Les 65eme Hunger Games

Chapitre 1 : Une nouvelle Moisson

3770 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 21:49

Le soleil traverse l'eau claire du lagon dans lequel je nage depuis des heures, me semble-t-il. Nager est pour moi le meilleur moyen de réfléchir et de me détendre ; je suis immergé depuis tellement longtemps que les poissons ne font même plus attention à moi, ondulant calmement entre les algues. Insouciants. Ils sont bien loin de la dure réalité qui m'obsède depuis que je me suis réveillé ce matin. Tout à l'heure aura lieu la Moisson pour le District 4. Je ne sais pas trop quoi en penser. Pour le moment, je préfère me concentrer sur le sable dans lequel mes pieds s'enfoncent, sur les algues qui ondulent doucement et sur les poissons. Insouciants. Trop, même, car avant qu'ils aient eut le temps de fuir, j'en embroche deux d'un coup avec mon trident, que ces malheureux animaux avaient fini par oublier. Ils serviront pour le repas de fête de ce soir que ma mère préparera tout à l'heure. Je sors à moitié de l'eau, et elle ruisselle sur mon torse ; le soleil me réchauffe agréablement. Il fait décidément trop beau aujourd'hui pour que la Moisson ait lieu. Peut-être même que s'il ne pleut pas tout à l'heure, ils la reporteront, pensé-je avec ironie, en me rappelant l'année dernière, où ils avaient déclenché une pluie artificielle pour que l'ambiance soit  peu plus lugubre.Je me retourne lorsque j'entends des gloussements surgir de derrière les hautes herbes sur la droite d'où émergent une bande de filles, en sous-vêtements, comme de par hasard. Elles devaient probablement être en train de se baigner avant d'avoir entendu mon coup de trident. Je ne les avais même pas entendu arriver.

 

 "- Salut Finnick, me dit la première d'un ton enjôleur. 

- Tu veux venir te baigner avec nous ? demande une autre, et sa remarque provoque une avalanche de gloussements." 

 

Je les considère quelques secondes avant de me dire que j'ai des choses plus importantes à faire, et de leur envoyer un sourire charmeur ; je me détourne et tandis que je sors de l'eau, j'en entends une qui soupire "Qu'est-ce qu'il est beau !", provoquant autour d'elle des soupirs d'approbation. Je fais mine de ne pas avoir entendu, mais au fond de moi, quelque chose se réjouit de la remarque qu'a faite la fille. Je crois que je me suis trop habitué aux remarques positives que me font les gens sur mon physique, qui est, je dois bien me l'avouer à moi-même, pas si mal... Et voilà. Peut-être que certains ont raison quand ils disent que j'ai la tête plus grosse qu'un poisson oursin ! 

Mon corps sèche presque instamment et je remets mon pantalon à la hâte, prenant mon T-shirt à la main. Il fait tellement beau et chaud qu'on se croirait en août. Je remonte silencieusement le chemin depuis la plage vers chez moi en pensant au tirage qui aura lieu maintenant dans moins de trois heures. J'ai 14 ans et je suis un garçon. Ces deux caractéristiques me donnent pour l'instant peu de chances d'être élu. Mon nom est inscrit six fois cette année : trois fois pour mes inscriptions annuelles, et trois fois pour les tessera que j'avais pris pour ma mère lorsque j'avais douze ans, lorsque la fin de mois se révélait un peu difficile. Je suis un garçon, et dans le District 4, la population est majoritairement masculine : j'ai donc moins de chances d'être élu. Cela ne m'empêche pas de m'entraîner dans le centre d'entraînement depuis 3 ans maintenant : il fallait pouvoir parer à la moindre éventualité. Je ne veux pas être tiré au sort cette année. Je voudrais continuer à m'entraîner jusqu'à mes 18 ans, âge auquel je me porterai volontaire pour remplacer quelque garçon de 12 ans qui sera tiré au sort et qui se mettra à pleurer lorsqu'il entendra son nom. Oui, je me vois assez bien faire ça.

