La mort est une fin heureuse

Chapitre 25 : Trois balais écarlates

4339 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/04/2024 20:17

Hugo, Mars 2024.

 

        Il y avait du bon et du moins bon, dans la vie de Hugo. Tout d’abord, sa relation avec Dinah le comblait parfaitement. Elle s’entendait très bien avec son groupe d’amis, excepté avec Alice, évidemment, mais ne passait pas son temps avec eux. De son côté, Hugo n’avait même pas rencontré les amis de Dinah. En fait, il n’était pas certain qu’elle ait un véritable groupe d’amis. Le plus souvent, Dinah et lui se rejoignaient sous le vieux hêtre durant une pause entre deux cours ou le week-end, profitant de la tranquillité du parc lors des pluies du mois de mars. Ils discutaient de sujets divers et variés, et Hugo apprenait beaucoup de choses sur Dinah qu’il n’aurait jamais soupçonnées. Dinah était supportrice des Harpies de Holyhead, elle collectionnait les cartes de chocogrenouilles – mais uniquement celles représentant les sorcières, elle détestait le café, elle avait un plaisir coupable pour les bandes dessinées Martin Miggs, le moldu fou, elle était secrètement attirée par le professeur Lecreuset – même si elle savait que ce dernier préférait les hommes, et elle attendait avec impatience d’être majeure pour avoir le droit de se faire tatouer le dos et le torse afin de cacher ses nombreuses cicatrices. Hugo aimait beaucoup discuter avec elle, en apprendre plus sur elle. Il appréciait tout autant lui parler de lui, et découvrir qu’ils avaient un certain nombre de points communs. Parfois, cependant, ils se rejoignaient directement dans la Salle-sur-demande, et ils y menaient beaucoup moins de discussions.

        En revanche, du côté de Septima, c’était la catastrophe. Elle souffrait de toute évidence d’une très grande dépression, et tout le monde le voyait, tout le monde le savait. Ses cours étaient devenus mornes, vides, ennuyeux, et c’était quand elle prenait la peine de venir. Hugo n’avait pas eu de détails de ce côté-là, mais il se doutait que le professeur McGonagall lui en avait touché deux mots, lui avait sommé de se reprendre, ou au contraire lui avait proposé de lui accorder un congé de repos. Quoiqu’il en fut, rien n’avait changé. Hugo avait tenu une demi-douzaine de conversations avec Septima depuis le décès de sa fille, toutes plus moroses les unes que les autres, et il avait bien dû se rendre à l’évidence : elle avait complètement perdu le goût de vivre. Enfin, plutôt le goût de continuer à exister, car elle était déjà morte. Plusieurs fois, Hugo s’était demandé si le fait qu’elle soit un fantôme ait un impact sur les conclusions qu’il prenait. Car pour lui c’était clair : Septima souffrait le martyr, et avait besoin que ses souffrances soient abrégées. Mais penserait-il la même chose si elle n’avait pas déjà été tuée plus de vingt ans auparavant ?

        Cela avait fait débat dans son groupe d’amis. Lui, Basile, Lysander et Lily pensaient qu’il serait mieux qu’elle quitte le monde des vivants. Alice, Evie et Lorcan trouvaient plutôt que toute vie était sacrée, et qu’il valait mieux tout faire pour lui redonner goût à la vie.

— Mais il n’y a pas de goût à redonner, avait argumenté Basile, puisqu’elle n’a pas de vie, elle est déjà morte.

— Et elle a continué d’exister après sa mort, avait répondu Alice, elle a continué de ressentir, d’aimer, et de souffrir. D’après moi, cela ressemble énormément à une forme de vie.

— Elle me l’a dit elle-même, avait poursuivi Hugo, la seule raison pour laquelle elle a continué d’exister, c’est pour son mari et sa fille. Maintenant qu’ils sont tous les deux morts, elle est bloquée ici, seule. Elle mérite de pouvoir les rejoindre, c’est la moindre des choses.

