Le Revers de L'Infini - Tome 1 : Découverte

Chapitre 11 : Au cœur du tunnel

2700 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/10/2025 21:35

Aya sursaute en entendant la voix de Nanami. Son cœur bat plus fort. Pendant un instant, elle a l’impression étrange qu’il a deviné ses pensées. Elle cligne des yeux, secoue légèrement la tête.

{Il entend mes pensées ??}

Sans un mot, elle se lève lentement, ramasse son livre et le serre fort contre elle. Un doute persistant lui noue la gorge tandis qu’elle sort de la salle en silence, comme si elle allait passer une épreuve qu’elle ne comprend pas encore.

Sho bondit de sa chaise avec une énergie débordante, prêt à conquérir le monde.

— Trop cool !!

Rin soupire, mains croisées derrière la tête, et leur emboîte le pas, nonchalante mais vigilante.

— On passe direct au mode terrain sans tutoriel… franchement, j’espère qu’on a pas tiré le niveau difficile...

Elle jette un œil à Aya, devine son trouble, et baisse un peu la voix en marchant à ses côtés.

— {T’inquiète, on improvise tous un peu. Tu vas gérer...}

Puis elle élève le ton, se tournant vers Sho qui bondit devant.

— Et toi, pas de fouet avant le feu vert, d’accord ? Pas envie de finir en sashimi dès l’arrivée !

Aya hausse les épaules, sans conviction.

— {J’en suis pas si sûre...}

Sho se retourne, toujours ce sourire malicieux collé au visage.

— Je gère, Rinette ! Tu peux te cacher derrière moi !

Aya baisse les yeux, ses pensées s’éparpillent.

{Ma seule expérience avec Souta… il m’a demandé de marcher derrière lui tout le long...}

Rin tape doucement du pied en marchant à côté d’elle, plus douce maintenant.

— Souta est peut-être du genre rigide, mais c’était ta première mission. Il voulait te protéger, c’est tout.

Elle tourne la tête vers elle, le regard franc.

— Et t’as quand même explosé un fléau. T’as agi. Et t’as réussi. Et ça, ça compte. Tu ne suis pas. Tu choisis.

Devant eux, une voiture noire est garée en bord de trottoir. Sobre, discrète. Nanami est déjà installé au volant, les mains posées sur le volant, regard rivé droit devant, impassible comme un masque de marbre.

Sho se précipite à l’arrière, comme un gamin en excursion.

Aya s’arrête net devant la portière, les yeux fixés sur la carrosserie. Le doute l’envahit.

— Et si c’était pas ma place, ici ? Je suis pas comme vous...

Rin se penche depuis la portière avant ouverte, le menton appuyé sur ses bras, un sourcil levé.

— T’as fait exploser un fléau, Aya. C’est pas un club de tricot ici. Si t’es pas à ta place, personne ne l’est.

Elle lui adresse un sourire tranquille.

— Et t’inquiète… Sho suffit à compenser notre taux de chaos. T’es celle qui équilibre la balance.

Elle désigne la voiture d’un signe du menton.

— Monte. Nanami a déjà l’air de remettre en question ses choix de carrière.

Nanami soupire, sans bouger.

— Effectivement. Je n’ai pas que ça à faire, les jeunes...

Aya ravale son angoisse, monte en silence.

Sho se retourne vers elle, lumineux.

— Hey, ça va aller ! Paraît que t’es forte !! J’ai hâte de voir ça !

Puis il se tourne vers Rin.

— Et toi ! Évite de sauter dans le tas ! Va pas te refaire le bras, Rinette !

Rin claque sa ceinture, un sourire narquois aux lèvres.

— Si je saute dans le tas, c’est que j’ai un plan… bon, un peu flou, mais un plan quand même.

Son regard croise celui d’Aya dans le rétroviseur intérieur. Elle le maintient un instant, posée.

— Ne t’écoute pas trop. Le doute, ça protège. Mais ça n’empêche pas d’avancer. T’as déjà fait bien plus que ce que t’imagines.

