Dudley Dursley et le Prisonnier de la lampe. Ou dix pourcents.
Chapitre 1 : Dudley Dursley et le Prisonnier de la lampe. Ou dix pourcents.
5757 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 15/02/2025 13:24
Cette fanfiction participe en seconde chance au défi "Retour en enfance" (Mai-juin 2022)
Harry était assis à son bureau, contemplant avec stupéfaction l'objet posé devant lui. Comment une telle situation avait-elle pu se produire ? Il s'était pourtant efforcé de respecter scrupuleusement les règles. Cela faisait deux mois qu'il avait obtenu son diplôme et intégré la prestigieuse section de l'Intervention Rapide, décrochant avec brio l'unique poste disponible au sein de ce service. Il avait coiffé au poteau son ami Ron, ce qui avait un peu refroidi leurs relations. Potter le regrettait sincèrement, mais estimait nécessaire de distinguer l'amitié des enjeux professionnels.
Le premier jour, Harry se présenta au bureau empli d'enthousiasme, aspirant à prendre part à la lutte acharnée contre le Mal avec un grand M, et même entièrement en majuscules ! Bien qu'il ne se l'avouât pas, il espérait secrètement vivre des aventures héroïques où, armé uniquement de sa baguette, de son intelligence et de sa bravoure, il percerait des mystères complexes et appréhenderait des malfaiteurs endurcis.
La réalité s'avéra nettement plus complexe. Certes, il participait aux opérations de maintien de l'ordre, son équipe étant souvent la première à intervenir sur les lieux d'un crime. Il se retrouvait fréquemment confronté aux criminels endurcis et exposé au danger. C'était dans ces situations critiques que les difficultés surgissaient, car il était tenu d'agir dans le strict respect des procédures et du cadre légal. Cela signifiait qu'il était autorisé à utiliser sa baguette magique uniquement en cas de légitime défense ou pour immobiliser un contrevenant afin de l'appréhender et le remettre à la justice. Dès leur retour de mission, les baguettes magiques des Aurors étaient soumises au sortilège de Priori Incantatum, et tous les sorts lancés durant l'intervention étaient méticuleusement répertoriés.
Également les pièces à conviction devaient être inventoriées en présence des témoins et placées sous scellés sur les lieux de délit, afin d'éviter leur contestation lors d'un procès par un avocat particulièrement astucieux.
Ainsi, pour chaque heure d'intervention, trois autres étaient dédiées aux diverses démarches administratives et à la rédaction des comptes-rendus. Malheur à l'Auror qui ne saurait justifier les sortilèges employés, les objets confisqués, ou pire encore, qui remettrait des rapports mal rédigés.
La perplexité du jeune Auror Potter était tout à fait compréhensible. Il se trouvait confronté à un article mystérieux, extrait d'un conteneur renfermant des preuves saisies lors d'un raid mené contre un marchand d'objets magiques de contrebande. Ce truc n'était répertorié nulle part et Harry avait même l'impression de ne l'avoir jamais vu auparavant. Il s'agissait d'une ancienne lampe à huile en cuivre rutilant, ornée de riches décorations. Elle dégageait une aura magique si puissante qu'il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait d'un artefact. D'où pouvait-il bien provenir, et que ce qu’on devait en faire ? Ces interrogations tourmentaient Harry, déjà épuisé par l'intervention et la montagne de documents qu'il venait de compléter. S'occuper d'un élément surnuméraire dépassait ses capacités. Il déposa fermement le luminaire sur la pile de dossiers qui encombraient son bureau, examina d'un œil satisfait l'agencement obtenu et conclut que l'idée de l'utiliser comme presse-papiers n'était pas si mauvaise après tout. Même en l'absence de cet élément, les preuves de la culpabilité de ce commerçant véreux ne manquaient pas.
