Le Livre des Ombres

Chapitre 2 : Camp Darwin

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 07:06

« Tout ce qui est fait dans le présent affecte l'avenir en conséquence, et le passé par rédemption. »

- Paulo Coelho

« Comme il naît beaucoup plus d'individus de chaque espèce qu'il n'en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s'ensuit que tout être, s'il varie, même légèrement, d'une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d'une façon naturelle. En raison du principe dominant de l'hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée. »

- Allons, vous savez de qui c’est.

Des lambeaux de mémoire voltigeaient en une sarabande fantasmagorique dans l'esprit de Ash Twilight, pour peu que l'esprit existe vraiment et ne fut pas qu'une simple étincelle des neurones et des synapses, qu'une commode représentation pour se donner l'impression qu'on peut y poser une étiquette. Freud lui-même, qui avait découpé l’appareil psychique en plusieurs « zones », n’avait pu qu’essayer de matérialiser la chose pour la catégoriser.

Les humains aiment bien poser des étiquettes sur les choses, ou du moins, les nommer. L'inconnu, les choses sans noms sont ce qui leur fait le plus peur, car s'ils ne peuvent y apposer un nom, ils ne pourront jamais les contrôler, ni l’accepter, seulement le combattre.

Ash ne s'occupait guère de ces questions métaphysiques. Il ne savait pas s'il était conscient ou s'il rêvait; s'il était frappé par des hallucinations ou s'il était tout simplement mort. Question qui méritait tout de même d’être éclaircie : comme tout le monde, il avait une liste de choses à faire avant de passer l’arme à gauche. Le plus important élément de ladite liste était de déguster le meilleur tiramisu du monde, peut-être avec cette brune farouche dont le nom lui échappait déjà.

Le souvenir qui s'imposa à lui, haché de murmures et flouté, lui donnait la plus grande impression d'authenticité.

Oui... Il se souvenait. Le laboratoire seize. Pas l'un des plus importants, ça non. Et la personne qui y travaillait au mépris de ses heures de sommeil ne faisait pas non plus partie du gratin. Charles Ruffin occupait le poste de

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et était facilement remplaçable. Cela ne préoccupait pas particulièrement Ash ce jour-là, Charles avait du se soumettre à une analyse sommaire comme tout le reste du personnel, et le psychologue en avait conclu qu'à tout prendre il était de ceux qui étaient le plus susceptibles de lui accorder du crédit.

De plus, il était seul, une condition inappréciable pour ce qu'il comptait lui révéler.

Il était sorti de son 'bureau', la pièce la plus minable du complexe autrement fort bien doté, et était sorti discrètement en direction du labo seize.

Il avait jeté un regard à l'horloge, la date était le

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peu avant que le reste des événement ne s'enchaînent dans une spirale infernale.

Son passe ne lui donnait pas accès à toutes les zones. Rockwell avait été très pointilleux là-dessus et ne lui faisait pas confiance depuis le début, de plus, pourquoi un type sans connaissances pratiques pourrait se balader librement dans toute la base ?

Ash n'avait pas dit mot et avait feint la soumission aux décisions de plus en plus erratiques du général.

Jusqu'à ce que ce dernier commette trop d'erreurs. Il avait rassemblé assez de preuves, et le faisceau d'indices était largement suffisant. Bien entendu, depuis la perte des spécimen 1 et 2 il y a plusieurs années, il ne restait aucune juridiction capable de s'entretenir du dossier. Ou aucune qui ne puisse être corrompue par Rockwell. Sauf la Corporation, mais recourir à elle était à double tranchant car elle aussi n’était pas très claire…

Twilight devait donc commencer par gagner la confiance de plusieurs membres du Programme présents à la base pour essayer de faire changer les choses. Rajout redondant : avant qu’il ne soit trop tard.

Il s'arrêta devant le laboratoire. Comme attendu, il était ouvert- Ruffin se laissait tellement absorber dans ses recherches qu'il négligeait de telles précautions.

Ash entra sans bruit, avisant Charles qui était fortement occupé au sein d'un bazar de chimiste à expérimenter diverses réactions. Il l'appela doucement par son prénom, sans que l'autre ne suspende son activité.

Il appela plus fort, et Charles lâcha son tube à essai, qu'il rattrapa heureusement de l'autre main, évitant que le produit qu'il contienne ne se répande sur le carrelage blanc.

" Ash ? s'étonna Ruffin en ajustant ses lunettes. Qu'est-ce que vous faites ici ?"