Au bout du chemin qui serpente, je vois toute une file de pacificateurs apparaître et marcher dans ma direction. Je prends immédiatement un chemin sur la gauche, beaucoup moins fréquenté. Même si tout le monde le fait, la pêche individuelle n'est pas autorisée, et les deux poissons au bout de mon trident pourraient me faire avoir quelques coups de fouet. J’arrive finalement à la maison. Elle est petite, mais jolie, amoureusement entretenue par ma mère depuis qu'on y habite - depuis toujours donc. Je rentre dans la cuisine, et y dépose les poissons. Cette pièce est la pièce à vivre : au fond, on trouve un petit écran de télévision. Au dessus de la table à manger, il y a un portait de mon père, mort il y a quelques années lors d'une pêche à l'espadon dont il était ressorti gravement blessé. Je me détourne au moment où ma mère rentre dans la pièce. Elle m'embrasse sur le front et je vois à ses yeux rouges qu'elle a pleuré récemment. Je fais mine de ne rien avoir remarqué, et pendant qu'elle prépare le poisson pour le repas de ce soir, je vais dans la pièce d'à côté où je sais qu'elle m'a préparé un bain. Comme tous les ans. Je me déshabille et m'enfonce dans l'énorme baquet rempli d'eau tiède, jusqu'au cou, puis je commence à me frotter les membres pour faire partir le sable. Ma mère m'a préparé des habits, qui sont posés sur la commode à côté du baquet. Je sors très vite de l'eau, et je me regarde de haut en bas dans le miroir posé contre le mur. Si j'ai 14 ans, j'en parais 16, voir même 17. Je suis grand, et les années passées dans le centre d'entraînement et à pêcher dans l'eau m'ont permit de développer une certaine musculature qui fait se retourner une grande partie des filles lorsque je marche dans le centre près de la Grande Place. Pas que ça me déplaise d'ailleurs. J'ai des cheveux blonds cuivrés, des yeux à mi-chemin entre le bleu et le vert et des fossettes. Je ne suis pas laid, c'est le moins qu'on puisse dire. Là encore j'ai de la chance : la beauté est un atout dans les Hunger Games. Depuis que je regarde les Jeux chaque année, pas un seul vainqueur n'a été moche. 

J'enfile les vêtements que m'a préparés ma mère. Ce sont un pantalon en toile légère marron et un haut blanc, normalement fermé par des croisillons de lacets mais que je défais pour laisser voir mon torse. Lorsque devant le miroir, je m'adresse un sourire enjôleur à moi-même, je me dis que j'ai exactement le profil d'un vainqueur. Encore une fois, je me dis que j'ai toutes mes chances.Je rentre dans la cuisine, où ma mère a finit de préparer à manger. Ce midi, nous ne mangeons rien, ce soir, ce sera un festin. Ou du moins un repas au-dessus de la moyenne. Le repas se fait en silence. Je repense aux yeux mouillés de ma mère, et je sais qu'elle sera la seule raison pour laquelle je ne me porterai pas volontaire dans quelques années. Comment ferait-elle pour survivre, sans moi ni mon père pour aller pêcher ? Comment trouverait-elle une raison pour se lever le matin si elle me savait mort ? 

 

 "- Je ne serais pas tiré au sort tout à l'heure", je dis d'un coup, sans trop savoir pourquoi.

 

 Elle relève la tête, surprise, puis la secoue en la rebaissant. 

 

"- Finnick, Finnick..." 

 

Et je sais qu'elle pense à ma soeur Myra. Elle avait été tirée au sort à 12 ans, avec son nom qui était pourtant inscrit une seule fois. Cela avait pourtant suffit pour qu'elle s'en aille au Capitole, et qu'elle n'en revienne pas. Elle avait, m'a-t-on raconté, été lâchée dans une toundra glaciale où elle était morte de froid au bout de quelques heures seulement. J'étais né deux ans plus tard. Je réalise à quel point ma mère ne veut pas me perdre. Nous finissons de manger en silence, et malgré le fait que je me sois entraîné presque tous les jours depuis trois ans, je sens une boule s'installer dans ma gorge. Au District 4, nous ne sommes pas comme dans les Districts 1 et 2. Être tirés au sort n'est pas pris comme un honneur, mais comme une fatalité. Dans tous les cas, je suppose que notre situation est moins pire que celle des derniers Districts, où ils n'ont même pas la possibilité de s'entraîner. Il va bientôt être l'heure. Ma mère et moi nous mettons en route. Sur le chemin, nous croisons d'autres familles, dont je reconnais parfois les enfants. Le District 4 est vaste, et je ne connais pas tout le monde. Ma mère va se ranger avec les gens qui n'ont pas l'âge d'être tirés au sort, pendant que je vais me faire poinçonner le doigt avant d'aller me ranger avec les garçons de 14 ans. Je dépasse d'une tête la plupart des gens autour de moi. La foule remue, anxieuse, surtout les dernières rangées où se trouvent les plus jeunes. J'espère qu'ils ne seront pas choisis aujourd'hui. À 12 ans, on ne survit pas aux Hunger Games. Je me retourne alors vers les jeunes de 12 ans, mais du côté des filles, et j'aperçois Annie, ma meilleure amie. Elle est très pâle, et elle se tord les mains en se mordant les lèvres. C'est sa première année aujourd'hui, et je me souviens du moment où, presque trois ans auparavant, je me faisais un sang d'encre quand au tirage. Elle croise mon regard, et je lui fais un sourire, sincère, qui semble l'apaiser un peu. Puis elle me fait un signe de la tête vers l'estrade, où vient d'apparaître Vormac Trubee, le délégué du Capitole dans le District 4. Il porte une perruque jaune vif, des chaussures vertes à talons compensés et des lèvres assorties peinte avec du gloss. Il s'est vernis les ongles. De loin, on pourrait le prendre pour une fille. 

