Une vie

Chapitre 1 : LA RENCONTRE

2202 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/12/2023 17:27

LA RENCONTRE

Après sa cruelle seconde défaite contre son demi-frère, Sesshoumaru avait fini, grâce à la protection de Tenseiga, par trouver refuge au pied d’un arbre. Il ne s’était pas attendu à ce que Tessaïga puisse engendrer une attaque d’une telle force, le kazeno kizu. Bien sûr, il avait déjà pu expérimenter une partie de la puissance de la légendaire épée de son père quand Naraku lui avait fourni un bras humain en guise de greffon mais là… Le soleil commençait à faiblir et la forêt se teintait des plus belles nuances d’orange. Alors qu’il reprenait doucement sa forme humaine, Sesshoumaru se laissait bercer par le pépiement des oiseaux et le calme réparateur de la nuit qui s’annonçait.


Soudain, un bruissement de feuilles se fit entendre ; ce n’était pas le vent qui jouait dans la chevelure des arbres ; une petite forme sortit de derrière un tronc, comme si elle cherchait à s’assurer de la sécurité de l’endroit avant d’émerger complètement de son refuge. Après inspection, la forme se manifesta : un humain, plus précisément une petite fille qui ne devait pas avoir plus de sept ans. Intriguée par la forme qui gisait devant elle, sûrement blessée, elle s’était rapprochée pour vérifier que le gisant était encore en vie et au besoin, lui porter secours.


Sesshoumaru, malgré l’extrême faiblesse dans laquelle il était et qu’il trouvait plutôt inconfortable et humiliante, gardait tous ses sens en alerte. Il sentait une odeur humaine s’approcher. Finalement, il n’aurait pas trop d’efforts à fournir pour se débarrasser du gêneur. Les humains étaient facilement impressionnables : il n’aurait qu’à l’effrayer. Ainsi, il se releva brusquement, comme lorsqu’on fait un cauchemar, les yeux rouges, les crocs visibles, émettant un « rugissement » menaçant à l’égard de son agresseur potentiel et fit face à … une enfant ! Celle-ci, une fois la première frayeur passée, ne fit que déglutir bruyamment, les yeux fixés sur le blessé, ronds comme des billes. Ils restèrent ainsi quelques secondes à s’observer selon la fillette, à se défier selon Sesshoumaru. Malgré l’attitude d’insubordination de l’enfant (elle devait certainement n’avoir jamais entendu parler de lui) le seigneur des territoires de l’Ouest lui laissa la vie sauve.


Sesshoumaru se rallongea et l’humaine disparut … pour revenir quelques minutes plus tard avec de l’eau. Lors de son second retour, des poissons grillés furent présentés en plus des champignons qu’elle avait déjà préparés.


—  C’est inutile ! La nourriture humaine ne me convient pas, fit une voix grave à l’enfant qui s’apprêtait à repartir.


Aucune réponse de sa part. Sesshoumaru ne comprenait pas ce qui se passait mais toutes ses théories sur les humains venaient de s’effondrer avec l’arrivée de celle qu’il considérait déjà comme une calamité. Il eut la chance de ne plus la revoir jusqu’au lendemain matin. Elle s’agenouilla devant lui et lui présenta cette fois, bien modestement, quelques brins de céréales. Il détourna la tête ; un mélange de lassitude et d’exaspération se fit entendre dans sa voix :


—  Je t’ai dit que tu perdais ton temps : je n’ai aucun besoin de tes services !


Elle lui tendit une ultime fois, presque de manière suppliante, la maigre ration qu’elle avait réussi à obtenir, et baissa la tête en signe de soumission. Il ne répondit rien. Dépitée, elle reposa le tout sur le sol.


—  Qu’est-ce qui est arrivé à ton visage ?


La petite releva la tête. Celui qui avait jusqu’à présent dédaigné toutes ses approches lui faisait la conversation et semblait se préoccuper de l’état dans lequel les villageois l’avaient mise la veille. Surprise en train de voler du poisson dans les bassins d’élevage, ils l’avaient malmenée d’où son œil poché, quelques hématomes et écorchures. Par fierté, elle n’a même pas pleuré sous leurs coups. Elle repartit, bredouille, se demandant avec quoi elle allait maintenant pouvoir contenter son hôte. Mais jamais elle ne pourrait lui avouer ce qu’elle avait subi : non pas qu’elle voulut lui déplaire mais parce qu’elle était incapable d’émettre le moindre son. Elle regarda néanmoins avec des yeux exorbités son irrévérencieux débiteur qui reprit le même ton détaché :


—  Tu n’as pas envie de parler ? Ca tombe bien !