***
Harry apposa sa signature sur l'ultime document et s'apprêta à regagner sa demeure, Black House, où Severus l'attendait. Il se réjouissait déjà de la soirée plaisante qu'il passerait en compagnie de son partenaire et du repas diététique mais savoureux préparé par le fidèle Kreattur, lorsqu'un bruit se fit entendre à la porte d’entrée de leur département. Il releva la tête, intrigué par l'identité de ceux qui pouvaient encore arpenter les couloirs du quartier général des Aurors à une heure si avancée, et aperçut des visiteurs pour le moins inattendus s'approcher de lui. Bien que Pansy, en tant que secrétaire adjointe de l'Auror en chef, fût une habituée de ces lieux, c’était la présence de son compagnon qui éveilla l’intérêt de Potter, le poussant à se lever précipitamment et à ouvrir grand les bras.
- Grand D ! Cher cousin ! Quel bon vent t'amène sur cette galère !
Dudley lui rendit en riant son étreinte :
- Je suis aussi content de te voir ô grand enchanteur !
Puis il continua avec un air mystérieux :
- Tes supérieurs hiérarchiques, Grand D leva l'index vers le plafond, ont estimé que le bureau des Aurors employait des méthodes obsolètes et qu'une modernisation s'avérait nécessaire. Par conséquent, j'ai été sollicité en qualité d'expert en informatique pour vous accompagner dans la transition des techniques ancestrales, dit-il en désignant de doigt la lampe à l'huile, vers les technologies les plus avancées !
Harry esquissa un sourire incertain, songeant brièvement à la simplification que l'utilisation d'un ordinateur aurait pu apporter à ses tâches administratives.
- C'est bien vrai ? Il me semblait, que l'électronique et magie ne faisaient pas bon ménage...
- Mais non, gros bêta ! Néanmoins c'est exact que j'ai été convié en tant qu'expert, et ce, grâce au soutien de cette poulette, que tu n'as même pas eu la courtoisie de saluer, et qui me fait l'honneur de me faire visiter les lieux de mon futur emploi ! déclara Dursley en entourant les épaules de Pansy d'un geste protecteur.
- Salutations Pansy, il me semble que nous nous sommes déjà croisés aujourd'hui, dit Harry en marquant une pause, ou peut-être était-ce hier ?
Parkinson se redressa de toute sa petite taille, envoya une bourrade amicale à Dudley et prononça :
- Cet énergumène, qui pourrait bien se retrouver à caqueter parmi les volailles s'il persiste à m'appeler poulette, sur ma recommandation .a été engagé pour entraîner vous autres, chair à canon, aux techniques des combats non magiques, tels que judo, la boxe et l'aïkido. Tu te souviens, au moins, que ton cousin est ceinture noire ?
Harry, qui ne pouvait pas se rappeler la ceinture de son cousin, car il ignorait totalement ce fait, et de plus ne voyait pas de rapport entre cet objet vestimentaire et les techniques de combat à main nu, pour ne pas paraître stupide, acquiesça.
Grand D déposa délicatement un baiser sur le sommet de la tête de Parkinson, puis lui serra une ultime fois les épaules avant de la libérer de son étreinte :
- Désolé, ma Walkyrie, c'est la dernière fois !
Ensuite, il tendit le bras et saisit la lampe qui se trouvait sur la table de son cousin et poursuivit :
- Néanmoins, je ne m'attendais pas à voir sur ton bureau une telle antiquité et crade en plus...
En prononçant ces paroles, il frotta avec la manche une petite tache sur le flan, par ailleurs brillant de l'objet en question.
Le jeune Auror, assailli par un sinistre pressentiment, tenta en vain d'intervenir, mais hélas, il était déjà trop tard. La lampe glissa des mains de Dudley et chuta sur le sol. L'atmosphère s'alourdit soudainement, chargée d'électricité statique, tandis qu'une odeur d'ozone envahissait la pièce, évoquant l'approche imminente d'un orage. Toutes les personnes présentes se figèrent comme saisis par l'anticipation d'un événement terrible. La lampe vacilla une dernière fois, émettant un mince filet de fumée, avant que, défiant toutes les lois de la physique, un quidam colossal, n'émerge de son bec. Cet individu, paré à l'orientale, arborait une profusion d'ornements scintillants : colliers, anneaux et bracelets. Grand D contemplait la scène avec l'émerveillement candide d'un enfant plongé soudainement dans un univers féerique. Harry, ayant déjà observé cette même expression sur les visages des jeunes sorciers découvrant Poudlard pour la première fois, fit claquer ses doigts devant le nez de son cousin pour le tirer de sa rêverie.
