Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 23 : L'Abîme (Thomas)

5839 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/05/2021 11:49

Pendant un moment, j'ai cru que j’étais mort. Cela dit, après la rouste que m'avait mise ce type masque, ça aurait été logique. Magnus, le Deuxième Cadre... À peine avais-je pensé à notre "combat", que j'ai été secoué de tremblements. Il était horriblement fort... Non... Il fallait que je pense à autre chose. J'allais mieux maintenant, ce qui m'a paru bizarre. Peut-être qu'on m'avait soigné ? Minehi sans doute. Je veux dire, dans l'état où j'étais, sans elle, j'aurais sans doute péri avant même d'arriver... Où, déjà ?

Je pensais avoir ouvert les yeux mais je ne voyais absolument rien autour de moi. De plus, je ne sentais même plus mes membres. Le temps que mes yeux s'accoutument à l'obscurité, j'ai pu retrouver peu à peu les sensations de mon corps. J'ai essayé de bouger mais je me suis rendu compte que mon bras droit était retenu par quelque chose de métallique au mur. J'ai tout de suite compris que c’étaient des chaînes. Mais, il y avait quelque chose d’étrange. Je sentais le peu de force que j'avais me quitter lentement, mais sûrement. J'ai tendu le bras et fait apparaître ma Keyblade.

-         Mauvaise idée, étranger, a dit une voix.

J'ai regardé devant moi. Mes yeux s’étant enfin adaptés à l'environnement, j'ai pu distinguer le type qui avait parlé… De l'autre côté des barreaux.

J’étais en prison.

La cellule dans laquelle je me trouvais était entourée de murs de pierre. Le sol sombre était maculé de taches étranges sur lesquelles un épais nuage de poussière reposait. Mon regard a croisé celui d'un étrange insecte à huit pattes aussi gros que mon poing qui transportait une flopée d'insectes morts sur son dos. En somme, ma cellule avait l'air de ne jamais avoir été nettoyée. Si ma mère adoptive – la mère de Maxwell – avait été là, elle aurait fait un arrêt cardiaque, dingue de la propreté qu'elle est.

-         Qu'est-ce que vous voulez dire ? lui ai-je demandé d’une voix rauque pendant que mon arme disparaissait.

L'homme qui m'avait parlé était sans aucun doute un garde. Comme ceux qu'on avait battu plus tôt, il portait une armure intégrale et tenait contre lui un trident.

-         Cette chaîne est très dure à briser. Et (Il a eu un rictus), comme tu as dû t'en rendre compte, elle absorbe peu à peu ton énergie vitale. Donc plus tu essaies, plus vite tu mourras.

J’étais piégé. Il fallait que je trouve un moyen de sortir d’ici. Si je traînais trop, ma force vitale allait finir par être complètement volée.

Pendant que j’étais en train de réfléchir, j'ai vu le garde piquer du nez puis se ressaisir, resserrant son arme contre lui.

Il avait sommeil. L'ennui, c’était qu'il ne pouvait pas dormir sereinement comme il devait surveiller un type qui faisait parti du groupe qui avait battu de nombreux gardes. Mais ça ne m'avançait pas à grand-chose. Comment allais-je faire pour sortir ?

Et si tu faisais appel à moi ?

J'ai frénétiquement cherché autour de moi pour savoir qui avait parlé. Puis, je me suis rappelé que j'avais un intrus dans mon esprit.

Il te reste assez de force pour sortir de cette cellule, a repris Ceno. Fais appel à mon pouvoir. Ce sera largement suffisant pour sortir.

Bizarre, je pensais que c’était seulement lorsque j’utilisais son pouvoir que nous pouvions communiquer. Il faut croire que je me trompais. C’est là que j’ai commencé à me dire que ça n’allait pas être facile tous les jours. Quant à ce qu’il disait, je le croyais, bien sûr. J'avais déjà fait l’expérience du pouvoir de Ceno à plusieurs reprises. Mais il y avait un problème quand je m’en servais : c’était grisant. Trop grisant. Mais bon, si c’était juste pour sortir, ça ne devrait pas poser de soucis, non ? D’abord, il fallait que le garde croie que j’étais totalement inoffensif.

Je me suis mis à gémir pitoyablement.

-         Cette chaîne… ai-je dit d'une voix faible. Je… Je sens que…

Et j'ai fait semblant de m'évanouir.

