait de faire des bruits sourds tandis qu’elle essayait de trouver un peu d’air. Ma vision se brouilla de plus en plus quand sa voix commença tout doucement, si doucement que je devais me concentrer pour l’entendre : 

-       Quand j’avais six ans, mes parents m’avaient emmené dans des magasins à Londres pour acheter des fournitures scolaires pour ma rentrée, parce que les moldus vont à l’école plus jeunes, précisa-t-elle alors que j’essayais de concentrer mes yeux sur ses lèvres et sur ce qu’elle disait. Ils m’avaient acheté des tas et des tas de cahiers de couleurs différentes, parce que je les avais demandés. J’avais tout un système : le cahier rouge pour les mathématiques, le jaune pour l’histoire, le bleu pour l’anglais, le vert pour les arts plastiques, expliqua-t-elle à voix basse alors qu’elle cherchait mon regard tandis que je me concentrai sur les mots qui sortaient de sa bouche. Mes parents avaient accepté de m’acheter tous ces cahiers aux différentes couleurs pour ne pas bousculer mon système préétabli, même si c’était des cahiers qui coûtaient plus cher que les autres. J’avais trouvé les stylos qui allaient avec les différents cahiers, parce que bien sûr il ne me fallait pas la même plume pour les mathématiques que pour les arts plastiques, oh, oui, se rappela-t-elle alors qu’un peu d’air pénétrait mes poumons, les stylos sont comme des plumes chez les moldus, avec une quantité finie d’encre, mais qui permet de ne pas avoir d’encrier, et de pouvoir écrire directement sur du papier. Sous bien des aspects, ils sont ingénieux, ces moldus, dit-elle avec un petit sourire en coin alors que ses paumes demeuraient ancrées sur mes genoux et son timbre de voix bas et apaisant. 

Je commençais à sentir que la panique se calmait en moi à mesure que je me concentrai sur ce qu’elle me disait, et que je la visualisai, à six ans, parcourant frénétiquement un magasin de fournitures scolaires avec ses énormes cheveux bruns volant derrière elle. Il me sembla qu’un peu d’air pénétra dans mes poumons. 

-       Mais quand nous sommes arrivés à la caisse pour payer, il y avait là une étagère sur laquelle reposaient des cahiers d’un tout autre ordre, continua-t-elle doucement. C’étaient des magnifiques cahiers en cuir noir, ils n’avaient rien de spécial en soit, mais je ne saurais dire pourquoi, ils me semblaient magiques, dit-elle avec un petit sourire. C’étaient des cahiers en cuir qui étaient destinés aux hommes et femmes d’affaires avec un certain salaire, c’était une marque réputée du monde moldu qui s’appelait Montblanc, le moindre cahier coûtait pas moins de 430 livre sterling, la monnaie des moldus.  C’était bien évidemment beaucoup trop cher payé pour un vulgaire cahier pour une petite fille de 6 ans, et mes parents m’ont expliqué qu’ils ne pouvaient pas me l’acheter, dit-elle en ne lâchant pas mes yeux quand finalement je rencontrais les siens, respirant relativement convenablement, concentré sur son histoire. Mais j’étais très triste de ne pas pouvoir avoir mon cahier, j’avais… j’avais parfois un peu de mal à gérer mes émotions, avant d’apprendre que j’étais une sorcière et à contrôler ma magie, m’apprit-elle avec un sourire embarrassé. Je n’ai pas fait de caprice bien sûr, mais j’étais tellement triste de ne pas pouvoir avoir ce cahier qui me semblait si magique et indispensable à ma vie que lorsque je suis partie de la caisse avec mes parents et que nous sortions du magasin, soudain toutes les étagères du magasin sont tombées au sol, et tout le magasin s’est retrouvé sans dessus-dessous, dit-elle avec un petit sourire à la fois fier et embarrassé. Nous sommes partis très vite, ri-t-elle doucement. 

Je respirai normalement, étudiant son visage alors que mon cœur battait calmement dans mon poitrail. Je souriais en imaginant la petite Granger de 6 ans sortir d’un magasin qu’elle venait de saccager mentalement. 

