Dura Lex, Sed Lex.
Chapitre 1 : Dura Lex, Sed Lex
5705 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 13/01/2025 18:31
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Quatrième opus des aventures du clan de la Manticore. Bien que les membres de ce clan n’y apparaissent que très épisodiquement, le Fic étant centré sur Harry.
Pour comprendre l'histoire, il n'est pas indispensable d'avoir lu les trois premiers volets.
Le premier, « Action ou vérité », raconte comment les anciens élèves de Gryffondor et de Serpentard créèrent le clan unificateur de la Manticore et puis quelque temps plus tard avaient débusqué Professeur Rogue, qui se cachait chez les Moldus.
Le deuxième, « Les yeux verts », relate comment, un an plus tard, Harry et Severus, après un rêve prémonitoire de Harry, ont trouvé dans un orphelinat une très jeune sorcière.
Le troisième, « N’en croyez pas vos yeux », parle des affres administratives subies par le Professeur Rogue lors de la procédure de l’adoption de cette enfant.
Dans ce quatrième volet, Harry, à la suite d'un rituel mal compris et peu maîtrisé, se retrouve face à sa lointaine aïeule, qui lui offre un cadeau délicieusement empoisonné. Mais le prix à payer pour en user ne serait-il pas trop lourd pour Harry ? Le coût de ce présent ne serait-il pas trop élevé comparé à sa valeur ? C'est à Harry d'en juger.
***
- Par la barbe de Merlin, me voici encore à la gare de King’s Cross, s'exclama le jeune homme brun en remontant ses lunettes sur le nez.
La gare se dressait devant lui, fantomatique, enveloppée dans les volutes du brouillard, et il crut même distinguer une silhouette sombre, se voûtant sur un siège de la salle d'attente, au loin.
Harry Potter, car c'était bien lui, se demanda brièvement ce qui l'avait amené à nouveau en ces lieux issus de sa mémoire de mai 1998. Il balaya les alentours d'un regard intrigué. La gare dégageait toujours une atmosphère énigmatique malgré quelques changements survenus depuis sa dernière visite. Il ne voyait nulle part de bébé difforme, la brume était plus dense et lui-même, il se trouvait un peu à l'écart des quais, dans un café pour voyageurs, avec un croissant et une tasse de thé posés sur la table devant lui.
Harry se frotta le front, essuya ses lunettes, se pencha sur sa tasse et fit un louable effort pour se rappeler l'action irréfléchie qui l'avait conduite ici. Après quelques instants, l'arôme parfumé du thé l'enveloppa et les souvenirs lui revinrent, le faisant gémir de conscience de sa propre stupidité.
***
Une semaine plus tôt.
Harry arpentait les pièces de sa maison, donnant des coups de pied rageurs dans les meubles, qui n'y étaient pourtant pour rien. Il venait d'envoyer promener son ami Ron, de claquer la porte au nez de Hermione, d'envoyer une Beuglante aux Malefoy, de transmettre des vœux de se rompre le cou aux sportifs Flint, Dubois et Ginny, ainsi que des souhaits de choper la maladie honteuse aux noctambules Blaize et Pansy.
Non content d'accomplir tous ces « exploits », il réprimanda sévèrement la Manticore, qui fut stupéfaite par tant d'injustice, pour la prolifération des rats et des souris dans le sous-sol où il l'exila rapidement pour remédier à cette situation. Ensuite, il fit des remarques désobligeantes à Kreattur sur la qualité des repas et à Nana, l'elfe nourrice, sur l'éducation défaillante prodiguée à Théia.
Severus se trouvait encore en voyage pour une mission “de plus grande importance” et cela était peut-être préférable pour Harry, qui ne se sentait pas prêt à entendre son habituelle remarque : « Potter, vous êtes un idiot ! ». Bien que Harry ait été conscient que cette critique serait largement justifiée, compte tenu des bêtises qu'il avait commises la veille, il aurait été néanmoins insupportable pour lui d'entendre ce jugement de la part de son partenaire.
