Et si nous aussi ?

Ils s’étaient retrouvés en haut du clocher, comme à l’occasion de chaque fin de journée après leur mission respective. Roxas avait toujours cru, assez naïvement, que son aîné avait réponse à tout. Peut-être parce que celui-ci répondait avec une telle nonchalance qu’il ne pouvait que lui inspirer confiance. Et Axel, bien qu’il ne l’avouerait à quiconque, lui répondait bien volontiers et ce avec une telle patience et bienveillance que l’on aurait pu croire entre un échange entre un professeur et son élève.

C’était donc l’un de ces soirs, le même coucher de soleil qui semblait ne jamais vouloir se terminer. Les nuances de rouges se reflétaient dans les yeux verts de l’aîné perdu dans ses pensées, à tel point qu’il n’en avait pas remarqué les deux yeux bleus vissés sur son visage.

  « Comment peut-on être sûrs que nous n’avons pas de cœur ? »

Axel ne s’attendait évidemment pas à se faire tirer de ses songes d’une façon aussi abrupte. Que répondre à cette question ? Il n’était même pas à même d’imaginer ce qu’un cœur pourrait réellement changer à sa vie. Il ne lui restait plus que ses souvenirs de sa vie d’humain pour lui servir de comparaison.

« Et bien, tu le sais, l’humain que nous étions a perdu son cœur. C’est ainsi que nous avons été créés. »

« Oui, mais je ne te demandais pas comment nous avons été créés, je te demandais comment pouvons-nous être sûrs de ne pas avoir de cœur. Après tout cela signifierait que nous n’éprouvons rien. Pourtant je peux t’assurer que quand Demyx se retrouve à devoir nettoyer la Citadelle de fond en comble après avoir réveillé Saïx en jouant du sitar, je ne peux m’empêcher de rire. Mais si je n’avais pas de cœur je ne serais même pas censé trouver ça drôle, non ? »

Voilà qu’Axel ne savait pas quoi répondre à son meilleur ami pour une fois. Il se mit à fixer cette grande paire d’yeux bleus à la recherche d’une réponse satisfaisante. Mais il savait qu’il n’en aurait pas.

« Tu sais Roxas, tout ce que tu penses ressentir n’est en fait que le souvenir des émotions que l’on avait. Ne te pose pas tant de questions, ça ne m’étonnerait pas de voir de la fumée sortir de tes oreilles » finit par dire Axel en poussant gentiment l’épaule de son ami.

Roxas se mit alors à rire mais resta pensif.

Plus tôt dans la journée, il s'était mis à repenser à la mission qui lui avait été confiée à lui et Xigbar au Château de la Bête. Xigbar lui avait alors appris que l’amour faisait perdre leur tête et leur raisonnement aux humains. Il en avait profité pour lui dire que l’amour ne signifiait rien pour des similis comme eux.

Cependant Roxas ne pouvait pas s’empêcher de penser à Axel. Plus les jours passaient plus il s’attachait à lui et à leurs moments passés sur les hauteurs de la Cité. Tout ça était définitivement trop compliqué pour lui. Etant né sans souvenirs de sa vie passée, il devait tout reprendre à zéro et certaines interrogations lui faisaient bien trop mal à la tête.

« Ta glace fond Roxas. »

****

Axel n’avait pas revu Roxas depuis cette conversation. Ses missions l’exténuaient et honnêtement, il n’osait affronter le regard de son cadet. Ce dernier ne pouvait le savoir mais Axel se posait bien des questions ces dernières semaines. Ces pincements au cœur quand Roxas finissait par pointer le bout de son nez après ses missions, ses sourires et surtout ses yeux, tout cela déclenchait des réactions qu’Axel ne s’expliquait pas. Le pyromane ne comprenait pas ce qu’il lui prenait.

Evidemment il aurait pu confondre ses réactions avec un simple désire physique, mais il savait que c’était autre chose. Il avait déjà testé la chose avec son ami d’autrefois, Saïx. Il savait qu’il était d’ailleurs bien le seul à pouvoir se faire changer d’expression ce visage d’apparence si froide. C’est de cette façon que les deux anciens amis avaient essayé de conserver le lien entre eux. Mais Saïx avait fini par devenir plus froid que ses longs cheveux bleus, et Axel n’avait pas hérité de son titre d’assassin par hasard.

Non, on pouvait dire qu’il n’y avait plus d’humanité en lui. De toute façon il n’avait pas de cœur, pas vrai ?

****

Roxas attendait Axel. Cela faisait une semaine que ce dernier ne s’était pas montré. Le blondinet avait peur d’avoir posé la question de trop à son aîné. Et sa chaleur lui manquait, si une telle chose était possible.

« Hey Roxas, je pensais bien te trouver ici. »

« Axel ! Je suis désolée pour la dernière fois je ne sais pas comment faire taire ce flot de questionnement, mais tu n’es pas obligé de les subir également. »

Le pyromane pouffa silencieusement et alla prendre sa place à la droite du blond. Il le trouvait définitivement trop pur pour ce monde.

« Ne t’en fais pas. Tu es mon meilleur ami, je ne t’en ai pas voulu une seule seconde j’étais simplement occupé. »

Rassuré, Roxas se tourna de nouveau vers le soleil. Il ne vit pas Axel se mordiller l’intérieur de la joue nerveusement. Ce qui en tout cas laissé penser à de la nervosité. Sa chaleur corporelle qui atteignait des sommets en temps normal semblait vouloir crever le plafond. Ça ne ressemblait pas au rouquin. Il prit soudainement une grande inspiration, regarda dans le vide avant de commencer à prendre la parole.

« Tu sais Roxas, j’ai beaucoup repensé à ce que tu m’as demandé la dernière fois. »

Le blond tourna brusquement la tête vers son meilleur ami, interloqué.

« … tu as peut être raison. Peut-être sommes-nous capables de ressentir, parfois. Peut-être que nous aussi, nous avons un cœur ? Du moins le souvenir de ce que c’était d’en avoir un. Mais je me dis aussi que ce n’est peut-être pas aussi important de le savoir ? Toutes ces soirées passées à admirer le coucher de soleil me rendent l’existence plus agréable. Je pourrais même dire que j’aime passer ce temps avec toi. Que j’aime voir tes yeux se couvrir d’un voile lorsque tu te retrouves fassent à une énigme que tu es le seul à voir. Je ne sais pas si nous pouvons ressentir Roxas, mais tu auras été la seule personne à m’avoir permis de retrouver un semblant de calme là où je ne voyais plus que des flammes. » Tu n’es pas que capable de capturer des cœurs, tu es capable d’en créer finit par penser Axel.

Roxas sentit quelque chose d’humide couler le long de sa mâchoire. Le rouquin s’était tu et ne faisait que regarder au loin comme si rien n’était sorti d’entre ses lèvres. Le blond se demanda si son ami se doutait que chaque mot qu’il venait de prononcer venait de se graver profondément dans son âme.

Non il ne pensait pas. Pas plus qu’il ne croyait que son meilleur ami partageait les mêmes, sentiments ? qu’il avait fini par éprouver à son égard.

Mais ce n’était peut-être pas si important de le savoir ? Roxas voulait profiter de la sagesse qu’il trouvait infini de son aîné pour s’apaiser. Il se contenta alors de fermer les yeux afin de mémoriser cet instant au plus profond de sa mémoire. Il reverrait son meilleur ami dès le lendemain après tout, non ?

Jour 353 ♥ Trahison