Et Pyritus Sancti

Chapitre 1 : Où l'on crame des mecs...

Chapitre final

2209 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 19/07/2025 17:00

ET PYRITUS SANCTI *


Où l’on crame des mecs,

car c’est raccord avec la thématique

 

COMÉDIE


ACTE PREMIER

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SCÈNE 1

 

ARTHUR, LEODAGAN, LANCELOT, GUETHENOC

Dans la salle du Trône, Arthur siège en séance de doléances, entouré de Lancelot et Leodagan qui, comme d'habitude, s'ennuient ferme. C'est au tour du plus riche paysan moustachu de Logres, Guethenoc. Entre l'embarras et la colère, il s'avance en triturant son galurin.

GUETHENOC — Vous êtes sûr, sire ?

ARTHUR — Oui. Comment donc il faut qu'j'vous l'dise ?

Et magnez-vous un peu, j'ai pas toute la journée !

LEODAGAN soupire, agacé — Oh non ! Ce n'est pas vrai ! Alors ça, c'est la ç'rise !

Faut se la refarcir, votre lubie d'Alexandre ?

Déjà, moi, c'est pénible de devoir m'y coller

J'imagine les pecnots ! C'est un coup à se pendre !

ARTHUR, l'œil noir — Et vous, Lancelot ? Dites-moi, ça vous défrise aussi ?

LANCELOT d'une affabilité hautaine — Pas du tout. Pour une fois qu'on élève le niveau...

ARTHUR — Bien. Alors, Guethenoc, qu'est-ce que vous faites ici ?

GUETHENOC, stupéfait — Comment « Qu'est-ce que je fais ? » ? C'est rapport aux bateaux

Des Saxons !

LEODAGAN, estomaqué — Mais... De quoi ?! J'ai pas été prév'nu !

Ils débarquent et personne pour le dire au château ?

LANCELOT persiffle entre ses dents — Formidable ministre de la sécurité !

Le roi se redresse sur le trône, alarmé par la nouvelle et bien mieux réveillé.

ARTHUR — Fermez-la cinq minutes. (À Guethenoc) Qui vous a alerté ?

GUETHENOC — Deux jours que mes champs crament, et vous êtes pas venus !

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SCÈNE 2

ARTHUR, LEODAGAN, LANCELOT, BOHORT, KARADOC, YVAIN, GAUVAIN

Les chevaliers disponibles ont été convoqués en urgence et siègent autour de la Table Ronde. Peu osent parler, tous ont la mine sombre. Le seigneur de Carmélide est furieux après son fils Yvain. Lui et son ami Gauvain n'en mènent pas large car ils sont notoirement (ir)responsables (de la surveillance maritime).

LEODAGAN — Mais qui donc m'a flanqué un abruti pareil !

Vous n'êtes même pas foutus de surveiller la côte ?

ARTHUR — Ah beau-père, calmez-vous ! Ce n'est pas de leur faute !

Les Saxons sont passés – ça m'est v'nu aux oreilles –

Par le sud, en longeant toute la Cornouaille.

LANCELOT — Ils pillent et brûlent tout ?! Dame, il faut qu'on y aille !

Quand donc partons-nous, sire ?

Bohort resté silencieux jusque-là explose à la surprise générale. Il se lève et tape les paumes sur la table, enflammé d'une façon qu'on ne lui connaît guère.

BOHORT — Voilà qu'on remet ça !

Riposter, Riposter ! Et la diplomatie ?

Le souverain de Logres va mettre le holà :

Et aux anciens succèdent de nouveaux ennemis !

ARTHUR, presque agréablement surpris — Et que proposez-vous... ?

LEODAGAN, narquois — ...pour manger cet hiver ?

Vos ronds d'jambes nous feront regarder de travers !

BOHORT, tout sourire — Justement ! Pourquoi pas une fête en leur honneur ?

LEODAGAN, moqueur — Mais bien sûr ! Vous voulez leur filer un quatre-heures ?!

LANCELOT, incrédule — Vous vous foutez de nous ?

BOHORT — Pas du tout, mon cousin !