— Ce n’est pas les rejoindre que de se laisser mourir, avait répliqué Evie. Eux, ils ont disparu à tout jamais, et cela n’arrangerait rien de disparaître à son tour. Au moins, ici, elle peut perpétuer leur souvenir. Et puis rien n’indique qu’elle ne retrouvera jamais de raison de vivre.

— Exactement ! avait approuvé Alice. En plus, elle n’a pas assez de recul. Sa fille vient de décéder, évidemment qu’elle déprime et qu’elle a des pensées sombres…

— Justement, ce ne sont probablement pas que des pensées sombres, avait rétorqué Basile. Je serais entièrement d’accord avec toi si c’était quelqu’un de vivant, mais là… Un fantôme est un reflet magique de la personne concernée, un reflet qui se rattache à la vie pour une raison ou pour une autre. Pour le professeur Vector, a priori, cette raison est son mari et sa fille. Pour une vivante, effectivement, ce seraient de simple pensées sombres, aussi dures soient elles. Pour un fantôme, c’est l’entière raison de son existence qui s’est évaporée. Honnêtement, je suis même étonné qu’elle n’ait pas magiquement disparu d’un seul coup en apprenant le décès de sa fille.

— On n’en sait absolument rien, sur le fonctionnement de la mort, avait opposé Alice. Ce ne sont que des suppositions. Et puis, quand bien même, ce débat n’a même pas lieu d’être, puisqu’il est impossible de tuer un fantôme.

— Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas comment que c’est impossible, avait lancé Hugo.

— Les sortilèges les traversent, avait répondu Lorcan, on ne peut pas entrer physiquement en contact avec eux, et puis tu as entendu les histoires ? Même le regard mortel d’un basilic ne les tue pas !

— C’était également le cas des détraqueurs, avait répliqué Hugo, et pourtant, la Dard a trouvé un moyen de les faire disparaître il y a plus de vingt ans.

        Tout le monde avait regardé Hugo avec des yeux ronds, comme s’ils trouvaient l’idée effrayante et intéressante.

— Lily, tu pourras envoyer un hibou à ton père, pour savoir comment ils ont fait ?

        La Dard, à savoir la Défense Associative et Responsable contre les Détraqueurs, avait été fondée par son oncle Harry. Après la défaite de Lord Voldemort, les nombreuses victimes de la guerre avaient laissé un climat de deuil dans le pays, ainsi que de peur d’un second retour de Lord Voldemort, qui nourrissait l’appétit malsain des détraqueurs. Ils n’étaient plus sous le contrôle du ministère, ni sous celui de l’ennemi, et étaient plus actifs que jamais. Ils attaquaient sorciers comme moldus.

        Au cours de l’année 2000, suite à une attaque particulièrement vicieuse de détraqueurs qui avait laissé sans âme quatre sorciers et une enfant, Harry avait fondé la Dard, une association d’entraide face aux attaques de détraqueurs, basée sur le volontariat. Beaucoup de membres du bureau des Aurors, de la brigade de police magique, et de l’ancienne Armée de Dumbledore, en faisaient partie. Ceux qui savaient lancer un Patronus l’enseignaient à ceux qui ne savaient pas. Au fur et à mesure des mois, les interventions de la Dard face aux attaques s’étaient faites de plus en plus efficaces, mais les ripostes des détraqueurs étaient tout aussi terribles.

        Puis, Harry avait eu une idée pour éradiquer tous les détraqueurs d’un seul coup. La communauté magique de Grande-Bretagne avait simplement eu pour consigne, un soir, de rester chez eux suivant un couvre-feu très strict, et le lendemain, par un procédé resté un secret absolu, les détraqueurs avaient disparu. Personne n’avait eu le droit d’en savoir davantage, pas même la famille proche de Harry. Hugo se doutait que ses parents en savaient quelque chose, mais ils ne lui avaient jamais rien dit.

