CHRONOS ET DEIMOS. Traduit de russe, auteur TsissiBlack

Chapitre 26

2349 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/12/2025 12:10

À peine de retour dans le présent, Harry retira son équipement et fila sous la douche. Sous l'eau brûlante, il analysa minutieusement les événements de sa troisième année à Poudlard.

Il en déduisit que son mari avait poursuivi deux buts : protéger coûte que coûte l'insupportable Potter et éviter que Black, qui s'était échappé d'Azkaban, ne devienne le confident privilégié du garçon. Severus, toujours aussi égocentrique, semblait persuadé que son rival de jeunesse n'autoriserait jamais son fils à nouer des liens avec l'odieux Rogue.

De Patmol, on ne pouvait espérer que des histoires divertissantes sur son enfance, où Rogue apparaissait systématiquement sous un jour peu flatteur, bien loin de tout héroïsme.


« Ou peut-être redoutais-tu que l'emprisonnement à Azkaban ait rendu Sirius fou ? Qu'il me tue réellement ? Tu préservais ton avenir, un futur où Déimos Black dirigerait la famille.

Alors tu as accepté finalement mes mensonges et mes origines. Quelles souffrances as-tu endurées, mon pauvre et si patient mari ! J'imagine à peine ces longues années d'attente que tu devras supporter, me croisant occasionnellement, presque sans pouvoir agir, m'observant silencieusement me marier, construire ma carrière et parcourir le monde.

Comment pourrais-je compenser toute cette souffrance que je t'ai causée ?

Une vie entière ne suffirait pas à guérir les blessures que j'ai si généreusement infligées à ton cœur. Avec le recul, je regrette presque que tu ne m'aies pas pris par le colbac à la sortie de la scolarité...

Mais alors, je ne serais pas celui que je suis aujourd'hui, comme tu le sais sans doute. Après tout, tu n'aimes pas Harry Potter, ce gamin insupportable et têtu, ce maigrichon maladroit à lunettes. Sans le sang de Sirius, que les gobelins m'avaient remis avec le testament et le rituel d'acceptation de la lignée, je serais demeuré chétif et petit jusqu'à la fin de mes jours.

On peut corriger la vue, remédier à la maigreur, mais la taille... impossible. Tu me voulais, moi ; le simple garçon ne te convenait pas. Sans la formation d'Auror, je ne serais jamais devenu moi-même. Je l'admets, tu possèdes un talent pour la logique que je n'ai pas. Par Merlin, quelle chance j'ai de t'avoir ! »


De retour dans la chambre, Harry observa attentivement ce visage qu'il connaissait par cœur. Il se rappelait comment la beauté illuminait les traits de Severus quand celui-ci le regardait, pensant ne pas être vu. Dans ces moments, ses angles marqués s'adoucissaient, ses lèvres fines révélaient leur sensualité naturelle et ses yeux noirs s'emplissaient de chaleur.

— Implorer ton pardon est devenu mon rituel quotidien, chuchota Harry en caressant la soie luisante de sa chevelure. Quelque part, je sens que tu m'as absous depuis longtemps, mais cela n'allège nullement mon sentiment de culpabilité. Tu avais entièrement raison. Chaque mot que tu m'as lancé au visage était juste. J'ai chamboulé ton existence, bien que Merlin sache que ce n'était pas ce que je voulais. Pas ainsi.


Severus resta muet, comme à son habitude. Harry ne pouvait qu'espérer qu'à son réveil, il ne réclamerait pas le divorce en évoquant un épuisement total. Ce serait compréhensible, mais... déchirant.


***


Harry, son irritation quelque peu apaisée, s'installa à la réunion improvisée au sujet du Congrès International des Potions. Kingsley, qui avait littéralement arraché aux Français le privilège d'accueillir à Londres ces invités prestigieux, cachait habilement sa propre frustration face à cette victoire : organiser l'événement s'avérait plus problématique qu’avantageux.

Arborant une expression qui disait clairement « Je vous l'avais bien dit, bande d'idiots ! », l'Auror en chef Potter écouta silencieusement les comptes rendus hystériques des responsables des divers départements ministériels : Interactions Magiques Internationales, Préparation Avancée de Potions, et même son propre adjoint, Dean Thomas, responsable de la sécurité pendant ses congés.

— C'est un désastre total, chuchota Kingsley.

— Est-il trop tard pour rappeler que je m'y opposais ?

Harry balaya la pièce d'un regard lourd : 

— Nous devons créer entièrement, en seulement six mois, un centre de conférences et un hôtel convenables, les doter de systèmes de sécurité contemporains, embaucher du personnel, maîtriser des techniques...

Il serra les poings et foudroya son adjoint du regard, le paralysant sur place :

— ...des techniques de travail inédites. Messieurs, nous sommes complètement dépassés. Et même si on peut encore faire quelque chose avec des amulettes et des artefacts de protection, je ne sais franchement pas comment gérer cette foule de gourmands, de fainéants, d'adorateurs de potions, de chaudrons et d'expériences, qui exigent un hébergement luxueux et veulent mener leurs recherches scientifiques sans contraintes.