-         Eh bien, il n'en a plus pour très longtemps, on dirait, a raillé le garde.

J'ai attendu. Quelques minutes plus tard, j’ai prudemment ouvert un œil et vu que le garde semblait dormir. C’était difficile à dire à cause de son armure, c’est vrai, mais ses ronflements étaient un bon signe. Je me suis concentré, laissant les Ténèbres m'envahir. J’ai ressenti des picotements au niveau de mon bras droit. Je l’ai tiré lentement et la chaîne a cédée. Le bruit métallique a résonné dans la pièce. Pourtant, à ma grande surprise, le garde a continué de dormir. Je me suis approché des barreaux.

Je me demande si…

Tu me prends pour qui ? A répondu Ceno.

J’ai tendu le bras puis écarté les barreaux. Oui, ça avait été aussi simple que ça. J’avais la sensation de modeler du caoutchouc. Je suis passé à travers l'ouverture que j'avais créée avant de rejoindre le garde. Au moment où j’étais à un mètre de lui, ce dernier a paru reprendre ces esprits.

-         C… Comment… ?

Je l'ai fait taire d'un coup de poing, le renvoyant dans son sommeil. C’est alors qu'un autre garde a déboulé dans la pièce par une porte que je n'avais pas remarquée plus tôt. Il a regardé la scène, une étoile était gravée sur son heaume. J'en ai conclu qu'il devait être plus gradé que mon geôlier.

-         Comment es-tu sorti de ta cellule ? m'a-t-il demandé.

C'est alors que j'ai reconnu la voix... et l'étoile sur son heaume. C’était le garde qui était venu chercher Minehi plus tôt et aussi...

- Vous ! C'est vous qui avez essayé d'exécuter Minehi ! me suis-je souvenu.

Mon interlocuteur a soupiré ; il devait s'attendre à ma réaction.

- Non, a-t-il répondu fermement. J'essayais de la sauver.

J'ai eu du mal à y croire. Pourtant, cela ne me semblait pas impossible. Au lieu de la tuer, je me souviens l'avoir vu regarder les gardes autour de lui en levant son arme. Peut-être voulait-il jubiler ? Je n'en avais pas l'impression : il n'avait rien dit. Il aurait aussi pu vouloir lancer un genre de sort. Je vivais dans un monde de magie maintenant, ce n'était pas impossible. Et ce n'était pas tout.

Quand on l'avait rencontré, il n'avait pas l'air ravi de faire son travail. On l'entendait au ton de sa voix. Même à cet instant, il ne semblait pas vouloir se battre contre moi, affaibli comme j’étais. Il avait vu ce que j'avais fait aux barreaux, pourtant, il n'avait même pas dégainé son trident.

Le guerrier a pris la parole :

-         Retournez dans votre cellule. Ne me rendez pas la tâche plus difficile.

Il s'est lentement mis en garde.

Je m’en débarrasse ? a gentiment proposé Ceno à l'intérieur de mon esprit.

Non.

Il avait vraiment l'air d’être un bon gars. Du moins, je l'espérais. Je n'avais aucune envie de l’affronter. Si je pouvais lui faire entendre raison…

J'ai levé les mains en l'air.

-         Écoutez, ai-je dit de la voix la plus calme dont j’étais capable en cet instant. Je ne suis pas votre ennemi. Je ne veux pas vous faire de mal.

-         Désolé petit, mais après ce que toi et tes compagnons avez fait aux autres gardes, j'ai du mal à te croire.

Il marque un point, a relevé Ceno.

La ferme.

Ouais, ça n’allait vraiment pas être facile tous les jours.

-         Au départ, nous étions juste venus chercher notre… Euh… connaissance.

-         Après que celle-ci nous a attaqué.

-         Exact, ai-je acquiescé. Mais, ce n’était pas voulu… Enfin, je crois.

-         Toujours est-il que je ne peux pas vous laisser partir. Normalement, je suis censé vous exécuter sur-le-champ pour tentative d’évasion…

-         Ah.

-         … Mais je peux passer l’éponge pour cette fois. Vous êtes encore des enfants, même si vous êtes les ennemis de l’Empire.

J'ai réfléchi un instant. Puis :

-         Vous l'aimez tant que ça cet Empire ? Ce gouvernement ?