Hier, après que le procès sur un Mangemort rescapé se soit terminé par un acquittement pour vice de procédure, conformément au principe « Dura Lex, Sed Lex »(1), Harry alla noyer sa déception au bistrot en compagnie de la plupart de ses amis Manticoriens. Seule Astoria était absente, car elle attendait un heureux événement. Ils débutèrent leur périple au Chaudron Baveur, puis, vraisemblablement sur les conseils de Mordred, se dirigèrent vers un bar moldu afin de poursuivre leur quête de réconfort dans des boissons plus conventionnelles que le whisky pur feu, mais pas moins perfides pour autant. Harry comprit rapidement que ce n'était pas une bonne idée.
L'énumération détaillée des faits et gestes des braves membres du Clan de la Manticore dans cette gargote serait fastidieuse et inutile. Il suffirait simplement de dire qu'après une échauffourée avec la faune locale suivie d'une réconciliation éclairée par des yeux au beurre noir et arrosée par le sang et la bière, Drago eut la brillante idée d'allumer son cigare avec un sort Incendio. Et, Potter n’eut pas moins brillante idée d'éteindre l'incendie qui se propageait rapidement à l'aide d'un puissant Aguamenti, provoquant une inondation quasi biblique dans l’estaminet.
L'intervention rapide des forces de l'ordre Moldus, suivie de près par celle des Aurors, était tout à fait prévisible dans ces circonstances. Ce qui l'était moins, c'était la lâche désertion du champ de bataille par presque tout le clan, qui transplana en laissant Harry et Drago régler ce problème dans une fière solitude. Malefoy s'en tira en s'acquittant d'une lourde amende, Potter, quant à lui récolta en plus une mise à pied de quinze jours de l'Académie des Aurors, en vertu du même principe appliqué lors du procès de Mangemort et que Harry surnomma ironiquement « Durex » en son for intérieur.
Harry errait dans la Maison des nobles Black, passant sa frustration sur les meubles. Kreattur et Nana, les autres habitants de ces lieux, avaient sagement choisi de s'éclipser sous prétexte d'affaires urgentes qu'ils ne pouvaient reporter.
Son mécontentement le ramena en douceur vers une question pertinente, voire existentielle. Ce n'était pas « Que faire ? », mais « Pourquoi faire tout cela ? ». « Cela », englobant à la fois et le monde magique, et celui des Moldus.
Pendant la guerre, Potter s'était accoutumé, sans vraiment s'en rendre compte, à l'afflux constant d'adrénaline. De retour dans la vie quotidienne, il rêvait encore d'aventures, se voyant en son for intérieur comme un Zorro redresseur de torts en robe rouge de l'Auror, et non comme un simple agent de l'ordre, un équivalent d'un policier, soumis à la perpétuelle « Lex ». Harry se demandait si, en l'absence de ses pouvoirs magiques, son existence serait sensiblement différente de ce qu'elle était actuellement.
Bien sûr, il pouvait allumer la lumière avec un Lumos, mais les Moldus avaient l'électricité et les interrupteurs dans toutes les pièces de leurs logements, aussi modestes soient-ils. Un sorcier avait le pouvoir de faire une multitude d'autres choses avec la magie : cuisiner, faire le ménage, se déplacer rapidement, même tuer. Les gens ordinaires disposaient d'équipements de cuisine performants, d'aspirateurs, d'avions, de trains à grande vitesse et, en ce qui concerne le pouvoir de destruction, ils avaient des années d’avance sur les magiciens.
Les “sans pouvoirs” devaient payer en espèces sonnantes et trébuchantes pour tous les biens disponibles, tandis que les sorciers payaient avec leur force magique. S'il fallait établir des parallèles, l'écart était aussi important entre un puissant mage et un cracmol qu'entre un riche moldu et un sans-abri.
