Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 19 : Pacte sans retour (Thomas)

5850 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/07/2021 13:55

Je suis maudit ou quoi ? Vingt-quatre heures plus tôt, j’étais en train de me demander comment réussir mon examen de langues et, à présent, j’étais sur le point de combattre un guerrier fantôme armé d'une épée presque aussi grande que moi dans une arène aux Enfers d'un autre monde. Tout seul en plus. Génial. Je n’avais jamais été vraiment chanceux comme garçon et cette situation était là pour me le rappeler. Si encore, j'avais eu un minimum de maîtrise de la Keyblade comme Sora ou Riku, ça irait, mais là… Le guerrier spectral à quelques mètres devant moi observait son épée, comme s’il craignait qu'elle se brise. J'avais encore du mal à croire qu'un fantôme en chair et en os – enfin, vous m'avez compris – se tenait en face de moi. De loin, il ne ressemblait pas à un être venu de l'autre monde. Ce « Z » avait juste l'air d'un simple combattant avec ses vêtements noirs, des épaulières en acier et un heaume. Pourtant, quand on laissait son regard s’attarder sur lui, il disparaissait peu à peu de notre champ de vision. Je le surpris en train de me fixer à travers son heaume avec des yeux bleus qui semblaient briller malgré l’obscurité de l’arène. J'ai cligné des yeux et la tête du guerrier s'est retrouvé à quelque centimètres de la mienne. Laissez-moi vous donner un conseil d'ami : si jamais vous rencontrez un fantôme, méfiez-vous de sa forme physique. Z m'a donné un coup du dos de son épée si puissant que j’ai été propulsé plusieurs mètres en arrière avant de m'écraser au sol aussi gracieusement qu'une poupée de chiffon. Je me suis relevé, tremblant à cause de la douleur. 

Je ne serai jamais capable d'encaisser des attaques supplémentaires, pensais-je. 

Z a alors commencé à se déplacer autour de moi, faisant tournoyer nonchalamment son épée. Pensant sans doute, qu'il m'avait vaincu. C’était faux. Il m'avait massacré. Mais d'où sortait ce type ? Même mort, il était plus vif, plus rapide et plus puissant qu'un vivant. En une seule attaque de sa part, j'avais manqué de perdre connaissance. Qu'est-ce que je pouvais bien faire ? J’étais tenté d'observer mes amis par-delà le mur de flammes vertes, mais je me suis ravisé. Déjà que j'avais du mal contre le guerrier en me focalisant complètement sur lui, si en plus je perdais ma concentration… Je me suis mis à réfléchir. Z observait encore son épée et la manipula soigneusement. Son épée… C’était ça. Il avait l'air de tenir à son arme. Étant donné sa maîtrise de l'épée, le désarmer était totalement exclus. Dans ce cas, si je focalisais mes attaques dessus en tentant de l'endommager le plus possible… 

Ça devrait le faire.

J'ai chargé. Je crois que Z a été surpris de mon assaut. Sans doute ne pensait-il pas que j'allais me précipiter vers lui après la raclée que je venais de me prendre. Sans doute pensait-il que j’étais suicidaire. Ce qui n’était peut-être pas complètement faux. J'ai tenté un assaut à son heaume pour le faire croire que c’était lui que je visais. Z s'est protégé avec son immense épée. 

Parfait

Au lieu de rebrousser chemin, j'ai continué à marteler son épée avec ma Keyblade. Chaque coup que je donnais produisait des étincelles au contact de l’arme du guerrier. Je frappais, encore et encore. Au bout d'un moment, Z m'envoya bouler d'un mouvement circulaire de son épée. À peine avais-je atterri au sol que le fantôme s'est propulsé vers moi à une vitesse vertigineuse. Il a asséné un coup d’épée vers ma tête. J'ai roulé sur le côté pendant que le dos de l’épée atteignait l'asphalte, non sans le fissurer. D'accord. Maintenant, j’étais sûr : je ne pouvais pas me faire toucher une fois de plus. Sinon, je finirais dans un état autrement pire que celui du sol. Z a retiré son épée du sol puis, il m'a de nouveau attaqué. J'ai enchaîné les roulades pour esquiver ses coups avant de me rétablir sur mes jambes. J'ai fait un bond en arrière juste à temps pour voir Z asséner un coup d’épée qui m'aurait réduit en charpie si je n'avais pas bougé. Une partie du sol a volé en éclats. Le fantôme a émis ce qui m'a paru être un grognement – si tant était qu'un spectre puisse grogner – en regardant son arme. J'ai regardé les débris de roches au sol. J'ai ramassé une pierre. Si je ne pouvais pas l'avoir à la loyale, je ne pouvais qu'attaquer à distance. Donc, on partait pour un épée contre… cailloux. Avec cette arme gigantesque à peine plus grande que mon poing, j’ai commencé à m'approcher de lui. 

