Voyage au Vingt-Septième Royaume
Chapitre 1 : Voyage au Vingt-Septième Royaume
9785 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 18/11/2025 13:21
Cette fanfiction contribue au Défi du Forum de Fanfictions.fr Un petit détail anodin (août à septembre 2020) en Seconde Chance
Voyage au Vingt-Septième Royaume
Juin 1973, Moscou, URSS, 9 h 00.
Alexandre Sergueïevitch, brillant scientifique et ingénieur de taille moyenne, entra dans son petit et modeste appartement situé au septième étage d’un simple immeuble après l’achat de boulons nécessaires pour fixer sa nouvelle machine. Les murs blancs ornés d’affiches et de photographies de son épouse, Zina, une comédienne, dans divers rôles et tout particulièrement dans ses rôles de tsarine, contrastaient avec les meubles en bois foncé. L’homme remonta ses lunettes sur son nez d’un geste rageur avant de s'avachir sur la chaise en face de la télévision où un film historique sur Ivan le Terrible passait. L’ingénieur en l’écoutant distraitement tourna son regard vers la machine imposante qui trônait sur la table, source de sa fierté et de son souci. Cet engin était un monstre de fer, de verre et de tubes entremêlés, agrémenté de bocaux contenant des liquides bleus et rouges, ainsi que des panneaux de verre en rotation.
L’homme enfila prestement son sarrau blanc par-dessus sa chemise à carreaux et s’assit sur la chaise devant le panneau de contrôle aux boutons multiples et complexes. Il fit passer un haut voltage dans la machine, enclencha des boutons et activa une manette. Par ce réveil brutal, une fumée se dégagea de l’appareil, les liquides arrivèrent à ébullition et les lamelles tournèrent de plus en plus rapidement, mais, à part cela, rien ne se produisit. Aucun portail, aucun passage dans le temps, ni dans l’espace.
— Encore un échec ! Cette satanée machine à remonter le temps se refuse obstinément de le remonter !
Le scientifique porta sa main à sa tête pour ordonner ses cheveux noirs électrifiés par l’essai.
— Que faire ? Comment l’activer ! Je ne veux plus être la risée de mes collègues et de mes voisins ! Surtout Ivan Vassilievitch, le gestionnaire d’immeuble ! Il n’arrête pas de se plaindre que je fais sauter l’électricité de tout l’immeuble ! Alors qu’il manque de peu pour y parvenir ! Il ne comprend rien à l'importance d’une invention qui va révolutionner le monde !
Il scruta l’engin minutieusement pour comprendre la raison de son insuccès. Mine pensive, une main sur son menton imberbe, un large sourire fendit son visage.
— Eurêka ! J’ai trouvé ! Il faut que j’augmente encore le voltage, en plus de remplacer certains vis et boulons défectueux ! Cette augmentation est dangereuse, mais je n’ai pas le choix ! Ma gloire et ma renommée dépendent de mon succès avec cette machine ! Et c’est le seul moyen de me consoler après mon divorce ! Zina, Zina, femme infidèle !
Il se leva, resserra quelques tuyaux avec un tournevis et fuma une cigarette pour calmer ses nerfs en ébullition à l’idée d’être si près du grand événement historique qu’il espérait tant.
***
Simultanément, aux confins de l’univers, au Vingt-Septième Royaume[1].
Kochtcheï l’Immortel[2] plana jusqu’à son trône. Il traversa l’immense salle aux murs d’argent sertis d’émeraudes, de rubis et d’opales. Il s’assit sur son trône d’or richement décoré de motifs slaves en laissant retomber sa robe à la mode des tsars du XVe siècle autour de lui. Il sentit un changement imperceptible dans l’air environnant. Et il sut que sa consommation d’alcool journalière n’y était pas fautive. Il leva les mains dans les airs et entonna :
— Pomme, petite pomme, pomme d’or, roule sur l’assiette d’argent et montre-moi l’impudent être qui veut percer les couloirs du temps, mon secret bien gardé ? Un mortel ou un immortel ?
L’assiette d’argent apparut devant lui et la pomme d’or effectua un mouvement circulaire dessus. L’artefact s’agrandit pour devenir aussi grand qu’une psyché.
L’image qui s’y forma instantanément était celle de l’appartement d’Alexandre.
— Ce mortel veut percer le mystère de la spatio-temporalité ! fronça des sourcils le mage maléfique. Et si je passais un contrat avec lui ? Il faut bien que je m’amuse de temps en temps ! Et je veux donner une leçon à ce chenapan de Yuri ! Il a volé le collier de ma lointaine descendante qui vit à Moscou ! Eh ! Eh ! En plus, je pourrai y gagner un aède à ma cour si je leur demande de chercher le Chat Savant ! Pourquoi pas ?
Un sourire sardonique s’étira sur ses minces lèvres et il frotta ses mains chargées de bagues d’or l’une contre l’autre. Les objets de voyances disparurent d’un claquement des doigts. Il ordonna à ses serviteurs invisibles :
— Préparez la table pour les invités ! Que les mets les plus exquis soient présents et que les plus fines boissons y soient ! Et donnez le contrat à Alexandre Sergueïevitch Timofeïev. Exécutions !
Les entités obtempèrent, aussi légères qu’une brise et aussi rapides que la lumière.
***
À l’appartement du scientifique soviétique, quelques heures plus tard.
Alexandre se leva de son siège pour brancher la prise de la machine à remonter le temps. Dans le coin de son champ visuel, il aperçut un livre dans sa bibliothèque qu’il n’avait pas remarqué auparavant. L’ouvrage avait la couverture dorée et le titre en lettres argentées. Intrigué, il le prit et le consulta. Le livre était illustré par des images où les contes pour enfants se mélangeaient au manuel d’instruction pour le montage d’une machine complexe. Il lut attentivement le manuscrit et s’exclama :
— Wow ! Je n’ai jamais vu ce manuel pour voyager dans le temps ! Comment ne l’ai-je pas consulté auparavant ? Quel idiot !
Quelqu’un frappa à sa porte, il déposa le livre sur la table. L’ouvrage était ouvert à la page sur laquelle on pouvait lire :
« Pour parvenir à voyager dans le temps et dans l’espace, il suffit d’activer 20000 volts et d’amener les panneaux métalliques captant et tordant la spatio-temporalité à une vitesse de 70000 tours à la minute. Puis, consultez le tableau ci-dessus pour le voltage, et prêtez attention à ce que les panneaux fassent 5000 tours/min, ni plus, ni moins. Le premier voyage est un test. Le second voyage ouvre sur la période souhaitée qui doit être réglée minutieusement comme suit :
—> Pour l’Antiquité et antérieur, 20000 volts et 70000 tours/min
—> Depuis la Chute de Constantinople jusqu’à la Renaissance, 19876 volts et 70000 tours/min
—> De la Renaissance jusqu’en 1800, 18765 volts, 70000 tours/min
—> De 1800 jusqu’en 1900, 17895 volts, 70000 tours/min
—> De 1900 jusqu’en 2000, 21000 volts, 70000 tours/min
—> De 2000 jusqu’en 3000, 22000 volts, 70000 tours/min
—> Pour 3050 et plus, 23457 volts, 70001 tours/min »
Et le scientifique ne consulta pas la première note de bas de page écrite en caractère de taille sept et à moitié effacée.