Le phénomène acheva de s'extraire de luminaire, s'étira en faisant craquer ses articulations se tourna vers Dursley avant de s'incliner profondément tout en déclamant :
Esclave de la lampe je suis,
Tu as su m'appeler et j'obéis.
De trois vœux disposes-tu,
Pas un de moins, pas un de plus.
- Vos vers sont d'une médiocrité consternante, déclara Pansy, qui avait retrouvé son aplomb. Compte tenu du temps passé là-dedans, vous auriez pu trouver mieux !
« L'esclave » autoproclamé,se frotta le nez, puis la tête et dit :
- Il ne s'agit certainement pas de l'œuvre de Baudelaire. Je vous l'accorde bien volontiers, gente dame. On ne peut exceller dans tous les domaines ; ma spécialité réside dans l'exaucement des souhaits de mes maîtres éphémères. D'ailleurs, je demeure dans l'expectative...
Pansy tira légèrement sur la manche de Potter et demanda dans un murmure :
- Tu crois que c'est normal qu'il s'exprime de cette façon, comme s'il sortait tout droit du XIXe siècle ?
- Est-ce là tout ce qui te semble bizarre ? siffla Potter d'un ton venimeux. Un colosse de deux mètres surgissant d'une lampe à peine plus volumineuse que mon poing, ceci te paraît tout à fait ordinaire ?
Harry s'apprêtait à poursuivre sa diatribe lorsque Grand D, arborant un sourire radieux et quelque peu enfantin, enlaça chaleureusement le nouvel arrivant et déclara :
- Génie de la lampe, un Djinn, comme dans le conte d'Aladin ! Et j'ai le droit à trois souhaits ! Enfin je pourrais ! Je veux, je veux être comme lui !
D'un geste, il désigna Harry, qui s'apprêtait à protester. Son « Non » retentit avec un léger décalage, coïncidant avec une cascade d'événements qui manquèrent de les submerger.
Djinn prononça :
Ta requête est entendue,
Considérée, pesée, reçue !
Un en moins, il reste deux
Voilà l'accomplissement du vœu.
Il fit alors claquer ses doigts, et Parkinson se retrouva face à deux Potter. Deux paires d'yeux verts identiques la scrutaient à travers des lunettes rondes, tandis que deux mains semblables se levaient pour ébouriffer leurs cheveux d'un même geste. Elle faillit manquer sa chaise en s'asseyant, les regardant tour à tour.
- Et qui est qui, maintenant ? questionna-t-elle sans s'adresser à personne en particulier.
Les deux Harry s'écrièrent en même temps :
- Ne dis plus rien, par amour de Merlin ! Harry numéro un.
- Ce n'est pas ça ! Je voulais dire que je désire être un sorcier comme lui, un grand sorcier ! Harry numéro deux.
Le génie s'inclina et prononça en claquant des doigts :
Ta requête est entendue,
Considérée, pesée, reçue !
Je soustrais le un de deux
Voilà accomplissement du vœu !
Dursley connut une métamorphose soudaine et spectaculaire : il conserva toujours les traits de son cousin, mais sa stature s'accrut jusqu'à ce que son crâne effleure le plafond. Saisi de panique et sans prêter attention à ses amis qui essayaient de le retenir, il s'exclama :
- Non, fais-moi revenir comme avant !
L'habitant de la lampe eut un sourire sardonique et chanta :
Ta requête est entendue,
Considérée, pesée, reçue !
Ce souhait est ton dernier
Content ou non à toi d'juger !
Dudley rétrécit brusquement, retrouvant d'abord sa taille normale, avant de poursuivre sa transformation. Il devint progressivement plus petit et plus corpulent, jusqu'à reprendre l'apparence et les proportions qu'il avait à l'âge de onze ans.