Malgré le ton glacial de la remarque, elle fut ravie de voir qu’il l’intéressait. Un grand sourire que ne pourrait traduire des mots se dessina sur son visage passablement retouché.


—  Pourquoi souris-tu ? Je voulais simplement savoir ce qui t’était arrivé.


Puis, sans raison apparente, l’enfant partit en émettant quelques gloussements qui traduisaient son rire. Elle revint dans « son » village, sautillant sur le chemin. En rejoignant la petite baraque, située à l’extérieur du village, elle vit les villageois se faire attaquer par une meute de loups menée par Kouga. Le chef convoitait les fragments d’un démon et finit par s’en emparer.


Prise de terreur à la vue de ce spectacle qu’elle avait déjà vécu il n’y a pas si longtemps, elle prit ses jambes à son cou et se dirigea à nouveau vers la forêt où peut-être le blessé à l’ingratitude notoire pourrait l’aider. Le youkai, même si son apparence différait quelque peu de celle des humains, était un mâle, elle en était certaine. Mais l’étoffe de ses vêtements était trop riche pour un humain, même haut placé ; les villageois se contentaient d’une grosse toile de coton. De plus, son armement était impressionnant : la forme de ce qui restait de son armure était plutôt originale et travaillée assez finement de manière à lui donner l’aspect d’une fleur de lotus à l’envers au niveau de la partie située sous la taille. La couleur des cheveux de l’étranger et celle de ses yeux, la forme de ses oreilles et les différentes marques colorées que son corps présentait la laissaient logiquement conclure qu’elle avait eu affaire à un youkai. Or, ses parents et les humains en général lui avaient toujours raconté que les démons étaient des être féroces et cruels et qui se servaient des humains aussi bien comme esclaves que … comme nourriture !


Mais le démon blessé qu’elle avait croisé ne s’était pas jeté sur elle comme il aurait pu le faire afin de récupérer ses forces ! Il n’avait même pas voulu toucher à ce qu’elle lui avait apporté. En conclusion, à son apparence et à son comportement, il était encore au-dessus de ses congénères. Qui plus est, il lui avait parlé et avait fait part de ses inquiétudes. Le dieu youkai était un être bon, tout le contraire des démons.


Elle continuait donc à courir, obnubilée par ses pensées, alors que les loups se rapprochaient dangereusement. Comprenant la gravité de la situation et la peur la tenant au ventre, elle n’aspirait plus qu’à une chose : rattraper son dieu.

—  Mon Dieu, aidez-moi ! pensait-elle.


Mais les dieux étaient contre elle. Epuisée, elle trébucha sur une racine ce qui permit à quatre grands fauves de se ruer sur elle. Elle n’eut pas le temps de tourner la tête pour les voir fondre qu’elle sentit deux violentes douleurs la transpercèrent: l’une à la gorge et l’autre au ventre, les points vitaux. Puis, un voile noir s’abaissa sur ses paupières.


Hors de la forêt, Sesshoumaru rejoignait ses deux subordonnés : Ah-Un, le dragon youkai bicéphale qui lui servait de temps à autre de monture, et Jaken, le fidèle crapaud râleur et victime consentante. Malgré l’humeur morose dans laquelle Sesshoumaru semblait éternellement plongé, il prenait un malin plaisir, presque puéril et sadique à la fois, à maltraiter son débiteur qu’il avait sauvé quelques décennies auparavant. Le menacer de mort en cas d’échec, le maintenir la tête sous l’eau jusqu’à suffocation ou encore lui serrer la gorge lorsque les paroles du nabot lui devenaient pénibles faisaient partie de ses petites distractions. Mais jamais un sourire ne venait rompre l’expression si stoïque de son visage qu’on aurait dit taillé dans le roc.