        Il n’avait donc pas été étonné quand Harry avait répondu au hibou de Lily en refusant de délivrer davantage d’informations. Cette maigre piste pour aider Septima avait donc été mise en suspens. Mais Hugo n’avait pas perdu sa détermination pour autant.

        Il avait donc parcouru des dizaines de livres traitant de près ou de loin à la mort et aux fantômes dans la bibliothèque. Les seules choses relativement intéressantes qu’il avait apprises étaient qu’un sang-mêlé avait scientifiquement prouvé que la température de l’air dégringolait autour d’un fantôme ; qu’un fantôme américain du nom de Buzzard Legweak avait tenté de voler jusqu’à la lune mais avait été bloqué par le manque d’air au-delà de la stratosphère ; que Poudlard abritait le plus grand rassemblement de fantômes au monde ; et que le plus vieux fantôme de l’Histoire hantait encore la communauté magique d’Alexandrie plus de trois mille ans après sa mort. Aucune bonne nouvelle, ni aucune piste.

        Hugo avait même décidé de poser quelques questions directement au fantôme de sa maison, la Dame Grise.

— Bonjour, Dame, l’avait saluée Hugo.

— Bonjour, Hugo. Comment allez-vous, aujourd’hui ? avait répondu la Dame Grise d’un sourire triste.

— Bien. Et vous ?

— On fait aller. Je me suis faite à l’idée que Serdaigle n’allait pas gagner la coupe de quatre maisons, cette année, avait-elle indiqué avec un léger air de reproche.

— Désolé, avait souri Hugo d’un air coupable. Dites, je suis en train de travailler sur quelque chose, et j’aimerais vous poser quelques questions, si cela ne vous ennuie pas.

— Bien sûr que non, tout homme s’enrichit quand abonde l’esprit. De quoi s’agit-il ?

— Et bien, j’aimerais… avait hésité Hugo. J’aimerais en savoir plus sur… pardonnez-moi, votre mort.

— Ma mort ? avait-elle lancé d’un air suspicieux. Ne me dites pas que vous convoitez le diadème de ma mère, vous aussi ?

— Le diadème de qui ?

— Peu importe, de toute façon, il est définitivement perdu, cette fois-ci. Que voulez-vous savoir ?

— Comment êtes-vous devenue un fantôme ? Que s’est-il passé ?

— Ah, je vois. Vous vous posez quelques questions existentielles sur la mort.

— En quelque sorte.

— Je suis morte dans une forêt. On m’a assassinée, d’un coup de couteau dans le cœur.

        D’un regard, elle avait désigné la tâche argentée sur son buste.

— Cela a été très douloureux pendant de trop longues secondes, avait-elle poursuivi, puis plus rien. Je me suis réveillée, complètement nue, dans les limbes. C’est comme ça que nous appelons cet endroit mystérieux qui nous a permis de revenir en arrière, nous les fantômes. Il prend une forme différente pour chacun de nous.

        Aussitôt, en se rappelant de ce qu’avait dit Septima, il avait compris que pour elle, les limbes avaient pris la forme du chalet de son père en Norvège.

— Et pour vous, quelle forme ont-elles prise ? avait-il demandé.

— Le lac de Poudlard. Je pouvais marcher dessus comme s’il était complètement gelé, mais je n’avais pas froid. Au loin, je voyais un Poudlard encore en construction, inachevé, mais extraordinairement propre, et blanc. Mon père m’a accueillie. Il m’a donnée des vêtements, et m’a expliqué que j’étais morte. Il m’a proposé de venir avec lui vers le château pour aller plus loin. Mais j’avais beaucoup trop peur. Alors il m’a montré un trou dans la surface du lac, et m’a dit que si je le voulais, je pouvais plonger dedans, et retourner là d’où je venais, mais que ça ne serait jamais pareil. J’ai plongé, et je suis réapparue dans la forêt où j’étais morte. Je suis revenue ici.