Quant aux personnes qu'il connaissait, si elles n'étaient pas des magiciens, peu de choses changeraient : Arthur Weasley travaillerait dans une administration s’efforçant de subvenir aux besoins de sa famille nombreuse, Molly resterait femme au foyer. Ginny, Flint et Dubois seraient dans des équipes de football. Severus poursuivrait ses activités d'espionnage ou se consacrerait à la chimie. Hermione ferait les études de droit à l’université. Et Harry, en compagnie de Ron, suivrait les cours à l'académie de police, posséderait une arme de service au lieu d'une baguette magique, et serait tout aussi dégoûté de voir un criminel s'en tirer à cause d'un vice de procédure.
Harry était profondément déçu, car le conte de fées qui au premier abord semblait enchanteur s'avéra effrayant lors de l'affrontement et aussi fade qu'un Bottin en temps de paix.
Potter se sentait désorienté, incapable de saisir pleinement le sens des choses. Il avait l'impression que pour éclaircir pleinement le sens de « Pourquoi », il fallait non seulement vivre dans l'univers de la magie mais également y être élevé depuis la plus tendre enfance, ce que le destin lui avait refusé. Il aurait tout donné pour que les choses soient différentes, il aurait souhaité vivre dans ce monde depuis sa naissance, peut-être pourrait-il alors appréhender, assimiler et comprendre.
Ses pérégrinations le menèrent à la bibliothèque, où il s'enfonça dans les méandres des travées sinueuses entre les armoires remplies de livres, de parchemins et de manuscrits. Arrivé au fond de l'immense pièce, il donna un dernier coup de pied à une étagère, provoquant une avalanche de bouquins qui faillit l'ensevelir. Il s'en dégagea avec difficulté et remarqua qu'il tenait dans sa main un ouvrage qui, bien que ne payant pas de mine avec sa couverture noire, sans titre et rongée par les souris, l'attira avec une étrange force. Il fut immédiatement convaincu que ce livre contenait les réponses à toutes ses questions.
Il ouvrit le grimoire et son expression se chargea d'un profond dégoût, car le texte n'était pas seulement rédigé en latin, que Harry parvenait à déchiffrer tant bien que mal, mais en latin archaïque, voire dans un langage qui n'y ressemblait que vaguement.
Le jeune sorcier, bien décidé à ne pas baisser les bras, fit venir un dictionnaire par le sortilège de Accio et se lança dans la traduction. Bien que ce travail l'ait occupé pendant trois jours, cette perte de temps ne l'inquiéta guère, étant donné qu'il était en congé forcé.
Le quatrième jour, il trouva le rituel censé l'aider, bien que certains termes du texte n'eussent pas d'équivalents en anglais et semblaient obscurs à Harry. Néanmoins, le rite paraissait assez simple, ne nécessitant pas de moyens extraordinaires. Il lui fallait une craie blanche, une craie noire, un athamé, cette arme blanche des sorciers noirs, douze bougies - six blanches comme la neige et six noires comme la suie, mais à part cela tout à fait communes, sans graisse de nouveau-né, ni sang d'un pendu dans leur composition, contrairement à ce que Potter aurait pu craindre. Le tout accompagné d'une incantation totalement intraduisible.
Il fallut deux jours supplémentaires à Harry pour rassembler tout l'attirail demandé. Curieusement, les bougies blanches furent les plus difficiles à trouver, la plupart étant soit blanc cassé, soit ivoire, soit légèrement grisâtres. Il en avait même vu des rosâtres et parfumées. Finalement, il dénicha des blanches comme un drap dans une boutique « Nature et Découvertes ».
Le troisième jour, il descendit dans la pièce réservée à l’Autel au plus profond des sous-sols de sa demeure. Il dessina autour de la pierre centrale deux étoiles à douze branches, l'une dans l'autre, l'extérieure à la craie blanche et l'intérieure en noir. Le novice ritualiste disposa les bougies sur chaque branche en alternant les couleurs, se déshabilla et s'allongea sur la pierre d'autel des Black, le dos fermement pressé contre sa surface d'obsidienne, serrant dans sa main droite l'athamé. D'un seul regard, il enflamma les bougies puis s'entailla la paume, lut le texte ancien et... Rien ne se produisit.
