Darius

Chapitre 2 : Instinct guerrier

1608 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/08/2018 20:49

Vendredi, dix-sept heures. Peut-être le pire moment pour passer inaperçu dans une ville. Ou peut-être le meilleur. Car, un vendredi à dix-sept heures, personne ne fait plus attention à rien. Sauf à la route devant soi.

L’homme marchait d’un pas tranquille, ni vite, ni lentement. Sans attirer l’attention. Sans se faire remarquer. Il portait une veste beige et un sac à dos qu’il avait acheté la veille, et qui contenait ses livres ainsi que sa vieille bible. Il voulait appeler quelqu’un mais ne savait pas comment joindre quiconque. Quoi de plus normal quand on est resté dans une église depuis presque un siècle sans jamais en sortir. Il n’utilisait ni portable, ni téléphone fixe, connaissait ses amis et leurs adresses mais refusait de les appeler. Préférant se débrouiller seul, comme toujours.

Depuis un millénaire, Darius n’avait plus jamais tué et pourtant ces hommes voulaient lui couper la tête. Ce n’étaient pas des Immortels, ils pouvaient le tuer en terre sainte, donc pour eux la règle n’existait pas. Il avait bien fallu se défendre, et il s’était défendu, à sa grande surprise, et la grande consternation de ses assaillants qui croyaient avoir un homme inoffensif.

L’un d’eux avait bondi une épée a la main pour le décapiter, et c’est là qu’un déclic s’était produit. Darius était non seulement parvenu à éviter le coup fatal, mais avait riposté sans même se poser de question. Le premier fut neutralisé avec sa propre lame, le second blessé, le troisième avait sorti une arme à feu, mais s’était trouvé démembré par la lame du prêtre. Et le quatrième, un homme du nom d’Horton, lui avait tiré dessus tout en battant en retraite, les deux blessés s’étaient enfuis.

Le père Darius, était resté seul avec une épée, avec un mort sur le sol de son église. Il avait brisé un serment, il avait tué, il n’était plus prêtre, mais un assassin. Sans comprendre ce qu’il faisait, il avait ôté sa tunique et passée sur le cadavre sans tête. Bien sûr il avait récupéré la tête pour la jeter dans un trou d’égout. Il fallait brouiller les pistes, il fallait qu’il disparaisse, mais avant il devait prévenir son ami Duncan Macleod le Highlander. Il lui laissera un message codé dans le livre du Vicomte de Bragelonne, espérant seulement qu’il le comprenne.

Et aujourd’hui il marchait tout seul, vers un avenir incertain, ignorant ce qu’il allait faire, ou même qui contacter, il devait trouver rapidement un lieu saint, sinon il serait en danger. Il regrettait de ne pas avoir apporté avec lui l’épée de son agresseur, mais il n’avait pas réfléchi : la panique avait remplacé ce froid glacial qui l’avait submergé lorsqu’il était en danger. C’était l’instinct guerrier, une capacité qu’il croyait disparue depuis le jour où il avait juré de ne plus combattre, préférant consacrer le reste de sa vie à Dieu.

Mais quel était le message de Dieu dans tout cela ? Avait-il d’autres projets pour lui ? Fallait-il laisser cet homme le tuer sans qu’il ne puisse réagir ? Tant de questions qui le taraudaient.

Les nuages abondants avaient obscurci le ciel pollué de Paris quand Darius repéra enfin une église. Le soulagement commençait à le gagner tandis qu’il anticipait la sécurité d’un sol sacré, là où aucun Immortel n’aurait le droit de le combattre. C’était la règle et il était bien étrange qu’elle fût respectée de tous.

Mais alors qu’il y était presque, il ressentit résonner en lui le bourdonnement distinctif tous les siens. C’était comme entendre des vibrations ou sentir des sons traverser tout son corps ; la signification était sans équivoque: il y avait autre un Immortel dans les parages. Jetant des regards inquiets alentours, il constata vite que les passants ne prêtaient aucune attention à lui. Mais à nouveau, la peur menaçait de le paralyser. D’instinct, il bifurqua pour couper court et partit sur la gauche, espérant rejoindre l’église en entrant par la porte de derrière. Il connaissait le prêtre et savait que ce dernier l’hébergerait certainement pour un temps.

A sa grande déception, la ruelle déserte n’offrait aucune protection. Il accéléra le pas vers la porte, conscient qu’il devait éviter ce duel au plus vite, mais au milieu du chemin un homme portant un costume cravate et un manteau noir émergea nonchalamment par la droite et se dressa face à lui.

