ℒa Ɗaƞseuse [Ɫ̊evĭ x Ʀėadǝɍ]

Chapitre 1 : Les regrets de Levi

2601 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 23/05/2018 22:14


17 juillet 849


Dans le noir, je ruminais. J'étais au bout du gouffre, qu'est-ce qui me retenait encore en vie ? J'avais consacré toute mon existence à l'avancé de l'humanité et ce à quoi je pensais être bon, sacrifiant mon avenir pour une cause bien plus importante à mes yeux, aux yeux de l'humanité. Quoique ... avec du recule, j'étais sûr de n'avoir aucun avenir. J'étais perdu. Lorsqu'on m'avait mis au monde, je ne possédais rien, je n'avais que ma mère à mes côtés et elle me quitta trop tôt pour que je me souvienne de l'amour qu'elle me portait autrefois. Ce fut mon premier abandon. Le deuxième était par l'homme qui m'avait formé et libéré de la dépendance des autres, il m'avait appris à survivre plus qu'à vivre. Puis j'avais perdu le reste de confiance que je donnais aux autres en intégrant le bataillon d'exploration où j'avais perdu mes amis les plus proches lors de notre première expédition, j'avais perdu le même jour les deux seuls personnes qui m'avaient promis de rester près de moi, ils étaient ceux pour qui je me battais. Ils furent, tous deux, mon troisième abandon. Plus que cela, j'avais également perdu la confiance en autrui, je doutais constamment de leurs capacités. Quand on m'avait proposé d'intégrer le bataillon, je croyais que les soldats étaient plus humains que n'importe qui, ils donnaient leur vie sans hésitation pour l'humanité, cependant ce n'était pas le cas.


Pour que l'humanité survive, il est primordial de perdre sa propre humanité.


Jeter de jeunes recrus dans une mort certaine comme si leurs vies n'étaient rien face à la mienne, comme s'ils n'avaient rien d'humains. Si seulement je savais vraiment dans quoi je m'étais engagé, jamais je n'aurais accepter. Ils seraient à mes côtés en ce moment-même ... ces chagrins, ces dépressions nocturnes, je serais probablement gérant d'une boutique de thés. Maintenant, je ne savais même pas comment me faire pardonner par ses familles, ses soldats que j'ai brisé en me servant de leur sacrifice. J'étais certain que ma mort ne serait pas suffisant pour expier mes fautes. Par moment, je pensais réellement que je ne n'aurai jamais dû fouler les pieds sur Terres, ma présence n'avait apporté que la mort. Je restais en vie regardant les autres se faire tuer sous mes yeux, ne comprenant pas pourquoi je n'étais pas à leur place, pourquoi je n'avais pas perdu de bras, de jambes ou même ma tête comme certains d'entre eux, pourquoi le ciel me maintenait sur terre et surtout en vie. Je n'étais pourtant pas assez fort pour tous les sauver. Alors pourquoi ... moi. Je voulais juste ressentir un temps soit peu ... de la joie dans mon existence. J'étais fatiguée d'être triste, fatigué de voir toutes ses nouvelles recrues sourires sans imaginer ce qu'il leur arrivera. Lorsqu'on passait à côté de ses victimes nous étions pris de remord face à ses visages à peine humain. La défiguration déshumanisent toutes ses personnes mortes, on ne pouvait même plus les identifier. On était pourtant certain qu'ils étaient humains autrefois.