Mon interlocuteur a mis un certain moment avant de répondre.

-         Évidemment... Notre Empereur ne veut que notre bonheur. Il maintient la stabilité de son territoire et veille sur le bien-être du peuple.

Il avait dit ça avec une voix presque éteinte, comme s'il était passé en pilote automatique.

-         Vous n'y croyez pas vous-même ! lui ai-je dit.

Le soldat a regardé derrière lui, avant de fermer la porte.

-         Crois-tu vraiment que j'ai le choix ?

-         C'est bien ce que je pensais, ai-je déclaré. Vous le haïssez. Vous ne voulez pas en faire partie.

-         Comment peux-tu en être si sûr ? m'a-t-il demandé.

-         Minehi aurait fait quelque chose contre l’Empire, pas vrai ? C'est pour ça que vous êtes, venu, j'imagine. Mais vous n'aviez pas l'air d'avoir franchement envie de l’arrêter. Lorsque j'affrontais Magnus…

Notre "combat" m'est brièvement revenu en mémoire. La simple pensée de cet homme m'a fait frissonner. S'il avait voulu me tuer… J'ai chassé ce sentiment de mon esprit. Ce n’était pas le moment d'avoir peur.

-         … Vous restiez en retrait, ai-je continué. Contrairement aux autres gardes qui brûlaient d'envie de nous éliminer.

-         Je devais laisser les Cadres s'occuper de vous.

-         Sans doute mais je suis sûr que vous ne vouliez pas nous affronter.

Mon interlocuteur n'a pas réagi, signe que j'avais raison. J’ai donc continué sur ma lancée :

-         Et puis d'ailleurs, vous avez l'air haut gradé (j'ai indiqué l’étoile sur son heaume), vous devez être fort alors. Si vous n'aimez pas ce gouvernement, battez-vous avec nous !

Le garde a eu un rire amer.

-         Impossible. Il est bien trop puissant. Je ne peux rien contre Stellaos… Et vous non plus.

-         Vraiment ? Vous avez déjà vu des gens tenir face à autant de gardes et aux Quatre Cadres Supérieurs et, de plus, en sortir vivant ?

J’étais parfaitement conscient que notre seule survie était due à la chance, mais le garde n'a pas eu l'air de le relever. Et tant mieux.

-         Non. Jamais, a-t-il reconnu.

-         Exactement, ai-je dit en m'avançant vers lui. Alors croyez-le ou non, mais mes amis et moi sommes votre seul espoir. La survie de l'Empire dépend de nous. Mais aussi de vous. Vous pouvez agir.

J'ai attendu, le cœur battant. Il suffisait juste que mon interlocuteur prévienne les autres gardes et je n'aurais plus aucune chance de sauver mes amis. Et encore moins de retrouver, Maxwell et Lydia. Honnêtement, même si je trouvais que cet empereur était une véritable ordure, je me fichais de ce monde. Je voulais juste retrouver les miens. Et pour ça, il fallait que nous sortions d'ici. Mais à cet instant, cela ne dépendait pas de moi.

Après un moment qui m'a semblé être une éternité, le garde a déclaré :

-         Tu as raison.

Sur ces mots, il a retiré son heaume, laissant à l'air libre – enfin, si je puis dire dans la mesure où l'on se trouvait dans une prison – des cheveux bruns coupés courts. Je veux dire, il m'a semblé qu'ils étaient bruns. Difficile à dire à la lumière des torches. Il avait le visage émacié, de fines lèvres et des yeux fatigués. Je ne savais pas quel genre de vie il menait en tant que soldat, mais elle n'avait pas l'air facile.

Il s'est approché de moi et m'a tendu la main.

-         Mon nom est Liam.

-         Moi, c'est Thomas, ai-je dit, soulagé.

J'ai serré sa main. Comme on pouvait s’y attendre de la part d'un combattant, il avait une poigne de fer !

J'ai regardé une nouvelle fois l’étoile sur son heaume en frottant ma main endolorie. Voyant mon regard, il a directement répondu à la question qui me trottait dans la tête :

-         Cette étoile me désigne en tant que maréchal. C'est moi qui suis responsable de l'Abîme.

-         Vous êtes le chef ici et vous vous occupez d'une basse besogne comme la surveillance des prisonniers ? ai-je demandé, surpris.