 

"Bienvenue, bienvenue, susurre-t-il d'une voix suave avec l'accent du Capitole. Aujourd'hui, nous sommes là pour élire le courageux jeune garçon, et la courageuse jeune fille qui représenteront le District 4 aux 65eme Hunger Games. Mais tout d'abord, regardons tous ensemble ce petit court-métrage, qui nous vient directement du Capitole !" 

 

Une désagréable impression de déjà-vu me saisit. Tous les ans, ils prononcent les mêmes phrases stupides, et tous les ans, ils passent le même film, celui qui effraye les enfants de 7 ou 8 ans dans la foule de "spectateurs". Je suis soudain pris d'un soudain agacement et je ne souhaite plus qu'une seule chose : que ce soit fini. Que je sache si je pars ou si je reste. Si Annie part ou si elle reste.Le film se finit et Vormac Trubee reprend la parole, en prononçant la petite phrase commune à tous les Districts. "- Et maintenant... Les dames d'abord ! La foule retient son souffle. Je ne peux pas m'empêcher de tourner la tête vers Annie. Elle est livide, mais malgré son teint maladif, elle reste très belle. Elle a des cheveux bruns, des yeux comme les miens. Elle est toute petite, par rapport à moi, mais on lui donnerait 14 ans, à la vue des traits de son visage, qui sont graves. Elle a perdu son frère il y a deux ans. C'est ce qui nous a rapprochés, lorsque je l'avais trouvée en train de pleurer dans les hautes herbes après que son frère se soit fait égorger par un tribut du 2. Je reporte mon attention vers Trubee, qui a sortit un petit papier de la boule de verre du tirage des filles. Le silence devient assourdissant, comme si un poids était tombé sur la foule. 

 

"- Cara Drevadio !"

 

 Je ne peux m'empêcher de pousser un petit soupir, tant je suis soulagé. Je me tourne vers Annie qui me sourit de soulagement. Je ne connais pas la fillette qui s'avance sur l'estrade ; cependant, son nom me rappelle quelque chose, mais impossible de savoir quand est-ce que je l'ai entendu. Elle doit venir des quartiers riches du District, sa robe en atteste.

 

 "- Quel âge as-tu ma belle ? demande Trubee.

- 14 ans, répond-elle." 

 

On lui en donnerait 11. Je sais d'avance qu'elle ne peut pas gagner aux Jeux. Elle tente de rester digne, mais la caméra qui fait un gros plan sur sa tête nous permet de voir les larmes qui manquent de couler de ses yeux. Je m'attends à ce que quelqu'un se porte volontaire à sa place, mais personne ne le fait. Elle ne devait pas être très appréciée.Trubee se détourne d'elle pour se diriger vers la boule des tributs mâles du District 4. Immédiatement, le poids retombe sur la foule, et le silence n'est plus troublé que par les pleurs de ce qui semble être la mère de Cara. On pleure de mère en fille apparemment, pensé-je avec ironie. Cara m'apparaît comme quelqu'un de faible ; rien que son attitude repoussera les sponsors tout à l'heure, lorsqu'ils regarderont la Moisson. Trubee se dirige vers le micro et déplie le petit papier. Il ouvre la bouche pour prononcer le nom inscrit dessus. Et je sais que ça va être moi. J'ai, pendant cette fraction de seconde qui décide mon sort, la certitude que ça va être moi.

 

 "- Finnick Odair !"