La nuit, je ne fermais à peine les yeux, possédé par le chagrin, alourdissant mon cœur, saccadant ma respiration, suffoquant de douleur, rongeant mon crâne. Lorsque je sortais, la pluie avait pour effet de me ronger la peau au souvenir de ses hommes et femmes, comme le ferait de l'acide. Ce qui était fait, était fait, nous n'avions plus aucun moyen de revenir en arrière simplement d'avancer et de continuer pour ses vies perdues, ses avenirs sacrifiés au nom de l'humanité. Maintenant, il était temps d'avancer vers un nouveau siècle, plus brillant, plus heureux, plus beau dans nos mémoires que le précédent qui fut dévastateur. Il est foutu le temps des murs, détruisons-les pour vivre librement et espérer un jour retrouver cette dignité pour laquelle nous nous battions. Pour la dignité humaine, sauver le future de ses enfants, sortir de la crise et la famine et briser la fracture sociale. C'était mon souhait le plus profond, ainsi réparer mes erreurs et peut-être vivre comme ces braves gens insouciants auprès de leurs familles qu'ils construisaient avec le temps et l'amour.

Vêtue d'une robe blanche au-dessus des genoux, elle déambulait entre les tables pieds nus se déhanchant en rythme de la musique captivant les regards de nombreux hommes dont le mien. Tous dévoraient son corps, mais moi, j'étais attiré par son regard unique, par ses lèvres colorées, son cou, son visage me charmait. Elle semblait si innocente et préservée de toute cruauté que son sourire en devenait touchant. Sa tenue n'était absolument pas provocante loin de là, habituellement, les danseuses de bars préféraient mettre en valeur leurs corps plutôt que leurs talents parfois dépassant les limites de l'indécence, elle, en revanche, vendait son art. Elle était sur ce plan, plus désirable que les autres. Difficile de lui donner un âge, difficile de rester de marbre face à cette femme. Je me levai de ma table vers le comptoir m'éloignant d'elle. J'y commandai un thé sous le regard surpris du tavernier, n'imaginant sûrement pas que le « soldat de l'humanité », comme ils aimaient m'appeler, préféré boire du thé dans un bar plutôt que de l'alcool. Ils me faisaient doucement rire, cette vision qu'il avait de moi était purement une chimère frôlant insolemment les clichés des héros fictionnels.


« Seriez-vous le Caporal Chef Levi ? »


Je m'étais retourné cherchant à mettre un visage sur cette voix insupportablement aiguë, pendant que le tavernier posa mon thé en face de moi. Ce fut l'une des danseuses de cette soirée qui m'avait abordé. Brune, cheveux longs, très mince, les yeux clairs, elle savait qu'elle plaisait aux hommes. Il fallait beaucoup de courage pour m'aborder une première fois surtout dans sa tenue, elle portait uniquement des sous-vêtement avec des porte-jarretelles, le tout de couleurs noirs. Elle s'était approchée, croyant réellement qu'elle semait le trouble en moi. Je le devinais aux sourires malicieux qu'elle arborait fièrement. Détrompez-vous, je la trouvais très belle et je n'étais probablement pas le seul, cependant je ne saurais même pas vous expliquer pourquoi elle me repoussait tant. Sa main sur mon épaule me fit redescendre sur terre, j'arquai un sourcil cherchant à lui faire comprendre qu'elle me dérangeait.


« Je vous offre un verre ?

- Non, j'ai déjà de quoi boire, dis-je sèchement en dégageant sa main d'un coup d'épaule.

- Oh ... je vois. »

La radicalité de mon geste l'avait probablement prise au dépourvu. Elle partit dépitée, alors que je buvais mon thé sans lui accorder un dernier regard. Le genre de nana qui obtenait toujours ce qu'elle voulait sans le moindre effort, en revanche dès qu'il fallait bouger un ongle, il n'y avait plus personne.

« Tu y vas un peu fort non ?

- Erwin, est-ce que je me mêle de tes histoires ?

- Je ne souhaitais pas te contrarier ... cependant tu devrais être un peu plus doux. Je ne sais pas si tu rends compte de la sévérité que tu dégages. »


Je ne pris même pas la peine de l'écouter détournant mon regard vers ses applaudissements forts et ses cris assourdissants dégageaient par ses hommes en chaleur lorsque la musique s'arrêta en même temps que la performance de la danseuse à la robe blanche. Elle posait fièrement, les bras tendus vers le plafond, la respiration saccadée, sa robe dévoilant un décolleté, certes pas si prononcé, mais suffisamment pour faire rêver plus d'un.