Harry récita à nouveau les strophes, obtint le même résultat, agacé il amorça un mouvement pour se redresser et ce faisant fit tomber quelques gouttes de sang sur le dessin. Un hurlement d'outre-tombe retentit, une force surhumaine plaqua violemment le jeune homme contre l'autel. Le sang se mit à couler de plus en plus abondamment, remplissant entièrement le dessin. Les flammes des bougies s'élevèrent vers le plafond, puis se couchèrent à l'horizontale, se rejoignant pour former une étoile de feu au-dessus de celle de sang. Harry, qui regrettait amèrement d'avoir entrepris cette action téméraire seul et sans prévenir personne, cria, écrasé contre la pierre par la douleur, et ferma les yeux, pour les rouvrir dans la gare fantomatique de King's Cross.
***
Harry leva les yeux de sa tasse de thé pour observer la silhouette courbée au fond de la salle d'attente se redresser, se tourner et se diriger vers lui. Au grand soulagement de Potter, la personne qui s'avançait n'était ni Dumbledore, ni Voldemort, ni même Merlin ou Mordred. C’était une femme, qui ne ressemblait à personne et à tout le monde à la fois, ses traits simultanément fixes et changeants étaient ornés des yeux noirs, vides de toute expression, le tout couronné de cheveux bruns emmêlés. Et c'était uniquement cette chevelure en nid d'oiseau sembla familière au jeune homme, car il contemplait tous les matins la pareille dans son miroir.
Harry laissa la dame s'approcher de lui, assez près pour que les plis de sa robe grise et brumeuse le frôlent, et il lui demanda de but en blanc :
- Que ce que je fous ici et qui êtes-vous ?
Un pâle sourire, ne parvenant pas à éclairer le regard de la femme, se dessina sur son visage.
- Pas de « Bonjour », pas de « Comment allez-vous ? ». Vous êtes un blanc-bec et un goujat, mon arrière, arrière, (et comme ça encore dix pages), fillot ! Néanmoins je vais satisfaire votre curiosité. Que savez-vous des Peverell ?
- Les trois frères... commença Harry, réalisant soudain qu'en dehors des contes de Beedle le Barde et du fait de sa propre parenté hypothétique et très lointaine avec l'un des frères, il ne savait rien d'autre.
L’inconnue s'installa en face, esquissa un geste qui pouvait signifier à la fois "taisez-vous" et "n'en discutons pas !", puis soupira :
- Ah, ne parlons pas de ces chenapans, si c’était seulement possible, ils m'auraient fait prendre des cheveux blancs, par leurs frasques ! Et je constate avec tristesse, que mon bien-aimé Haures n'est plus présent dans la mémoire des hommes.
Harry eut l'impression que le prénom Haures lui rappelait quelque chose, une légende très ancienne qu'il avait lue ou entendue quelque part, et il prononça avec hésitation :
- Haures, je crois me souvenir que c’était celui qui avait été marié avec la Mort elle-même...
Le visage de la Dame devint soudain plus expressif et même légèrement songeur.
- Non, pas avec moi, mais avec l'un de mes avatars. C'est lui qui était le premier des Peverell. Et toi, tu es son très lointain descendant, une goutte de son sang coule dans tes veines...
Potter s'inclina avec déférence, puis observa avec révérence l'être aussi ancien que la vie même.
- Vous êtes, donc, la Mort, je ne vous visualisais pas de cette façon... il claqua des doigts, peinant à trouver les mots justes.
- Pensez-vous voir une femme squelette armée d'une faux, au visage blafard et à la bouche grande ouverte, comme dans le tableau de Munch (2)? fit preuve des connaissances de l'art pictural la Faucheuse.
Harry admit avec une certaine gêne qu'elle n'avait pas tout à fait tort, ce qui visiblement amusa son interlocutrice, qui poursuivit un peu plus chaleureusement et en passant au tutoiement.
- Tu es ici après avoir accompli le rituel pour solliciter l'aide de tes ancêtres afin de trouver ta voie, et comme ton ancêtre, c'est moi...J’étais obligé de répondre à ton appel, car c’est la loi de notre univers et même moi je ne peux m’y soustraire. « Dura Lex, Sed Lex ».