- Hé ! Tête-de-spectre ! 

Tête-de-spectre a alors cessé d'observer son épée. Il s'est mis en garde en me lançant un regard noir à travers son heaume. Ma main s'est crispée sur la pierre. Le guerrier avançait vers moi d'un pas lent, sans me lâcher du regard de ses yeux bleu électrique. Lorsqu'il a couru vers moi, j'ai lancé la pierre le plus fort que je pouvais. Z l'a paré sans grande difficulté avant de reprendre son avancée vers moi. J'ai recommencé à plusieurs reprises tout en m’éloignant petit à petit de mon assaillant sans que ce dernier ne comprenne ce que j’essayais de faire. Quand j’ai lancé mon énième pierre, Z l’a plutôt évitée. Puis, il m'a fixé, une étincelle de compréhension dans le regard. 

Aïe, ai-je pensé. 

Pendant qu’il approchait, j'ai regardé son épée… Et j'ai souri. À la lumière des torches de l’arène, je suis parvenu à distinguer des fissures un peu partout sur l'épée de Z, et en particulier au niveau de la lame. Son arme était tellement endommagée qu'elle donnait l'impression de pouvoir se briser à n'importe quel moment. Je me suis mis à la recherche d'autres projectiles mais je n'en ai pas trouvé. Il me fallait une pierre. Si j'en avais juste une de plus... Z approchait toujours. Tant pis. J’allais devoir utiliser ma Keyblade. À peine y ai-je pensé qu'elle est apparue dans mes mains. Alors j’ai chargé. Le guerrier spectral n'a pas eu l'air surpris cette fois. Au lieu de parer mon attaque – ce qui aurait été stupide – il a fait bond sur le côté avant de m’assener un coup du dos de son arme sur le bras. En une fraction de seconde, j'ai pris ma Keyblade de l'autre main. J’ai donné un coup puissant sur l’épée de Z avant d’être propulsé quelques mètres plus loin. Je me suis écrasé sur le sol en lâchant mon arme. J'ai tenté de me relever mais lorsque j'ai posé ma main au sol, une vive douleur a traversé tout mon bras. J'ai hurlé. Mon bras tout entier était engourdit et m'élançait horriblement quelque soient les mouvements que je faisais. J'ai regardé autour de moi et mon regard s'est arrêté sur l’épée de Z. Ou plutôt, ce qu'il en restait. Le guerrier spectral tenait la moitié de son épée entre ses mains tandis que l'autre fragment gisait au sol. Son épée était brisée. Z a lancé le fragment de lame derrière lui, rageur, avant de me toiser. Malheureusement pour lui, je le trouvais moins flippant à présent. Il n'avait plus son épée. La mienne, par contre, était toujours disponible. J’étais sur le point de me diriger vers ma Keyblade, lorsque mon regard s'est attardé sur Z. Alors, ses yeux ont rencontré les miens et j'y ai vu… de la reconnaissance ? J'ai pilé net. Ça n'avait pas de sens. Pourtant, j’étais sûr de ce que j'avais vu l'espace d'une seconde. Puis, les yeux du guerrier se sont voilés, reprenant cet air sans vie. J'ai préféré ignorer ce que je venais de voir. J'avais dû rêver. J'ai récupéré ma Keyblade sous les yeux de mon ennemi qui n'avait manifestement pas l'air pressé. La douleur de mon bras ne s’était pas atténué le moins du monde mais j'ai décidé d'en faire abstraction. J'avais mon épée, lui non. Ça devait faire l'affaire. Enfin… C'est ce que je me suis dit jusqu’à ce que Z ne commence à faire de la magie. Il a tendu sa main dans ma direction et j'ai entendu un bruit au-dessus de ma tête. J'ai levé les yeux juste à temps pour voir se former un bloc de glace aussi gros que mon torse se former à une dizaine de centimètres de mon visage. Immédiatement, j'ai roulé sur le côté pendant que le sort s’écrasait sur le sol.