Djinn grommela avant de s'engouffrer dans la lampe :
- Je vous saurais gré de me témoigner votre gratitude, car si telle avait été mon intention, j'aurais pu le faire régresser jusqu'à l'état embryonnaire, la formulation "comme avant" m'y habilitant incontestablement.
- Il s'exprime toujours d'une façon aussi alambiquée, murmura Pansy, déconcertée, tout en se baissant pour saisir la lampe, manifestement dans l'intention de l'utiliser afin de remédier à la situation.
Potter, avec les réflexes affûtés d'un attrapeur chevronné, anticipa le mouvement, s'empara habilement de l'artefact et le glissa prestement dans la poche de son uniforme de l’Auror.
- Pansy, non ! Ne crois-tu pas que nous avons déjà assez de problèmes ? Pas de précipitation, nous allons réfléchir calmement aux formules des vœux, sinon cela risque de devenir pire.
Dudley, dont la présence avait momentanément échappé à leur attention, choisit cet instant précis pour se manifester en poussant un cri strident, reproduisant avec une exactitude remarquable le son d'une sirène de pompiers :
- Vous m'avez kidnappé ! Qui êtes-vous ? Mon père va vous casser en deux ! Ma maman va pleurer ! Je veux rentrer chez moi !
Harry et Pansy échangèrent des regards stupéfaits, en proie à une dissonance cognitive. Ce discours paniqué et décousu contrastait fortement avec l'attitude habituellement sarcastique mais raisonnable de Grand D.
Harry s'accroupit près du garçonnet établissant un contact visuel direct, et s'adressa à lui d'une voix posée :
- Dudley, quel âge as-tu ? Et quelle est la dernière chose dont tu te souviens ?
- J'ai onze ans, et j'étais au Zoo ! Quand cet « anormal » m'a mis avec les serpents ! Ah ! hurla-t-il encore plus fort, en pointant le doigt accusateur sur Harry, tu lui ressembles, tu es son père alcoolique, qui s'était tué en voiture, donc tu n'es pas mort !
Puis il se tourna vers Pansy et ajouta en baissant la voix et en rougissant légèrement :
- Vous ne devez pas être sa maman, vous êtes bien trop belle pour cela, une vraie princesse !
Cette dernière, frappée de mutisme face à cette scène surréaliste, lança un regard plein de désarroi à Harry. Celui-ci se redressa et commenta :
- Pansy, aussi incroyable que cela puisse paraître, je te présente Dudley version 1991. Fils adoré de Pétunia et excessivement gâté par la même occasion. À cette époque, comme tu peux le constater, il ne me portait guère dans son cœur.
Potter eut un petit rire et continua :
- Par contre toi, malgré tout, il continue de te trouver jolie et si ce n’est pas de l'amour...
Parkinson, ayant recouvré l'usage de la parole, caressa tendrement la chevelure de l'enfant et s'exprima avec une sincère indignation :
- Potter ! Tu ne devais pas être un ange non plus ! Pourquoi avais-tu torturé ce pauvre chérubin en le mettant avec les reptiles ?
- Pansy, gémit Harry, tu ne vas pas t'y mettre aussi ! Ce n'est pas le moment ! À chaque jour suffit sa peine ! Et notre peine à l'ordre de jour est de gérer les répercussions des actes récents et irréfléchis de ce « chérubin ».
Dudley se blottit contre Pansy, lui adressant son sourire le plus séduisant, avant de tirer la langue à Harry d'un air moqueur.
- Dudley, tu n'as plus cinq ans, soupira Harry, bon, allons chez moi. Avec l'aide de Severus on trouvera certainement la bonne formule pour tout faire rentrer dans l'ordre.
Il étendit le bras pour prendre la main de son cousin, qui se déroba vivement.
- Je ne vous connais pas et ce Sévère je ne le connais pas non plus ! Je n'irai nulle part avec vous. Vous êtes peut-être un maniaque, ou un assassin, ou un anormal comme mon cousin !