— Avez-vous déjà essayé de retourner dans les limbes ?

— Retourner dans les limbes ? Pourquoi faire ? s’était-elle presque offusquée.

— Je ne sais pas, pour revoir votre père, ou par regret d’être bloquée ici pour l’éternité, ou simplement par curiosité.

— Non, jamais. Je ne me suis jamais posé la question. Et puis, quand bien même, ce serait tout bonnement impossible. Pour aller dans les limbes, il faut mourir. Vous connaissez un moyen de faire mourir un fantôme, vous ?

        Là était bien le problème, s’était dit Hugo. Il n’avait eu aucune réponse satisfaisante de la part des autres fantômes non plus. Nick-Quasi-Sans-Tête lui avait décrit pendant une bonne demi-heure le contexte de sa mort, mais rien de plus. Le Moine Gras avait amoureusement parlé de la magnifique chapelle qu’il avait vue se matérialiser dans ses limbes. Le Baron Sanglant avait refusé de lui répondre, et Mimi Geignarde l’avait fui dans ses toilettes.

        C’était à ce moment-là que Hugo avait perdu espoir. Jusqu’au jour de la sortie à Pré-au-Lard, au début du mois de mars.

 

*       *       *

 

— Désolé, je dois y aller, lança Hugo en jetant un œil à sa montre. Tu veux venir avec moi ?

— Non, merci, lui répondit Dinah avec un sourire.

— Tu es sûre ? Alice ne sera pas là, elle est avec sa famille.

— Même, j’ai trois rouleaux de parchemin à rédiger pour Lupin, il faut que je rentre au château.

— Comme tu veux. On se retrouve demain dans la Salle-sur-Demande à sept heures du soir ?

— Je peux pas, demain. Mardi ? proposa Dinah.

— Ça marche. A mardi, alors !

— A mardi !

        Dinah l’embrassa chaleureusement, et se leva pour partir en direction de Poudlard. Hugo se leva à son tour, et descendit la pente douce qui menait à Pré-au-Lard. Il était presque trois heures de l’après-midi, heure à laquelle il avait donné rendez-vous aux Trois balais avec ses amis.

        Ils étaient tous déjà là, assis à une table circulaire dans un coin. Tous, sauf Alice, évidemment. D’un coup d’œil, il la repéra de l’autre côté de la pièce, assise en compagnie de son frère et de ses deux parents. Tous les quatre étaient en train de rire. Cette vision lui réchauffa le cœur. Alice méritait vraiment ce moment de joie dans sa vie. Hugo alla commander une bièraubeurre au comptoir, puis s’installa entre Lorcan et Lily, face à Evie.

— Ah, tu tombes bien, Hugo, lui lança Lorcan. Je voulais te demander conseil.

— Un conseil ? A propos de quoi ?

— Où est-ce que vous vous retrouvez secrètement pour être tranquilles, avec Mokrane ? demanda-t-il.

        Evie fit semblant de ne pas avoir entendu la question, et se plongea dans la conversation que menaient Basile, Lysander et Lily.

— Je ne vais pas te le dire, répondit Hugo, il faut que ça reste secret pour qu’on soit tranquilles, justement !

— T’es pas drôle, grogna Lorcan. C’est difficile, avec Alice, on a toujours peur de se faire surprendre, ça tue le romantisme, de vivre dans la peur.

— Où est-ce que vous allez pour vos rencards ?

— A l’entrée du tunnel que Lily nous avait indiqué, tu sais ? Sous la statue de la sorcière borgne.

        Hugo éclata de rire.

— Moi, je crois que c’est plutôt ça qui tue le romantisme.

— C’est quand même dingue que dans un château où sont enfermés plusieurs centaines d’adolescents, il n’y ait pas d’endroits prévus pour que les amoureux se retrouvent, non ?