Pourquoi nous pillent-ils si ce n'est qu'ils ont faim ?

Je préfère entamer quelque peu nos réserves,

Pour un petit banquet. Ce sera moins coûteux

Que de voir tous nos champs ravagés par le feu !

KARADOC — Et puis devoir bouffer uniquement des conserves !

Les yeux fixes, Arthur bloque une inspiration. Dodelinant du chef, il semble soupeser l'argument de son ministre des relations diplomatiques. Il baisse les yeux et gratouille de l'ongle le plateau de la Table, puis il ouvre la bouche, ne sachant comment refuser poliment sans le blesser.

BOHORT, suppliant — Envoyons-leur au moins une délégation...

Pour voir ce qu'ils en pensent et tâter le terrain.

Le roi se lève, l'air décidé, et tous en font autant. Il s'incline discrètement vers Lancelot et chuchote.

ARTHUR — Allez chercher Elias et... évitez Merlin !

LANCELOT, réprobateur et inquiet — Sire...

ARTHUR soupire — Je sais, mais tentons une concertation.

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DEUXIÈME ACTE

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SCÈNE 1


ARTHUR, LANCELOT, BOHORT, ELIAS DE KELIWIC'H, GUETHENOC, ROPARZH

À quelque distance de Kaamelott toujours visible en arrière-plan, à la limite des métairies de Guethenoc et Roparzh, Arthur regarde ses éclaireurs prisonniers s'échiner vainement à lui parler en code en frappant des bâtonnets.

Deux équipages de Saxons braillent à son encontre en agitant leurs armes, l'empêchant complètement d'entendre et déchiffrer le message. Lassé, le roi arrache vigoureusement une bannière à un soldat et y attache un tissu blanc qu'il agite.

LANCELOT — Mais, sire, qu'est-ce que vous faites ? Ils vont croire qu'on se rend !

Il n'en est pas question ! Si jamais on l'apprend...

Elias a des potions, et puis son sort de foudre.

ARTHUR — J'y vais avec Bohort, restez sur le qui-vive.

Un seul pet de travers : vous lancez l'offensive.

ELIAS, sortant un flacon de ses grandes manches — S'ils ne veulent rien entendre, jetez-leur cette poudre

Et avec un éclair, on nettoiera la zone...

GUETHENOC, inquiet s'approche les poings sur les hanches — Dites voir, et mon blé ? J'en récolte pas des tonnes !

Allez donc chez Roparzh, sa pâture est tout près.

Un hachis de Saxons lui ferait de l'engrais !

ROPARZH — Faites ça, je promets de la grande violence !

ARTHUR, énervé — Ou sinon, on vous laisse, et vous vous démerdez.

Tenez un tas de flèches ; et, vous, prenez ces lances.

Bien le bonjour aux Saxons, moi je rentre au bercail.

Ça va bien maintenant...

BOHORT, tirant la manche du roi — Non, sire, regardez !

Ils libèrent Perceval !

GUETHENOC — Partez pas ! On pinaille...

Le roi leur jette un regard sévère, emportant la poudre de Chine donnée par Elias.

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SCÈNE 2

ARTHUR, BOHORT, PERCEVAL

Arthur bougonne en rajustant une tenue Viking (miraculeusement fournie par le marchand Venec). Son casque à cornes le rend ridicule, il tire sur une ceinture à la boucle ostentatoire et s'ébroue sous une cape à la mode saxonne dotée d'un énorme col bordé de fourrure. Bohort, ravi, a l'air encore plus improbable dans des habits trop grands pour son gabarit.

Sur un malentendu, Perceval a fait partie des éclaireurs. Les Saxons le renvoient pour porter leurs menaces. Arthur s'avance vers lui d'un pas calme, mais fait flamboyer Excalibur, en manière d'avertissement.

ARTHUR — Bohort, vous me laissez mener les pourparlers.

(Ronchonnant) Ah mais c'est pas possible, on crève de chaud dessous...

PERCEVAL, arrivant un peu essoufflé — Il faut croire que le code, ça les a énervés...