La Mort esquissa un geste d'impuissance, haussant doucement les épaules et en écartant les bras pour signifier son incapacité à modifier cette situation.
- Mais ce n'était pas ce que j'avais à l'esprit ! bredouilla le jeune sorcier, qui avait des doutes sérieux sur la sincérité de la Camarde (3), puis il reprit d'une voix plus forte, et je ne comprends toujours pas pourquoi, précisément, la gare de King’s Cross, à moins que je ne sois réellement mort…
Son vis-à-vis le dévisagea avec l'expression que Harry avait souvent contemplée par le passé sur le visage de Severus : « Potter vous êtes un idiot ! »
- Non, mais à quoi t'attendais-tu, l'ingrat ? Te retrouver, comme dans une ballade, sur la croisée des chemins en face d'une pierre portant l'inscription sans équivoque :
À droite tu iras, ton cheval tu perdras
À gauche tu iras toi-même tu mourras
Tout droit tu iras, tu te marieras ! ?
La Dame Blanche prononça ces derniers mots en étirant les syllabes à la manière des ménestrels, puis conclut de façon prosaïque :
- Une gare convient parfaitement pour symboliser le carrefour des destinées.
Soudain, comme par enchantement, ils se retrouvèrent devant les voies, dont il n'en restait visible que trois. Sur celle de gauche, on pouvait apercevoir un train fantomatique et pourtant très luxueux, qui rappelait à bien des égards le célèbre Orient Express. En tendant bien l'oreille, on aurait presque pu entendre les cris des porteurs et le brouhaha des conversations des voyageurs.
La voie de droite s'enfonçait dans les volutes de fumée noire et épaisse, ne laissant visible que les premiers deux ou trois mètres. Celle du milieu filait tout droit pour se perdre dans la brume légère au loin.
La Mort déclara en désignant successivement chacune d'entre elles :
- À ta gauche tu te dirigeras, ce train tu emprunteras et avec moi tu demeureras. Et mon petit fillot, je t'assure que tu ne le regretteras pas ! Ne sommes-nous pas de la même famille ?
- Non, je préfère sincèrement attendre un peu si c'est possible, répondit Harry en feignant le calme, bien que ses jambes tremblassent un peu.
Un geste de la Mort fit disparaître l'Orient Express derrière un voile irisé.
- Ne t'en fais pas, ce train t'attendra. Tôt ou tard, tous ceux qui vivent le prennent, et pour moi le temps n'a pas d'importance.
Puis elle continua :
- Cependant, les deux autres chemins ne sont pas dans le même cas. Si tu empruntes l'un d'eux, tu fermeras l'autre à tout jamais, car le rituel dont tu as usé ne peut être accompli qu'une seule fois dans la vie.
Par conséquent : tout droit tu iras ta vie telle qu'elle est tu reprendras. À droite tu iras, tout se modifiera, mais pour toujours ton existence actuelle tu perdras. C’est une condition sine qua non. Et oui : « Dura Lex, Sed Lex ». Je peux changer qu’un moment crucial une seule et unique fois, et seulement si tu le souhaites vraiment. Et je vais être très généreuse, pour t'éviter d'acheter « un chat en poche », je te montrerai quel pourrait être ton nouveau destin.
***
L'Entité ancienne mit le point final à son discours en administrant un coup de pied vigoureux à Harry, le projetant dans l'obscurité avide de la voie de droite. Notre malheureux ritualiste s'éleva d'abord au-dessus de la gare, puis monta de plus en plus haut, contemplant Londres tout entier, avant de s'élever encore, jusqu'à ce que la Terre n'apparaisse plus que comme une sphère bleue et brillante. Son ascension ralentit, puis s'arrêta complètement. Après une brève pause, il fut précipité en bas et se retrouva en tant que spectateur invisible dans la maison qu'il reconnut aussitôt, car c'était celle de ses parents où il avait passé la première année de sa vie. C'était le moment précis où Voldemort pointait sa baguette magique sur Lily.