L'interpellé dégaina le sandwich enveloppé qu'il avait pris soin d'emporter avec lui. Une arme à laquelle la voracité du scientifique n’allait pas dire non.

" On m'a dit que vous aviez l'habitude de travailler tard. J'ai pensé qu'un petit en-cas vous permettrait de tenir le coup avant que vous ne tombiez d'inanition. Mélange spécial mortadelle, tomate, munster, sauce curry, banane et anchois, avec un soupçon de paprika et une seule olive. Votre préféré, je crois ?"

Charles, détendu, lui adressa un sourire radieux (et gourmand).

" Je ne pensais pas que vous preniez le bien-être des gens de la base tant à cœur ! J'étais tellement occupé à tester ce nouveau composé que je n'entendais plus mon estomac grogner. Un jour je vais me retrouver évanoui de faim à force de travailler aussi dur.

- Mon métier est de rendre service aux gens, commenta sobrement Twilight avec un demi-sourire énigmatique.

- Ce pour quoi vous n'êtes pas tellement apprécié ici pourtant, dit le chercheur, avant de croquer une belle portion du sandwich au contenu pour le moins original (et assez rebutant pour l’estomac normal et honnête).

Mais vous n'êtes pas venu juste pour ça, alors qu'il est bientôt minuit, je me trompe ? On préfère s’endormir avant, généralement."

Ash eut un petit rire.

" Vous essayez de lire en moi aussi ? A moins que ce ne soit juste de la logique... En tout cas, vous avez raison.

- Est-che en rapport avec votre fameuje mallette ?" fit son vis-à-vis en désignant l'objet et en mastiquant vigoureusement.

Ash acquiesça silencieusement et ouvrit le porte-documents, selon un moyen connu de lui seul.

" J'espère qu'il ne vous est pas venu l'idée d'un nouveau test, plaisanta Charles.

- L'heure n'est plus aux évaluations psychologiques, je le crains bien. J'aimerai juste que vous lisiez ceci, et que vous me donniez votre avis sans partialité."

Il lui tendit une liasse de divers documents. Ruffin haussa les épaules, fit un peu de place sur sa paillasse de chimiste pour les consulter, tout en dévorant son repas en un temps record.

Ash se montra très attentif aux expressions faciales du lecteur au fur et à mesure de son avancée. Celles-ci et les gestes d’un individu en disaient souvent plus long que les paroles, car ces dernières sont assez bien contrôlées, alors que l’inconscient aime biaiser en se servant du corps pour trahir les vraies émotions. Mais il s'attendait à beaucoup plus de signes d'effarement, d'anxiété, or, s'il pouvait distinguer de la gêne, il n'y avait guère de peur. Déplorable.

Vers la fin, le chercheur ne fit plus que survoler les feuilles en les lisant en diagonale.

Il referma le dossier et le rendit à son propriétaire.

" Ce que vous faites est dangereux, Ash. Très dangereux. Rien qu’en m’ayant fait lire ceci, vous me mettez moi aussi en danger. Qu’est-ce que vous pouvez bien avoir en tête ?

- C'est tout votre avis ? fit-il, cachant sa frustration. Vous ne voyez pas toute la machination ?

- Ne parlez pas aussi fort, recommanda Ruffin. Le général pose des micros à certains endroits. Je vois où vous voulez en venir, mais je ne marche pas avec vous.

- J'ai du mal à le croire... Réfléchissez bien. Est-ce que vous réalisez que..."

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Charles eut un dernier geste de dénégation, signifiant qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin dans son argumentation.

" Charles, le pressa Twilight. Ne jouez pas avec moi, ne me mentez pas. Je vois clair sous vos mots. Vous refusez de voir la vérité. Dites-moi au moins pourquoi."

Le chercheur tenta de dédouaner oralement, avant de rencontrer le regard impavide du psychologue. Il ne gagnerait plus rien à tourner autour du pot.

" C'est grâce à Rockwell que je suis ici. Il a aussi fait transporter ma famille alors qu’ils étaient en pleine zone sinistrée.

- Cela, je le sais déjà, répliqua Ash avec une pointe de mépris. C'est une raison suffisante pour continuer à lui être loyal alors que ?...

- Bon sang, Ash, vous savez ce que c'est ! S'il ne m'avait pas fait muter ici, je n'aurai jamais eu de telles possibilités de recherche ! J'aurais pu être rejeté du Programme à cause de certains... Écarts...

Qui sait si je ne serai même pas mort à la place ? Et ce qu’il serait advenu de ma femme et de mes proches ?