-         Oui. Je n'aime pas laisser les autres faire tout le travail. Et puis…

Son regard s'est fait un peu rêveur.

-         Je peux parler avec…. Les détenus.

J'avais l'intuition qu'il ne parlait pas de n'importe quel détenu. J'ai regardé son visage plus intensément. Je me suis alors rendu compte qu'il m’était familier… Mais pourquoi ?

-         Quoi qu’il en soit, a-t-il repris. Je dois vous faire sortir d’ici, tes amis et toi. (Il a regardé mon expression.) Tu as un plan, on dirait.

-         On dirait bien, ai-je dit en regardant le garde assommé.

 

 

Au début, j'avais trouvé mon plan génial. Mais j'ai commencé à changer d'avis au bout de quelques minutes de marche. L'armure du garde s’était avérée plus lourde que prévue. Du coup, ma vitesse était comparable à celle d'une limace. Le pire, c’était le trident. Je ne m’étais jamais inquiété de son poids jusqu’au moment où j'ai été obligé de le tenir en main. Il était trois fois trop lourd et presque aussi grand que moi. Comment est-ce que les soldats faisaient pour se battre avec un truc pareil ?

-         On peut s’arrêter si tu veux, a suggéré Liam.

-         Ça va aller, ai-je menti, inondé de sueur.

Pourtant, Liam a quand même fait une pause. Exténué, je me suis appuyé sur mon arme.

-         Cinq minutes, ai-je dit.

-         D'accord, a dit Liam en jetant sur moi un regard compatissant, son heaume sous son bras.

Reprenant des forces, j'en ai profité pour jeter un nouveau coup d’œil à notre environnement.

L’« Abîme » portait bien son nom. Imaginez une tour à trois étages aussi immense qu’un canyon dans laquelle on a fait un gigantesque gouffre au milieu. De ce que m'avait dit Liam pendant que j'enfilais l'armure, chacun des étages était constitué de cinq niveaux auxquels on pouvait accéder par des escaliers directement au bord de l’abîme. Pour passer aux étages supérieurs, il fallait passer par l’intérieur.

Un garde s'est approché de Liam et moi.

-         Une nouvelle recrue, hein ? A-t-il demandé en me regardant me dépatouiller avec mon armure trop grande.

Liam a hoché la tête.

-         Bon courage, a continué le garde. C'est dur au début mais tu vas t'y habituer. Pour l'Empire !

J'ai regardé Liam, qui m'a encouragé d'un signe de tête.

-         Euh, ouais. Pour l'Empire, ai-je répété.

Et le garde a continué son chemin en saluant d'un signe de tête le maréchal.

-         Remettons-nous en route, ai-je dit.

-         Tu es sûr ? M'a demandé Liam en remettant son heaume.

-         Oui. Leur énergie vitale se fait aspirer. Il faut qu'on se dépêche !

Liam a hoché la tête.

Pendant que nous marchions, je me suis rendu compte que, comme Liam m'avait dit, il n'y avait pas énormément de gardes. D’après le maréchal, le système de surveillance de la prison était assez particulier. Pendant la journée, elle était gardée par de nombreux soldats – en particulier à l’étage le plus bas, celui des criminels les plus dangereux. Par contre, en pleine nuit, c’était différent. Il y avait moins de soldats, certes, mais des créatures étranges au service de l'empereur rôdaient en plus des quelques soldats. De plus, les gardiens des différents étages étaient aussi plus puissants la nuit. À en juger par le peu de gardes que je voyais, j’en ai conclu que nous étions en pleine nuit. Je me suis mis sur mes gardes, m'attendant à ce qu'une créature de l'empereur me saute dessus.

Le cinquième niveau de l’étage le plus bas – ou l’étage moins trois – était le dernier lieu avant… ben euh, la créature qui se trouvait au fond – au passage, Liam ne m'a pas parlé plus en détail du monstre de l'Abîme et je lui en étais vachement reconnaissant. Nous nous trouvions juste au-dessus, au quatrième niveau. Dans cet endroit, et au cinquième niveau aussi, les gardes se faisaient encore plus rare. Et une fois à l’extérieur de ma cellule, j'ai compris pourquoi. Ici, il n'y avait que des petites salles aux murs de pierre qui entouraient la fosse centrale. D’après le maréchal, chacune contenait une cellule avec un garde, comme pour moi. Je trouvais ça bizarre que ce ne soit pas le cas pour toute la prison, et j'en ai fait part à Liam.