Il réfléchit un instant puis ajouta d'un air rusé :
- Ou plutôt un kidnappeur, vous allez demander la rançon à ma famille, alors si vous voulez que je sois sage, je veux la promesse que l'argent on le partagera. Pour moi dix pourcents et je viens avec vous sans créer des problèmes ! Topez là, et il tendit la main potelée.
Ébahi par ce sens précoce des affaires dont faisait preuve la version juvénile de son cousin, Potter, à bout de patience, s'apprêtait à le saisir pour le forcer à les accompagner, quand son amie le retint fermement par le bras. Elle lui lança un regard appuyé, l'intimant au silence, puis s'adressa au galopin d'une voix posée :
- Rassure-toi, nous ne sommes pas des malfaiteurs, d'ailleurs tu avais reconnu Mister Potter, qui n'est absolument pas un alcoolique, et moi je suis Miss Parkinson, mais tu peux m'appeler Pansy. Nous allons voir quelqu'un qui t'aidera à rentrer chez toi, je te le promets !
- Donc, mes dix pourcents je peux les oublier, conclut Petit D avec un soupir de résignation, je suis bon en math, si vous ne réclamez rien à mes parents, le montant de butin sera nul, et dix pour cent de zéro c'est toujours zéro. Alors, allons-y.
Puis ajouta-t-il dans un murmure en s’accrochant fermement au poignet de Pansy :
- Bien que, franchement, j'aurais préféré avoir affaire à de véritables ravisseurs. C’est bien plus rentable !
***
Harry arriva chez lui, au 12 Square Grimmaurd, complètement épuisé. Guider un enfant de onze ans particulièrement curieux à travers le ministère de la Magie s'était avéré être une tâche ardue, d'autant plus en compagnie de Pansy, qui s'efforçait de satisfaire tous les caprices du garçon avec un sourire bienveillant. Le jeune Dudley s'était arrêté à chaque porte, avait examiné tous les embranchements des couloirs, avait tenté de bifurquer vers le Département des Mystères, puis vers celui des Sports magiques, fasciné par l'affiche d'un joueur de Quidditch volant sur son balai.
Ébloui par tout ce qui l’entourait, il s'immobilisa devant la statue de l'Atrium, la contemplant avec émerveillement pendant une bonne dizaine de minutes. De plus, il parlait sans arrêt, multipliant les questions, les interrogations et les hypothèses avant de refuser catégoriquement d'emprunter la cheminée de transport, s'exclamant : « Je ne suis pas un sorcier, je refuse d'être brûlé vif par l'Inquisition ! ». L'espace d'un instant, Potter eut même l'impression que Dudley se moquait de lui et l'observait discrètement s'irriter face à ces tergiversations.
Dès leur arrivée, ils furent accueillis par les lamentations de Kreattur, fluctuantes, sans logique aucune, entre : « L'imprudent Maître introduit un indigne Cracmol dans la Noble Maison des Black » et « Ce malheureux enfant doit être affamé et transi de froid, le fidèle Kreattur va lui préparer un chocolat chaud et des pâtisseries ». Dudley, affichant une expression de victime malchanceuse et famélique, emboîta le pas à l'elfe en direction de la cuisine, tout en se retournant par intermittence pour adresser des grimaces et tirer la langue à Harry.
Le jeune Auror poussa un profond soupir de soulagement, heureux d'être momentanément débarrassé de son encombrant cousin. Puis il se hâta, suivi de près par Pansy, d’aller relater à Severus les incidents qui s'étaient déroulés durant les deux heures précédentes.
***
Severus promena son regard de Pansy à Harry, tambourina pensivement sur le bureau, puis déclara après un moment de réflexion :
- Fort bien, je pense avoir cerné la situation. À présent, j'aimerais examiner le « corps du délit », dit-il en tendant la main.
Harry explora méticuleusement les poches de sa robe de l’Auror, puis, sans grande conviction, celles de son pantalon, avant de devoir admettre l'évidence, l'absence manifeste de la lampe.
- Tu l'as perdu ! s'écria Pansy horrifiée.
