Seul, définitivement seul

Chapitre 1 : Pauvre fou

Chapitre final

2655 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 20:04

 

J'ouvris soudainement les yeux. Mon premier réflexe fut celui de regarder où j'étais. Le second fut celui de rechercher la source du mal qui m'avais réveillé.

Je remontais lentement la manche de mon avant-bras gauche.

La Marque qui y serpentait me brûlais.

J'entendais des bruits de lutte, à l'étage du dessus. C'est avec le peu de volonté qu'il me restais que je me mis sur mes pieds, perdant légèrement l'équilibre de me lever si brusquement, et attrapais ma baguette au fond de ma poche.

 

Arrivé sur les lieux du combat, juste au-dessous de la tour d'Astronomie, je me raidis en apercevant l'Ordre se battant contre les Mangemorts.

Mon masque serait rudement mis à l'épreuve.

Je décidais de ne pas prendre part au combat et tentais de me rapprocher le plus possible des escaliers menant au sommet.

J'évitais de justesse un sortilège du Doloris lancé au hasard par un de mes compagnons masqués et traversais la barrière invisible placée par les Mangemorts déjà à l'intérieur de la tour.

Je gravis les marches silencieusement, ma longue cape étouffant le bruit de mes pas.

 

Je m'immobilisais.

Même si j'avais voulu faire un quelconque geste, je n'aurais pas réussi.

 

Dumbledore était avachi contre la rampe de la tour, son visage crispé par une douleur indéfinissable.

Je tournais légèrement la tête et vit Drago qui le tenait en joug d'une main tremblante.

 

Je m'avançais de quelques pas, me découvrant de la pénombre.

Amycus m'accosta :

 

"Nous avons un problème, Rogue. Ce garçon ne semble pas capable de..."

 

Je ne l'écoutais pas. Je plongeais mon regard dans le bleu des iris de mon protecteur.

Je venais de me souvenir de la discussion à propos de sa mort.

Celui-ci, comme pour me montrer que c'était le moment, murmura :

 

"Severus..."

 

Il me suppliait.

Il voulait que j'accomplisse l'acte qui changerait les vies de beaucoup d'entre nous.

Je m'avançais et repoussais brutalement Malefoy.

Pourquoi, pourquoi fallait-il que ce soit moi ? Ne pouvait-il pas demander à quelqu'un d'autre ? Mon âme de damné en souffrirait longtemps.

Il m'obligeait.

C'était contre mon gré.

Mais c'était l'ultime chance que j'avais de prouver mon allégeance. Si je ne le faisait pas, je lirais la déception se creuser dans les rides du vieillard, juste avant sa mort.

Je le fixais maintenant dans les yeux. Son regard me transperça de part en part, mais, pour la première fois, je voulais qu'il lise en moi, qu'il lise toute la haine, la répugnance, le mépris que je vouais à ceux qui m'avait fait du mal.

 

"Severus...S'il-vous-plaît..."

 

Le signal pour une nouvelle vie.

Une vie d'assassin. Savait-il seulement ce qu'il m'obligeait à accomplir, ce pauvre fou ? Savait-il ce que je ressentais ? Jamais je n'avais eu beaucoup de mal à tuer, oui, je l'admettais, mais tuer celui qui aujourd'hui, je me rendais compte, était presque un père pour moi, était à la limite du supportable.

Il me lança un regard, plein d'espoir, et je vis un imperceptible sourire qui ne s'adressait qu'à moi lorsque mes lèvres formèrent les mots :

 

"Avada Kedavra !"

 

Je vis la force du sortilège éjecter le directeur dans le vide. Je m'interdisais de penser "mon sortilège". Je n'étais plus qu'un corps sans vie. Si seulement, ah si seulement j'aurais pu échanger de rôle...

Je fermais les yeux quelque secondes, puis murmurais :

 

"Vite, filons d'ici."

 

Au milieu des hurlements et sortilèges, je poussais Drago par la peau du cou, l'obligeant presque à courir.

Lorsque nous sortîmes dans la nuit froide, je lui criais de continuer de courir et m'avançais le plus discrètement vers la tour d'Astronomie.

Je ne savais pas ce qui me poussais à m'approcher du corps sans vie de celui qui avait été un jour mon protecteur.

Silhouette endeuillée, je m'agenouillais à ses côtés, et lui écartais quelques mèches argentées qui se dipersaient sur son visage.

J'avais perdu le seul être humain qui me témoignait un semblant de confiance.