— Franchement Lorcan, s’il y avait un endroit dédié, est-ce que tu irais en sachant que quiconque te verrait y entrer saurait exactement ce que tu irais y faire ?

        Lorcan le regarda avec des yeux ronds.

— Non, avoua-t-il.

— Voilà, conclut Hugo. Relax, le secret et le danger font partie du truc !

— Mouais, bougonna Lorcan, peu convaincu.

— Hugo, comment va le professeur Vector ? demanda Lily qui semblait avoir terminé sa conversation.

— Pas mieux, répondit-il. Je suis allé la voir ce matin avant de partir, on a à peine discuté. J’ai même eu l’impression qu’elle était plus opaque que d’habitude.

— La pauvre, se lamenta Evie. Elle devient la risée de certains élèves. J’en ai entendu l’appeler « la mort », d’autres dire qu’elle fait de la concurrence avec Binns.

        Hugo soupira. Il aurait adoré avoir gardé ses privilèges de préfet rien que pour punir les personnes qui se moquaient de son amie. Il détestait la voir comme cela.

— Tu as eu du nouveau, concernant une façon de, euh… l’aider ? interrogea Basile.

— Non, je ne trouve rien nulle part. Je crois que je vais devoir tout simplement utiliser ma légilimancie pour aller fouiller la tête de mon oncle Harry, et découvrir comment il a fait avec les détraqueurs. Désolé, Lily.

— Ne t’excuse pas, je pense que tu n’arriveras à rien du tout, ricana Lily.

— Comment ça ? Je croyais qu’il était nul en occlumancie ?

— Quand il était jeune, oui. Mais tu penses bien qu’après la bataille du département des Mystères, durant laquelle il a perdu son parrain justement à cause de sa mauvaise occlumancie, après l’année des Ténèbres, et surtout après avoir travaillé au bureau des Aurors pendant vingt-cinq ans, il a appris à fermer son esprit.

— Alors, c’est foutu, il n’y a pas de solution ! s’écria Hugo avec mauvaise humeur.

— Mais non, ça n’est pas foutu, le rassura Evie. T’avais dit la dernière fois que tes parents étaient probablement au courant, pourquoi ne pas fouiller dans leur tête à eux ?

— U… Utiliser la légilimancie sur mes propres parents ? bafouilla Hugo. J’aurais trop peur de voir des choses que je ne veux pas voir…

— Allez, c’est pour la bonne cause ! fit Lysander.

— Ma mère, c’est mort, elle a toujours été forte en tout, elle doit être une excellente occlumens. Mon père… ça doit être jouable.

— Attendez, je viens d’avoir une meilleure idée, intervint Basile qui était plongé dans ses pensées depuis quelques minutes.

        Tout le monde se retourna vers lui.

— Tu viens de parler du département des Mystères, Lily, entama-t-il. Elle est là-bas, la solution !

        Personne ne sembla comprendre. Basile regarda par-dessus son épaule pour vérifier que personne n’écoutait discrètement, puis se pencha vers eux.

— Le Voile, chuchota-t-il. Le Voile dans la Chambre de la Mort.

        Hugo écarquilla les yeux, et sentit son cœur battre à tout rompre.

— Mais oui ! s’exclama-t-il. Sirius Black est mort en le traversant ! Il se passera probablement la même chose si Septima le traverse aussi, non ?

— Probablement ? demanda Lorcan d’un air dubitatif.

— En tout cas, ça vaut le coup d’essayer d’en savoir plus ! Basile, tu es un génie !

— Je sais, je sais, sourit-il.

        Tous les autres approuvèrent d’un signe de tête. Mais pas Evie.

— Oh allez, Evie, je sais ce que tu penses de ça, mais ça n’engage à rien, ça restera la décision de Septima. Nous, on va juste lui proposer une solution.

        Mais Evie ne réagit pas.