-         Les quatrième et cinquième niveaux de l’étage moins trois regroupent les individus les plus dangereux pour l’Empire, a-t-il répondu. Alors on les enferme ici pour les isoler de tout.

Je ne savais pas si je devais me sentir flatté ou m'inquiéter… Ou les deux.

J'ai jeté un nouveau coup d’œil à la fosse centrale.

-         Et, ai-je ajouté, le monstre de l’Abîme est là pour quoi ?

Liam a suivi mon regard et s'est tu un instant.

-         C'est surtout pour dissuader quiconque de s'enfuir. De plus, elle a souvent faim. Alors (le maréchal a paru mal à l'aise), si certains des prisonniers s’avèrent trop récalcitrants et que l'Empereur ou l'un des Quatre passe par ici, et bien…

-         N'en dis pas plus, l'ai-je coupé.

J'avais une petite idée de ce à quoi il pensait et je préférais ne pas en savoir davantage sur les habitudes alimentaires de la créature sous nos pieds.

Liam s'est arrêté devant une porte du mur en béton.

-         On fait comme on a dit.

J'ai hoché la tête.

Liam a toqué et est entré. J'ai jeté un rapide coup d’œil pour essayer de voir si quelqu’un venait dans notre direction. Enfin, j’ai fait du mieux que j'ai pu malgré l'obscurité atroce de la prison. J’ai pu repérer quelques gardes çà et là mais aucun vraiment proche de notre position. Et je suis entré à mon tour avant de refermer la porte.

Un soldat nous a immédiatement accueilli au garde à vous.

-         Aucun signe suspect, mon maréchal.

-         Très bien, a dit Liam.

Ensuite, le soldat a tourné la tête vers moi.

-         C'est une nouvelle recrue, a menti Liam. Il est entré en service aujourd’hui seulement.

Le soldat a gardé le silence. Toujours en gardant la tête dans ma direction. Heureusement, j’ai compris assez vite.

-         C'est exact, monsieur ! ai-je acquiescé en me mettant aussi au garde à vous. Pour l'Empire !

Mon interlocuteur a hoché la tête.

-         Pour l'Empire, a-t-il répété.

-         Il va te remplacer ici pour son premier travail, a dit Liam.

-         Vous êtes sûr ? S'est étonné le garde. Je ne conteste pas votre décision mais faire garder à une jeune recrue une détenue aussi dangereuse…

-         Pas d'inquiétude à avoir, lui a assuré Liam. Elle est derrière les barreaux, non ?

Sur ces mots, il s'est avancé vers la sortie. Lorsqu'il a dépassé Liam et moi, le maréchal a brandi son trident en disant :

-         Morphée !

Un genre de bourrasque s'est dégagée de Liam, emplissant toute la pièce. Quand cette dernière a atteint le garde, il s'est écroulé. Je me suis demandé s'il allait bien… jusqu’à ce que je l’aie entendu ronfler. Aussitôt, je me suis dirigé vers les barreaux et les ai écartés aussi facilement que précédemment grâce à Ceno (déformant mon armure au niveau du bras au passage). Puis je suis entré et j'ai vu qui était dans la cellule.

Vous savez, quand une personne essaie de vous assassiner deux fois, que cette dernière vous manque de respect et qu'elle vous regarde sans arrêt comme si vous n’étiez qu'un misérable cloporte, il est juste de se dire que si cette personne se fait capturer, elle devrait rester dans sa geôle. Vous n’êtes pas d’accord ?

Quand je suis entré dans la cellule, j'ai vu Yuki, les poignets retenus au mur par des chaînes. Cette dernière, en me voyant, a tenté de s’éloigner – autant qu'elle pouvait dans la mesure où elle était déjà contre le mur – et a fait apparaître sa Keyblade d'un blanc de givre. Mouvement inutile comme elle ne pouvait pas s'en servir.

J'ai retiré mon heaume.

-         Du calme, lui ai-je dit. C'est moi, Thomas. Tu sais, le type que tu as essayé d'éventrer avec des pics de glace.

Sa Keyblade n'a pas disparu pour autant.