Non seulement ce type maîtrise l'épée, mais il est aussi magicien à l'occasion ?

Z n'en avait pas fini. À peine m’étais-je rétablis que ce dernier a fait un autre mouvement de main, envoyant ainsi une boule de flammes vers moi. L'attaque fusait dans ma direction beaucoup trop rapidement. J'ai juste eu le temps de lever ma Keyblade en guise de parade. Je ne m'attendais pas à grand-chose mais, à ma grande surprise, au contact de la lame de mon épée, la boule de feu a été renvoyée vers Z. Mon ennemi aussi a eu l'air surpris. Il a mis un certain temps avant de se rendre compte que sa propre attaque lui fonçait dessus. In extremis, il s'est ressaisi avant de faire un saut vers le côté. Reprenant ses appuis, il a fait de nouveau apparaître des blocs de glace au-dessus de ma tête. J'ai couru un peu partout pour les éviter avant de me ruer vers mon assaillant, Keyblade en main. J'ai donné un premier coup que Z a esquivé sans trop de problèmes. Puis, j'ai vu son poing littéralement s'enflammer avant qu'il ne me l’assène en plein ventre. Avant même que je ne me rende compte de la douleur, le guerrier a enchaîné d'autre coups. Une dizaine. Une vingtaine. Je ne saurais pas vous dire. Tout ce dont je me souviens, c'est que j’étais sur le point de m'évanouir. Après un moment qui m'a semblé interminable, Z s'est éloigné. Ensuite, il a sauté dans ma direction avant de lancer des torrents de flammes. Je devais bouger de là. Je le savais. Mais mes jambes refusaient de m'obéir. Un voile rouge s’est abattu devant mes yeux, je titubais et mon ventre me faisait atrocement mal. Les flammes n’étaient plus à quelques mètres. 

Si ces flammes m'atteignent…

Rassemblant mes dernières forces, j'ai sauté sur le côté aussi loin que j'ai pu. J'ai tenté de me réceptionner sur mes jambes mais à peine ai-je posé un pied au sol, que ce dernier m'a lâché. Eh bien... Je peux vous dire que la chute n’a pas été franchement agréable. Avec efforts, je suis parvenu à me mettre à genoux, même si j'avais la sensation que ceux-ci allaient se briser comme mon bras. Ceux-ci tremblaient mais j'ai décidé de tenir bon. Malgré mon état, je devais continuer à me battre. Mes amis en faisaient autant avec nos autres ennemis, alors pourquoi pas moi ? J'ai cherché ma Keyblade des yeux et mon regard s'est arrêté sur deux bottes noires devant moi. J'ai levé la tête… juste à temps pour voir la pointe d'une épée à quelques centimètres de mon visage. D'où est-ce qu'il sortait cette épée ? J'étais sûr de l'avoir cassée ! J'ai abandonné l’idée de chercher la mienne. Z se tenait devant moi, l’épée à la main, parfaitement immobile. Ses yeux vides le fixaient. Le message était clair : si je faisais le moindre mouvement… J’étais sûr de ne plus jamais pouvoir en faire. J'ai baissé la tête. J'ai eu l'impression que mon sang se glaçait dans mes veines. Bientôt, je n’ai plus entendu que les battements de mon cœur. 

Sérieusement ? pensais-je. Est-ce comme ça que je vais mourir ?

Tel un bourreau prêt à exécuter un condamné, Z a levé son épée. Mes muscles semblaient entrer en fusion, j'avais le bras cassé, mes genoux tremblaient et ma vision était trouble. Qu'est-ce que je m’étais imaginé ? Je n'avais aucune chance de vaincre ce type. Et… je n'avais pas réalisé qu'il s'agissait d'un duel à mort avant que je ne me trouve dans cette situation. J'avais vraiment été stupide de croire une seule seconde à la victoire… Et j'allais en payer le prix. Quand Z a commencé à abaisser son épée, tout m'a semblé se passer au ralenti. J'ai cru entendre des gens crier mon nom tandis que j'attendais que la lame ne m'achève. J'ai fermé les yeux. Finalement, on dirait bien que c’est comme ça que j'allais mourir. 