Je suis sûr de devoir la vie à Rockwell. Je ne peux pas le trahir. Tout ce que vous venez de me donner à lire ne peut pas être tout à fait vrai.

- Je dirai plutôt que c'est justement tout à fait vrai, Charles. Et que vous êtes sur la liste, comme nous tous. Ou presque... Trahir un traître, ce n'est pas un péché.

- N'insistez pas, Twilight, répondit l'autre avec une voix qui avait perdu quelques degrés en chaleur. Je ne vous dénoncerai pas, soyez tranquille. Mais entre vous et moi, il y a beaucoup d'animosité qui plane sur vous. Vous devriez faire attention à vous. Si vous continuez à fouiner de la sorte, Rockwell va vous tomber sur le râble. Et il ne le fait généralement qu’une seule fois."

Aucune colère ne transita dans le regard de Ash Twilight.

" Ne vous inquiétez pas, Charles, dit-il sereinement. Ces problèmes ne vous concernent pas. Je suis réellement navré de vous avoir dérangé avec mes suspicions... Je vais suivre votre conseil. Je me fais trop de soucis."

Il allait prendre congé, lorsqu'il sembla frappé par une idée qui avait tenté de se faire la malle. Il sortit un paquet enveloppé d'aluminium d'une de ses poches.

" Je vous avais gardé aussi une part de flan."

Charle saisit le délicieux dessert et le remercia avec effusion, ravi de voir que le psychologue ne le prenait pas mal et qu'ils allaient se quitter en bons termes. Il ne pouvait pas décemment perdre quelqu’un qui lui apportait des plats aussi succulents.

Ash lui sourit, puis lui souhaita une bonne nuit.

Il quitta le laboratoire, et en referma discrètement la porte. Puis il retira ses gants, et consulta sa montre. Il était

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Satisfait, il bâilla mollement et entreprit d'aller faire une visite à son lit, solitaire et prolongée.

Peu après, derrière lui, tandis que l'écho de ses pas se faisait lointain, une main glissa le long de la porte du laboratoire seize, fermée hermétiquement.

Personne n'était là pour y prêter attention.

Flash !

Une lumière fantastique caressait ses yeux. Sous lui, il sentait la présence douce d'une matière cotonneuse. Un chœur d'anges déclamait quelque cantique lénifiant, et une senteur de riz au lait (avec des raisins, et même, oui, du sirop d’érable) venait jusqu'à ses narines alléchées. Inutile de me demander comment des narines peuvent être alléchées, je ne sais pas non plus.

Cette fois-ci, c'était certain : il avait passé l'arme à gauche. Rockwell avait eu raison, finalement, le bougre. On ne pouvait pas faire meilleur cliché du Paradis, et le Patron semblait là pour l'accueillir. Il se sentait aussi très... Bien.

Mais... Non ! Dieu était une femme ! Voilà qui expliquait bien des choses.

Une fort belle femme, d'ailleurs, rousse, ce qui ne cadrait pas vraiment avec la vision du divin qu'il avait. Il tenta d'avancer vers elle; elle fit le mouvement réciproque et s'approcha de lui, les yeux incertains.

Il allait poser une question existentielle, pendant qu'il tenait celle sensée avoir toutes les réponses, lorsqu'elle lui assena la baffe de sa vie.

Le Paradis se disloqua en morceaux épars, qui eurent tôt fait de prendre leur valise et d'aller hanter l'esprit de quelqu'un d'autre.

Et il se rendit compte qu'il s'était quelque peu fourvoyé.

A côté de lui, une radio usée crachotait une chanson vieille de plusieurs années. Il était à demi allongé sur un lit d'hôpital de fortune, éclairé par une lampe fatiguée. Un quelconque produit était en train de bouillir paresseusement dans un coin de la tente.

Et celle qu'il avait prise pour Dieu, le regardant en haussant un sourcil, était soit infirmière, soit doctoresse (du moins il l'espérait), et était aussi rousse que dans sa vision, ce qui ne manqua pas de lui plaire. Il avait toujours eu un faible pour les femmes rousses.

Il allait poser une question stupide, lorsque le murmure au creux de son esprit lui rappela que ce n'était pas exactement le bon moment pour courtiser une avenante inconnue. Prudence et patience.

" Vous voilà enfin revenu à vous. On dirait que cela ne vous fait pas tellement plaisir !

- Disons que je suis un peu désorienté... Au risque de poser une question banale, où suis-je ?"

La jeune femme rousse lui adressa un sourire compatissant.

" A Camp Darwin. Nous vous avons trouvé...

