Une vie

Chapitre 3 : LE RIVAL

2526 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 06/01/2024 10:45

CHAPITRE 3


LE RIVAL


L’hiver s’était bien passé, heureusement pour Rin, entourée d’Ah-Un mais aussi de Sesshoumaru. Après quelques jours pendant lesquels son maître s’était absenté pour combattre son demi-frère, elle l’accueillit à son retour, les bras grand ouverts en se jetant sur son hakama ; elle ne pouvait encore l’atteindre au niveau du torse ou de la poitrine vu son jeune âge :


—   Bienvenue,Sesshoumaru-sama ! Vous allez bien ?


Et elle resta ainsi blottie dans l’ample pantalon de son maître jusqu’à ce que celui-ci annonce, sans enthousiasme particulier après cette scène de retrouvailles :


—   Rin, allons-y.

—   Oui, Sesshoumaru-sama !


Ce spectacle dégoûtait franchement Jaken. Les cris hystériques et les embrassades quasi permanentes auxquelles Sesshoumaru ne répondait jamais lui soulevaient le cœur. Lui aussi appréciait son maître mais le craignait suffisamment pour ne pas se jeter dans les plis de son pantalon au premier retour. Qu’il soit encore en vie après tout les échecs qu’il avait accumulés était une preuve de l’infinie tolérance du démon. Mais comment Sesshoumaru pouvait-il accepter d’une humaine ce qu’il n’acceptait jamais de son serviteur le plus fidèle et le plus dévoué ? Cette fillette devait avoir un pouvoir surnaturel. Jaken en frémissait : quelle horreur ! Se faire toucher par une humaine, cette race inférieure tout juste bonne à servir d’esclave.


D’habitude, Sesshoumaru trouvait les humains pitoyables : « Ridicule ! » répétait-il souvent. Mais avec Rin … Peut-être avait-il un projet en tête pour tolérer cette enfant dans le groupe ? Voulait-il s’en servir contre sa propre race ou l’étudier pour comprendre ce que son père avait pu leur trouver de si sympathique ? Pourquoi ? Cette question avait déjà effleuré les lèvres de Jaken mais par crainte d’une mort sans procès, s’était-il retenu de la poser. On ne remet pas en question les actes et les paroles du seigneur des territoires de l’Ouest !


Mais ce qui allait arriver ne pourrait plus permettre à Sesshoumaru de juger Rin ou d’expérimenter ses capacités proprement humaines. Ce fut un soir, alors qu’elle cherchait son repas dans la rivière que la nature de Rin changea. Pendant que Jaken préparait le feu de camp, elle s’était éloignée près du cours d’eau, sous la surveillance d’Ah-Un. Sesshoumaru n’avait flairé aucune présence hostile : il n’avait donc pas jugé utile d’accompagner la petite ; mal lui en prit. Les ennemis de Sesshoumaru étaient innombrables et se présentaient sous toutes les formes. Pire, les procédés qu’ils envisageaient pour atteindre de près ou de loin le youkai étaient parfois indignes d’un démon.


Un youkai nommé Koshiromaru avait ainsi juré la perte de la descendance de son ancien ennemi, Inutaisho. S’en prendre au fils aîné et le vaincre ne ferait qu’accroître son prestige. Bien qu’issu d’un noble lignage lui aussi, il était pourtant entré en guerre contre son semblable pour un motif tout à fait futile : la mère de Sesshoumaru, Sesseika, qui en plus d’avoir gagné l’amour d’Inutaisho, lui avait permis d’agrandir considérablement son territoire : une union d’intérêt soit, mais une union basée sur l’amour tout de même. Koshiromaru avait pourtant courtisé Sesseika pendant des années mais cette dernière avait préféré la générosité et l’altruisme de son rival. Koshiromaru avait perdu la face et sa haine envers le taiyoukai ne fit que s’accroître. Quand il apprit que le couple avait donné naissance à un héritier, il prit le parti d’entrer en guerre contre Inutaisho et de lui réclamer ce qui lui revenait de droit. Mais son messager le retint au dernier moment en lui annonçant que Sesseika était décédée des suites de son accouchement. Koshiromaru devint fou de rage : non seulement il avait un héritier mais il l’avait privé à jamais de celle qu’il aimait réellement.


Mais la vengeance est un plat qui se mange froid. Pour une obscure raison, il mit de côté ses projets machiavéliques qui consistaient à se débarrasser de son rival et de son héritier. Quelques décennies plus tard, Inutaisho mourait en voulant sauver la vie de sa seconde femme, humaine cette fois, et de son hanyou de fils. Koshiromaru était redevable au destin de ne jamais avoir frappé un youkai qui était tombé plus bas que terre en s’unissant à une mortelle. Une haine fraternelle pourrait peut-être arranger les choses. Il jubilait intérieurement mais pensait à Sesseika. Si elle l’avait choisi lui, rien de tout cela ne serait arrivé. Mais il n’était pas trop tard pour réparer l’affront qu’elle lui avait fait subir.