« Tu désires tant te faire tuer ? »

J'ai ouvert les yeux et j'ai retenu un cri de stupéfaction. Je ne me trouvais plus dans l'arène aux Enfers, mais me situait à présent sur un immense vitrail circulaire brisé. Pourquoi me trouvais-je dans mon cœur ? 

« C'est moi qui t'ai fait venir ici, a dit une voix familière, comme si elle lisait dans mes pensées.

J'ai parcouru le lieu des yeux et mon regard s'est arrêté sur un garçon. Il devait avoir dans les quatorze ans environ. Il me ressemblait comme deux gouttes d'eau, mis à part les yeux dorés, les cheveux blancs et le bras monstrueux noir. En un éclair, je me suis rendu compte que je l'avais déjà rencontré. C’était Ceno.

- Toi ! 

Mon double a roulé des yeux.

- Ouais, moi. Désolé de t'avoir fait sortir aussi brutalement la dernière fois mais il fallait que je le fasse, a-t-il dit l'air pas désolé du tout.

Il était vrai que ce rêve que j'avais fait quand j’étais au Château Disney avait été un tant soit peu brutal, mais j’avais des choses autrement plus importantes à régler. 

- Tu penses à la fois où j'ai attaqué tes amis, a dit Ceno.

Je l'ai regardé. D’accord... Donc ce type lisait vraiment dans mes pensées. 

- Exact, ai-je répondu. Je ne voulais pas leur faire de mal alors (J’ai serré les poings.) pourquoi les as-tu attaqués ? 

Ceno s'est mis à regarder le vitrail. Puis, il a commencé à marcher un peu partout. Puis, il a répondu :

- Je voulais te protéger. Je… Je pensais qu'ils te voudraient du mal. 

- Tu mens.

Je ne savais pas exactement pourquoi, mais j'avais l'absolue certitude qu’il ne me disait pas la vérité. Me protéger, hein ? Si c’était vraiment le cas, il se serait manifesté quand les Sans-Cœurs ont attaqué mon collège. Ou encore durant toutes ces fois où je prenais cher en voulant protéger Lydia… Non. Je ne pouvais pas accepter cette réponse. 

- Je le sais, a dit Ceno en me scrutant. Mais… La vérité est que tu as besoin de moi. 

Je n'ai pas compris. Pourquoi aurais-je besoin de lui ? 

- Souviens-toi de ton combat contre la sorcière, m’a-t-il dit. 

Ah, cette fois-là. J'ai repensé au combat contre Maléfique au Château. Celle-ci s’était mise en mode dragon-noir-aux-yeux-verts-de-la-mort-qui-tue et mes amis et moi avions du mal à la vaincre. Je me suis rappelé m’être mis en colère et tout est devenu flou, comme si je perdais le contrôle de mes actions une nouvelle fois. Je me souviens vaguement avoir donné plusieurs coups puissants de mon bras transformé pour la mettre hors d’état de nuire. Et je me suis senti… Une boule s'est formée dans ma gorge lorsque j'ai compris ce que mon double voulait dire. 

- Tu as aimé ça, pas vrai ? m'a-t-il dit en souriant. Cette puissance… (Ceno a écarté les bras.) La capacité de pouvoir détruire tout ce qui te gêne ! 

J'ai voulu dire que c’était faux, que je n'ai rien ressenti de tel. Pourtant, les mots sont restés au fond de ma gorge. Quand j'ai affronté Maléfique, ce sentiment d'exaltation que j’avais en donnant chaque coup... Cette impression de toute-puissance était vraiment grisante. Je me sentais… Je me sentais…

- Invincible, a terminé mon double.

Je suis resté un moment en regardant le vitrail. Ou plus exactement ce qui y était représenté : moi, les yeux fermés, une Keyblade noire à la main… et des cheveux blancs. Ce n’était plus moi… Mais Ceno. Il y arborait un sourire inquiétant. Il m'a semblé que mon cœur devenait plus sombre. Non, c’était le cas. De l'obscurité à peine visible se dégageait de lui et allait dans ma direction. Je ne pouvais pas m’échapper des Ténèbres qui m'envahissaient et de toute façon, je n'en avais pas envie. Je voulais cette puissance. En y repensant, je n’étais peut-être pas si différent de Ceno, après tout. 