Alexandre laissa entrer Ivan Vassilievitch. Ce dernier, vêtu d’un pantalon de costume et d’une chemise beiges, tenait un document sous le bras. Ses yeux bleus scintillaient, les traits étaient figés par la colère, et il marmonnait de vagues protestations.
L’ingénieur soupira et lui demanda :
— Camarade Ivan Vassilievitch, quelle est la raison de votre visite ?
Le gestionnaire d'immeuble esquissa un sourire forcé et marcha d’un pas rapide vers la machine. Il s’arrêta net, le regard lançant des éclairs :
— Camarade Timofeïev, c’est la vingtième fois que vous faites sauter toute l’électricité dans l’immeuble ! Vos expériences ne mènent à rien !
Il leva ses mains vers le prodige technologique devant lui.
— De plus, ces expériences ne doivent surtout pas se faire à domicile !
L’ingénieur soupira et se défendit :
— Avec tout le respect que je vous dois, mais comprenez que cette invention révolutionnera le monde.
Une fumée semblait sortir des oreilles de l’administrateur en colère, comme les flammes des naseaux d’un mythique dragon.
— Vos inventions, vous les faites au bureau, sous contrôle des collègues et supérieurs, pas de chez vous ! Je vais, comme je le dois, appeler les autorités compétentes !
Le scientifique s’approcha d’Ivan Vassilievitch.
— Non, non, inutile, camarade ! Je vais vous faire une démonstration de ce que peut faire ma machine ! C'est un grand honneur d'en être le premier témoin !
Il exulta :
— Revenir dans la Moscou d’Ivan le Terrible ! Revenir dix, vingt, cent, cinq cents, sept cents ans dans le passé ! N’est-ce pas merveilleux ?
— Pourquoi le serait-ce ?
L’homme plus âgé leva les yeux au plafond.
Plusieurs minutes passèrent, le temps qu’il laissât retomber la colère qui bouillonnait dans ses veines. En promenant son regard dans l’appartement, il aperçut le livre déposé sur la table. Il s’en approcha, néanmoins intrigué. Il le retourna pour mieux détailler sa couverture.
— Vous lisez des contes ?
« Je comprends mieux d’où il tire ses idées farfelues ! » pensa Ivan Vassilievitch en se grattant la barbe de quelques jours.
Un petit sourire narquois se dessina sur son visage lorsqu’il lut le pense-bête que le scientifique n’avait même pas remarqué collé sur la couverture « Ceci est un contrat de première importance ».
— Je comprends mieux d’où viennent vos idées ambitieuses ! Il ne vous manque plus qu’une visite au Vingt-Septième Royaume, maintenant !
Le scientifique se renfrogna et s’exclama :
— Je ne lis pas des contes, c’est un manuel d’instruction !
Il arracha le précieux ouvrage des mains de son interlocuteur pour lire à voix haute :
— Pour parvenir à voyager dans le temps et dans l’espace, il suffit d’activer 20000 volts et d’amener les panneaux métalliques captant et tordant la spatio-temporalité à une vitesse de 70000 tours à la minute. Puis, consultez le tableau ci-dessus pour le voltage, et prêtez attention à ce que les panneaux fassent 5000 tours/min, ni plus, ni moins. Le premier voyage est un test. Le second voyage ouvre sur la période souhaitée qui doit être réglée minutieusement comme suit : Pour l’Antiquité et antérieur, 20000 volts et 70000 tours/min. Wow ! Je me demande qui est ce génie pour connaître des informations si précieuses et si précises ! Que j’aimerais le rencontrer ! Mais j’ignore quand il a vécu ! J’ignore son identité, j’ignore tout de lui !... De la Chute de Constantinople jusqu’à la Renaissance, 19876 volts et 70000 tours/min. De la Renaissance jusqu’en 1800, 18765 volts, 70000 tours/min. De 1800 jusqu’en 1900, 17895 volts, 70000 tours/min. »…
Il désigna d’un geste de la main le mur en face d’eux.
— Je pense que je vais effectuer un test avec ce mur qui me sépare de Chpak !… Et à mon dernier essai, j’étais à 19000 volts et à 4170 tours la minute. Il m’a manqué si un peu pour réussir !
Le scientifique s’installa confortablement derrière le tableau de bord de l’engin métallique et l’activa, augmentant tous les paramètres sous le regard suspicieux du gestionnaire qui demeurait debout, aussi droit qu’un cierge.
« En espérant que je vais réussir cette fois ! » pensa Alexandre. « Ainsi, je serais tranquille, plus de plaintes récurrentes d’Ivan Vassilievitch ! »
La machine trembla, les fioles remplies de liquides s’agitèrent, de la fumée se dégagea et un tube métallique se rompit. Ivan Vassilievitch promenait son regard de la machine, au scientifique, puis au mur.
Soudain, l’espace devint flou, se tordit, changea, devint vague et le mur s’effaça progressivement, tel un mirage, pour laisser apparaître le salon de l’appartement voisin où était Yuri. Ce dernier, un habitant de l’immeuble voisin, était un voleur récidiviste et fut responsable de la disparition du collier de la descendante de Kochtcheï deux mois plus tôt. Il était confortablement assis sur un fauteuil, feuilletait une revue. Il leva ses yeux bleus de la lecture et pensa :
« Que vient-il de se passer ? J’ose espérer qu’ils ne me soupçonnent pas d’avoir volé les bijoux et coutellerie de bonne qualité ! Je n’avouerai rien de toute façon ! »
Le grand homme fixa, éberlué, Alexandre qui s’avança vers lui avec un large sourire.
— Voilà ! Le test a fonctionné ! Vous voyez que j’ai raison !
Le scientifique revint sur ses pas, suivi par le voleur qui rangea prestement ses gants noirs dans une valise. Ivan Vassilievitch scruta attentivement le nouvel arrivé qui n’était nullement déconcerté par l’examen et interrogea le scientifique :
— Où est passé le mur ?
L’ingénieur lui répondit en montrant d’un geste de la main la machine :
— Je suis parvenu à changer l’espace !
— Vous êtes un vrai génie ! s’exclama Yuri, le regard pétillant de malice.
Alexandre s’exclama :
— Maintenant, mes amis, soyez prêts pour le grand moment !
Il relut l’ouvrage, sans pour autant consulter l’avertissement, ni la note de bas de page, pour la simple raison qu’il n’avait pas envie de chercher la loupe, considérant avec négligence l’information qu’elle pouvait receler comme sans importance. En arrivant à la dernière page, le scientifique était étonné de voir les mots « Date » et « Signature ». Sous ses yeux les taches d’encre se formèrent et son nom et la date s'écrivaient au lieu prévu, comme par magie. Alexandre referma l’ouvrage, sans prêter attention à cette merveille et activa les manettes.
— 18765 volts et 70000 tours/min, marmonna-t-il.
L’appareil gémissait, les liquides dans les bocaux s’agitaient en laissant échapper un gaz, les tuyaux tremblaient en s’échauffant, les panneaux tournaient de plus en plus rapidement, engendrant une lumière blanche aveuglante qui se réverbérait sur le mur.
Soudain, le mur se tordit, s’effaça, se dissolvant graduellement, et disparut, pour laisser place à une porte de fer ouverte.
Ivan, Yuri et Alexandre s’approchèrent à pas feutrés pour constater qu’un imposant homme richement vêtu, coiffé du bonnet de Monomaque[3], tenait un sceptre royal de l’autre côté. Il était assis sur un trône d’or, dictant une lettre à un homme à ses côtés.