Pendant tout ce temps, il ne s’était plus fait entendre mais avait suivi en secret l’évolution des deux frères devenus ennemis comme il l’avait espéré. Inuyasha avait fini scellé sur un arbre, une flèche plantée dans le cœur par une miko humaine. Il s’était réveillé il y a peu mais continuait à fréquenter les humains.


—   Voilà le résultat des tes faiblesses, Inutaisho : non seulement tu engendres un hanyou, mais celui-ci trouve le moyen de se faire battre par une mortelle, jubilait-il.


Celui qui l’intéressait au plus haut point restait Sesshoumaru puisqu’il avait un lien direct avec Sesseika. De plus, il avait vu son prestige grandir au fil des années. Koshiromaru connaissait les moindres faits et gestes de Sesshoumaru. Aussi, quand il vit qu’une petite humaine faisait partie de son escorte, il s’esclaffa :


—   Tu es bien le fils de ton père ! Tu as exactement la même faiblesse que lui même si tu clames haut et fort que tu ne veux pas lui ressembler ! Heureusement pour moi, c’est elle qui causera ta perte tout comme Izayoi avait provoqué celle de ton père !


Koshiromaru était persuadé que Sesshoumaru était d’une manière ou d’une autre attaché à la fillette même s’il ne laissait rien percevoir. Il était sûr qu’il n’oserait jamais la sacrifier pour le tuer : Sesshoumaru avait beaucoup trop d’honneur pour cela. Encore un point commun avec son père. Il décida donc de passer à l’action un soir, moment le plus propice car les humains étaient toujours moins attentifs. Il resta à bonne distance du groupe afin que Sesshoumaru ne puisse repérer sa présence. Ainsi, pour mieux surprendre la petite humaine qui avait l’habitude de chercher son repas dans la rivière, décida-t-il de s’immerger. Son plan ne pouvait pas échouer : il vaincrait Sesshoumaru en lui faisant miroiter ses tares héréditaires.


Comme prévu, Rin arriva près de la rivière une fois que Sesshoumaru avait jugé l’endroit suffisamment sûr pour qu’elle ne risquât rien et pût être dispensée de surveillance. Elle remonta les pans de son kimono qu’elle coinça dans son obi afin de pouvoir aller plus profondément dans la rivière ; cela lui permettait de ne pas souiller le précieux cadeau de son maître. Ensuite, elle entra franchement dans l’eau froide : la température était idéale pour ramasser des truites en quantité suffisantes. Puis, elle retroussa ses manches le plus haut possible pour se livrer à la chasse. Mais au moment où elle se pencha pour chatouiller sa future proie sous le ventre afin de s’en emparer plus facilement, le poisson fuit et deux mains fermes s’agrippèrent à ses poignets. C’est alors qu’elle poussa un cri. Sesshoumaru fronça les sourcils et accourut. Mais il était trop tard : Rin était elle-même devenue la proie de Koshiromaru qui la maintenait fermement devant lui après être sorti du petit cours d’eau. Sesshoumaru vit sa petite protégée trembler non pas de froid mais de peur. Il devrait faire attention s’il ne voulait pas que Rin se prenne un mauvais coup dans le feu de l’action. Mais depuis quand s’inquiétait-il de son sort ? Elle s’était elle-même mise dans cette situation : pourquoi devait-il la ménager ? Alors qu’il raisonnait, Koshiromaru qui se trouvait à bonne distance de lui ouvrit les hostilités :


—   Alors Sesshoumaru ! Tu as peur de m’attaquer ou trop peur de la blesser ? Tu es aussi pathétique que ton pauvre père !


Sesshoumaru garda son sang-froid malgré les provocations et les insultes et se contenta de répondre sur un ton neutre :


—   Qui es-tu pour oser me comparer à mon père ? Sesshoumaru vaut beaucoup mieux que lui : il n’a pas ses faiblesses, ce qui n’est pas ton cas. Tu te caches derrière une humaine pour sauver ta misérable carcasse. 

—   Oh, oh ! Me serais-je trompé sur le fils de mon rival ? Apprends que ton père et moi étions ennemis mais je suppose qu’il n’a jamais dû te parler de moi, Koshiromaru.

—   Le différend que tu as eu avec mon père ne me concerne pas.

—   Détrompe-toi mon petit ! C’est toi l’objet de ma lutte avec lui, toi et ta mère, la belle Sesseika !