THOMAS ! 

Ce hurlement m'a arraché de ma torpeur. Cette voix… Lydia ? C’était impossible. Comment pouvais-je l'entendre depuis mon cœur ? La voix a alors continué à crier mon nom. Non, ce n’était pas qu'une voix, mais plusieurs. Il s'agissait de mes amis, aucun doute là-dessus. J'ai redressé la tête tandis que l'obscurité autour de moi disparaissait. Le sourire de Ceno s'est effacé. Je ne savais pas ce que ce type fichait en moi, ni même quel était son but. Or, s'il y avait bien une chose dont j’étais absolument certain, c’était que je n’étais pas comme lui. 

- Je suis peut-être invincible sous cette forme, ai-je dit. Mais je suis différent de toi, Ceno. Je n’ai pas besoin de toi. Mon Essence se manifestera tôt ou tard, alors ton pouvoir n’en vaut pas la peine. 

J’en était certain. J’allais bientôt savoir quelle était mon Essence. Ce pouvoir me sera utile pour aider les miens. Oui. J'allais bientôt le découvrir. Il ne pouvait pas en être autrement ! Ceno m’a regardé d’un air étrange. 

- Ah oui… Ton Essence, hein ? Peut-être… Mais tu oublies un problème plutôt majeur et plutôt urgent : ton cher ami fantôme. 

Il avait raison. Comment me débarrasser de lui ?

- Et, a poursuivi Ceno, je connais un moyen de t'aider. Un marché à te faire.

Je ne lui faisais pas confiance mais je n'avais pas d'autres choix que de le laisser parler.

- Je t’écoute. 

- Bien. (Son sourire inquiétant est réapparu.) Franchement, ça m’agacerait que tu meures alors voilà : je te prêterai ma force dès que tu en ressentiras le besoin. Il suffira juste que tu sois en colère. Bien sûr, dès que tu découvriras ton… euh… Essence, tu seras libre de ne plus utiliser ma puissance. 

- Un marché n'est pas qu'à sens unique. Quelle est la condition ? 

Ceno a semblé retenir un fou rire avant de me répondre ces paroles que je n'oublierai jamais :

- Dès l'instant où ton cœur sera suffisamment faible, je m'en emparerai

J'ai cru avoir mal entendu.

- Je... Je ne comprends pas.

Pour toute réponse, mon double a continué de sourire.

- Alors ? Oui ou non ? m'a demandé Ceno en tendant sa main normale. 

Ses yeux dorés me fixaient avec insistance. Je vous jure : deux iris couleur or pur qui vous fixent, c'est troublant. J’ai regardé sa main. Mes amis m'attendaient à l’extérieur, et je ne savais pas combien de temps il me restait avant que Z ne m'achève. Ça me faisait mal de le reconnaître mais Ceno avait raison : j'avais besoin de cette puissance jusqu’à ce que je découvre mon Essence. Sans ça, eh bien… il ne me restait plus qu'à gentiment laisser Tête-de-Spectre jouer les bourreaux. J'ai serré la main que mon jumeau (très) maléfique me tendait. La satisfaction se lisait sur son visage. 

- Bien, a-t-il fait. 

L'obscurité m'a alors envahi. Je ne voyais plus rien et c'est à peine si je sentais mon propre corps. Tout ce que j'ai pu entendre étaient ces mots : 

Tu ne le regretteras pas. 

J'ai ouvert les yeux et levé mon bras droit. Un bruit métallique s'est fait entendre, comme de l'acier qui frappait contre de la pierre. J'ai regardé autour de moi. Z, figé, tenait la moitié d'une épée dans ses mains. Mes amis ne bougeaient pas non plus en me fixant avec un visage qui me semblait exprimer un sentiment de peur et de surprise. Non… Ils regardaient quelque chose sur moi. J'ai baissé la tête et vu mon bras. À présent, il avait doublé de volume et ma peau à ce niveau était d’un noir aussi pur que de l'ébène avec des sortes de lignes violacées faisant penser à des veines. Je l'ai touché et je me suis rendu compte que ma peau était rocailleuse et solide. Voire… indestructible. Mon bras me faisait penser à une roche noire que l'on aurait grossièrement taillé d'une façon irrégulière pour lui faire plus ou moins ressembler à un bras. Ce n’était même pas ça qui me troublait le plus. Non. Riku, Sora et Kairi m'en avaient parlé et au fond de moi, j’espérais qu'ils se trompaient. Sur le dos de ma main transformée, on pouvait distinguer un genre de cœur rouge et noir : le symbole des Sans-Cœurs. Je ne saurais pas vous dire ce que ça fichait là, mais d’après mes amis, il s'agissait vraiment de leur signe. 