— C’est Ivan le Terrible ! s'enthousiasma l’ingénieur.
— Wow ! s’exclama l’escroc.
— C’est impossible ! murmura Ivan en fronçant les sourcils.
Le trio s'approcha de la porte, hésitant à franchir le seuil.
***
Simultanément, au Vingt-Septième Royaume.
Kochtcheï l’Immortel, celui qui suivait tous les événements depuis le début, sourit lorsqu’un tonnerre gronda au loin au moment de la signature magique du livre. Ses yeux aussi noirs que les ailes d’un corbeau scintillèrent d’une lueur joyeuse, puis il vida son grand gobelet d’or en s’exclamant :
— Le contrat est passé ! Il ne manque plus que le dernier brave Rus ne se joigne à eux ! Pourquoi pas le premier tsar ? Ivan le Terrible ! Ah ! Ah !
Il laissa les pans de sa robe de soie retomber à ses pieds et ses nombreux colliers cliqueter à chaque mouvement.
— Que la fête commence !
Il vida un autre verre d’hydromel et leva ses mains dans les airs pour suspendre le temps. Il vola jusqu’à la salle qui contenait les insignes de pouvoir qu’il prit avec lui pour les ramener dans la salle du trône. Puis, il attendit impatiemment la venue des quatre voyageurs temporels.
***
Quelques minutes plus tard, dans l’appartement de l’ingénieur.
Le trio de Soviétiques, au seuil de la porte menant à la Russie du XVIe siècle, s’observait. Puis, Alexandre franchit le passage, suivi par Yuri. Ivan Vassilievitch revint sur ses pas et se précipita sur le téléphone pour appeler la police.
À peine arrivé devant le tsar, l’ingénieur et le voleur furent accueillis par un cri du scribe qui sortit en courant et en hurlant :
— Des démons ! Des démons ! Je vais appeler du renfort ! Vite !
Le tsar approuva d’un signe de tête et se leva du trône, le regard durci de colère. Il fit quelques pas vers les Russes contemporains et ordonna en faisant un signe de croix vers eux avec assurance :
— Éloignez-vous ! Éloignez-vous ! Tenez-vous loin de nous, esprits maléfiques, esprits impurs !
Ivan le Terrible s'approcha encore un peu plus d’eux. Yuri se terra dans un coin de la salle et nota au-dessus de sa tête une icône.
« Objet de valeur cette icône » songea-t-il. « Je pourrai la prendre et la revendre ! »
— Nous ne sommes ni des esprits, ni des démons, mais des voyageurs temporels ! répliqua calmement Alexandre. Une invention scientifique inédite ! J’ai inventé une machine à remonter le temps ! Je suis ravi de vous rencontrer Ivan le Terrible !
Soudain, avant que le tsar ne puisse répondre, avant qu’Ivan Vassilievitch n’appelle la police pour expliquer les événements récents et avant que Yuri ne vole l’image sacrée, la machine à voyager dans le temps émit un bruit sourd, comme si elle rendait son âme. Une lumière aveuglante engloutit les quatre hommes, transportés dans un autre temps et un autre lieu, inconnus de tous.
***
Au Vingt-Septième Royaume.
Arrivés dans une immense salle, les quatre Russes, l’un à côté de l’autre, marchaient lentement, les sens aux aguets. La pièce au mur d’or serti de rubis et d’émeraude attira l’attention de Yuri qui pensa :
« Si seulement je pouvais les prendre pour les faire miens ! Quelle fortune je pourrais en tirer ! » Des armoires plaquées or et argent finement ciselées aux portes de verres scintillants étaient présentés comme dans un musée des gobelets, des assiettes et des armes recourbées. Ces meubles attirèrent l’attention d’Ivan Vassilievitch. Au fond de la salle reposait un immense bureau sur lequel trônait un prototype de machine semblable à celle d’Alexandre, mais plus luxueuse avec des pierres précieuses, de l’or et de l’argent. Au milieu de la pièce, une table plaquée d’un métal inconnu avec un grimoire posé en son centre et entourée de quatre trônes imposants aux coussins bleu nuit semblait les attendre.
— Où sommes-nous, démon ? interrogea Ivan le Terrible en se tournant vers l’ingénieur.
— Je ne suis pas un démon, mais un homme de science, lui répliqua Alexandre en observant les yeux grands ouverts la pièce. J’ignore si nous sommes dans le passé ou dans le futur ! Et, cet endroit m’est inconnu !
« D’ailleurs, je serais bien curieux de rencontrer l’auteur de ce manuel qui m’a été si précieux ! » songea l'ingénieur. « Un génie hors pair ! Nous sommes arrivés dans son château ! Je l’espère ! Quel honneur ! Je dois discuter avec lui sur certains détails techniques ! »
— Vous mentez à votre tsar !
Il le menaça de son sceptre.
— Je suis tsar selon la volonté de Dieu ! continua le personnage historique en levant les bras au plafond, faute de pouvoir les lever vers le ciel. Magicien, je veux revenir chez moi !
— Non, je ne vous mens pas et je sais que vous êtes le tsar Ivan IV Vassilievitch, dit Ivan le Terrible.
« Quel étrange énergumène ! », pensa le gestionnaire en levant les yeux au plafond. « Je ne sais pas qui est plus fou, mon homonyme qui se prend pour le premier tsar ou l’ingénieur. Sauf si c’est vrai ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ! »
Soudain, la voix ténébreuse et grave de Kochtcheï se fit entendre à leur droite.
— Avez-vous dit tsar, jeune homme ?
Une lueur d’étonnement dans le regard, Ivan Vassilievitch, Alexandre Sergueïevitch, Ivan le Terrible et Yuri avancèrent vers leur droite où émergea de l’ombre le sorcier folklorique. Ce dernier était assis sur son siège royal avec un sourire carnassier. Son être exsudait une puissance et une grâce royales avec une touche de crainte.
— Qui êtes-vous, boyard ? questionna le Tsar de toutes les Russies, nullement impressionné.
Kochtcheï agita son sceptre doré d’un geste sec.
— Je ne suis pas un boyard !
L’air dans la salle s’électrifia. Ivan le Terrible se signa furtivement.
— Je suis le Tsar de mon royaume, le Vingt-Septième Royaume ! Je suis Kochtcheï l’Immortel, l’unique tsar immortel de toute l’Histoire du monde et des mondes !
Il fixa son regard de rapace sur chacun des voyageurs temporels qui se crispèrent un peu malgré eux.
« Je n’ai jamais entendu parler de ce Royaume, sauf dans les contes ! » pensèrent les Russes à l’unisson, mais personne n’osait prononcer un seul mot.
— Vous êtes convoqués chez moi à la suite d’un contrat que votre ami le scientifique a accepté !
— Quoi ? De quoi parlez-vous ? s'insurgea Alexandre, en ouvrant si grand les yeux d’étonnement qu’ils semblaient sortir des orbites. Je n’ai jamais lu ce contrat.