-... il y a quelques jours, dans le désert, à moitié mort de soif, puis vous m'avez ramené ici. Je ne devais pas être beau à voir. Certaines personnes ont du penser qu'il valait mieux me laisser au soleil, non ?" s'entendit-il dire d'une voix mécanique.

Elle le considéra avec surprise, avant de produire une moue indéfinissable.

" Je suppose que ce n'était pas difficile à deviner. Je suis heureuse de voir que vous avez toute votre tête. Le dernier que l’on a ramené du désert jurait ses grands dieux qu’il avait vu une terrible bête aux yeux jaunes transformer les humains en zombie d’un simple toucher. Cela fait trois jours que je m'occupe de vous, et vous avez déliré pendant des heures entières. Et pour confirmer la lueur que je vois dans vos yeux bleus, oui, il y en avait plusieurs qui ne souhaitaient pas vous ramener. J'ai su les convaincre du contraire, même s'ils se méfiaient, monsieur Twilight. C’est ma profession de foi.

- Twilight... Oui, ça doit être mon nom.

- Je pense bien, fit-elle. En tout cas, c'est ce qui est écrit là-dessus. C'était épinglé sur votre veste, on ne peut pas faire mieux comme carte de visite."

Elle exhiba une petite carte plastifiée, qui contenait sa photo, son nom, sa profession, un code de sécurité et un autre d’identification,  ainsi qu'un symbole avec trois cercles enchâssés, bleu, rouge et violet, et l'acronyme "O-3 Corp."

Ash le regarda comme s'il le voyait pour la première fois.

" Je vous remercie de votre soutien au programme de survie de Ash Twilight, fit-il en écartant les lèvres. Pourquoi l'avoir fait ?

- Vous êtes psychologue, non ? minauda-t-elle en se rapprochant de lui. Vous devriez trouver la réponse tout seul.

- Les standards ne sont plus les mêmes, répliqua très sérieusement Ash. Et j'ai la tête encore trop embrumée pour réfléchir sérieusement."

La jeune femme soupira.

" Est-ce que vous abandonneriez un de vos patients en pleine consultation, professeur ? Je ne crois pas. Ici, au Camp Darwin, vous rencontrerez beaucoup de personnes qui sont à l'origine du nom de l'endroit. Mais pour moi, toutes les vies sont égales et ont la même valeur. Je ne voulais pas que vous restiez à mourir bêtement, si près du camp. Comme je suis une des seules à pouvoir m'occuper des blessés, ma voix a un certain poids. Et puis...

- Et puis...

- Vous êtes assez séduisant, continua-t-elle en lui lançant une œillade. J'espère que vous ne me ferez pas regretter mon choix. On vous voit d'un mauvais œil, et la vie n'est pas toujours facile ici.

- Ne vous inquiétez pas, dit-il avec un petit rire mental, j'ai l'habitude que ce soit le cas. Et je n'aime pas décevoir un accort membre de la gent féminine qui se donne tant de mal pour maintenir ma carcasse en vie. Qu'est-ce que j'ai raconté pendant mes délires ?

- Beaucoup de choses, dit-elle avec un geste évocateur. On aurait dit que vous hésitiez entre le programme gai et celui d'horreur. Tour à tour vous parliez de choses aussi légères que la recette du flan, des théories psychanalytiques, puis vous embrayiez sur des récits de mort, et parliez souvent d'un Légion qui ne m'a pas donné l'impression d'être quelqu'un de très fréquentable."

Ash secoua la tête. Ce « Légion » l’intriguait le plus et il ne voyait pas du tout à quoi cela correspondait.

" Je ne me souviens de rien de tout ça, fit-il sincèrement. On n'a pas fait d'étude là-dessus, mais il est possible que dans un état de délire comme celui-ci, l'inconscient devienne accessible comme si l'on était en état d'hypnose... Je ne vais pas vous ennuyer avec la théorie, mademoiselle ?...

- Kuchta. Eléonore Kuchta. Vous ne m'ennuyez pas... Ash. Il n'y a pas beaucoup d'hommes de science, ici. Je ne crois pas que nous aurons le temps de bavarder gentiment autour d'un thé, même si nous devons avoir l'un et l'autre beaucoup de questions. Une troisième personne en a encore plus à votre sujet, c'est le colonel Maverick. Il se demander particulièrement pourquoi un psychologue travaillant pour une firme inconnue se baladait en plein désert, un Magnum à la main et une mallette inviolable dans l'autre.