Potter murmura d'une voix sifflante, presque en Fourchelang :
- Dudley, je suis sûr que c’est lui ! Je comprends maintenant pourquoi il s'était collé à moi de cette façon pendant notre transfert par la cheminée ! Il m'avait fait les poches ! Je n'aurai jamais imaginé qu'il en était capable à cet âge ! Maintenant je comprends mieux où passait la monnaie du pain, durant notre enfance ! Ah, le voyou ! Ah, tu vas voir !
Il bondit de son siège et se rua vers la sortie, brûlant d'un juste courroux envers son cousin. Son indignation était nourrie par un mélange complexe de sentiments : la colère pour les injustices de leur enfance où Harry avait été puni pour les larcins qu'il n'avait pas commis, l'exaspération causée par le vol de l'artefact, et la frustration envers sa propre négligence, impardonnable pour un représentant de la loi.
Dans la cuisine, il assista à une scène pour le moins insolite : Kreattur et Petit D étaient installés l'un en face de l'autre autour de la table, sur laquelle reposait la lampe magique. Du bec de celle-ci émergeait la tête de Djinn. Tous trois paraissaient plongés dans une discussion animée, jusqu'à ce que le Génie fasse également surgir son bras, le tendant vers le garçonnet qui tapa dessus doucement comme pour conclure un marché :
- Alors, c'est convenu ! Tope là ! Kreattur tu es témoin !
Harry s'avança silencieusement vers les conspirateurs et, tel une Némésis, se pencha au-dessus d'eux :
- Puis-je savoir de quoi il s'agit et que fait ici cet objet, au lieu de se trouver dans ma poche ?
Djinn, marmonnant distinctement « Quel rabat-joie ! », s'éclipsa dans les tréfonds de son abri, tandis que Kreattur se téléporta instantanément devant le fourneau où il s'affaira autour d'une marmite. Seul Dudley demeurait impassible et déclara avec aplomb :
- Il s'agit de mes dix pourcents ! Une affaire privée !
Harry, bouche bée, oscillait entre l'envie de tirer les oreilles à cette version puérile et exaspérante de Grand D et la nécessité d'agir rapidement pour restaurer sa personnalité adulte et un peu plus sensée. Il prit une profonde inspiration, compta mentalement jusqu'à dix puis à rebours pour apaiser ses nerfs, avant de déclarer calmement en récupérant l'objet :
- Tu ne perds rien pour attendre, ô le grand génie de la finance !
***
Toute la compagnie s'installa dans le bureau de Severus. La lampe fut posée sur la table autour de laquelle se placèrent Harry et le Professeur. Pansy se tenait légèrement en retrait, son bras entourant les épaules de Dudley en un geste réconfortant, échangeant avec lui des répliques à voix basse. Puis à un moment donné, leurs regards se croisèrent, le gamin hocha légèrement la tête et glissa subrepticement un morceau de papier dans sa main.
Severus contempla un instant la lampe et ses propres notes avant de déclarer :
- Bien, commençons ! Lorsqu'on traite avec un Esprit de la lampe, comme avec tout être magique emprisonné, il est impératif d'être extrêmement vigilant dans les formulations. Cette entité exploite la moindre ambiguïté pour causer du tort, car pour elle c'est le seul moyen de se venger de sa captivité. J'ai préparé plusieurs énonciations par écrit ; étant donné que nous sommes trois, nous disposerons de neuf tentatives.
Il essaya de saisir l'artefact, mais celui-ci, d'une manière inexplicable bondit en arrière et une voix caverneuse se fit entendre :
- Pensez-vous véritablement pouvoir emporter victoire dans cette joute verbale contre une entité millénaire telle que moi ? Vous pouvez tenter votre chance, mais si vous souhaitez que je vous accorde ne serait-ce qu'une infime possibilité de réussite, vous devez me promettre, avant vous lancer dans cette bacchanale des vœux, que la gente dame va parler en dernier ! J’ai dit !
Pansy et Harry s'exclamèrent à l'unisson : « Je suis d'accord ! » et « Je gage que c'est encore une machination de ce fossile misogyne en connivence avec ma petite horreur de cousin ! »
- Aucune importance qui parle en premier, tempéra leurs ardeurs Severus. Je commence.