« Elle est douée n'est-ce pas ? murmura Erwin.

- Mh ... »


Il sourit de toutes ses dents face à ma réaction pourtant banale. Qu'est-ce qu'il pouvait penser pour sourire de cette manière ? Ses sourcils étaient détendus, son corps également, il s'était même accoudé au comptoir sirotant son verre de rhum fixant de nouveau la danseuse. Je soupirai doucement, commençant à comprendre la signification de ce sourire.

« C'est rare de te voir porter de l'attention sur quelqu'un, remarque ... elle est très mignonne.


- Tais-toi tu veux bien.

- A ton avis, elle a quel âge ? »


Je soupirai à nouveau, c'était peut-être l'alcool qui le rendait chiant, mais j'étais enclin à exploser mon poing sur son visage moqueur. Pourquoi il se permettait de me faire des sous-entendus aussi futiles que ça ? Et puis, s'il croyait qu'il me mettait mal à l'aise, il se trompait lourdement. S'il continuait de m'exaspérer de la sorte, j'allais repartir au quartier général le laissant seul et bourré en plein centre du district. Mais il avait tort sur un point, ce n'était pas rare que je porte mon attention sur une femme, c'était une première. Et c'était également la première fois que je souhaitais converser avec une femme, voulant écouter sa voix et son histoire. Mais la culpabilité m'en empêchait, comment pouvais-je espérer vivre sans remords alors que j'avais privé ses jeunes gens au joie de la vie, au goût de l'amour, utilisant leur mort pour arriver à nos fins. Comment ? Et surtout, je ne pouvais pas même pas imaginer vivre ma vie comme certains soldats, avec une femme et des enfants qui attendent mon retour à chaque expédition, alors que je risquais de ne jamais revenir, les abandonnant comme ils m'avaient abandonné. Je ne pouvais pas faire comme eux, j'en étais pas capable, j'en avais pas la force, j'en avais pas le droit. Et pourtant je souhaitais qu'on me libère de mes tourments, de mes nuits blanches et de mes regrets, je savais que mon cœur avait besoin du souffle d'un amour pour renaître. Ma vie ne me convenait pas, c'est instant que j'avais perdu avec ma mère, cet amour dont je n'avais plus aucun souvenir, ses sacrifices pour ma survie, pour mon bonheur, ces preuves d'amours, je me souvenais pas d'en avoir connu.


« A quoi penses-tu ? »


Dans quelques jours nous partons en expédition et je suis entrain de prendre du bon temps dans un bar avec des soldats. Dans quelques jours plus de trente pour-cents du bataillon périront et j'agis comme si de rien n'était ... Je me dégoûtais. Je me levai de la chaise et jeta quelques pièces sur le comptoir. Murmurant un bref « Je pars » à l'égard d'Erwin et sortis du bar, le cœur lourd, évitant de regarder derrière moi pour ne pas recroiser les yeux de cette femme. Et de ne pas changer d'avis. Pourquoi tout était que complexité, pourquoi on ne pouvait pas vivre simplement, librement avec la ferveur de la passion, sans regret, sans peur, avec l'espoir d'un avenir meilleur. Était-ce la complexité qui faisait de nous des êtres humains ?

Comme c'est fatiguant d'être humain ...

23 juillet 849


Mes prédictions s'étaient révélées vraies à mon plus grand désarroi, nous avions perdues énormément de soldats une fois de plus et le moral des troupes étaient au plus bas, tristes et honteux à la fois. Personnes n'étaient sorties de sa chambre, certains refusaient de se nourrir, d'autres n'arrivaient plus à dormir. J'étais dans leur cas, depuis mon arrivé dans le bataillon d'exploration, je ne dormais plus que deux à trois heures par nuits, parfois je faisais même des insomnies, les visages de mes défunts amis et soldats m'obnubilaient. Le trauma nous paralysait tous durant la nuit. Je ne redoutais pas la mort, c'était la vie qui me torturait. La tension dans le quartier général était insoutenable, mon envie de partir et passer la nuit loin de ses souvenirs s'intensifiait. Ferlan ... Isabelle ...