 

Sesshoumaru ne dit plus mot. Rin avait cessé de trembler mais avait écouté la conversation d’une oreille attentive. En quelques secondes, elle venait d’obtenir quelques bribes de la vie passée de son maître. Alors il avait eu une maman, et très belle en plus ? Elle aurait dû s’en douter car le youkai était plutôt beau à regarder. Puis Koshiromaru reprit en dégainant cette fois son katana qu’il plaça sous la gorge de Rin.


—   Je me suis juré de te faire payer. Non seulement tu es l’héritier de ce bâtard qui a préféré se vautrer dans les bras d’une humaine mais en plus, c’est toi le responsable de la mort de ta mère ! Porter un nom tel que le tien est un signe, non ? Tu n’éprouves aucun remord pour celle qui est morte en te donnant le jour ? Si la preuve : tu erres comme un vagabond pour expier ta faute et tu t’abaisses à prendre sous ton aile ce vulgaire morceau de viande ! Tu ne vaux même pas la peine que je t’affronte, minable !


A ce moment, Rin explosa, malgré la menace qui pesait sous sa gorge :


—   Je vous interdis de dire du mal de Sesshoumaru-sama ! Il est mille fois plus brave que vous !

—   Tiens donc ! Tu as vu comme elle a réagi ? Tu vaux très cher à ses yeux !

—   Je vous préviens : même si je ne suis pas un démon, vous allez regretter d’avoir insulté mon maître !

—   Ferme-la, gamine !

—   Non, je ne me tairai pas ! Vous n’êtes qu’un lâche qui vous abritez derrière un « vulgaire morceau de viande ». Vous ne lui arrivez pas à la cheville … BAKA … BAKA … BAKA ! Le morceau de viande va vous montrer ce qu’il sait faire !


Joignant le geste à la parole, Rin souleva le bras de son agresseur et le mordit sauvagement, à tel point que sa bouche fut couverte de sang. Koshiromaru qui ne s’attendait pas à un tel sursaut d’agressivité lâcha son emprise, par réflexe, et gifla violemment Rin ; elle se retrouva, la lèvre ouverte, projetée à quelques mètres de lui. Sesshoumaru profita de la confusion dans laquelle se trouvait le youkai pour attaquer. Koshiromaru n’eut pas plus tôt retourné la tête que Sesshoumaru se trouvait devant lui, Tenseiga brandie au-dessus de sa tête, prêt à abattre sa lame sur son ennemi, ce qu’il fit en un clin d’œil. Koshiromaru fut tranché en deux.


—   Tu es très doué en paroles, peu en actes. Voilà ce qu’il en coûte de provoquer Sesshoumaru.


Les deux moitiés du youkai gisaient lamentablement devant lui. Afin de se débarrasser totalement de ce qui restait de cet infâme démon qui avait osé le traiter plus bas que terre, Sesshoumaru utilisa son dokkasou, Tenseiga n’étant pas une épée qui pouvait assurer une mort définitive. Koshiromaru se mit à fondre instantanément sous l’effet du poison ; même sa carcasse se désagrégea. Sesshoumaru rengaina tranquillement son épée et d’un pas nonchalant, se dirigea vers Rin.


Celle-ci gisait inconsciente sur le sol, du sang aux lèvres. Il l’appela doucement et vit ses paupières se contracter. Malgré la violence du coup, elle venait de reprendre rapidement connaissance. Sesshoumaru n’en dit pas davantage. La fillette se releva d’elle-même et instinctivement se dirigea vers la rivière pour nettoyer son visage. Elle s’arrêta net. Où était passé Koshiromaru ? Elle ne voyait plus aucune trace de son agresseur. Oserait-elle poser la question à son maître ? Finalement, non ! Si le youkai n’était plus là, c’est que Sesshoumaru-sama avait dû lui administrer une « sévère correction ». Rassurée, Rin s’inclina vers le bord de la rivière. Au lieu de prendre de l’eau dans ses mains, elle plongea directement la tête dans l’onde fraîche pour se nettoyer et calmer sa douleur plus radicalement. Mais quelle douleur ? Elle n’avait plus mal, comme si rien ne s’était passé. Pourtant, elle avait du sang sur la bouche et les joues, c’était indéniable. Et puis, peu importe ! Elle sortit la tête de l’eau, se frotta vigoureusement le visage pour faire peau neuve et retraversa la rivière rejoindre Sesshoumaru qui avait préféré la laisser vaquer seule à sa toilette. Elle en oublia d’ailleurs de pêcher quelques poissons ; le choc de l’agression lui avait fait passer sa faim. C’est donc avec une mine réjouie qu’elle s’adressa à son maître, un sourire jusqu’aux oreilles. Mais le démon se retourna et écarquilla les yeux.


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