Harry blêmit, impuissant face à la scène qui se déroulait sous ses yeux. Ni lui ni son alter ego de dix-huit mois ne pouvaient intervenir. Soudain, une ombre noire se jeta sur la trajectoire du sortilège, en hurlant : « Non ! Vous avez promis ! ». Comme dans le ralenti de cinéma, Potter vit son Severus, encore tout jeune, presque un gamin, s'effondrer, frappé par le rayon vert de l'Avada.
Puis les images d'une vie, qu'il aurait pu avoir, défilèrent devant ses yeux :
...Le combat contre Voldemort se déroule sans lui. Neville est l'Élu.
...Harry est élevé par une mère aimante. James est assassiné par Voldemort, Lily quelques années plus tard, se marie avec Sirius, qui devient le meilleur des pères pour Harry.
...Harry joue avec Drago, Pansy et Blaise, puis prend le Poudlard Express en leur compagnie pour la première fois.
...Harry rejoint la Maison Serpentard, mais se lie d'amitié avec Ron de Gryffondor et Hermione de Serdaigle.
...Les études, les jeux, les premiers émois.
...Son mariage avec la belle Ginny, la naissance de leurs enfants, dont l'un porte le nom d'Albus Severus.
...L'entrée dans sa vie de la petite sorcière Théia, qu'il trouve dans un orphelinat et adopte.
...Fred et George Weasley ouvrent leur célèbre boutique de farces et attrapes, puis étendent leur empire commercial sur toute la Grande Bretagne et l’Europe.
...Tonks et Lupin élèvent ensemble leur fils Teddy.
...Harry devient un artefacteur renommé, un père de famille exemplaire, un ami loyal et un homme heureux tout simplement.
...Enfin, Harry à l'âge de 120 ans, entouré de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, se prépare dans la sérénité au dernier voyage à bord de l'Orient Express fantomatique.
Mais dans cette belle existence, il manquait la présence d’une seule personne, pourtant essentielle, celle de ce professeur acariâtre de potions, de cet espion courageux, de cet homme sans l'affection duquel Harry ne pouvait plus concevoir sa vie. Tout ce monde merveilleux lui parut alors terne, morne, vide, et son cœur se brisa dans les pleurs désespérés de son âme.
Ce nouveau monde parfait, Harry ne pouvait l'accepter, car il perdrait Severus, qui était sa seule constante, l’unique étoile qui le réchauffait. Accepter ce cadeau, si délicieusement empoisonné, de sa lointaine aïeule serait le trahir et se trahir.
Alors, en remuant à peine ses lèvres glacées, il chuchota : "Maman, Sirius, Fred, Tonks, Lupin et mes enfants qui ne naîtront jamais, je vous implore de me pardonner !"
Puis, levant la tête et scrutant l'obscurité de l'univers, il rugit : "Non, non, non..." Chaque négation anéantissait ce qui aurait pu être : Disparu les magasins de Fred et Georges, Lily ne danserait pas avec Sirius, une belle rousse ne bercerait jamais un enfant dans le fauteuil à bascule devant la cheminée de la maison des Blacks, et Tonks ne ramènerait pas Teddy chez son parrain le dimanche.
Harry, les joues baignées de larmes, répétait inlassablement "Non". Il pleurait cette vie qu'il n'avait pas vécue, réalisant que les remords, qui pourtant selon la sagesse populaire valaient mieux que les regrets, seraient désormais ses fidèles compagnons.
Il se retrouva seul. Alors, dans les ténèbres qui l'entouraient, une voix surhumaine tonna : « Les jeux sont faits ! Rien ne va plus ! »
Harry essuya son visage et demanda dans le vide :
- Oui, Ma Dame, je me rappelle de “Durex”. Je veux rentrer chez moi ! Comment puis-je retrouver le chemin ?
***
Mister Prince, de retour de sa mission, franchit le seuil de Black House et fut surpris par l'atmosphère pesante qui y régnait. Depuis la pénombre qui baignait l'entrée, Kreattur se jeta à ses pieds, se tordant les oreilles et les mains, semblant être dans un état proche de la démence.