Le mage maléfique fit apparaître en un claquement de doigts une télévision pour montrer le moment de la signature. Et l’ingénieur soviétique lut enfin la note de bas de page qui s'agrandit à l’écran. Elle stipulait :
« Lors du test et du premier voyage, c’est l’occasion pour trouver trois compagnons de route, dont un de l’époque choisie. Et ces quatre impudents doivent passer impérativement au Vingt-Septième Royaume. Leur valeur sera alors testée à la discrétion du maître des lieux avec un maximum de douze épreuves. »
« C’est quoi encore cette diablerie ? » réfléchit le premier tsar en faisant un signe de croix dans les airs. « Que Dieu nous sauve ! »
Le grimoire qui reposait jusqu’à maintenant sagement sur la table se leva et s’agrandit pour permettre à tous de remarquer la signature et la note.
— Et maintenant, tonna l'être folklorique, vous avez un jour pour accomplir deux épreuves. Vous pouvez demeurer les quatre ensembles ou vous séparer, à votre guise !
— Quelles… demanda Yuri, interrompu par un coup de coude dans les côtes par Alexandre qui lui murmura :
— Il est malpoli d’interrompre un si puissant personnage !
Le tsar maléfique ignora l’intervention et poursuivit d’un ton sérieux :
— La première est d'amener Kot Baïoun[4] qui est chez Baba Yaga[5]. La seconde est de retrouver le coffre qui contient ma mort. Vous avez une heure pour vous décider et le coucher du soleil sera votre limite pour réussir ces deux épreuves.
Les mortels s’observèrent, perplexes.
— Si vous en sortiez victorieux de l’épreuve, je vous récompenserai, chacun à la hauteur et à son rang, à savoir pour le scientifique, un ouvrage qui lui donne un accès illimité pour voyager dans le passé et le futur, en plus d’une renommée internationale pour son génie et une bonne épouse ! Pour l’administrateur, ce sera d’avoir une vieillesse tranquille et heureuse sans confrontation avec Ouliana, ni l’un des locataires. Pour le premier tsar mortel de toute la Russie, la récompense sera d’avoir une descendance nombreuse avec Marfa et d’avoir une lignée qui régnera encore longtemps sur le pays ! Pour le voleur, il aura droit à un sac magique qui permet de voler n’importe quel objet tout en ayant la légèreté d’une plume !
Un large sourire se dessina sur les visages de chacun des hommes, le regard scintillant de joie.
— Si vous échouez, vous demeurez prisonniers pendant cent ans dans mon palais, devenant mes serviteurs, avant de regagner votre temps. Mais votre ligne temporelle se trouvera perturbée et considérablement changée !
Tous promenèrent leurs yeux affolés dans la pièce, s’attendant à un changement spatio-temporel imminent. Ivan le Terrible serra son sceptre nerveusement, mais demeura coi.
— Installez-vous dans la salle à votre droite pour que vous discutiez loin des oreilles indiscrètes ! leur ordonna-t-il en désignant d’un geste de la main la porte dorée à battant décorée aux armes de la famille. La pièce est insonorisée !
Les hommes franchirent le seuil pour discuter. Ivan le Terrible, une moue au visage, marmonna :
— Ce tsar des contrées mythiques nous impose un ultimatum ! Quel homme singulier ! Un sorcier ! Dans quelle situation nous sommes !
Il se signa.
— Que Dieu nous vienne en aide !
— Laissons Dieu tranquille ! commenta Ivan Vassilievitch. Je conseillerais que nous divisions nos forces pour être certain de réussir les deux épreuves dans le temps imparti ! Alexandre Sergueïevitch, je ne veux pas travailler en association avec Ivan le Terrible, mon homonyme de prénom et de patronyme, je vous en supplie !
— D’accord, commenta l’ingénieur. Ainsi, Ivan le Terrible et moi allons retrouver la mort de Kochtcheï, puis je discuterais avec lui pour connaître un peu mieux son manuel d’instruction ! Vous deux…
Il promena son regard du gestionnaire au voleur.
— …vous irez chercher Kot Baïoun, le Chat Savant ! Il faut que chacun d’entre nous s’équipe pour affronter les dangers ! Et après j’espère que la chance nous sourira !
— Allons-y, camarades ! s’exclama Yuri en souriant et donnant une accolade fraternelle à Ivan Vassilievitch. Mais avant, il faut changer nos vêtements ! Surtout mon camarade et moi ! Il faut être présentable dans ce monde ! Il faut demander les tenues à notre hôte !
Ivan le Terrible ajusta sa robe richement décorée, se drapant d’orgueil, et affirma :
— Pourquoi changer de vêtements, boyards ? Je suis tsar !
Il sortit de sous sa tunique son arme, un poignard.
— J’ai de quoi affronter tous les démons avec cette arme et ma foi !
— Allons-y ! ajouta l'administrateur. Je veux en finir au plus vite ! Je ne comprends plus rien !
— Et vous, le scientifique, demanda le voleur, vous changez vos vêtements ?
— Non, tout va bien ! Je préfère ma chemise, mes pantalons et mon sarrau, plutôt que ces robes très incommodantes !
Le quatuor sortit de la salle pour informer le tsar de leurs intentions.
Immédiatement, Kochtcheï murmura :
— Très bien !
Il pointa son doigt vers le voleur et Ivan Vassilievitch transformant instantanément leurs vêtements en ceux de l’aristocratie russe à la mode du XVe siècle.
— À bientôt !
Et Kochtcheï murmura une incantation en ancien slavon, envoyant les mortels vers leur destination, puis disparut dans une fumée bleue, regagnant ses appartements privés d’où il suivrait avec ses artefacts de voyance les péripéties des braves voyageurs temporels.
***
Devant la maison de Baba Yaga.
Ivan Vassilievitch et Yuri observèrent la demeure entourée de fil de barbelé et remarquèrent un jardinet, l’unique passage vers l’isba.
— Nous allons faire comment pour entrer ? interrogea le gestionnaire son comparse. Aucun escalier !
— Par la fenêtre. Je monte sur tes épaules, je force la fenêtre et je t’aide à entrer !
— Ne serait-ce pas une infraction criminelle ? On n’est pas des voleurs ! Si c’est Baba Yaga, il faut se rappeler de la formule des contes…
Il murmura en écarquillant les yeux, qui devinrent aussi grands que ceux de la chouette :
— Comment déjà ?
— Nous en soucierons au moment venu, lui répondit le voleur en affichant une assurance pour camoufler la crainte qui se décelait dans sa voix. Sinon, j’improvise ! Allons-y !
— Allons-y ! répéta Ivan Vassilievitch avec entrain, mais avec une lueur d’inquiétude dans son regard.
Et le duo traversa sans difficulté le petit jardin pour s’arrêter devant les pattes de poulet qui piétinaient nerveusement.
Yuri monta prestement sur les épaules de son acolyte qui le retenait avec difficulté. Puis, il sortit de multiples clés pour déverrouiller la fenêtre d’un geste expert. Au moment où il aida Ivan Vassilievitch à passer par l’ouverture, une douce voix féminine le figea sur place :
— Qui êtes-vous, nobles princes ? Que faites-vous ? Et pourquoi entrez-vous comme des voleurs ?
Les Russes se retournèrent et remarquèrent une élégante femme vêtue d’une longue robe blanche avec des motifs slaves ancestraux brodés, laquelle venait compléter un bandeau d’or qui retenait ses cheveux châtain foncé et un collier d’or avec un lourd pendentif orné de pierres précieuses au cou. Ivan Vassilievitch s’exclama :
— Calme-toi, camarade ! Nous ne sommes pas des voleurs, mais des gens honnêtes ! Des Soviétiques honnêtes !