-       Il y avait déjà eu quelques petits signes avant-coureurs qui nous avaient laissé sous-entendre que je n’étais peut-être pas une petite fille comme les autres, mais ce jour-là, mes parents et moi étions pratiquement certains que j’avais quelque chose de particulier, finit-elle doucement. 

Elle baissa les yeux quelques secondes, et retira ses mains de mes genoux quand elle releva des yeux attendris vers moi, constatant que j’étais effectivement calme et apaisé. 

-       Bien sûr je n’ai pas à chaque fois tout saccagé autour de moi, reprit-elle en laissant ses mains triturer les poils de son chat qui était assis entre ses jambes. 

Je ne remarquai son horrible chat qu’à l’instant seulement. Je m’étais tellement concentré sur son visage que je n’avais même pas vu que Pattenrond était là aussi. Le chat au nez aplati me regardait de ses gros yeux ronds et globuleux. Dès que nos yeux se croisèrent, il se leva et s’approcha de moi alors que mon visage eu un mouvement instinctif de recul. Granger continuait de parler alors que son chat hideux grimpait entre mes jambes : 

-       Les trois quarts du temps ce n’était que des petites choses, je renversai un livre sans le toucher, je brisai un verre par la pensée, j’allumai les lumières sans le vouloir lorsque j’avais peur de dormir la nuit…, mais je dois avouer que je n’ai jamais fait pire que cette fois-là, dit-elle en riant et feignant d’ignorer que son chat s’était mis en boule entre mes jambes, ronronnant entre mes cuisses.

Je relevai les yeux vers elle et prenait un moment pour la regarder vraiment. Ses cheveux étaient si bouclés et volumineux autour de son visage et plongeant sur ses épaules que je supposai qu’elle les avait lavés le jour-même. Ses boucles n’étaient aussi imposantes que le premier jour où elle les avait lavés, ensuite le volume réduisait petit à petit, jusqu’à ce qu’elle finisse généralement par les attacher la veille de leur lavage. Ils étaient magnifiques. Ils étaient bruns, mais ils avaient du feu en eux, quelque chose de sauvage et d’animal qui ne lui appartenait qu’à elle. Elle avait la peau claire mais pourtant dorée, et tâchée de quelques taches de rousseur sur ses joues qui me poussèrent à me demander si l’un de ses parents était roux. Elle avait des sourcils fins de la même couleur que sa crinière qui adoucissaient un visage qui n’avait déjà rien de dur. Ses yeux étaient plus en amande et moins grands que ceux de mes meilleurs amis, comme Pansy et Theo qui avaient de grands yeux ronds. Les siens étaient plus doux, du moins c’était ce qu’il me semblait en cet instant. Ses yeux dorés clignaient doucement alors qu’elle me regardait pendant que je l’observais, cherchant à la graver ainsi dans mon esprit. Je regardais la couleur de ses iris. Elles n’étaient ni vraiment brunes, ni vraiment dorées, et comme dans ses cheveux, j’aurais juré y voir du feu. C’étaient des yeux chauds. Des yeux chaleureux. La forme de ses sourcils et de ses yeux était parfaitement accordée avec le prolongement de son petit nez fin, décoré de taches de rousseur. Le creux qui se trouvait entre son nez et ses lèvres montrait qu’effectivement, et sans nul doute, elle était un ange venant des cieux. Il me semblait que ses lèvres étaient parfaites telles qu’elles étaient : dessinées, sans n’être ni trop fines, ni trop épaisses. Elles étaient même tracées de sorte à ce que même si elle ne souriait pas, on aurait cru qu’elle abordait tout de même un sourire en coin caractéristique de son air de miss-je-sais-tout. Elle portait un large pull beige qui était trois fois trop grand pour elle, et qui la rendait dix fois plus apaisante. Ses yeux se baissèrent finalement et se posèrent sur son chat entre mes jambes. Un petit sourire pincé se dessina sur le coin droit de sa bouche. 

-       Tu as fini par l’avoir, le cahier ? murmurai-je alors maintenant que je pouvais parler. 