Sire Arthur, ils ont tué tous les autres à part moi !

ARTHUR — L' interprète est venu nous rattraper le coup...

Interprète ? Qu'est-ce qu'il fout ? Pourquoi il est pas là ?

BOHORT le désigne — Là-bas, près de Merlin...

ARTHUR sursautant, contrarié — Merlin ?! Je n'en veux pas !

Si c'est pour qu'il se fritte encore avec Elias,

Merci bien, pas la peine ! Bon, venez, ils m'agacent.

BOHORT tourné vers leurs renforts, plisse les yeux, la main en visière — L'enchanteur officiel est en piteux état !

Le château aurait-il fait l'objet d'une attaque ?

PERCEVAL le coupe — Nan, ils n'ont pas bougé à griller d'la barbaque.

Qu'est-ce qu'on dit aux Saxons ? « Tirez-vous », et basta ?

(Écoutant les sons qui viennent de leur propre camp) Attendez une minute, je crois que c'est du code...

Le roi lève les yeux au ciel. Les Saxons ne semblent pas d'accord entre eux mais certains sont de plus en plus menaçants, ils poussent des clameurs pour s'encourager et semblent prêts se lancer dans une bataille sans merci.

ARTHUR — Perceval, accouchez ! Ils n'ont pas l'air commodes !

PERCEVAL, fronçant les sourcils d'incompréhension — J'ai encore rien compris...

Ou c'est moi qui yoyotte ou... ça crame à Kaamelott ?!

ARTHUR — Quoi ? Redites-moi ça ?

PERCEVAL — « J'ai encore rien compris » ?

BOHORT, apeuré leur tire vivement la manche — L'ennemi vient sur nous ! Laissons le polyglotte !

J'avais tort ! Balancez la poudre à explosion !

ARTHUR (à Perceval) — Tenez ça un instant, ça va faire diversion...**

Pendant que Perceval tétanisé porte Excalibur, le roi fouille vivement sa ceinture, en extrait la poudre à canon, fait le signe convenu prévenant Elias qu'il va lancer la fiole sur les Saxons et jette ses compagnons à terre. Simultanément, le joyau serti sur la couronne du mage commence à crépiter et libère une décharge lumineuse qui fait exploser le flacon en vol.

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TROISIÈME ACTE

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SCÈNE 1

SÉLI, GUENIÈVRE, LEODAGAN, LA SERVANTE NESSA***

À Kaamelott, les lieux sont en effervescence, car chacun lutte déjà contre un inexplicable incendie, déclaré depuis peu. Le roi Leodagan est juché sur un trébuchet. À travers les fumées, il hurle des ordres à deux colonnes de serviteurs qui courent en apportant des seaux qu'ils jettent sur le laboratoire de Merlin, source manifeste du départ de feu.

Alors qu'ils s'évertuent à le maîtriser, un éclair déchire le ciel, accompagné d'un bruit terrible. Puis deux, puis trois venant frapper la toiture du château et, avec insistance, le laboratoire de Merlin, empirant la situation. Sur le seuil du garde-manger, la dame de Carmélide encourage les grouillots.

DAME SÉLI — Magnez-vous, empotés ! Le feu gagne les cuisines !

J'vous préviens : si elles crament, j'vous enferme au cachot !

Videz-moi les réserves ! La baraque tombe en ruines.

NESSA — Ah mais non, là, madame, il fait beaucoup trop chaud.

Paniquée, Guenièvre émerge des souterrains, échevelée comme une Cassandre d'Euripide, se précipite vers sa mère.

DAME SÉLI, maugréant — Quelle tuile nous tombe encore sur le coin du nez ?

GUENIÈVRE — Ma mère, par pitié, descendez avec moi

Nous cacher dans les caves. Papa l'a ordonné.

Il n'y a plus rien à faire, Kaamelott est perdu !

DAME SÉLI, féroce, secouant ses tresses pictes — Non mais vous plaisantez ? (Aux serviteurs) Bougez, bande de glandus !

(À sa fille) Entre Arthur et Goustan, c'est pas vraiment un choix.