Yuri lui donna un coup de coude pour le faire taire et prit la parole :
— Lors de notre dernière visite, nous avons oublié les clés dans un tiroir ! Et Ivan Tsarévitch veut sauver Vassilissa des griffes de Kochtcheï !
« Heureusement que je viens de me souvenir de bribes des contes de mon enfance ! » songea le voleur.
— Très bien ! Mais Ivan Tsarévitch est l’époux de Vassilissa Petrovna depuis longtemps déjà ! J’espère qu’aucun autre malheur ne soit arrivé à Vassilissa !
— Non, non, aucunement, répondit Yuri.
Elle l’observa attentivement avant de lui répondre posément.
— Pourtant, je ne vous ai jamais vu.
— Vous n’avez pas reconnu Ivan Vassilievitch le Tsarévitch ? détourna-t-il la conversation.
Il désigna d’un geste de la main son comparse qui ajusta la longue tunique qui la gênait dans ses mouvements. La jeune femme l’examina minutieusement et sourit :
— Oui, il y ressemble, sauf un peu plus vieux ! Que vous avez vieilli depuis votre dernière visite !
Elle se tourna vers l’autre Soviétique.
— Et vous ? Qui êtes-vous ? Je ne me rappelle pas vous avoir rencontré auparavant !
— Je suis le boyard Yuri Andreïevitch Miroslavski.
La brune le fixa intensément et répliqua :
— Je ne connais qu’un homme avec ce nom qui est mort en combattant Zmeï Gorynytch[6], ce dragon tricéphale… Il y a deux jours… non cinq jours… ou est-ce il y a une semaine ?... Bref, je ne sais plus ! Sauf si vous êtes revenus des morts ?
— C’est l’un de mes lointains cousins, mentit le voleur. Une bien triste nouvelle ! Bien que je ne l’aie jamais rencontré !
— Mes condoléances… Venez partager mon repas, puis attendez que la maîtresse de la maison revienne des commissions !
— Sinon, qui êtes-vous, camarade ? lui demanda Yuri, lueur de curiosité dans ses yeux clairs.
— Je suis la Roussalka[7] Tatiana au service de Baba Yaga depuis plusieurs siècles.
Yuri donna une accolade à la créature folklorique qui se raidit sous son contact. Il lui prit son collier lors de l’étreinte.
— Mais le servage est aboli ! s’offusqua Ivan Vassilievitch.
— Laissons, ces questions, lui chuchota le voleur. Et mangeons !
— Mais qui va payer ?
— C’est déjà payé et mangeons ! J’ai faim, il est bientôt midi ! s’exclama son compagnon en jetant un coup d'œil à la montre qu’il portait à son poignet. Mission ou pas, j’ai faim !
Les deux hommes s’attablèrent, servis par la Roussalka que Yuri suivait du regard, envoûté par sa grâce et sa beauté.
***
Simultanément, dans une étrange cabine métallique, incompréhensible pour les non initiés et avec de nombreux boutons sur l’une des parois.
— J’ai conquis Kazan, Astrakhan et Reval ! répéta Ivan le Terrible depuis une heure en agitant dans tous les sens son sceptre. Rien ne m'est impossible ! Mais ce démon nous a emmurés ! se lamenta-il.
— Non, c’est un ascenseur ! commenta Alexandre Sergueïevitch en analysant minutieusement les nombreux boutons qui ornaient tous les côtés de l’étrange cage dans laquelle ils étaient enfermés. Nous n'avons droit qu’à trois essais avec les boutons. Donc il faut choisir judicieusement !
L’ingénieur comprit que les boutons comportaient des numéros, mais lequel était le bon et qu’activait-il ? À quel étage aboutissait-il ? Il ne pouvait le dire.
Le tsar s’agita et murmura :
— Alors, tentons la chance !
Il avança sa main chargée de bagues vers le numéro un, mais Alexandre le retint d’un geste ferme et l’avertit :
— Attendez ! Il ne faut pas commettre d’impair ! Laissez-moi faire !
— Boyard, comment pouvez-vous être si certain que ce ne sont pas les maléfices du Diable ?
— Non, c’est une technologie qui existe dans mon monde ! Mais je ne sais pas comment cet ascenseur peut nous amener à l’Île Bouïane[8] ?
— Bonne question ! haussa des épaules l’illustre personnage historique. Je vous laisse utiliser les deux premières chances. Si vous vous fourvoyez, je tenterai la dernière avec l’assistance de Dieu !
— Très bien !
Et l’ingénieur observa chaque bouton, les frôlant de ses longs doigts bien entretenus, en hésitant.
Une éternité semblait s'écouler avant qu’il n’appuyât sur le bouton portant le numéro sept. Le tsar dégaina son épée qu’il gardait en bandoulière en dessous de ses vêtements, guettant le moindre danger.
Aucune porte ne s’ouvrit et une voix enregistrée résonna dans la cage :
— Êtes-vous certain de vouloir affronter Zmeï Gorynytch…
— Non ! Non ! hurla l’ingénieur.
— Quelle est cette diablerie ! Un suppôt de Satan ! cria le tsar en se signant plusieurs fois.
— …qui recherche quelqu’un avec qui boire du thé ? continua l'enregistrement. Un refus ? Vous avez échoué ! Encore deux tentatives !
Alexandre secoua sa tête et promena son regard entre les divers boutons colorés.
— Alors lequel ? Allons-y logiquement ! Si ce n’est pas le septième, peut-être un multiple de deux qui soit divisible par trois…
Un large sourire fleurit sur ses lèvres.
— J’ai trouvé ! Douze !
— Ou vingt-quatre ? lui suggéra le tsar.
Le Soviétique se gratta le menton ne sachant lequel choisir. Il balaya frénétiquement du regard les touches de la plaque et murmura après quelques minutes de réflexion :
— Je vais essayer ! Vingt-quatre !
Et il appuya lentement sur le bouton d’un geste délicat tout en écoutant la voix de l’appareil. Celle-ci lui demanda :
— À chaque instant la porte peut s’ouvrir sur Soloveï le Brigand[9], ce voleur à la voix mortifère…
Le scientifique se tordit de frayeur.
— …qui veut marier sa fille benjamine.
— Non ! Non ! s'époumona à nouveau le Russe des temps modernes. Je ne veux pas !
— Vous avez échoué ! Vous avez encore une seule possibilité avant de devenir les esclaves de Kochtcheï l’Immortel.
Alexandre soupira et, les traits affaissés de son insuccès, laissa son compatriote des temps passés choisir. Celui-ci avança tranquillement vers les chiffres, en toucha un au passage, puis se signa furtivement :
— Que Dieu me vienne en aide ! Amen !
La porte s’ouvrit toute grande et la voix enregistrée annonça joyeusement :
— Félicitations ! Vous avez trouvé la sortie ! Prenez le chemin sur votre droite qui vous amènera à destination !
— Ma foi inébranlable fait des miracles ! N’est-ce pas le magicien ?
L’interpellé suivit le tsar et marmonna :
— Ce n’est qu’un hasard. Vous avez appuyé sur le premier poussoir venu ! Rien à voir avec la foi ou la raison ! La chance vous a souri !
Ivan le Terrible marcha d’un pas rapide et murmura en observant le ciel, le soleil trônait au zénith, tel un roi dans toute sa splendeur :
— Il est midi ! C’est l’heure de nous sustenter ! Où sont les serviteurs avec les mets les plus fins, boyard ?