- Une question légitime, accorda Twilight. Je suppose donc qu'il a pris tous mes effets personnels ?

- Tout, sauf vos vêtements et votre montre. On a retrouvé un sac à dos déchiré un peu plus loin. Les premiers, je les aie donné à repriser à Zelda. Vous n'alliez pas l'air folichon à ramper avec des vêtements pleins de trous et de tâches de sang. Je les ai mis en tas, là, avec votre montre."

Ash comprit avec humeur que son intimité corporelle ne devait plus l'être pour la charmante Eléonore Kuchta. Il trouvait cela un peu cavalier, mais à tout prendre, ce n'était pas si gênant, seulement un peu abrupt.

" Je ne sais pas comment vous remerciez à la juste mesure, déclara-t-il sur un ton chaleureux.

- Vous me remercierez quand vous aurez fait vos preuves à Camp Darwin. Tant que vous ne vous rendez pas utile, pour les citoyens, vous ne serez qu’une bouche de plus à nourrir. Le colonel veut vous voir dès que vous êtes rétabli, et vous pérorez assez pour que ce soit le cas. Une drôle d’énergie pour quelqu’un passé si près de la mort, d’ailleurs. Allez, mettez vos vêtements et filez le voir. J'ai beaucoup de patients qui m'attendent.

- Est-ce que je peux espérer vous revoir après mon entretien avec ce colonel si soucieux de ma personne ?

- Seulement si vous me promettez de vous raser et de ne plus ressembler à l'un de ceux qui rôdent dehors."

Il lui en fit la promesse cordiale, et ils se séparèrent avec un sourire réciproque. Il se vêtit rapidement comme ordonné, remit sa montre et la regarda, faisant un rapide calcul.

Il ne pourrait pas rester ici plus d'un mois... Rien que trois semaines seraient trop risquées. Il allait tirer tout ce qu'il pouvait de ce camp Darwin.

Il sortit de la tente médicale, et se retrouva au milieu d'une concentration d'autres tentes et de bâtiments plus solides mais très rudimentaires.

Plusieurs paires d'yeux se braquèrent sur lui, avant que le possesseur de l'une d'elle ne l'approche, fusil en garde.

" Monsieur Twilight ? Le colonel Maverick désire vous voir. Veuillez me suivre. "

Le ton de la sentinelle n'était pas autant assuré qu'elle l'aurait voulu, mais comme il n'avais pas vu Ash avant, il ne se doutait pas qu'un psychologue puisse mesurer près de deux mètres et avoir une allure aussi affirmée.

Ash se retint de pousser un bâillement, et obtempéra. La psychologie permettait tout autant de décrypter les refrains gestuels et les paroles d'autrui que de mentir aisément.

Il pensa avec tristesse que Eléonore serait peut-être amenée à mourir.

Quant à ce Maverick, il fallait très sérieusement qu'il ne possède aucun lien de près ou de loin avec Rockwell et le centre.

Sinon, les choses risquaient d'être un peu précipitées…

Bien loin d’ici, un grand homme aux cheveux blond pétillant était tranquillement installé dans un fauteuil de cuir, lorsque le téléphone sonne avec insistance. Regardant l’appareil avec irritation, il délaissa sa compagne et factotum pour décrocher le combiné, poussant un « allô » plutôt rogue.

« Hmm ? De quoi s’agit-il ? J’avais bien spécifié de ne pas me déranger lorsque je suis dans mes heures de repos… Comment ? Pourquoi ne l’avez-vous pas dit plus tôt, espèce de sinistre crétin ? Envoyez immédiatement une équipe des forces spéciales inspecter le centre en question. Il faut craindre le pire. Oui, c’est possible. Prenez toutes les dispositions nécessaires pour éviter la contamination le cas échéant. S’il y a eu contamination et qu’il se trouve des survivants ? Eliminez-les tous, bien évidemment. Et laissez le bâtiment en l’état dans ce cas, sans rien emporter ni détruire. Je veux votre rapport le plus tôt possible. »

Il raccrocha fermement.

« Quelque chose ne va pas ? demanda la voix feutrée de Mystie.

- Au contraire. Il se pourrait bien qu’un projet que j’avais abandonné se trouve de nouveau sur les rails. Et ce pourrait bien être la clé qu’il me manquait.

- C’est par rapport à l’échec avec cette femme ?

- Tu es d’une perspicacité redoutable, adorable petite tueuse… C’est bien cela. Si nous reprenions, maintenant ? J’ai horreur de devoir m’interrompre pour ce genre de choses. »

Mystie feula son accord.

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