Et par ma faute. Jamais, oh jamais je n'avais réalisé que j'étais capable d'aimer quelqu'un à ce point. Au point de me sentir rongé par le remord, alors que je ne lui avais jamais montré un quelconque geste d'affection. Oh, restait-il peut-être les soirées où je revenais de mes entretiens agités avec Lord Voldemort, et que je craquais en m'effondrant dans les bras de mon directeur, mais jamais, au grand jamais je ne lui avais dit que je le remerciais, que je l'aimais, à ce pauvre fou.

Avec difficulté, je ravalais les larmes qui risquaient de ravager mon visage et déposais un baiser sur le frond ridé. Je me relevais et fit demi-tour ; je n'avais plus rien à faire là.

 

Dans le froid de la nuit, je continuais de courir, les poumons en feu, derrière Drago.

Un "Stupéfix" me passant au ras des cheveux m'appris que derrière moi se trouvait l'imprudent Potter.

 

"Courez, Drago ! ordonnais-je à l'adolescent.

 

Je fis volte-face. Le rejeton des Potter me regardait avec une haine difficilement contenue, et je ne pouvais lui en vouloir. Je me haissais moi-même de l'acte que j'avais accompli, même contre mon propre gré.

 

"Endol..."

 

Je parais le maléfice. J'en supportais déjà trop de la part du Seigneur des Ténèbres.

J'entendis derrière moi la cabane d'Hagrid prendre feu.

 

"Endol..."

 

Je parais une nouvelle fois le maléfice et je ne pus m'empêcher de ricaner de la facilité que j'avais à me défendre.

 

"Vous n'allez quand même pas me jeter des Sotilèges Impardonnables, Potter ! Vous n'en aurez ni l'audace, ni la capacité.

 

- Incarc..."

 

Je deviais le sort avec une facilité insolente.

 

"Battez-vous ! Battez-vous, espèce de lâche..."

 

Non ! Tout, mais pas ça ! N'avais-je pas prouvé ma vaillance des milliers de fois, et ne l'avais-je pas prouvée une dernière fois ce soir en exécutant la mission la plus dure qu'il m'ai jamais été confiée ? Combien de fois avais-je été tenté de demander à Bellatrix de me tuer, combien de fois m'étais-je sermonné que je n'étais pas un lâche, que je devais continuer à vivre, malgré tout ? Combien de fois avais-je vu Harry Potter, et m'étais-je rappelé ce que son père m'avais fait subir ? Combien de fois ?

J'hurlais :

 

"Vous m'avez traité de lâche, Potter ? Lorsque votre père m'attaquait, c'était toujours à quatre contre un, alors je me demande comment vous l'appelleriez, lui ?

 

- Stupé...

 

- Paré, encore et toujours, jusqu'à ce que vous appreniez à vous taire et à fermer votre esprit, Potter ! Et toi, maintenant, viens, criais-je au mangemort blond. Il est temps de partir d'ici, avant que les gens du ministère arrivent..."

 

J'amorçais un pas vers la forêt lorsque :

 

"Impédi..."

 

Mais avant que Potter ait fini de prononcer la formule, le mangemort lui lança un Doloris. Je vis alors le Survivant basculer dans l'herbe et se tordre de douleur en hurlant. C'était pathétique. Et nous ressemblions tous à cela, lorsque le Seigneur des Ténèbres voulait s'amuser. Malgré tout, Harry Potter n'était pas un mangemort, il devait tuer Lord Voldemort, rendre fière toute la population sorcière. Ce n'était pas le moment pour le rendre fou en le torturant. Je m'exclamais :

 

"Non !"

 

Le mangemort fit cesser le sort. Il leva un regard interrogateur vers moi, et je continuais, tentant de me justifier :

 

"Avez-vous oublié les ordres ? Potter appartient au Seigneur des Ténèbres. Nous devons le lui laisser ! Allez-vous-en d'ici ! Filez !"

 

Les trois mangemorts partirent vers le portail.

Je me retournais juste à temps pour parer un "Sectumsempra".

Ce gamin osait se servir de mes propres sortilèges contre moi ? Il n'en avait aucunement le droit. Ces sortilèges m'appartenaient, il n'avait qu'à en inventer. Je venais de le sauver d'un long Doloris, et voici la façon dont il me remerciais. Je commençais vraiment à le regretter.

Il se concentra férocément et je ne vis qu'à la dernière seconde quel sortilège informulé il allait tenter de me lancer.

Toute la haine, la rage contenue ces dernières heures, ressortie d'un coup.

 

"Non, Potter !"

 

J'expédiais Potter à l'aide d'un puissant "Expelliarmus" informulé puis m'en approchait.