— J’ai des vivres que j’ai emportés offerts par notre hôte, mangeons au pied d’un arbre avant de reprendre la route !
***
Dans l’isba de Baba Yaga.
Yuri et Ivan Vassilievitch mangèrent et burent jusqu’à satiété, lorsque la sorcière folklorique entra en hurlant d’une voix aiguë à fendre les tympans :
— Cela sent le Russe ! Qui est entré dans ma demeure en mon absence ?
— Ça ne sent pas… le Russe, bredouilla Ivan Vassilievitch d’une voix pâteuse. Mais le Soviétique ! Et rien de puant… On est civilisé !… Sinon, Ouliana, ma chérie, comment es-tu parvenue jusqu’à nous ? Qui t’a dit que nous sommes ici ?
« Si Baba Yaga ressemble à sa femme, alors elle est réellement laide ! » pensa Yuri en se rapprochant un peu plus de la Roussalka qui s’affairait à changer les plats et les boissons sur la table.
La servante répondit en lançant un regard au gestionnaire d’immeuble qui semblait dire « Ivan Tsarévitch n’est pas celui qu’il se présente ! »
— Yaga, l’un de ces Russes est ta vieille connaissance, Ivan Tsarévitch. Il est accompagné d’un noble boyard.
La femme au visage ridé par l’âge et aux yeux pétillants d’intelligence s’assit à la droite des deux hommes. Tatiana s’empressa de la servir, tout en lui expliquant la raison de la présence des deux mortels.
Le repas fut vite expédié, comme en une bouchée, Baba Yaga demanda aux deux comparses :
— Ivan Tsarévitch, tu ne tiens vraiment plus l’alcool depuis notre dernière rencontre ! Que t’est-il arrivé pour que tu veuilles passer chez moi ? Vassilissa t’a laissé tomber ?
« Je ne connais pas Vassilissa, ma chérie c’est Ouliana ! » pensa Ivan Vassilievitch.
— Non ! Non ! s’alarma l’interpellé. Disons que je voulais que Kot Baïoun…
— …Divertisse ses enfants ! lui coupa la parole le voleur en donnant un coup de pied sous la table pour le faire taire. Il cherche une nounou pour les endormir ! Acceptez-vous, Babouchka Yagica de nous prêter votre chat de compagnie pour une semaine ?
L’air s’électrifia dans la pièce à cette question.
Les deux compères échangèrent des regards incertains. Ivan Vassilievitch dégrisa instantanément et bredouilla :
— Oulianouschka, comment es-tu parvenue jusqu’à nous ?
Une voix féminine dans l’ombre résonna, familière à Ivan Vassilievitch :
— Tu parlais à qui, Vanya ? À ma grand-mère ou à moi ?
L’interpellé se retourna et reconnut son épouse qui émergea d’un coin sombre de la demeure. L’opulente silhouette de sa femme ne pouvait le tromper. Il l’observa comme s’il la voyait pour la première fois, pourtant, elle ne changeait point : même coupe de cheveux mi-longue, même regard, même attitude.
— Ivan Vassilievitch, vous êtes l’époux de ma lointaine descendante ! commenta la sorcière avec un large sourire qui illumina son austère visage. C’est ce qui vous sauve de mon courroux et de ma marmite ! Alors, vous avez cinq minutes pour tout m’expliquer, sans mentir !
Et le gestionnaire raconta tout le voyage et l’étrange requête de Kochtcheï l’Immortel.
À la mention de ce nom, Baba Yaga esquissa un sourire malin.
— Très bien !
Elle se pencha vers Ivan Vassilievitch et lui confia :
— J’accède à votre demande, puisque vous êtes de la famille ! Et que je veux bien me jouer un peu de ce sac d’os arrogant !
« Et oui, un joli moment de vengeance ! Il me paiera pour avoir osé se moquer ainsi de moi lorsque j’étais sa conseillère au cours du dernier millénaire ! Et une belle occasion de se débarrasser de ce chat qui n’a aucun talent ! Et de donner une leçon à Yuri, ce voleur ! Personne ne touche à ma famille ! » pensa-t-elle.
Ivan Vassilievitch exhala un soupir de soulagement.
« Je suis plus chanceux que je ne le pensais ! » songea-t-il. « Tout va être pour le mieux ! »
— Mais, à une condition !
Le petit sourire du mortel se figea et il attendit la suite, suspendu à ses lèvres, en guettant le moindre mot de sa part.
— Votre compagnon, Yuri le voleur, doit rester auprès de moi, me servir fidèlement et ne rien dérober pendant un an !
Le susmentionné déglutit, ne sachant que dire. Il jeta un rapide coup d’œil à la montre, il était 13 h 40.
« Il ne sert à rien de s’opposer à la sorcière ! Surtout lorsque le temps nous est compté par ce sorcier de Kochtcheï ! Si c’est vraiment Baba Yaga, je ne veux pas terminer dans sa marmite pour son borscht ! » songea-t-il.
— Petit voleur, vous avez volé le collier de ma descendante, ici présente, Ouliana Andreïevna Bouncha, qui était mon cadeau de noces ! Pour cela vous aurez à me servir ! Et vous ne pouvez pas m’échapper !
« Plus tactique, il vaut mieux, pour l’instant, accepter… Je pourrai m’enfuir quand je le voudrais, mais pour le moment c’est l’occasion rêvée de me rapprocher de Tatiana ! »
— J’accepte !
— Kot Baïoun, tonna Yaga. Viens ici !
Un gigantesque chat rayé gris foncé et gris clair se matérialisa à ses pieds, tenant une guitare entre ses pattes avant.
— Va ! Suis ces mortels sans les endormir et une fois arrivée à destination, chante l’épique poésie que ton âme te dicte !
Le quadrupède approuva d’un signe de tête et miaula d’une voix humaine :
— Vous les hommes, où voulez-vous que je vous amène ?
Il pointa de son museau ses pattes arrières chaussées des vieilles bottes usées, qui tenaient difficilement sur ses extrémités.
— Je peux voyager rapidement avec ces bottes de sept lieues.
Baba Yaga donna une accolade à sa descendante et à son mari, pointant un index rageur sur Yuri avant de prononcer une incantation qui le liait à sa demeure. Les Russes embarquèrent sur le dos du chat pour revenir chez Kochtcheï. Yuri sourit lorsque sa montre lui indiquait 14 h 50 : ils respectaient les délais imposés par le tsar du Vingt-Septième Royaume.
***
Sur le chemin menant au chêne millénaire, à l’instant du départ de Yuri et d’Ivan Vassilievitch.
L’ingénieur et Ivan le Terrible marchaient depuis longtemps déjà. La sente empierrée zigzaguait entre la végétation luxuriante et les halliers leur faisant perdre la notion du temps.
— Où nous a envoyés ce démon ? se plaignit le tsar.
— Je l’ignore, mais j’ose espérer que nous serons bientôt arrivés à destination.
— Nous sommes suivis, n’est-ce pas ? lui demanda le tsar en se retournant.
— Oui, c’est un peu inquiétant !
Le scientifique balaya du regard les environs.
— Les animaux ne devraient pas représenter un grand danger, car nous sommes adéquatement armés !
Deux yeux vert émeraude les suivaient depuis le début. Soudain, un géant de presque trois mètres sortit du fourré. Il était vêtu d’un simple complet bleu marine et d’une chemise blanche. Il leur demanda en caressant sa longue barbe blanche :
— Noble tsar et noble conseiller, que venez-vous faire dans cette forêt ? Je suis un chasseur aguerri, je connais cet endroit dans ses moindres recoins ! Je peux vous servir de guide, si vous en avez besoin !
