De la neige en été

Chapitre 1 : De la neige en été

Chapitre final

1431 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/11/2015 18:42

- Pence, bouge-toi, il n'y aura plus de glaces si on traîne !

- Attends, Hayner, tu vas trop vite …

Olette regarda ses amis partir, le sourire aux lèvres. Ils étaient amusants, tous les deux. Elle se souvint de l'air stupéfait de ses copines de classe lorsqu'elle leur avait raconté qu'elle passait toutes ses vacances en compagnie de deux garçons. « Han, la chance ! » suivi de « et c'est lequel, ton amoureux ? » qui avaient laissé Olette perplexe. « Comment ça, mon amoureux ? » - « bah, il y en a forcément un que tu aimes, attends ! C'est forcément pour ça que tu traînes avec eux ! Tu peux tout nous dire, tu sais ! »

Olette avait réfléchi ce jour-là, et continuait à réfléchir depuis. Il était vrai qu'elle aimait beaucoup Hayner et Pence, mais c'était uniquement d'ordre amical … ils étaient amis d'enfance, après tout. Mais ça n'allait pas plus loin.

Pour autant, Olette ne pouvait s'empêcher de rêver d'amour. Mais son idéal, décidément, ne ressemblait pas à ses amis. Il serait plus grand … sans doute plus vieux qu'elle de plusieurs années. Elle n'aimait pas les gamins. L'homme de ses rêves saurait plus de choses qu'elle, et lui raconterait des histoires interminables …

En y réfléchissant, elle rosit. Oui, c'était son rêve. Mais qu'un tel homme s'intéresse à elle, c'était improbable. Ou alors, ce serait un dangereux pédophile. Les adultes ne faisaient pas dans la demi-mesure ; en cela, elle ne les comprenait pas.

Ses déambulations sans but l'amenèrent jusqu'à la gare ; mais lorsque la place s'offrit à ses yeux, elle s'arrêta d'un coup. Quelqu'un qu'elle n'avait jamais vu à la Cité du Crépuscule était assis sur le rebord du muret, tourné en direction de l'horizon, et regardait le soleil qui se couchait éternellement. Il semblait de grande taille, et était habillé d'un étrange manteau long et uniformément noir. Mais ce qui frappa Olette, ce fut autre chose.

Le visage de l'inconnu, qu'elle voyait de profil, avait les traits délicats, et des yeux fins d'une étonnante couleur orangée – comme le crépuscule, pensa Olette. Et ses cheveux … elle n'en avait jamais vu de tels. L'homme les avait longs jusqu'aux épaules, d'un blanc immaculé. Comme de la neige. De la neige en plein été.

Comme hypnotisée, la jeune fille s'avança jusqu'à n'être plus qu'à quelques pas de l'inconnu, et souffla :

- Bonsoir …

Il se tourna vers elle, sans même avoir l'air surpris. Son visage était indéniablement beau, aux proportions parfaites, au point qu'il semblait n'avoir pas d'âge.

- D'où venez-vous ? s'enquit poliment Olette, un brin intimidée. Je ne vous ai jamais vu ici auparavant …

- Je suis venu voir le crépuscule, murmura-t-il simplement en guise de réponse.

- Le crépuscule ?

Olette alla s'accouder au muret, à côté de l'homme aux cheveux blancs, et regarda à son tour le ciel. Elle se répondit à elle-même, rêveuse :

- C'est vrai que c'est beau. Nous qui vivons ici depuis des années, on finit par oublier de le regarder, tellement on en a l'habitude … mais c'est toujours aussi beau, même si on n'y prête pas attention.

Il hocha la tête. Olette ne put se retenir de lui demander :

- Comment vous appelez-vous ?

La question sembla le plonger dans une profonde réflexion – ou était-ce de la mélancolie ? Il répondit après quelques secondes :

- Xemnas.

- C'est un prénom étrange … on voit que vous n'êtes pas d'ici.

Xemnas haussa les épaules, toujours tourné vers le soleil couchant. Olette le regarda un moment, puis à regret, annonça :

- Je dois y aller, mes amis m'attendent. J'espère que vous serez encore là demain !

Il ne répondit pas, et la jeune fille s'en alla, la tête remplie d'espoir et de crainte.

 

- Tenez !

Xemnas tourna la tête vers Olette, qui lui tendait une glace à l'eau de mer. Hayner et Pence étaient retournés en acheter, comme tous les jours, et lui avaient offert la sienne ; mais elle ne pensait qu'à cet homme de la place de la gare. Heureusement, il était de nouveau là, au même endroit que la veille.

- C'est la tienne, non ?

- Vous ne pouvez pas passer par la Cité du Crépuscule sans goûter une glace à l'eau de mer ! On n'en trouve qu'ici, et c'est vraiment bon, vous devez essayer !

Il finit par la prendre, l'observa un peu, puis mordit dedans.

- Hé, il ne faut pas la croquer, vous allez vous faire des maux de tête ! Vous n'avez jamais mangé de glace avant ?

- Non.

- Ça doit être triste, quand même …

Xemnas haussa les épaules et continua à manger sa glace, silencieusement. Son visage ne trahissait rien de ses pensées, mais voyant qu'il mangeait, Olette se dit qu'il devait aimer la glace à l'eau de mer. Quelque part, ça la rendait heureuse.

- Depuis que je suis enfant, j'adore manger des glaces … Hayner préfère les hot-dogs, et Pence, le chocolat, mais moi, ce sont les glaces. Et l'eau de mer est mon parfum préféré.

- Alors pourquoi m'as-tu donné ta glace ?

- Allez savoir, fit Olette, pensive. Je crois que j'avais envie que vous aussi, vous sachiez à quel point les glaces sont délicieuses.

- C'est bon.

- Vraiment ? Alors, je suis heureuse de vous avoir fait découvrir quelque chose …

Les traits de Xemnas restèrent figés, comme à son habitude, mais Olette n'en avait cure. Elle commençait à s'y habituer.

- Je reviendrai demain, promis ! Si vous voulez, je vous amènerai une autre glace !

 

Le jour d'après, elle était debout à l'entrée de la place, deux glaces dans les mains. Une de trop. Xemnas n'était plus à sa place de la veille. Olette balaya la place du regard, mais dut se rendre à l'évidence. Il était parti.

La jeune fille alla pourtant sur le muret où il était encore la veille, et s'assit là où il s'était assis, face au couchant. À côté d'elle, quelque chose se mit à miroiter ; elle tendit la main, ramassa l'objet, et sa gorge se serra lorsqu'elle le regarda.

C'était un cheveu blanc.

Les yeux d'Olette s'emplirent de larmes, et elle serra le fin cheveu contre elle. Il était vraiment parti. Mais derrière lui, en plein été, il avait laissé un peu de neige.

Devant le crépuscule perpétuel, un fin lien argent brisé au creux de sa paume, son cœur d'enfant en miettes, Olette se dit qu'elle ne pourrait jamais aimer quelqu'un d'autre.

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