Et il frotta résolument la lampe…
***
La ronde des métamorphoses s'amorça ponctuée par l'inlassable ritournelle de Djinn : « Ta requête est entendue, considérée, pesée, reçue ». Cette litanie immuable, répétée avec obstination, finit par provoquer une migraine tenace chez tous les protagonistes de cette aventure. L'habitant de la lampe avec une ruse démoniaque parvenait à déceler la moindre faiblesse dans toutes les requêtes, aussi bien formulées furent-elles.
En outre, cet individu excentrique semblait manifestement prendre un grand plaisir à la situation et, afin de prolonger les réjouissances, refusait obstinément d'entendre Pansy, qui devait clore « la fête ».
Harry et Severus, ayant rapidement épuisé leur quota de souhaits, se virent contraints de solliciter l'aide de tous les membres du clan de la Manticore. Ces derniers accoururent promptement, ce qui fut tout à leur honneur. Cependant, ils furent tous bientôt contaminés par l'enthousiasme malsain de Djinn et commencèrent à formuler des vœux de plus en plus extravagants. Potter, qui au début déploya des efforts louables mais infructueux pour les modérer, finit par abandonner et se laissa emporter par la frénésie générale.
L'infortuné Dudley endura avec résignation une série de transfigurations, tantôt cocasses, tantôt terrifiantes, mais invariablement déstabilisantes et pénibles. Il se consuma telle une salamandre, suffoqua comme un poisson hors de l'eau, effleura le plafond de sa tête, s'égara entre les interstices du plancher, fut enseveli sous un amoncellement d'or, se vit pousser des ailes, puis des nageoires, développa le troisième œil avant de perdre les deux autres, se mua, à la grande joie, vite déçue de la Manticore, en un mal de son espèce.
Enfin, tous écoulèrent leurs lots de vœux, à l'exception de Pansy, qui contemplait ce tourbillon frénétique avec une désapprobation mêlée de stupéfaction. Elle s'empara de la lampe, la frotta et lut, en articulant bien distinctement, le texte reçu auparavant de Jeune D :
- Mon premier souhait : que le Djinn, ici présent, respecte scrupuleusement le marché conclu avec Dudley en présence de Kreattur.
Le Djinn acquiesça silencieusement, s'abstenant cette fois de toute chansonnette.
- Mon second souhait serait de retrouver mon Dudley, exactement comme il était avant sa rencontre avec le Génie de la lampe. Je n'ai nul besoin qu'il devienne un puissant sorcier ou un millionnaire ; je l'aime tel qu'il est !
Génie claqua des doigts et voilà que Dursley, le vrai, l'unique Grand D, embrasse Pansy tout en s'exclamant :
- Bien joué ma Walkyrie ! Moi aussi je t'aime !
Pansy se dégagea de son étreinte avec le sourire et cita la dernière ligne de la petite note :
- Pour conclure, mon ultime vœu est le suivant : que le Génie soit libéré de sa captivité dans la lampe, qu'il puisse regagner sa dimension d'origine et qu'il soit affranchi de l'obligation d'exaucer des requêtes absurdes !
À peine les derniers mots furent-ils prononcés que Djinn changea d'apparence : son costume oriental céda la place à une armure étincelante dépourvue d'ornements, sa stature s'accrut, sa peau que les flammèches parcouraient prit une teinte cuivrée, tandis que ses yeux se muèrent en braises incandescentes. Cette créature à la fois majestueuse et terrifiante se tourna vers les magiciens stupéfaits et rugit :
- Je vous exprime ma plus sincère gratitude pour avoir égayé ma journée et chassé ma mélancolie. Je ne me suis pas autant amusé, depuis 1812, lorsque j'avais incendié Moscou à la demande de cet excentrique petit Français, qui prétendait : « Vous n'êtes pas plus grand que moi, vous êtes simplement plus haut » (1). Lui démontrer son erreur fut pour moi une source de grand divertissement.
Il s'inclina en s'adressant à Pansy :
- Gente dame, ma reconnaissance pour votre généreuse intervention est aussi grande que les plus hauts sommets des montagnes et aussi profonde que les océans les plus vastes !