La Carmélide ? Sans moi. J'y remets plus les pieds !

LEODAGAN — Avant d'en discuter, faudrait qu'on reste entiers...

Ma fille, dégagez, et restez à couvert !

Chez Merlin ! Quelque chose attire les éclairs...

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SCÈNE 2

ARTHUR, LEODAGAN, ELIAS DE KELIWIC'H, MERLIN

Le roi et Lancelot débaroulent à Kaamelott à bride abattue. Roussi, Leodagan les accueille avec satisfaction, exécutant un large geste pour désigner l'enceinte du château. Pourtant, un auvent s'écroule avec une gerbe d'étincelles, il n'y a plus d'étable, le tiers chou et le tiers tulipes ne sont qu'un souvenir... Cependant, la cour intérieure, les murailles et le jardin sont en assez bon état…

LEODAGAN, plastronnant — Regardez-donc à l'œuvre mes « dépenses inutiles » !

ARTHUR — Mais de quoi parlez-vous ?

LEODAGAN — Faites gaffe aux projectiles !

Un claquement sec fait vibrer l'air et de grosses outres arrivent en sifflant, s'écrasant sur les foyers à un rythme de tir lent mais régulier. Les éclairs persistent mais peinent à enflammer des surfaces humides.

LEODAGAN se penchant vers le roi depuis son perchoir — Je ne veux plus entendre sur elles la moindre insulte !

Vous voyez bien qu'avec mes belles catapultes

Le château est debout : j'ai sauvé Kaamelott !

ARTHUR, mécontent — Les vôtres ? C'est un peu fort ! C'est moi qui paie la note !

Et sinon, à part ça, si ça vous intéresse,

Cette odeur que l'on sent, ce sont des Saxons cuits.

Elias se prenant les pieds dans sa robe, arrive en colère portant des parchemins qu'il fouille fébrilement en pestant pour trouver le sort adapté. Merlin est à sa suite.

ELIAS — Mais je m'en vais lui mettre un peu mon pied aux fesses !

Merlin ! Qu'avez-vous fait, espèce d'abruti ?

Vous n'avez quand même pas testé en intérieur

Le sort de boules de feu…

MERLIN, sur ses ergots — Mais non !

ARTHUR, un peu grinçant — A la bonne heure !

Elias, pourriez-vous bien faire cesser tout ceci ?

ELIAS — J'y travaille, mais une force résiste dans son taudis !

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SCÈNE 3

ARTHUR, MERLIN

Au seuil de feu son laboratoire, Merlin regarde tristement les murs calcinés, fioles cassées et grimoires noircis. Touché par sa contrition, Arthur essaie de lui remonter le moral, même conscient que la situation aurait pu tourner plus mal.

ARTHUR, conciliant — À moi vous pouvez dire ce qui est arrivé...

MERLIN, penaud — J'ai trouvé un caillou près d'un site sacré

Qui avait bien une tête de pierre incandescente...

Fallait bien vérifier, si c'était pas le Graal !

En voulant l'étudier à la lueur d'une bougie

Je me suis approché, et tout ce qu'était métal

S'est mis à valdinguer. Ma lanterne est partie

Droit sur des parchemins... Que faire ? C'était fatal.

ARTHUR, touché par son intention première — D'accord... Mais regardons le bon côté des choses

Maintenant les Saxons savent qu'on dispose d'une arme.

Elle leur passera l'envie, du moins je le suppose

De lorgner sur nos côtes et d'y trouver du charme !

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(RIDEAU)

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Notes

*En latin, la pyrite est plutôt appelée pyritès mais disons que j'ai emprunté le titre au roi Loth, parce que ça ne veut rien dire. Cependant, les propriétés que je décris seraient plus compatibles avec une magnétite (l'aimantation). Par contre, aucune pierre incandescente, à part la kryptonite, ne rayonne d'elle-même.

**Perceval est la seule autre personne capable de faire flamboyer Excalibur car il a « un grand destin » (trouver le Graal).

***La remplaçante d'Angharad qui porte les plateaux du petit-déjeuner au lit.

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