— Il est trop tard pour boire l'élixir de la vie éternelle quand on a la tête tranchée, répliqua le ministre. Monsieur Rogerson, organisez un concours pour le meilleur projet architectural avec une récompense de cinq mille gallions. Constituez une commission pour évaluer la faisabilité d'un nouveau complexe d'affaires sur les landes de Dartmoor.

Monsieur Thomas, assurez-vous que vingt-quatre membres des Forces Spéciales reçoivent une formation de base en Préparation de Potions Avancées dans les six prochains mois, en coordination avec le Département des Mystères.

Monsieur Ogguson, prenez contact avec Monsieur Rogue et convainquez-le d'établir l'inventaire du matériel nécessaire, des ingrédients... enfin, de tout ce qui est requis pour ce type d'événements. Il est le seul parmi nous à avoir assisté aux vingt derniers Congrès.

— Monsieur Rogue est injoignable, intervint Potter d'un ton catégorique. Cherchez quelqu'un d'autre.

Kingsley lui lança un regard intrigué, mais l'Auror en Chef ne tint pas compte de la perplexité évidente sur les visages des personnes présentes.

— Euh... Je doute qu'il soit vraiment indisponible, commença avec précaution Ogguson le chef du Laboratoire de Préparation de Potions Avancées du Département des Mystères, puis il ajouta : Son expertise nous a été précieuse il y a six mois, quand nos recherches...

— J'ai dit non, coupa Potter, agacé. Faut-il que je me répète une troisième fois ?

— Ne devrions-nous pas consulter Monsieur Rogue directement ? proposa Kingsley avec une feinte naïveté.

Harry lui décocha un regard glacial, lourd de menaces, et articula entre ses dents :

— Monsieur Rogue, il fit une pause, est injoignable. Je sais de quoi je parle. Adressez-vous  à Slughorn, à Malefoy, à qui vous voulez. Qu'est-ce qui vous échappe dans cette situation ?

— Très bien, répondit Kingsley en lui adressant un autre regard curieux, sans insister davantage. Passons au point suivant…


Après deux heures supplémentaires de débats et d'échanges tendus, Harry souffrait d'une migraine atroce. Il bouillonnait intérieurement, tel un chaudron oublié sur le feu, et quand Kingsley renvoya tout le monde sauf lui, il soupira bruyamment plusieurs fois, essayant vainement de retrouver son calme.

— Qu'est-ce qui te tracasse, Potter ? 

Shacklebolt, ancien Auror expérimenté, n'était pas dupe du faux calme ni de l'ennui simulé qui s'affichait clairement sur le visage du Chef des Aurors.

— King, occupe-toi de tes affaires. 

— Qu'as-tu fait à Rogue ? Le scandale d'il y a cinq ans ne t'a pas suffi ? Tu as failli perdre ton poste ! Il serait temps de tourner la page, non ? 

— De quoi exactement ? 

— De cette opposition ridicule ! s'emporta Kingsley en frappant la table du poing.

— Calme-toi. 

Harry alluma une cigarette et desserra sa cravate. 

— Je t'expliquerai tout le deux du mois prochain. Pas avant. 

— Si tu lui as causé du tort... 

Le Ministre s'étrangla en buvant une gorgée d'eau : 

— Harry... qu'est-ce qui ne va pas chez lui ? 

— Je ne peux pas te donner de détails précis. Je ferai mon maximum pour qu'il se porte bien. Mais je refuse qu'il assume seul la charge du Congrès. 

— Depuis quand prends-tu des décisions pour Rogue ? 

— C'est une longue histoire. Patiente encore deux semaines, répondit Potter en récupérant sa robe de sorcier avant de se diriger vers le bureau des Aurors.


Il allait avoir une conversation sérieuse avec Dean Thomas, celui qui avait permis à cette merde de se produire.


***


— Deym, qu'est-ce qui ne va pas ? 

Regulus se leva pour accueillir Harry qui sortait de la cheminée.

— J'étais au bureau des Aurors, peu importe. 

— Tu reviens toujours dans cet état ? 

— Ne me pousse pas, Reg. Mieux vaut me laisser tranquille jusqu'à ce que j'aie pris une douche et mangé. 

— Comme tu voudras, répondit l'héritier, un peu étonné.

Il observait Déimos, qui semblait avoir participé à une rixe dans un bar moldu : cravate défaite, robe d'Auror écarlate sur le bras, cheveux ébouriffés, et une expression digne d'un meurtrier en série condamné au Baiser du Détraqueur.

— Drôle de métier pour un noble, marmonna Reg. Il les passe au tabac ou quoi ? 

— Je t'entends toujours, lança Harry depuis le couloir.

— Qui l'aurait cru ?  