Je trouverai des réponses plus tard, me suis-je dit. Pour l'heure, Tête-de-Spectre m'attend. 

Profitant de la surprise de Z, je lui ai donné un coup d’épaule suffisamment puissant pour le faire voler plusieurs mètres plus loin. En regardant le sol, je me suis rendu compte que j'avais bel et bien brisé son épée. J'ai une nouvelle fois observé mon bras tout neuf. J'ai souri : j'avais une chance ! Z s'est relevé d'un bond. Il a jeté sa moitié de lame et a tendu la main. Une nouvelle épée gigantesque identique aux deux précédentes que j'avais détruite est apparue. Apparemment, les réserves d'armes des Enfers étaient illimitées peu importe combien on en détruisait. Mais si tous les morts faisaient autant de saletés, j’aimais autant ne pas être à la place du personnel fantôme de ménage.

Reprenant ses esprits, le guerrier spectral s'est mis en garde. Il a paru me scruter quelques instants, puis il s'est à nouveau élancé à une vitesse fulgurante. Il a de nouveau tenté d'abattre son épée gigantesque sur mon visage, mais c’était sans compter sur mon bras. Je l'ai littéralement saisie sans aucun mal avec mon membre transformé. J'ai vu les yeux de Z s'écarquiller derrière son heaume. Pendant une seconde, je me suis demandé pourquoi j'avais fait ça. Alors un sentiment de puissance m'a envahi. Une réponse claire m'est alors apparue : 

« Parce que je suis plus puissant que lui. 

J'ai éclaté de rire. C’était donc de ça que Ceno me parlait. Ce sentiment d’exaltation. Je pouvais détruire tous les dangers. Protéger tout le monde. Sous cette forme, grâce au Ténèbres, rien ne pouvait m’arrêter ! J'ai regardé le guerrier droit dans les yeux. Je lui ai souri. Puis j’ai resserré ma prise sur son épée et la lame a volé en éclat. Les débris se sont éparpillés à nos pieds. Z, incrédule a regardé tout ce qu’il lui restait dans ses mains : la garde. J'en ai profité pour asséner ma Keyblade sur le heaume de Z. Il y a eu un SCHDONG ! retentissant et sa tête à violemment heurté le sol. Fier de moi, je lui ai tourné autour. 

- Alors ? Qu'est-ce que tu attends ? Amène-toi !

En disant cette phrase, je me suis aperçu d’une chose : ce n’était pas vraiment moi qui parlais, mais Ceno. Apparemment, sous cette forme, c’était Ceno qui parlait, mais moi qui contrôlais le corps à présent. Z s'est alors brusquement redressé. Une espèce d'aura noire se dégageait de lui. Ses yeux semblaient exprimer une colère absolue et il tenait à présent une nouvelle épée dans ses mains. Si j'avais été dans mon état normal, j'aurais été pétrifié de peur. Or à cet instant, galvanisé comme j’étais, mon unique souhait était qu'il attaque. Il m'a semblé entendre Hadès et Maléfique parler mais je m'en fichais. Toute mon attention était reportée sur le guerrier. En un éclair, il a à nouveau fondu vers moi. Puis il a entrepris de donner une multitude de coup d’épées. J'ai pensé une seconde que j’étais fichu, mais mon arrogance nouvelle a pris le dessus. N’écoutant que mon instinct, j'ai esquivé chacune des attaques sans avoir la moindre idée de comment j'avais fait. Z a reculé, m'a observé… puis il m'a lancé son épée. J'ai continué de sourire en parant son arme d'un revers de mon bras transformé. Au moment où je m’apprêtais à jubiler, une boule de feu m'a touché en plein ventre. Je m'attendais à hurler de douleur mais au lieu de ça, j'ai ressenti une chaleur presque agréable au niveau de la poitrine. J'ai baissé et les yeux et vu que mon tee-shirt était à présent doté d'un trou en forme de cercle parfait aux contours brûlés. À part ça, zéro cicatrice. Pas mal, Ceno. Je me suis demandé si cette forme avait d'autres tours dans sa manche. La force incroyable ? Ouais, c’était cool. La vitesse de réaction ? Super. Mais la résistance accrue ? Ça, c’était franchement le top. 