-         Je n’ai pas besoin de ton aide, m'a-t-elle lancé d'une voix faible.

-         Tu essaies de me dire que tu comptes te libérer, sortir de ta geôle sans te faire voir, t'évader de la prison la plus sécurisée de l'Empire, trouver un moyen de locomotion pour t'en aller de ce monde et ce, en évitant les gardes au trident empoisonné, les créatures mystérieuses au service de l'Empereur et les quatre types qui nous ont explosés tout à l'heure, toute seule ?

Et elle a eu le culot de me répondre :

-         Exactement !

Ouais, moi non plus je n'y croyais pas.

-         Il est hors de question que vous m'aidiez, a-t-elle repris. Surtout pas toi. Tu es un idiot. Tu es faible. Tu es…

Je me suis approché d'elle.

-         Encore un mot de plus, ai-je dit lentement, juste un seul, et je te laisse ici à la merci de ces chaînes qui absorbent ton énergie vitale. Vas-y, j'en meurs d'envie. 

Malheureusement, elle n'a rien dit de plus. Elle a dû réfléchir au fait qu'elle ne pouvait certainement pas s’évader seule.

J'ai regardé les chaînes.

Ceno ? ai-je pensé.

Je sais, je sais.

Quelques instants, après, Yuki était libre. Elle a ajusté ses lunettes – d'ailleurs, c’était un miracle qu'elles n’étaient pas cassées – et frotté ses poignets endoloris avant de me lancer un regard noir. J'imagine que c’était sa manière de me dire merci.

Lorsqu'elle est sortie de sa cellule, elle a vu le maréchal. Il s'est alors présenté :

-         Je m'appelle Liam.

-         N’étiez-vous pas celui…

-         … qui avait voulu emmener cette pauvre Minehi ? a terminé Liam sur un ton de regret. Si. Et j'en suis désolé.

Yuki n'a rien dit, continuant à le regarder d'un air sceptique.

-         Quoi qu'il en soit, a repris le maréchal, je suis là pour vous aider.

-         Allons-y, suis-je intervenu. Je ne sais pas pendant combien de temps les autres vont pouvoir tenir.

-         Comment allons-nous sortir d'ici sans que les gardes ne nous attaquent ? a demandé Yuki.

Je n'ai pas pu m’empêcher de sourire.

-         T'inquiète pas pour ça, j'ai une idée. Tu vas voir, ça va être drôle.

 

 

-         C'est cela que tu appelles « drôle » ? S'est plainte Yuki pendant que je faisais semblant de la menacer avec mon trident pour qu'elle avance.

-         Oui, ai-je répondu, entièrement satisfait. Je n'ai juste pas précisé pour qui.

-         Calmez-vous, nous a chuchoté Liam, qui avait remis son heaume.

J’aurais bien voulu charrier Yuki plus longtemps, mais le maréchal avait raison. Même si Yuki et moi jouions plutôt bien le rôle de prisonnière et de garde – surtout moi –, je n'ai pas pu m’empêcher de remarquer les créatures qui venaient d’apparaître. Il s'agissait d’êtres humanoïdes mesurant un mètre cinquante environ avec l'un des deux bras en forme de trident. Ces derniers brillaient d'un jaune si éclatant qu'il était douloureux d'attarder son regard sur eux trop longtemps. De plus, une espèce de poussière lumineuse se dégageait de ces créatures en permanence, avant de disparaître.

-         Ce sont des Trinovas, a expliqué Liam. Des créatures de lumière créées par l'empereur.

-         Pourquoi est-ce qu'elles nous regardent comme ça ? ai-je demandé pendant que les petits yeux rouges des monstres nous fixaient.

-         Eh bien, une prisonnière est hors de son cachot. La seule raison pour laquelle elles n'attaquent pas, c'est parce que nous deux sommes autour.

Je suis passé devant une autre créature. Celle-ci m'a reluqué de haut en bas avant de passer son chemin.

-         Euh, ai-je fait. Ces Trinovas comprennent ce que l'on dit ?

-         Difficile à dire, a répondu Liam. En tout cas, ils sont assez malins pour faire la différence entre les gardes et les détenus. Mais on ne craint rien, ne t'inquiètes pas.