Elle se cale au fond du siège et lance, plus fort :

— Allez chef, moteur. Avant que Sho propose de chanter pour passer le temps…

Aya regarde la ville défiler derrière la vitre. Les lumières deviennent floues. Les mots de Rin flottent dans son esprit.

Sho tape dans ses mains.

— Une chanson ! En voilà une bonne idée !!

Rin ferme les yeux, dramatique.

— Et voilà… il l’a dit. Maintenant c’est foutu.

Elle grogne doucement.

— Bon, vas-y. Mais si tu chantes faux, je saute en marche. Même avec un seul bras.

Elle lance à Aya, sans tourner la tête :

— T’inquiète, on l’ignore une fois sur deux. C’est devenu un art martial à part entière.

Aya esquisse un micro-sourire, confuse mais réchauffée par leur échange.

Sho se racle bruyamment la gorge… et entame une chanson aussi énergique que vaguement juste.

La voiture quitte l’axe principal, bifurque dans une ruelle de Tokyo. Le ciel s’assombrit. Le moteur ralentit. Devant eux, un grillage rouillé bloque l’accès à un ancien couloir de service. Des panneaux de travaux dissimulent partiellement l’entrée.

Aya jette un regard inquiet par la vitre.

— C’est pas rassurant…

Sho, soudain sérieux, sourit légèrement.

— C’est parti.

Nanami sort calmement de la voiture, referme la portière d’un geste précis, ajuste sa cravate avec un automatisme chirurgical. Il se poste devant la grille encastrée dans un mur décrépi, dont les briques humides portent les marques du temps et des fléaux.

— Ancienne station de métro. Fermée depuis 2002. Elle servait d’abri pendant les séismes… Aujourd’hui, c’est devenu un nid.

Il sort une vieille clé, déverrouille le cadenas d’un geste fluide. Un grincement métallique déchire le silence quand la grille cède. Il braque sa lampe dans le tunnel.

— Mission standard : deux fléaux de rang 2. C’était censé être une opération de routine.

Il tourne brièvement la tête vers eux, un éclat presque résigné dans le regard.

— J’étais censé venir seul.

Rin sort la première, les yeux brillants d’une curiosité mêlée d’adrénaline.

— Cool.

Nanami lui tend la lampe, puis s’écarte pour les laisser passer.

— Vous descendez en formation. Observation d’abord. Si engagement il y a, soyez méthodiques. Pas de gestes inutiles. Pas de prise de risque inutile. Et restez groupés.

Il regarde brièvement Aya, son ton légèrement plus bas.

— Si la situation dégénère, je prends la relève. Mais j’aimerais que vous me montriez ce que vous valez.

Il allume sa propre lampe, ferme la marche sans un mot de plus.

Sho déroule lentement son fouet, les yeux brillants.

— Ils vont rien voir venir.

Aya suit Rin sans oser relever les yeux. Ses doigts se crispent sur la couverture de son livre, comme si cette simple étreinte pouvait contenir ses doutes.

Sho marche à côté de Rin, le regard vigilant, les sens en alerte.

— Y en a un pas loin. Je le sens…

Nanami, derrière eux, analyse chaque recoin, ses yeux traquant la moindre anomalie.

— Normal. Le malheur s’accumule ici depuis trop longtemps.

Sa voix résonne doucement dans l’écho humide du tunnel.

— Et quand on ne voit rien, c’est souvent que quelque chose vous voit.

Il balaie les murs du faisceau de sa lampe. Les rails rouillés luisent d’une moisissure ancienne. Le béton suinte d’une noirceur organique.

— Dix mètres encore. Sho en tête. Rin, éclaire large. Aya, tu restes au centre.

Son ton est calme, mais sans appel.

— On va voir si vos réflexes valent vos notes.

Sho avance d’un pas souple, le fouet déjà déroulé, prêt à claquer à la moindre provocation. Rin élargit son faisceau de lumière. Le halo révèle des pans de murs fissurés, des restes de sacs éventrés, des graffitis figés dans le silence. L’air devient plus lourd, comme si le tunnel lui-même retenait son souffle.