Soudain, les poings et les pieds de mon ennemi se sont embrasés. 

Comme tout à l'heure, hein ? ai-je pensé. 

J'ai entendu des bruits de pas sur la droite. Mes amis me venaient en aide. Sans doute s’étaient-ils remis de leur stupéfaction. Sans leur accorder un regard, je leur ai fait signe de s’arrêter. 

- C'est bon, les gars, a déclaré Ceno à travers moi. Je m'en occupe. 

Du coin de l’œil, j'ai vu Maléfique se redresser. 

- Oui, a-t-elle dit. Laissez-le s'en occuper. 

Elle a pointé son sceptre dans notre direction et un mur de flamme a jailli entre mes amis et moi. Je me souviens vaguement avoir entendu mes camarades me parler, mais leurs voix ne m’atteignaient quasiment plus. Toute mon attention était reportée sur Z. Et, à en juger par son regard, c’était réciproque. Z s'est élancé vers moi, bien plus rapidement car dépourvu d’épée, avant de me donner un puissant direct enflammé sur le torse. J'ai reculé. Il a enchaîné avec d'autres coups puissants et rapides. Étrangement, je ne sentais presque rien. En fait non, c’était assez désagréable, mais rien d'insurmontable. Je l'ai regardé, un sourire aux lèvres. Z a écarquillé les yeux derrière son heaume. J'ai tenté une contre-attaque avec ma Keyblade mais le guerrier a été assez rapide pour esquiver. Z a atterri quelques mètres plus loin. 

- C'est tout ? 

Hadès s’est mis debout : 

- Tu souris trop, gamin. J'aime ça. Malheureusement pour toi, il faut en finir. Tu m'as assez amusé.

Sur ces mots, il a claqué des doigts et Z a aussitôt dégagé une aura sombre. Elle était si dense et si puissante que j'avais l'impression de recevoir des rafales de vents. Z a brandi son épée, puis a littéralement disparu de mon champs de vision. Pendant quelques secondes, j'ai été paniqué. Puis, j'ai finalement trouvé la situation intéressante. Soudain, j'ai senti une vive douleur au niveau de ma joue. J'ai baissé les yeux une demi-seconde pour me rendre compte que Z venait de m’assurer un coup du plat de son épée. J'ai fait un bond en arrière. Je n'avais même pas touché le sol que j'ai senti le bout du pommeau de son épée dans le creux de ma colonne vertébrale. Je me suis écrasé sur l'asphalte. J'ai hurlé de douleur. En m'appuyant sur mon bras de Sans-Cœur, je me suis relevé, tant bien que mal. J’étais secoué de spasmes et j'avais l'impression que mon corps tout entier allait s’écrouler sous la douleur. Pourtant, je souriais toujours. Je voulais toujours me battre. J'ai jeté un coup d’œil à Hadès et Maléfique, qui prenaient visiblement un malin plaisir à me voir souffrir. Le visage de la sorcière affichait un sourire cruel tandis que le Seigneur des Enfers applaudissait en se marrant comme un gamin. Je me suis promis de leur coller une droite de mon bras transformé plus tard. J'ai failli regarder mes amis, mais je m’en suis abstenu : les voir essayer désespérément de me venir en aide aurait fait disparaitre ma colère. Or, j'en avais besoin pour vaincre Z. Ce dernier m'a fixé un moment – enfin, difficile à dire avec son heaume mais j'imagine que c'est ce qu’il faisait – avant de disparaitre à nouveau. Il allait attaquer. Et je n'avais aucun moyen de savoir d'où est-ce qu'il viendrait. D'ordinaire, j'aurais eu peur. Pourtant, à ce moment-là, je m'en fichais. Peu importe ce qu'il ferait, je le mettrais à terre. Pas besoin de le voir : mon instinct allait suffire. 

Et tu as raison, a dit une voix familière dans mon esprit. 

Ceno. Aucun doute là-dessus. J'imagine que depuis notre pacte, il était capable de communiquer directement avec moi.