Les interpellés se retournèrent et Alexandre le supplia :
— Merci ! Oui, votre aide sera la bienvenue ! Nous recherchons le plus grand chêne de ces lieux.
— Vous suppliez un paysan, lui murmura le tsar avec une moue de mépris.
— Je suis certain qu’il n’en est pas un, justement !
— Vous me calomniez, mortels ! s’exclama l’entité en face d’eux, la mine assombrie.
Les deux compagnons secouèrent négativement la tête et le tsar prit la parole :
— De qui êtes-vous le serf ?
— De personne, premier tsar mortel de toutes les Russies ! Je suis au contraire un homme libre ! Je suis Leschi[10], la star et le tsar de cet endroit !
— Il aurait pu mieux s’habiller, marmonna le tsar humain. Aucun or, ni soie, ni fourrure fine ! Un paysan dans un étrange accoutrement !
— Des goûts et des couleurs ne se discutent pas, Ivan le Terrible ! Il est notre guide, alors suivons-le ! le sermonna Alexandre.
« Ainsi, vêtu, ce tsar forestier me rappelle plus un Russe du siècle passé et d’origine modeste mais qui suit la mode européenne, qu’un roi ! »
L’ingénieur se tourna vers l’entité des contes et murmura :
— Si vous daignez bien, dans votre miséricorde, accordez un peu de soutien à des hommes !
« Je ne me rappelle plus tellement des contes de mon enfance ! » s’alarma le noiraud. « J’ose espérer que je saurai l'amadouer ! Arh ! Maudite note de bas de page qui me met dans cette insolite situation ! »
Le Leschi passa sa main sur sa tête pour ordonner ses cheveux hirsutes avec une petite lueur de malice dans le regard. Il claqua des doigts. Ce geste fit grandir instantanément les arbres de la forêt, pour devenir une barrière infranchissable.
— Maintenant, mortels, chantez-moi une chanson pour entrer dans mes bonnes grâces ! Une chanson ! Une improvisation !
Le tsar s'approcha de son comparse et lui murmura :
— Il est sérieux ?
Celui-ci approuva d’un signe de tête et se racla la gorge avant de commencer à improviser :
— Zina, mon épouse, m'a abandonné pour un autre, / Je ne sais plus où trouver la consolation / Certainement pas dans l’antre. / Mais bien plutôt dans l’isolation.
Le Tsar secoua sa tête en signe de désapprobation, leva son sceptre et chanta, main sur le cœur :
— Le tsar de toutes les Russies par la volonté divine / chante tous les exploits des illustres bogatyrs / Et des bylines glorieuses sous son manteau serti d’olivine / Sans la présence des martyrs.
Alexandre reprit la parole :
— Ô noble Leschi, sont fautifs les volts et les dynamos / Sans quoi je ne serais pas un héros / Mon unique combat a été les soubresauts de la machine. / Mon orgueil, qui permet un saut temporel sans sceau, est fait en URSS, pas en Chine.
Le tsar fixa l’ingénieur d’un regard qui semblait lui dire « Je dois continuer ? »
— Dieu est témoin de ma volonté à vouloir revenir dans mon palais / Moi le conquérant de Kazan et de tant autres régions / Moi qui ne suis pas laid / Moi qui traque l’ennemi, bien qu’il soit légion !
La créature folklorique éclata de rire et cria :
— Vous êtes ridicules ! Comme vous n’avez aucun talent et que vous m’avez mis de bonne humeur, je vais appeler mon ami des lointaines contrées !
Il leva sa tête au ciel et siffla. Un point orange se profila à l’horizon pour devenir de plus en plus visible. Un oiseau aux plumes scintillantes allant du jaune au rouge en passant par l’orange, rappelant le feu se posa sur l’épaule du Leschi.
— Mon ami, l’Oiseau de Feu[11], veux-tu amener ces mortels à leur destination ?
— Oui, Leschi Igor, mon dos est suffisamment grand pour les accueillir ! Il suffit que le tsar ne craigne pas les hauteurs !
— Je ne crains rien ! répliqua l’illustre homme.
— Très bien, embarquez-vous sur mon dos et je vous amènerai au pied du chêne !
— On peut plutôt aller à son sommet ? demanda d’une petite voix Alexandre en constatant le temps qui passait et qui le menaçait comme une épée de Damoclès.
— Oui, certainement ! Mais je refuse les valises !
Et le tsar enfourcha l’oiseau, suivi de l’ingénieur. À tire-d’aile, le trio arriva sans encombre à destination, bien qu’Ivan le Terrible eût un mal de mer et s’accrochât convulsivement aux plumes du cou.
Dès que le rapace se posa tout en haut du chêne qui agitait ses branches comme des bras qui saluaient un ami, les hommes débarquèrent. Ils remarquèrent, à quelques mètres d’eux, un immense coffre plaqué or et serti de pierres précieuses les plus scintillantes. Ivan IV Vassilievitch s’en approcha avec crainte et affirma d’une voix forte :
— C’est ce coffre qu’il nous faut ! Maintenant, magicien, je veux revenir chez moi ! À mon époque !
— Mais avant, il faut transporter le coffre jusqu’au palais de Kochtcheï, puis je dois réparer ma machine. Bien sûr, si on ne fait pas pause déjeuner !
— Très bien ! Exécution !
— Je m’excuse, gazouilla l’Oiseau, mais ce coffre est trop lourd pour mon dos ! Je ne veux pas être en arrêt de travail à cause de cela ! Mais le Leschi nous aidera, si je le demande !
L’Oiseau prit son envol et revint quelques minutes plus tard avec le géant. Ce dernier prit le coffre par magie d’une main et suivit son ami ailé.
Le quatuor arriva sans perturbation atmosphérique, ni terrestre, au palais de Kochtcheï.
***
Dans la salle du trône du palais du sorcier folklorique.
Kochtcheï l’Immortel, assis sur son siège royal, se frotta les yeux pour être sûr de bien voir Kot Baïoun sagement allongé au pied d’Ivan Vassilievitch en grattant sa guitare d’un air nonchalant.
« Ces Soviétiques sont épatants ! Sortir vivants de chez Baba Yaga, je croyais que c’était mission impossible !… Sauf si Ivan Vassilievitch ou son épouse ont un lien de parenté avec cette vieille sorcière ! Pourquoi n’ai-je pas vérifié cette possibilité ? » songea-t-il sans se départir de son masque de glace. « Il ne manque plus que le scientifique et le premier tsar mortel de la Russie ! Je doute que le Leschi Igor les ait laissés passer ! Surtout que je n’ai jamais entendu que le tsar est talentueux en chant ! Tout juste bon à donner des ordres ! »
Le sorcier vida sa tasse de thé en fixant obstinément la fenêtre avec un large sourire sur le visage lorsque le soleil se rapprocha un peu plus de l’horizon.
À ce moment, la porte s’ouvrit toute grande pour laisser apparaître les deux Russes qui transportaient le précieux coffre dépositaire de sa mort. Le sorcier immortel agita son sceptre vers le coffre. Ce dernier s’éleva dans les airs et tourbillonna pour atterrir aux pieds de son propriétaire. Kochtcheï applaudit bruyamment et tonna :
— Félicitations ! Contre toute attente, vous êtes parvenus à accomplir dans le temps imparti les deux épreuves ! En bon tsar, je vais vous donner votre récompense, en plus de vous offrir un festin avant de vous ramener dans vos époques respectives !