- Maître Severus, pardonnez au vieux Kreattur, qui n'a pas pu le retenir...Il faut aider Maître Harry !!!
Severus se dégagea avec douceur pour ne pas perturber davantage le malheureux et demanda avec un sourire indulgent :
- Kreattur, calme-toi et explique ce que ce garnement a encore fait. Je suis certain qu'il n'a rien commis d'irréparable. C'est un adulte, après tout, et un futur Auror. En quoi et pourquoi faut-il l'aider ?
- Le faible et vieux Kreattur, ne sait comment aider Maître Harry ! Voilà trois jours que le téméraire Maître Harry s'est enfermé près de l'Autel pour un rituel qui boit sa vie et sa magie.
Puis il se lamenta en tirant encore plus fort sur ses oreilles :
- Maître Harry va mourir et le pauvre Kreattur restera tout seeuuuul...
Severus, contaminé par l’angoisse de l’elfe, jeta son sac de voyage et son manteau dans un coin du hall, ordonna à Kreattur de cesser ses jérémiades et de le suivre, puis descendit en courant dans le sous-sol jusqu'à la porte close de la Salle d'Autel. Il la poussa de toutes ses forces, les battants semblèrent hésiter, puis s'entrouvrirent dans un grincement sinistre, laissant juste assez de place pour qu'un homme puisse se glisser dans la pièce.
Mister Prince entra et fut saisi d'horreur à la vue de l'étoile à douze branches, faite de feu et de sang, qui entourait Harry allongé sur l'autel. Bien que plusieurs jours se soient écoulés depuis le début du rituel, le sang paraissait frais et les bougies entières, sans trace de coulures de cire. Harry était livide et des larmes sanglantes coulaient sur ses joues. Severus résista à la tentation d'effacer le dessin sur le sol, d'éteindre les cierges et de soulever son Harry de la pierre, car il savait que ce serait la pire chose à faire. Il fallait arrêter le cérémonial avant, mais le sorcier craignait de ne pas avoir assez de puissance magique pour rompre le rite nécessitant une figure si complexe. Il faudrait douze participants, un pour chaque branche de l'étoile, pour refermer le cercle et stopper cette folie.
Severus observait avec impuissance le visage blafard de Harry et vit soudain sa bouche s'ouvrir dans un cri muet. Et malgré les risques, Severus était presque sur le point d'accomplir une action désespérée qui l'aurait certainement tué, pour ne plus voir le visage pâle, hurlant et couvert de sang de son bien aimé.
À cet instant précis, il sentit quelque chose se frotter contre ses jambes, émettant un son qui aurait pu être un ronronnement amplifié par de puissants haut-parleurs. Baissant les yeux, il aperçut la manticore brandissant fièrement un énorme rat étranglé, qu’elle déposa tel une offrande aux pieds de son maître vénéré.
Severus se frappa le front avec la paume, comment avait-il pu oublier ce ridicule et si sympathique Clan de la Manticore, tous ensemble ils seraient pratiquement assez nombreux pour garantir un résultat favorable. Les amis de Harry ne refuseront pas leur assistance pour le sortir de ce mauvais pas. Et Severus avec espoir renaissant évoqua un Patronus…
***
Ils arrivèrent promptement, la plupart des membres du clan de Manticore. Hermione, à peine sortie de la cheminée de transport, annonça :
- Harry James Potter, si tu penses pouvoir t'en sortir ainsi après toutes tes grossièretés...
Mais elle n'acheva pas sa phrase, ne voyant nulle part l'objet de son courroux et devant la mine défaite de Severus, qui prononça d'une voix blanche :
- Hermione, je vous laisserai volontiers régler vos comptes avec Harry, mais si nous ne nous dépêchons pas, il n'y aura personne à qui les présenter. Harry a effectué un rituel qu'il ne maîtrisait pas, et j'ai besoin de vous tous pour l'aider à s'en sortir.