Il avait beau dire ça, mais le fait d’être entouré de plusieurs dizaines de monstres qui épient le moindre de vos mouvements n’aidaient pas du tout. Je ne savais pas comment se sentait Yuki, mais j’espérais du fond du cœur qu'elle se tiendrait tranquille.

Quoique… Je me demande comment de telles créatures fonctionnent…

Je me suis calmé. Ce n’était pas le moment de céder à ma curiosité.

Le maréchal, étant le seul d'entre nous trois à connaître l'emplacement des autres, marchait en tête pendant que nous avancions dans le quatrième niveau de l’étage. Il avait clairement l'habitude de ce lieu : il n'a pas regardé une seule fois le trou géant qui se trouvait à quelques mètres de nous à peine, tout juste séparée par une rambarde. En m'efforçant d'ignorer le regard des Trinovas, j'ai pu remarquer que les gardes se faisaient effectivement de plus en plus rare. Contrairement aux créatures, dont le nombre ne cessait de croître. Plus le temps passait, plus je me demandais comment est-ce qu'on allait bien pouvoir sortir d'ici en toute discrétion.

Liam s'est arrêté devant une porte. Il a jeté un œil à Yuki et à moi, qui restait silencieuse. Puis nous sommes entrés, prêt à en découdre… pour ne finalement trouver aucun garde. Aussitôt, je me suis dépêché de tordre les barreaux pendant que Yuki fermait la porte. Contre le mur, Dingo, visiblement exténué, avait les bras enchaînés. Je me suis dépêché de le libérer.

-         Dingo ! l'ai-je appelé. C'est moi. Debout !

Il a doucement ouvert les yeux avant de me regarder de ses grands yeux de gentil chien.

-         Thomas ! Tu vas bien !

Sur ces mots, il m'a pris dans ses bras avec une force qui m'a fait me demander s’il avait vraiment perdu une partie de son énergie vitale.

-         Moi aussi je suis content de te voir, lui ai-je dit. Mais dépêchons-nous, Sora et Lea sont toujours en danger.

Il a hoché la tête avant de me suivre. Lorsque Dingo a vu Liam en armure, il a dégainé son bouclier – de je ne sais où, d'ailleurs –, prêt à attaquer. J'ai dû m'interposer et lui expliquer rapidement que c’était un allié. Il m'a cru sur parole et son arme a aussitôt disparu.

J'adore ce type, ai-je pensé.

-         Maintenant, il faut qu'on y aille, a dit le maréchal. Vos deux derniers camarades sont au cinquième niveau, juste en-dessous de nous. Et nous ne sommes pas loin de…

Soudain, la porte s'est ouverte. Un garde est entré et s'est immobilisé devant la scène qu'il avait sous les yeux. Son regard a fait le tour entre Liam et moi à visage découvert, Dingo, Yuki, et les barreaux tordus. Il a ouvert le bouche – sans doute pour lancer l'alerte – pendant que Liam levait son trident pour lancer à nouveau son sort de sommeil.

J'ai pensé que Liam ne serait jamais assez rapide. Moi non plus d'ailleurs, pour utiliser ma Keyblade…

Et j'ai fait une bêtise.

J'ai foncé droit sur lui en appelant Ceno dans mon esprit. Mon bras droit s’est aussitôt métamorphosé. Je l'ai senti grossir en détruisant (complètement cette fois) la cubitière, le canon d’avant-bras et le gantelet de mon armure. J'ai donné un puissant coup au garde et celui-ci a été projeté dans l’abîme. Yuki, Liam et Dingo m’ont suivi à l’extérieur du cachot. Avant même que je ne réalise ce que j’avais fait, un des rares gardes restant a hurlé :

-         ALERTE ! TENTATIVE D’ÉVASION EN COURS !

Aussitôt, nous nous sommes retrouvés totalement encerclés par une cinquantaine de Trinovas ainsi que quelques gardes pointant leur trident dans notre direction. Repérés, nous n'avions plus aucun espoir de survie. Yuki et Dingo n'avaient pas encore récupéré de leur emprisonnement ni de leurs combats précédents et j’ignorais combien de temps ils allaient encore pouvoir tenir debout. J’étais à peine en meilleur état qu'eux. Quant à Liam, il avait l'air de savoir se défendre, mais il était impossible qu'il nous protège tous.

 

Pour résumer, nous étions sur le point de mourir. Et c’était entièrement ma faute.

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