Cette fois encore, pour signifier à son subordonné qu’il était là et bien en vie après le combat, mais surtout afin de ne pas s’époumoner inutilement pour quelqu’un qui n’avait la même acuité auditive que lui, Sesshoumaru envoya une pierre sur le crâne de l’immonde batracien juché sur le dos d’Ah-Un. L’impact fit tomber Jaken qui se mit à maugréer. C’est lorsqu’il se retourna pour affronter le « mauvais plaisantin » qu’il vit son maître. Son ton changea instantanément ; il se confondit en excuses et se prosterna plus bas que terre pour ne pas affronter le regard meurtrier du youkai qui le méprisait.


Au moment où Sesshoumaru allait donner le signal du départ, le vent qui jouait dans ses cheveux transporta une odeur que le seigneur des territoires de l’Ouest ne connaissait que trop bien : celle du sang et en quantité abondante. Un massacre devait avoir eu lieu et tout proche ! Peu lui importait ! Ce n’était pas ses affaires. Que les humains s’entretuent ou se fassent tuer par des youkai : parfait ! Il évitait ainsi les basses besognes. Pourtant, il hésitait à partir : une odeur particulière retenait son attention. Sans un mot, il fit demi-tour pour s’enfoncer vers la forêt de laquelle il était revenu quelques minutes plus tôt. Jaken ne put résister à l’envie de le suivre, histoire de rattraper sa mésaventure.


Sesshoumaru marchait d’un pas tranquille ; la forêt s’assombrissait et l’odeur se faisait de plus en plus forte. Il s’arrêta net sur le chemin quand il aperçut un cadavre. Jaken, par excès de zèle, le devança et procéda à l’autopsie :


—  Ahhhh ! Ce n’est pas bien joli à voir ! Cette petite a été tuée par des loups. Faisons demi-tour.


Sesshoumaru ne broncha pas pendant quelques secondes ce qui éveilla la curiosité de Jaken :


—  Excusez-moi, Sesshoumaru-sama, mais … vous la connaissez ?


Sesshoumaru ne répondit toujours rien mais se rapprocha lentement de la petite morte et sortit Tenseiga de son fourreau. Jaken sentit sa dernière heure venue : c’est lui qui avait osé poser une question à son maître et qui plus est … sur la connaissance d’une humaine !


—  Sesshoumaru-sama ! PARDON, monseigneur ! 


Sesshoumaru fixa son regard sur le cadavre. Jaken parut soulagé.


—  Nous allons la tester sur des humains.


—  Quoi ? Tester ? émit craintivement le crapaud.


Tenseiga palpita dans la main de Sesshoumaru. Il pouvait voir distinctement quatre petits démons de l’autre monde prêts à enlever définitivement l’âme du cadavre. Sans ménagement, il trancha en deux les hideuses créatures, rengaina son épée et s’agenouilla pour prendre le cadavre au creux de son unique bras. Au bout de quelques secondes, il entendit des battements de cœur. Lui qui ne manifestait aucune émotion ouvrit de grands yeux devant un tel prodige puis reprit sa contenance habituelle. La fillette ouvrit lentement les yeux, les fit cligner pour ajuster sa vision et se releva.


—  Sesshoumaru a redonné vie à une humaine. Tenseiga est vraiment extraordinaire ! marmonna Jaken.


Le laquais et la fillette restèrent cloués sur place tandis que Sesshoumaru s’éloignait progressivement. La petite courut rejoindre son bienfaiteur tandis que Jaken ressassait les paroles de son maître : « la tester ».


—  Oh, mon Dieu ! Sesshoumaru-sama l’a également testée sur moi ! Ce n’était donc pas par pure bonté ! Il m’a également considéré comme un cobaye ! Ahhh ! Sesshoumaru-sama ! Comme vous êtes cruel et comme Jaken est triste !


Il arrêta immédiatement de sangloter quand il remarqua qu’il n’avait plus d’auditoire :


—  Sesshoumaru-sama ! Attendez-moi, Sesshoumaru-sama !


Plus loin, Sesshoumaru qui se souciait peu de sa suite émit quelques remarques ironiques et dédaigneuses :


—  Tenseiga ! Tu m’as fait revivre un humain, moi, Sesshoumaru !


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