— Evie, Septima souffre, d’accord ? On ne peut pas la laisser comme ça. Evie ?

        Hugo réalisa alors qu’elle n’était même pas en train de l’écouter. Elle avait le teint de plus en plus pâle, la bouche ouverte et la mâchoire tremblante, et avait le regard figé, fixé sur quelque chose derrière Hugo.

        Hugo se retourna précipitamment. Au début, il ne vit rien. Le pub était bondé, comme toujours, et la clientèle des Trois balais était plus que variée : des sorciers et des sorcières, mais aussi quelques gobelins et elfes, une ou deux harpies, mais surtout beaucoup d’accoutrement différents, et beaucoup de couleur. C’était pourquoi, parmi tous les gens présents, seule Evie aurait pu prêter attention à la vision qui avait hanté ses pires cauchemars pendant plus de deux ans.

        Un masque rouge et noir.

        Une silhouette masquée se déplaçait parmi les clients, parmi les tables. C’était une femme, elle portait la même veste de cuir noir, et le même masque que ces gens qui avaient attaqué la maison de vacances d’Evie, et tué sa mère.

        Les entrailles de Hugo se vidèrent. Sa voix fut coupée. Il entendit autour de lui ses amis haleter de stupeur. Ils étaient comme paralysés, et gardèrent leurs regards droits sur la silhouette qui approchait en silence de la table d’Alice, qui semblait ne s’apercevoir de rien.

        Puis, Lorcan cria « Attention ! » en tombant de sa chaise.

        D’un seul coup, ce fut le chaos. La plupart de la clientèle tourna le regard vers eux, puis la silhouette masquée poussa un cri aigu, sortir un énorme poignard de sa veste, et frappa.

        De très nombreux cris s’élevèrent en même temps, beaucoup de monde se leva d’un seul coup de sa chaise pour sortir en courant. Beaucoup d’autres, aussi, avaient sorti leurs baguettes magiques, et plusieurs « Stupéfix ! » se firent entendre. Hugo plongea sous la table pour éviter les sortilèges perdus, et fut imité par la plupart de ses amis. Evie, elle n'avait pas bougé, et restait assise en regardant ce qui se passait, pétrifiée. Lily tenta discrètement de la tirer de sa chaise, mais n’y parvint pas. Evie était immobile comme une statue.

        Ils entendirent de nombreux cris, des raclements de chaise et de table, des bruits de verre cassé, des sortilèges qui fusaient. Ce fut un véritable cauchemar.

        Après pas plus de trente seconde, il ne restait dans le pub que les sorciers et sorcières qui avaient lancé un sort, ainsi que Hugo et ses amis sous leur table. Evie, qui n’avait toujours pas bougé de sa chaise, avait perdu connaissance, et avait la tête étalée sur la table. Ils entendirent de l’agitation autour de la table d’Alice.

        Lentement, Hugo sortit de sous la table, et s’approcha. Les sorciers et sorcières s’étaient rassemblés dans un coin, et il ne put pas immédiatement voir ce qui se passait. Mais il entendait des pleurs. Un sorcier s’écria « Vite, Ste Mangouste ! », et une sorcière courut en dehors du pub en sortant son miroir. Hugo rejoignit le groupe de gens rassemblés, et put enfin voir ce qui se passait.

        Il remarqua tout d’abord la silhouette masquée étendue sur le sol. Elle avait subi plusieurs sortilèges de stupéfixion en même temps, et devait être bien mal en point. Merlin fut loué, Alice allait bien. Enfin, elle n’était pas blessée. Mais elle était agenouillée en compagnie de sa mère et de son frère. Les mains de la mère d’Alice étaient rouges tandis qu’elle s’efforçait d’empêcher le sang de sortir des veines de son mari. Tous les trois pleuraient à chaudes larmes devant le corps inerte de Neville Londubat, qui avait dans la poitrine l’immense poignard enfoncé jusqu’à la poignée.


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