Je le regardais de toute ma hauteur, mon visage exprimant la même haine que lorsque j'avais accompli ma macabre mission. Il n'avait pas le droit de suivre les pas de son père. Je ne le permettrais pas.

Mon visage était déformé par la fureur, la fureur de voir le fils de James, mais aussi de Lily Evans, tenter de me jeter le sortilège qui m'avait fait tomber dans le gouffre sans fond de la Magie Noire.

J'explosais :

 

"Vous osez m'attaquer avec mes propres sortilèges, Potter ? C'est moi qui les ai inventés- moi le Prince de Sang-Mêlé ! Et vous voudriez retourner mes inventions contre moi, comme votre ignoble père, n'est-ce-pas ? Je ne pense pas que vous y arriverez..."

 

Il plongea sur sa baguette.

 

"Non !"

 

J'envoyais celle-ci rouler un peu plus loin.

 

"Alors tuez-moi. Tuez-moi comme vous l'avez tué lui, espèce de lâche..."

 

C'en était trop.

Il ne savait pas tout ce que j'avais fait, sacrifié, pour qu'il puisse survivre, lui, l'enfant de la prophétie. Du haut de sa célébrité, il ne se doutait pas que je risquais ma vie tous les jours pour sa délicate petite personne.

Je pouvais être ce qu'il voulait, monstre, traître, ça m'était totalement égal.

Mais je n'étais pas un lâche. J'avais tué Dumbledore, cet acte revenait de la lâcheté pour tous, mais pour moi, c'était du courage. J'aurais pu jeter à Dumbledore un Protego, puis j'aurais lancé l'Avada qui se serait retourné contre moi. Il aurait reçu ma baguette. Il aurait survécu. Mais je l'avais écouté, jusqu'au bout. Je n'étais pas un lâche.

 

"NE ME TRAITEZ PAS DE LACHE ! hurlais-je, dément.

 

J'étais conscient de l'image que renvoyais mon visage en ce moment, mais je ne fis rien pour me reprendre.

Je retournais à Potter un sortilège Cuisant, ayant l'effet d'une giffle.

Si l'hippogriffe ne m’aurait pas attaqué pile à ce moment, j'aurais pu infliger au Survivant le Doloris.

 

Haletant, je transplanais directement derrière le portail.

Je me retrouvais dans le salon du Manoir, et lorsque j'aperçus le Maître devant moi, mes jambes se fléchirent d'elles-mêmes.

A genoux, je gardais le regard baissé, pas très sûr de mes barrières émotionnelles après ma confrontation avec Potter.

 

"Te voilà enfin, Severus. Je commençais à m'inquiéter. Par quoi as-tu été retenu ?"

 

J'ouvris la bouche puis la refermais, sachant très bien à quoi je me condamnais en lui racontant mon altercation.

 

"Maître, si je puis me permettre, Rogue a été reconnu et attaqué par Potter."

 

Je fermais les yeux. Cette phrase signait mon arrêt de mort. Je sentis le regard rouge se planter sur moi. La main cruelle m'attrapa le menton et me força à relever la tête, mes yeux percutant les siens.

 

"Est-ce vrai, Severus ?"

 

Les ongles longs s'enfoncèrent dans la peau de mon cou.

Je répondis, avec difficulté :

 

"O...oui, monseigneur."

 

Il me lâcha brutalement et se releva.

 

"Tu me déçois, Severus. Je te croyais plus intelligent. Comment vas-tu devenir directeur, maintenant que Potter va te dévoiler à toute la population sorcière ?"

 

Je serrais les dents sous les reproches. Il avait raison, et je voyais la punition se profiler devant moi avec la discrétion d'un éléphant.

 

"Tu es un imbécile, Severus."

 

Je m'écroulais sur le sol.

Les cris que poussaient Harry Potter lorsqu'il se tordait de douleur sous l'emprise du mangemort blond étaient sans doute moins affreux que les hurlements qui s'échappaient des lèvres du professeur de potions le plus détesté de Poudlard. Ce-dit professeur qui se tordait lui aussi de douleur sur les dalles glacées du manoir Malefoy.

Lorsque le sortilège prit fin, j'étais recroquevillé sur le côté, frissonant et haletant.

Je me hissais sur mes genoux, sans force.

Je tremblais comme une feuille, moi, le grand Severus Rogue, terreur des cachots.

J'avais mal, tellement mal. De plus que je n'aurais plus aucun réconfort lorsque je serais seul, et que je devrais me soigner seul. Il n'y aurait personne pour s'inquiéter de mon état. Personne. Je serais seul, définitivement seul.

 

 

 

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