Aya, au centre, marche entre les deux, ses yeux balayant nerveusement l’ombre. Chaque bruit de goutte, chaque craquement de métal rouillé, fait tressaillir ses épaules.

— {Reste concentrée... Respire. Ils sont là. Je ne suis pas seule...}

Soudain, un frisson invisible traverse le sol. Nanami s’arrête net. Ses yeux se plissent.

— Stoppez.

Les trois élèves s'immobilisent aussitôt. Rin tourne brièvement la tête.

— Quoi ?

Aya ne dit rien. Elle sent, elle aussi, quelque chose. Une vibration… un changement dans l’air. Ses doigts blanchissent autour de son livre.

— Là-bas…

Sho pointe du doigt un recoin du tunnel où l’obscurité semble plus épaisse, comme animée d’une lente pulsation.

— Il nous attend. Faut y aller. Voir à quoi il ressemble.

Nanami avance d’un pas. Ses yeux se fixent sur la silhouette qui commence à émerger des ténèbres. Une forme tordue, parcourue de veines rouges qui luisent faiblement dans l’obscurité.

— Mauvaise nouvelle. C’est pas du rang 2.

Il dégaine calmement sa lame, une lueur froide dans le regard.

— Classe 1. Formation serrée. Sho en tête. Rin, lumière large. Aya, au centre.

Il ajuste ses lunettes.

— On s’adapte.

Sho se place aussitôt, le fouet tendu devant lui, les yeux fixés sur la masse sombre qui s’approche lentement. Des griffes effilées traînent contre les murs, produisant un grincement métallique qui fait vibrer l’air. Une lueur rouge palpite dans ses veines, et sa respiration, sifflante, résonne dans le tunnel comme un râle venu d’un autre monde.

Aya reste figée, au centre. Elle sent son cœur battre dans sa gorge. Le poids du silence. Le regard de ses camarades. Et cette voix intérieure...

— Mais… si j’utilise mon pouvoir, je vais le faire disparaître d’un coup... pouf…

Ses mots glissent à peine, presque comme une excuse.

Nanami ne détourne pas les yeux du fléau. Sa voix reste calme, posée, ancrée.

— Si tu penses pouvoir le faire disparaître… alors essaie.

Il jette un bref regard en arrière.

— Ce n’est pas une bêtise. C’est pour ça que tu es là. Et que nous sommes là.

Puis, à Sho :

— Reste prêt à couvrir si ça ne suffit pas.

Sho hoche la tête, contracte ses muscles, son fouet vibre sous la tension de son énergie maudite.

Rin, elle, garde la lumière bien large, son regard passant d’Aya à la créature, à Nanami, puis à Sho. Elle serre les dents.

— Et moi, je sers de lampadaire… Super.

Nanami répond, le ton neutre mais chargé de sens :

— Ton rôle peut nous sauver, Rin. Et avec ton bras encore fragile, je préfère te laisser à distance. Ta lumière est notre angle de survie.

Rin grogne faiblement, mais s’exécute. L’intensité de la lampe vacille légèrement dans sa main, avant de se stabiliser.

Aya ferme les yeux. Inspire. Longuement.

Elle visualise. Le tunnel. Ses camarades. Le fléau. Puis Cindy. Cette présence familière, éthérée, qui surgit dans son esprit. Elle tend le bras mentalement, invoque cette puissance qu’elle ne comprend pas totalement.

Cindy claque des doigts.

Et tout s’accélère.

Le fléau, surpris, commence à vriller sur lui-même. Sa forme se distord, son centre se resserre, ses veines rouges se dilatent et éclatent comme des bulles. Il se tord dans une spirale fulgurante, tournoyant autour d’un axe invisible. Puis, comme aspiré, il disparaît dans un souffle, laissant derrière lui une pluie de particules scintillantes.

Un silence tombe.

Aya garde les yeux fermés, tremblante, son livre toujours serré contre elle. Elle sent que quelque chose cloche.

Un râle.

Le fléau n’a pas entièrement disparu.

Sa silhouette se reforme dans un craquement grotesque. Plus lente, affaiblie, mais furieuse. Ses yeux luisent d’un rouge plus sombre. Il se redresse et fonce vers le groupe.