Regulus, fidèle à son héritage Black, tenait à avoir le dernier mot. 

— Tu veux dîner ? 

— Maître Déimos mange toujours abondamment après les réunions de service, annonça Kreattur en apparaissant. Maître Regulus apprécie-t-il le pâté en croûte aux rognons ? 

— Certainement, Kreattur, prépare la table pour deux. 

Le repas se déroula en silence. Déimos était absorbé dans ses réflexions, et Reg s'efforçait de ne pas l'importuner, mais pendant le thé, il ne put s'empêcher de demander :

— Que s'est-il passé ? 

— Le Congrès International des Potions. 

— En Grande-Bretagne ? 

— À Londres. 

— Oh ! s'exclama Reg avec enthousiasme. Maman a accompagné Severus à Dresde pour sa première présentation scientifique. Il était tellement anxieux qu'il n'a pas fermé l'œil et qu'il a encore perdu du poids. C’était un triomphe ; il avait impressionné les scientifiques les plus renommés en démontrant le lien entre les mécanismes d'absorption lors de l'introduction d'un poison neurotoxique...

— Je ne comprends rien à tout ça, avoua Harry. Cette conférence, c'était quand exactement ? 

— Juste après que Severus a soutenu sa maîtrise. Il était fier comme un paon. Il avait analysé des données statistiques sur les effets... Ah, excuse-moi. En résumé, il cherchait vraiment à faire ses preuves. 

— Donc sa spécialité, ce sont les poisons ? 

Regulus le dévisagea avec étonnement, puis dit : 

— Si on se fie à la liste de ses publications... 

— Rogue a écrit des livres ? 

— Deym, tu m'inquiètes. Est-ce que tu connais Severus, ne serait-ce qu'un peu ? 

Harry s'essuya les mains avec une serviette, posa sa quatrième pâtisserie et admit : 

— Il semblerait bien que non. 

Regulus soupira :

— Je ne vois pas ce que vous avez en commun, Deym. Sans vouloir t'offenser. Severus est le scientifique le plus éminent de notre époque, l'autorité suprême en matière de poisons et de magie noire, membre de dix sociétés scientifiques... Un prix porte même son nom ! C'est... une personnalité incontournable. Ces dix dernières années, il a conduit d'innombrables travaux de recherche et donné des conférences partout dans le monde. Sa biographie vient juste d'être publiée. 


Regulus saisit une revue scientifique et l'ouvrit en son milieu. Une page montrait un portrait de Severus. Il apparaissait sombre, austère et impressionnant. Suivait un article de quatorze pages consacré à l'un des plus brillants maîtres des potions de notre temps.

— Hmmm. 

— Je ne sais pas comment il a fait pour arriver à un tel niveau... 

— La sublimation, ricana Harry sans joie. Moi, c'est le combat sans règles, lui, c'est la science. Pour combler le vide intérieur et... fuir à la solitude. 

— Eh bien, tu n'étais certainement pas esseulé, il me semble, remarqua Reg avec sarcasme.

Harry le fixa intensément, mais ne dit rien. Que pouvait-il dire ? À vingt ans, on peut encore confondre sexe et intimité émotionnelle, mais à trente ans, il était temps de reconnaître qu'un corps chaud dans un lit était complètement différent de... cette douce et chaleureuse lumière qui s'allumait en lui dès qu'il apercevait Severus, avec ce sentiment rassurant : il est vivant, réel.


— Ce n'est pas pareil, l'interrompit Harry. D'où tiens-tu toutes ces informations ?

— En fait, Mère a souscrit à un abonnement centenaire pour tous les journaux qui comptent. J'ai donc passé en revue la presse des années que j'ai manquées. Principalement ce qui vous concernait, toi et Severus. Deux héros de guerre, un Auror et un scientifique. Pourquoi ça ne fonctionnait pas entre vous ? 

— Je n'en sais rien, Reg. Après notre victoire et son acquittement, je ne me suis plus préoccupé de la vie de mon ancien professeur. Je ne pensais à lui que lors des cérémonies commémoratives, ou quand je croisais son nom en lisant des rapports d'experts sur des affaires particulièrement délicates. Je ne pouvais m'empêcher de penser : « Encore lui... Il pourrait probablement empoisonner la moitié de l'Angleterre avec son venin. » Je suis tombé amoureux de lui à ses vingt ans, fougueux, passionné, fragile et désespéré, après ses erreurs, son repentir, tourmenté par ses démons, puis... apaisé, indifférent, respirant à peine, presque sans vie. Je le connais jeune, mais je ne le connais pas tel qu'il est aujourd'hui. 

Regulus caressa distraitement le portrait de Severus dans la revue scientifique et fit cette observation judicieuse :

— Tu ne crois tout de même pas qu'il s'est empoisonné par accident, si ? 


Harry lui jeta un autre regard appuyé, finit son thé et s'en alla. Il devait encore gérer la situation avec Severus dans le passé, toujours sous le choc de la nouvelle.



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