 

 Je me tourne vers Annie, qui a la bouche entre-ouverte de stupéfaction. Elle croise mon regard et je lui fais un clin d'œil ainsi qu'un sourire tandis que je sens que la caméra fait un gros plan sur moi. Puis je m'avance, et la foule s'ouvre devant moi. Je grimpe l'escalier de l'estrade et Trubee me flanque le micro sous le nez. 

 

"- Quel âge as-tu, Finnick ?" Me demande-t-il. 

 

J'ai l'impression de me faire une grave injure en avouant à tout Panem que je n'ai que 14 ans. Volontairement ou non, Trubee s'exclame : 

 

"- On t'en donnerait 16 ! (Puis il continue) Eh bien, eh bien... Quelle belle Moisson cette année dans le District 4 ! On les applaudit bien fort !"

 

 La foule applaudit, mais plutôt modérément, et je cherche à croiser le regard de ma mère. Elle est là. La caméra fait un gros plan sur elle et son visage apparaît derrière moi, sur le grand écran. Je me force à sourire. Maintenant que je suis embarqué dans cette aventure, autant tout faire dès le départ pour m'attirer des sponsors... Et faire comme si j'allais confiant dans cette arène. 

 

"- Joyeux Hunger Games, et puisse le sort vous être favorable !" 

 

Des pacificateurs nous poussent, la fille et moi, dans l'hôtel de ville, puis dans un ascenseur qui nous emmène dans les étages. Ça va être l'heure des adieux.La première personne à entrer est ma mère. Elle se jette dans mes bras, et ce n'est pas elle, mais moi qui la réconforte. 

 

"- Tout ira bien, tout ira bien..." je dis en chuchotant dans son oreille.

 

Elle m'arrive aux épaules, je la dépasse bien d'une tête et demi.

 

"- Finnick, me dit-elle d'un ton désespéré, promets moi que tu reviendras ! Promets le moi Finnick !"

 

 Je lui réponds que je promets de revenir, en songeant avec amertume que c'est certainement la chose que promettent tous les enfants à leurs parents avant de partir. Encore une fois, je me prends à penser que ma mère n'a pas sa place au District 4. Alors que n'importe quel parent serait en ce moment même en train de féliciter son enfant pour son tirage au sort, ma mère pleure de me voir partir. Et pourtant, chez les autres Districts, j'ai un statut de carrière.Elle sort alors de sa poche un mouchoir, qu'elle déplie, et me tend l'objet qui se trouve dedans. Je le reconnais tout de suite. C'est le collier à la dent de requin qui appartenait à mon père. Il n'a pas changé, et je le passe immédiatement autour de mon cou. Puis un pacificateur vient chercher ma mère, et je lui fais une dernière étreinte avant qu'on la pousse vers la sortie. La porte se referme. Son odeur de mer et de sel flotte quelques temps dans la pièce. J'entends alors du bruit derrière la porte, et quelqu'un crie "Deux minutes, pas plus !". La porte s'ouvre d'un coup, et une tornade brune fond sur moi et m'entoure de ses deux bras. Annie. Étrangement, la proximité en ce moment même avec elle me réconforte, et d'un autre côté, je me sens bizarre. Dans mon quartier, ils nous voyaient déjà mariés, et je me prends à penser à une histoire qui aurait peut-être pu exister entre Annie et moi. 

 

"- Finnick..."

 

 Je la regarde ; ses yeux bleu-vert me dévisagent et je pense qu'elle va pleurer, mais elle se contient.  

 

"- Tout ira bien, chérie", je lui dis en lui caressant les cheveux.  Elle est vraiment toute petite. 

- "Je m'occuperai de ta mère pendant que tu seras au Capitole", dit-elle. 

 

Ça ne m'étonne pas de sa part, elle est tellement gentille. En plus, sa famille tient une petite droguerie et est par conséquent assez aisée. - Annie, je te promets que je reviendrais, je dis, en me convainquant moi-même au passage. Elle me regarde une nouvelle fois, et tous les deux nous entendons les pas du Pacificateur dans le couloir. Elle va devoir partir. À ce moment, elle prend mon visage dans ses mains, et m'embrasse. Quelque chose de très doux, et surtout quelque chose à quoi je ne m'attendais pas. Au moment où la porte s'ouvre, elle me serre une dernière fois et s'écarte. 

 

"- Je devais le faire, au moins une fois... Je t'aime. 

- Moi aussi, je t'aime Annie, je murmure, mais la porte s'est déjà refermée."  

 

Désormais, je suis tout seul, face aux Jeux. Et le sort ne peut m'être que favorable.

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