Tu te demandais qui j’étais, a dit une voix familière dans mon esprit. C'est simple : je suis tes Ténèbres. Ressens cette obscurité. 

Et alors, j'ai fait une chose que je n'aurais jamais pensé faire face à Z quelques minutes plus tôt : j’ai fermé les yeux. Oui, je suis dingue, je sais. Pourtant, je sentais que je devais le faire. Que je devais écouter ce que Ceno me disait.

Il est trop rapide pour toi, a-t-il poursuivi. Ce n'est pas un problème. 

J’étais tenté de répondre que si mais je me suis abstenu.

Tu réfléchis trop, Thomas Aiden. Les créatures des Ténèbres utilisent leur instinct surdéveloppé pour se défendre. Fais de même. 

J'ai fait un pas de côté et j'ai senti quelque chose passer au ras de mon visage. 

Ton instinct est la clef. 

J'ai levé mon bras étrange au-dessus de ma tête et saisi quelque chose de gros et de froid. Un bloc de glace créé par magie. Je l'ai balancé. Puis, mon bras s'est levé de lui-même et a rencontré l’épée de Z. J'ai senti la lame se briser sur le coup. J'ai ouvert les yeux pour voir le guerrier à quelques mètres de moi me lancer des morceaux de roches aussi gros que des tables. Waouh. Je savais pas que les morts étaient aussi costauds. J'ai évité tous les projectiles. Ces derniers se sont écrasés au sol, à mes côtés, soulevant de la poussière. Bientôt, Z en avait tellement lancé que je me suis retrouvé au centre d'un énorme nuage de poussière, incapable de voir à plus d'un mètre de moi. Z pouvait attaquer de n'importe où. 

Souviens-toi de ce que je t'ai dit. 

Oui. Je m'en souvenais. 

« Mon instinct est la clef, ai-je dit à voix haute. 

Sans vraiment savoir pourquoi, j'ai fait un pas sur le côté et vu une lame passer à l'endroit exact où je me situais un instant plus tôt. Z a écarquillé les yeux derrière son heaume. À cause de l’élan, son visage était à quelque centimètres du mien. 

- Salut !

J'ai asséné un coup de mon bras de Sans-Cœur de toute mes forces. Z a été projeté à une vitesse folle en dissipant la poussière autour de nous avant de s’écraser contre un mur de l’arène, inconscient. Son heaume s'est brisé sous le choc. L’arène était silencieuse. Mes amis me regardaient dans un mélange de joie, de stupeur... et de de frayeur. 

- Thomas, tu… a commencé Sora. 

- … vas très bien ! (Ceno s’est adressé au groupe.) Pas besoin de vous inquiéter. 

À peine ai-je fini ma phrase que mes forces ont commencé à me quitter. Mon bras reprenait peu à peu sa forme normale. Ma vision est devenue floue et mes jambes se sont mises à trembler. La fatigue m'envahissait. Je ne savais pas si c’était à cause de l’adrénaline du combat ou quoi, mais, je n'avais pas réalisé à quel point j’étais crevé. Je voulais juste m'écrouler. Mais avant, j'avais une chose à faire. M'efforçant d'ignorer la douleur de mon bras cassé, je me suis dirigé en boitant vers la sorcière et Sa-Majesté-Hadès-Seigneur-Des-Enfers-En-Robe-de-Chambre – faut dire que ce qu'il portait faisait vraiment penser à une robe de chambre. Ces deux-là ont regardé mes amis risquer leurs vies assis confortablement sur leurs sièges. Ils nous avaient considérés comme du bétail qui se livraient en spectacle. Tout ça pour ces « données » de monde ou je-ne-sais-quoi. Je me suis positionné devant eux. Ils me toisaient du haut de leurs sièges. Hadès et Maléfique étaient convaincus que nous allions nous faire éliminer. Or, nous avions tous gagné. Voir leur mine à cet instant me réjouissait plus qu’autre chose. Mais ce n’était pas suffisant. Je les ai regardés droit dans les yeux. Puis je me suis incliné tel un comédien à la fin d'une pièce de théâtre. J’ai relevé la tête en leur adressant mon plus beau sourire :

- Au plaisir de détruire vos plans une prochaine fois. 


Puis, cédant à la fatigue, je me suis écroulé.

Laisser un commentaire ?