Ses yeux chaleureux se relevèrent vers les miens et son sourire se répandit sur ses lèvres. Elle posait sur moi des yeux attendris. Des yeux inquiets, mais attendris. Elle fit délicatement non de la tête alors que son visage était légèrement penché sur le côté. Je la regardai encore un instant, cette femme que je devais protéger, mais que je ne savais pas comment protéger. Je baissai les yeux vers son chat dont les poils roux s’étaient déjà répandus sur mon pantalon noir. Je passai une main sur lui et il ronronna immédiatement. Je sentis mon cœur se briser dans mon poitrail. Je relevai les yeux vers elle. Elle était parfaite. Elle avait un feu ardent qui brûlait en elle et qui la rendait aussi dangereuse que fascinante. Qui pensait qu’Hermione Granger n’était qu’une gentille et innocente fille se trompait largement. Non, elle était mieux que cela. Elle était tout ce que l’on pouvait espérer de rencontrer. Elle était douce et forte à la fois. Fière et humble. Drôle et intelligente. Effrayante et apaisante. Généreuse et possessive. Attendrissante et énervante. Puissante et fragile à la fois. Et elle posait sur moi des yeux dangereux, et je les lui rendais largement. Ce n’était pas que physique. Quoi que ce fût, ce n’était pas que du sexe. Mon cœur se serra plus fort dans mon poitrail alors que mes sourcils se fronçaient sur mon visage. Je devais la protéger de moi. Je devais la protéger de lui. Il la briserait. Si elle se rapprochait encore de moi, si elle faisait partie de ma vie d’une façon ou d’une autre, il la briserait. Ses yeux innocents se trouveraient remplis des fantômes qu’elle aurait croisé à cause de moi. Ses traits angéliques se creuseraient alors que la souffrance la gagnerait. Elle perdrait sa vie. Elle perdrait son feu qui lui est si caractéristique. Elle serait détruite. Il la détruirait. Je la détruirais. Elle le vit sur mon visage, le moment où je me renfermai, et son regard changea. Mes yeux se remplirent de larmes alors que je constatai de ce que j’aurais pu avoir, mais que je ne pourrais jamais vraiment avoir, son chat ronronnant entre mes jambes. Me faisant confiance. Faisant confiance au monstre que j’étais. Elle, attendrie par moi. Inquiète pour moi. Intriguée par moi. Cherchant ma compagnie et mon touché. Je la désirai. Je la désirai de bien des manières. Mais elle était une raison de plus qui m’empêchait de respirer. Les choses étaient déjà dramatiques en l’état actuel. Nous étions sur une pente de plus en plus glissante. Et je ne pouvais pas l’entraîner elle aussi avec moi. Pas elle. Alors mes yeux mouillés de larmes rencontrèrent les siens avec vulnérabilité quand je chuchotai avec douleur : 

-       Il faut que tu restes loin de moi, Granger. 

Ses propres sourcils se froncèrent de douleur. 

-       Je ne joue pas, murmurai-je alors que mon estomac se nouait. Je n’essaye pas de susciter ta curiosité, et je n’essaye pas de te repousser juste parce que j’ai peur de ce que je ressens, chuchotai-je avec véracité. 

Ses yeux commencèrent à rougir également. 

-       Je ne joue pas, répétai-je gravement tandis qu’il me sembla qu’une larme coula le long de ma joue. Il faut que tu restes loin de moi, parce que moi je n’y arrive pas. 

J’attrapai son chat de mes deux mains et le déposai entre ses cuisses. Je m’avançai vers elle, accroupi face à elle, et saisi son visage de mes deux mains alors que je rencontrai gravement son regard chaud. Ses petites mains douces vinrent recouvrir les miennes, comme pour les empêcher de s’en aller. Une larme dégoulina le long de sa joue, s’écrasant sur ma main qui tenait fermement son visage. 

-       S’il-te-plaît, reste loin de moi, chuchotai-je à ses lèvres. 

Je la regardais encore quelques secondes alors qu’elle se noyait dans mes yeux avec une douleur explicite, et tandis qu’une nouvelle larme coulait de mes yeux, je baissai mon visage vers le sien, et déposai un long baiser sur son front. Je fermai les yeux sous ce contact alors que mon estomac se serrait violemment. J’inspirai son odeur de vanille une dernière fois. Puis je la relâchais, et je m’en allais. 


Pour des updates sur la fic (aesthetic, avancée de l'écriture, échanges...) suis mon compte dédié sur Instagram @ livstivrig !! <3 


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