Nanami n’hésite pas.

D’un mouvement net et précis, il s’interpose, lame dégainée. Un coup. Un seul. Tranchant. Mortel.

Le fléau s’immobilise, figé dans son élan, avant d’éclater en une gerbe de noirceur éclatée. L’air se relâche.

Il remet calmement ses lunettes.

— Bien joué, Aya. Tu l’as affaibli. Et c’est tout ce qu’on attendait de toi. Le reste, c’est notre travail.

Il tourne légèrement la tête vers elle, et cette fois, il y a une lueur sincère dans sa voix.

— Pour un rang 1… je suis impressionné. Gojo n’a pas menti.

Rin laisse échapper un souffle qu’elle ne savait pas retenir. Sa main tremble un peu, la lampe glisse et tape doucement contre sa jambe.

Sho cligne des yeux, bouche bée.

— J’ai pas compris… C’était quoi, ce truc ? Elle a pas bougé…

Aya rouvre lentement les yeux. Son regard croise celui de Nanami. Elle balbutie.

— Ça a marché… mais pas complètement, c’est ça ?

Nanami hoche lentement la tête, toujours aussi serein.

— C’était une technique de visualisation. Silencieuse, mais efficace. Tu n’as pas encore la puissance pour achever un rang 1 seule. Mais l’avoir autant affaibli… c’est déjà au-delà de ce que j’espérais.

Il s’approche d’un pas.

— Ce que tu viens de faire, même des exorcistes plus expérimentés n’en sont pas capables. Continue sur cette voie, et tu y arriveras.

Puis il se redresse et balaie le tunnel du regard.

— On sécurise les lieux. Le second fléau ne doit pas être loin.

Sho tape doucement dans le dos d’Aya, un sourire sincère aux lèvres.

— Ben… bravo, quoi. T’es carrément balaise toi !!

Rin hoche la tête, un sourire discret.

— Bravo, Aya...

Aya, un peu gênée, serre son livre contre elle.

— Je… je crois que si je le vois bien, je peux agir… Je suis pas obligée d’être juste devant lui, si ?

Rin acquiesce doucement.

— Ta force, c’est la perception. Pas le contact. Si tu peux le visualiser… t’as déjà l’avantage.

Elle jette un coup d’œil vers Nanami.

— Et au pire… si tu rates, Sho fonce et moi je frappe. Une équipe très professionnelle, tu vois ?

Aya rit légèrement, un son timide, mais réel.

— Mais… je peux le faire combien de fois ? Je veux dire… est-ce que je peux continuer jusqu’à ce qu’il disparaisse ?

Nanami s’arrête net. Il tourne lentement la tête vers elle.

— Non. Ton énergie maudite n’est pas infinie. Et ta technique semble puiser plus profondément que tu ne le crois. Si tu t’obstines, tu risques de t’effondrer avant ton adversaire.

Il ajoute, plus bas :

— Mais le simple fait que tu puisses déjà l’invoquer ainsi, c’est une anomalie. Une bonne.

Sho, à l’avant, s’immobilise soudain. Il lève la main.

— Nanami… vous avez senti ça ?

Rin resserre sa prise sur sa lance.

— Ça approche.

Nanami ferme les yeux un instant, puis se tourne vers eux, sa voix plus basse encore.

— Restez groupés. Défense serrée. Rin, tu couvres l’arrière. Aya, si tu vois quelque chose, préviens. Sho… pas de fonçage.

Un souffle glacial descend le long du tunnel.

Une voix grave s’élève, comme si elle venait des murs eux-mêmes.

— Hm… des enfants… envoyés à l’abattoir par des adultes trop sûrs d’eux…

Sho se redresse, fouet prêt. Rin lève la lampe. Aya reste figée, les yeux écarquillés.

Une silhouette s’avance. Massive. Sombre. Ses yeux brillent d’une intelligence malsaine.

Ce n’est pas un simple fléau.

C’est autre chose...



Rendez-vous samedi entre 20h et 21h30 pour la suite....

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