Puis, avec une espièglerie inattendue, il esquissa un sourire malicieux, souffla délicatement sur sa paume, faisant naître une petite flamme qui s'en détacha et voltigea directement vers Dudley.
- Voici vos dix pourcents, cher associé ! Comme convenu, exactement dix, pas un de moins, pas un de plus !
Il émit un rire tonitruant et disparut.
***
Severus abandonna la contemplation de l'endroit où s'était tenu auparavant le ressortissant d'un autre plan de l'existence, pour porter son attention sur Dudley :
- Mister Dursley, votre complice s'étant éclipsé à l'anglaise, le plaisir de nous fournir quelques explications vous revient de droit. Ni les événements qui se sont produits ici, ni la conduite de toutes les personnes présentes, n'ont rien de normal, même pour notre monde de la magie. Cette euphorie enfantine et contagieuse qui s'était emparée de nous tous, altérant notre jugement, me semble particulièrement suspecte.
Soudain, les occupants de la pièce se mirent à parler quasi simultanément, comme si les mots mesurés du Professeur avaient brisé un sortilège de silence dont ils auraient été frappés. Des interrogations et des protestations fusèrent de toutes parts, tandis que Dudley levait la main pour solliciter l'attention avant de prendre la parole.
- Professeur, Harry, les distingués membres du Clan de la Manticore, je vous dois en effet des explications et, également, des excuses. Harry, je suis sidéré que tu aies véritablement pensé qu'en adoptant l'apparence d'un enfant de onze ans, mes facultés mentales avaient également régressé. Au début j'avais même supposé que tu étais entré dans mon jeu sciemment. Mais en constatant que ce n'était pas le cas, je me suis donné à cœur joie dans cette supercherie.
J'en suis sincèrement désolé ! Et avant que tu me poses la question, j'avoue : et oui c'était bien moi qui chipais la monnaie du pain quand on était mômes, et non, je ne te dirais pas comment...
Mais revenons à nos moutons…
J'ai mis à profit le temps durant lequel tu racontais tout à Mister Prince pour mener une petite négociation avec le Djinn. Vous devez comprendre, poursuivit-il en s'adressant à l'ensemble des Manticoriens, que ce dernier était profondément affligé d'avoir été dupé il y a un millénaire par un sorcier rusé, se retrouvant ainsi prisonnier de la lampe, contraint d'exaucer des vœux stupides. De surcroît, il s'ennuyait terriblement, la dernière fois que quelqu'un avait fait appel à ses services remontant à 1812 !
Je lui ai donc promis la liberté et un peu d’amusement à nos dépens. C’était bel et bien sa magie, provenant d'un autre univers, qui vous a fait perdre les pédales.
Il s’est bien marré, d’ailleurs, à accomplir vos demandes farfelues,
Grâce au concours de cette poulette, Grand D baisa tendrement la main de Pansy, en qui j’ai totalement confiance, sachant qu'elle exécutera mes instructions à la lettre sans prendre d'initiatives désastreuses, j'ai pu honorer ma part de contrat. Je n'ai plus grand-chose à rajouter si ce n'est que : Je vous demande pardon à tous ! conclut-il.
Harry, décidant de remettre le règlement des comptes au plus tard, le toisa d'un regard empreint de méfiance et s'enquit :
- Il me semble, qu'il manque quelque chose d'essentiel à ta confession, mon très cher cousin. Tu n’as pas dit ce que tu as reçu en échange de ton aide en plus de ton retour à l’état normal…En quoi consistait, donc, cette mystérieuse commission de dix pourcents ?
Bien que la question eût été posée par Harry, Dudley répondit s'adressant à Pansy :
- Ma Walkyrie, je suis très heureux que tu m'acceptes et que tu m'aimes tel que je suis, mais si je devenais un peu magicien, disons à dix pourcents, m'aimerais-tu toujours autant ?
FIN
- Vous n'êtes pas plus grand que moi, vous êtes simplement plus haut - réplique attribuée au Napoléon