Il parcourut l'assemblée du regard et soupira :
- Je ne vois pas Astoria, donc nous ne sommes que neuf alors qu'il aurait fallu être douze…
- Astoria attend un enfant, chuchota Drago.
Une voix rauque et totalement inconnue de Severus se fit entendre :
- Nous sommes dix, je suis des vôtres. Je ne vais quand même pas laisser cousin Harry tirer sa révérence à l'anglaise.
Severus examina un peu plus attentivement le gaillard qui se tenait derrière Pansy et secoua négativement la tête :
- Vous êtes un Moldu, vous ne pourrez pas participer.
- Non, Dudley est un cracmol et c'est suffisant pour fermer le cercle dans la plupart des rites, s'écria Pansy rouge de colère.
- D'accord, dix c'est toujours mieux que neuf.
Severus soupira avec résignation et invita tout le monde à le suivre.
***
Les sorciers se positionnèrent sur les extrémités des branches de l'étoile, deux d'entre elles restant vides. Severus inspira profondément, prêt à réciter l'incantation, mais fut interrompu par l'arrivée de Kreattur tenant par la main la petite Théia, qui en raison de son très jeune âge, s'avançait d'un pas un peu vacillant. Kreattur installa la petite sur l'une des branches vacantes, puis se plaça sur la dernière.
Severus acquiesça d'un signe de tête et donna l'ordre suivant :
- Joignez tous les mains pour former un cercle. Ensuite, je réciterai une incantation et vous appellerez Harry, à haute voix et de tout votre cœur.
Tous se tendirent les mains, Severus prononça des paroles en latin, une décharge semblable à un courant électrique parcourut les mains jointes et les corps, et le cercle fut fermé. Puis chacun à leur tour, sorciers, elfe et cracmol prirent la parole, à commencer par la petite Théia :
- Pa..Ri
- Maître Harry, ne va pas abandonner le vieux Kreattur...Revenez ! (L’elfe)
- Ami, c’est bientôt le diplôme à l'Académie des Aurors, tu ne comptes pas te défiler...Reviens ! (Ron)
- Potter, tu n'as pas oublié que Astoria et moi t'avons demandé d'être le parrain de notre fils...Reviens ! (Drago)
- Harry James Potter, sale lâcheur, tu as promis d'être le témoin à mon mariage avec Dyn...Reviens ! (Ginny)
- Harry sans toi je ne pourrais jamais accéder à la bibliothèque des Blacks...Reviens ! (Hermione)
- Ton cousin m'arrachera la tête si tu t'obstines...Reviens ! (Pansy)
- Cousin, tu ne crois quand même pas pouvoir prendre la poudre d'escampette sous notre nez...Reviens ! (Grand D)
- Nous avons un match amical de Quidditch la semaine prochaine...Reviens ! (Flint)
- Tu as promis d'y participer...Reviens ! (Dubois)
- J'aimerais bien refaire avec toi notre petite virée dans les bars...Reviens ! (Blaize)
Severus parla en dernier :
- Harry, je ne sais plus vivre sans toi, je ne peux et je ne veux vivre sans toi ! Reviens ! Un seul être vous manque…
***
Harry dans les ténèbres vit soudain un fils lumineux qui chantait : « Reviens » et il s’en saisit avec soulagement.
***
Les bougies fondirent entièrement dans le grondement assourdissant des flammes puis s'éteignirent d'un coup, ne laissant sur le sol qu'une traînée chaude et brillante. La magie parut peser de tout son poids sur les épaules des participants, les scrutant, sondant leurs âmes, à la recherche de la moindre faille dans leur sincérité, avant de se retirer, satisfaite. L'air devint léger, telle une brise de printemps.
Harry ouvrit les yeux, sourit et murmura :
- Tu as raison, Sev, un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
FIN
- Dura Lex, Sed Lex – (Latinisme) La loi est dure, mais c'est la loi.
- Munch Edvard (1863 -1944) - Peintre Norvégien, Le Cri (Skrik, 1893) est probablement son œuvre la plus connue.
- La Camarde - C’est une figure allégorique et anthropomorphique de la Mort, synonyme de la Faucheuse.