C’était l’Immortel. Ce dernier avait l’apparence juvénile de la vingtaine. Les cheveux noirs mi-longs, le corps athlétique et les yeux vert émeraude, tout en lui évoquait l’archétype du mannequin qu’on exhibait dans les pubs de lotion après-rasage… Son sourire potache avait beau n’évoquer que la promesse d’une mauvaise blague, Darius n’était pas dupe : son aura meurtrière ne trahissait que trop combien son assaillant était en réalité très dangereux.


— J’avoue que c’est une rencontre des plus inattendues, déclara l’Immortel d’une voix enjouée.

Darius déposa son sac à dos au sol. Son opposant sortit une épée de son manteau et la fit tournoyer entre ses doigts. C’était une rapière espagnole, une très belle arme avec une garde et un pommeau en or.

— Je me présente : Rafael Muleta, pour vous servir.

— Vous êtes de ceux qui respectent les règles, monsieur Muleta ? demanda Darius d’une voix douce.

— Absolument, renchérit ce dernier. Vous connaissez le jeu n’est-ce pas ? Je n’ai pas besoin de vous l’expliquer.

— Je n’ai jamais pris cela pour un jeu.

— C’est bien dommage, répliqua Muleta en tournoyant sa rapière.

Darius ferma les yeux et sentit à nouveau ce froid glacial le gagner, annonçant que le père Darius était hors course. Darius le guerrier, le conquérant devait reprendre le contrôle. Bon Dieu ! C’était dément ! Le voilà qui acceptait cette part obscure qu’il avait essayée de refouler depuis quatre cents ans : il devait renier une partie de lui-même et en accepter l’autre.

Curieusement, ce n’était pas impossible, ni même intolérable, parce que sa vie était en jeu. Ne pense pas comme ça ! dit le guerrier. Ta vie est précieuse, ne laisse personne te la prendre !

Mais j’ai juré de ne plus combattre, répondit le prêtre

Le guerrier : Alors enfreins toutes les règles ! Défends-toi et gagne ! Avant, tu refusais la défaite, aie foi en toi-même, comme tu as foi en ton dieu chrétien

Le prêtre : Je ne sais pas comment faire. Je ne suis plus ce que j’étais.

Le Guerrier : Sers-toi de moi. Sers-toi de tout ce que tu as appris de moi. Tu as les outils, tu les as depuis des siècles. Tu étais le meilleur des guerriers wisigoth. Et, avant tout, il y a le contrôle. Tu prêchais pour le contrôle, tu le vivais.

Et tu es resté vivant.

Le contrôle.

Un mot si simple. Et une exigence si incroyable.

Muleta s’avança, tournoya sa rapière et abattit un coup tranchant vers le cou de Darius, mais ce dernier ouvrit subitement les yeux, évita la lame puis fit une pirouette et attrapa le poignet de son adversaire, et lui tordit violement. C’était une vieille botte qui permettait de désarmer son adversaire. Muleta cria de douleur et relâcha son épée que Darius attrapa avant qu’elle ne tombe au sol. La lame se plaça à quelques centimètres de la gorge de Rafael.

— Putain de merde… mais t’es qui toi ? demanda-t-il en le regardant sidéré.

— Je m’appelle Darius.

Sans attendre sa réponse, il abattit la lame et la tête vola au loin. Darius venait de tuer à nouveau après quatre siècles.

Un halo de lumière se mit à l’entourer, puis des éclairs le frappèrent violement, lui arrachant un cri puissant, puis il commença à léviter pendant que des décharges continuaient de parcourir son corps. Toute la force de Muleta, sa vie, son essence, son savoir, étaient désormais à sa portée, c’était le Quickening, le pouvoir à l’état brut tant convoité par les Immortels depuis des millénaires. Il avait oublié cette sensation, c’était à la fois enivrant, merveilleux, et excitant.

L’énergie se dissipa et il tomba au sol, à la fois à bout de force et de souffle. Il avait du mal à rassembler ses esprits, mais pour le moment il devait quitter les lieux au plus vite… aussitôt il sentit la présence d’un autre. Oh non pas cette fois, il n’en avait pas la force ! Une voiture s’arrêta devant lui et la portière s’ouvrit brusquement. C’était un ami, un ami que Darius ne connaissait que trop bien.

— Methos !

— Monte vite, répondit ce dernier vivement, il faut foutre le camp d’ici.

Darius récupéra son sac et sauta dans la voiture qui démarra aussitôt. 






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