Laissez-moi arriver à rêver ...


Je souhaitais me vider la tête, sortir un temps soit peu de cette grotte sombre dont laquelle je résidais et où suspendait au-dessus de ma tête une épée de Damoclès. Ce soir là, mon cœur me soufflait d'aller dans ce bar, de boire et de la voir. Danser, sourire, rigoler, tous ce dont j'avais oublié, elle l'avait faite en une soirée et elle resplendissait par la sincérité qu'elle y transmettait. Je ne comprenais pas d'où venait ce besoin, je ne cherchais pas à me rincer l'œil sous les formes de cette danseuse, non je ne souhaitais rien cela, simplement de voir quelqu'un sourire naïvement et franchement. J'avais cette avidité, ce désir de m'évader de mon atroce quotidien, d'oublier un moment, un instant.

Néanmoins, je n'y étais pas allé. J'étais resté sur mon bureau travaillant sur mon compte rendu de la dernière expédition, rapportant avec détails, la direction que j'avais prise pour diriger mon escouade durant certaines situations, le nombre de mort, de blessé, de perte de chevaux et bien d'autres futilités qu'ils exigeaient là en haut. Certaines personnes vous diront que pour éviter de broyer du noir, il se plongeait dans le travail, cependant mon travail me ramenait à la culpabilité.  


Je souffrais entre ses deux opposés, le bien et le mal.

Qu'est-ce qui constitue le bien ?

En quoi mon combat était bien si sa base engendre mort et souffrance ?

Mais au fond de moi, je savais que notre combat n'était pas vain.


Tous ses morts me rappelaient Ferlan et Isabelle, tous ses morts me mettaient hors de moi, voilà pourquoi je ne devais pas m'y habituer, car leurs proches eux, ne vont pas s'y habituer, ils garderont à jamais le deuil comme je porte le deuil de mes défunts amis. Ils ont perdu un futur en intégrant le bataillon d'exploration alors que moi qui avait (peut-être) la chance d'être toujours en vie, ne faisait rien pour créer un futur. Je m'en sentais pas capable ... j'en mourrai d'envie pourtant, je ne voulais en aucun cas que ma vie se résume qu'à la mort.

Toutes ses contradictions vont me tuer.


Pourquoi n'arrivais-je pas à faire le tri en moi ? Erwin semblait s'en sortir, enfin c'était ce qu'il montrait ... et ce que je montrai. On ne devait pas faiblir, on ne pouvait pas ce le permettre, même si je détestais l'avouer, les jeunes nous prenaient pour modèle, ils nous admiraient. S'ils savaient qu'ils n'admiraient qu'une apparence en réalité ...

Quelle contradiction quand même ... les jeunes puisaient leurs forces en nous et nous puisons notre force en eux. Chacun avait ses raisons de se battre pour rester en vie, mais moi ... je n'avais rien à perdre, je n'avais rien à gagner ? Est-ce vraiment pour l'humanité que je me battais ?

Au début, j'avais intégré le bataillon pour sortir Ferlan et Isabelle des bas-fonds et leur donner une meilleure vie, ils avaient découvert le ciel, le soleil, la lumière, puis la mort, je m'étais juré de les venger et jusqu'à maintenant je ressentais cette colère lorsque je les exterminais. Néanmoins, je ne prenais plus aucun plaisir à les tuer. La mort de tous ses soldats m'empêchaient de ressentir la moindre satisfaction de les exterminer. Je suis fort, j'étais le soldat qui avait éliminé le plus de titans.


Je n'ai pas le choix, il faut que je me batte.




~ À suivre ~


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