Il leva les mains dans les airs, faisant cliqueter ses bijoux et agiter sa longue tunique, comme s’il écrivait des hiéroglyphes, et ordonna :
— Pour Alexandre Sergueïevitch, le manuscrit qu’il a tant recherché sera offert. Ce document explique précisément comment voyager dans le temps — passé, présent et futur — aussi bien que dans l’univers des contes. Sa machine à voyager le temps fera la une des journaux, sa renommée deviendra internationale, et il finira par se marier avec une femme digne de lui, qui fera une bonne épouse ! Pour Ivan Vassilievitch Bouncha, une vieillesse insouciante et sereine aux côtés d’Ouliana, sans devoir s’énerver à cause de l'électricité monopolisée par Alexandre Sergueïevitch, puisque celui-ci travaillera depuis le prestigieux laboratoire de Physique nucléaire et Recherche temporelle de la ville. Pour Yuri Andréïevitch, un sac magique. Pour Ivan Vassilievitch IV, des enfants avec votre troisième épouse, Marfa. Et vos descendants règneront sur la Russie durant plusieurs siècles.
Il baissa sa voix pour devenir un murmure :
— Bien que ceci amène un changement dans l’Histoire, mais c’est sans importance !
Il reprit d’un air enjoué :
— Que la fête commence !
Et tous festoyaient, mangeaient et buvaient à satiété. Kot Baïoun gratta sur sa guitare un air connu des Soviétiques et chanta une chanson qui fit sourire Ivan le Terrible.
***
Une fois le repas terminé, le mage maléfique ramena chacun des voyageurs temporels à leur époque en un claquement de doigts. Seul sur son trône, il murmura :
— Ô miroir d’argent et pomme d’or, montrez-moi le scientifique soviétique, nous avons plus de points communs qu’à premier regard ! Il m’a bien intrigué !
Et Kochtcheï, ravi, pensa « Je devrais l’inviter encore une fois pour discuter des voyages temporels ! »
***
Épilogue
Quelques années plus tard, à Moscou.
Ivan Vassilievitch passait une retraite heureuse et insouciante aux côtés de son épouse et de ses petits-enfants. Il aurait presque oublié le Vingt-Septième Royaume, si Ouliana ne l’obligeait à passer l’été chez Baba Yaga.
Alexandre Sergueïevitch, devenu l’inventeur de la machine à voyager dans le temps, respecté par ses confrères non seulement en URSS, mais aussi dans le monde, fut invité à maintes conférences. Il consultait fréquemment l’ouvrage remis par le tsar folklorique, lui permettant de voyager dans le passé et même dans le futur, en plus de quelques incursions au palais de Kochtcheï. Il se maria à une Russe de bonne famille quelques années avant son succès à l’international et eut deux enfants, puis déménagea dans une maison en périphérie de la capitale.
***
Russie du XVIe siècle.
Ivan le Terrible, heureux père de cinq enfants avec Marfa, continuait à tenir d’une poignée de fer son royaume. Il poursuivit son projet d’unifier le pays pour le rendre fort et grand, respecté par tous, tout en amenant un progrès technologique et intellectuel important.
***
Au Vingt-Septième Royaume.
Yuri Andreïevitch, une fois qu’il termina son année de service chez Baba Yaga, maria la Roussalka Tatiana. Il vécut heureux dans ce monde avec de rares incursions dans la Moscou du XXe siècle pour effectuer quelques larcins, ravi de son sac magique.
Kochtcheï l’Immortel cacha le coffre contenant sa mort quelque part en Antarctique de l’an 2002 où aucun homme, ni animal, ni végétal ne vivaient. Il continuait à régner sur son royaume le conduisant d’une main implacable. Le sorcier folklorique attendait avec impatience chaque visite du scientifique soviétique, tellement il voulait discuter des dernières modifications et améliorations de sa machine à voyager dans le temps. Il pensait bien lui dévoiler certains secrets de l’univers et de la vie, mais pour cela, il faudrait encore plusieurs années.
___
[1] Le Vingt-Septième Royaume, littéralement « Trideviatoe tsarstvo » ou « Royaume plus loin que trois fois neuf terres », désigne, dans le folklore russe des contes, un royaume lointain.
[2] Kochtcheï l’Immortel est un méchant sorcier des contes russes qui enlève les princesses. Il est immortel parce que sa mort se trouve dans la pointe d’une aiguille, l’aiguille est dans l’œuf, l’œuf dans le canard, le canard dans le lapin, le lapin dans un coffre, le coffre sur un chêne, le chêne sur l’île Bouïane, l’île au milieu de l’océan.
[3] Le bonnet de Monomaque est la couronne des tsars russes lors de leur ascension au trône. Cette coiffe, dit la légende, est un cadeau de l'empereur byzantin Constantin Monomaque à son petit-fils Vladimir. Cette coiffe, portée depuis Ivan le Terrible jusqu’à Pierre Ier, est constituée d’une base en zibeline, de plaques d’or et de pierres précieuses et perles, en plus d’une croix en son sommet.
[4] Kot Baïoun est un énorme chat du folklore russe, à la voix magique, qui endort les voyageurs qui l'entendaient. Il est un chat-sorcier qui tuait sans pitié ceux qui arrivaient à lui.
[5] Baba Yaga est une sorcière du folklore slave qui navigue dans un mortier. Elle menace toujours le héros qui arrive à sa cabane surmontée de pattes de poulet d’anthropophagie qu’elle n'exécute jamais.
[6] Zmeï Gorynytch est un dragon multicéphales, allant de trois à neuf têtes qui représente le chaos et le désordre. Il est le gardien de trésors importants et enlève des princesses, toujours opposé au héros qui doit l’affronter.
[7] Une Roussalka est une entité maléfique de la mythologie slave orientale, qui se manifeste près des champs de céréales, des forêts ou des points d'eau. Elle prend l'apparence d'une femme au teint pâle, arborant une longue chevelure verte. Cette créature peut tuer ses victimes en les chatouillant sans relâche ou en les noyant.
[8] L’Île Bouïane est une île mythique du folklore russe, mais son prototype est une île bien réelle. L’Île légendaire ne comprend que le chêne au sommet duquel repose le coffre qui contient la mort de Kochtcheï et la pierre Alatyr, pierre magique de guérison.
[9] Soloveï le Brigand, un rossignol bandit, terrifiait les voyageurs qui passaient par son domaine, bâtissant sa demeure au-dessus de six chênes. Son cri amène la mort à plusieurs kilomètres à la ronde.
[10] Le Leschi est, dans la mythologie slave, l'esprit maître de la forêt qui a l’apparence d’un vieil homme barbu. Il peut se métamorphoser en géant, aussi grand que les arbres, ou, au contraire, très petit, prendre l'apparence d’un être connu du voyageur. Il peut amener les voyageurs imprudents ou irrespectueux à leur perte dans la forêt.
[11] L’Oiseau de Feu, жар-птица, jar-ptitsa, une oiselle en russe, est une créature mythique des contes slaves. Il est un oiseau d’un royaume très lointain au plumage couleur de feu qui brille dans le noir, l’une de ses plumes éclaire mieux que des bougies.