Le destin des Ackerman - Tome 1

Chapitre 9 : Prudence

5651 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/03/2020 02:36

Un poing heurte violemment un sac en tissu rempli de sable, accroché à la branche d'un arbre par une chaîne.


Je vais mettre ça sur le compte de la jeunesse mais que ça ne se reproduise plus, d'accord ? avait grondé Hanji quand Thomas était rentré de sa corvée de nettoyage, suite à son altercation avec Mikasa Ackerman.


Un autre poing cogne le sac de frappe qui oscille de plus belle.


— Qu'est-ce qui s'est réellement passé ? lui avait demandé Nifa quand elle vint le trouver dehors après la mise au point du capitaine.


Thomas respire, la garde toujours haute, puis enchaîne trois coups rapides.


On se revoit demain, lança Livaï quand Thomas alla le prévenir qu'il en avait fini, en exécutant un salut militaire.


Il assène cette fois un unique et gros coup. Essoufflé et en sueur, il se repose sur le sac de frappe qu'il enlace le temps de reprendre une respiration plus tranquille.

Le jeune homme réapparaît dans la clairière quelques minutes plus tard et marche vers cette maison en bois qu'il occupe avec ses camarades depuis quelques jours. Ses mains sont à vif et saignent quelque peu sur leur partie supérieure alors, pour éviter qu'on lui fasse la remarque, il enfile des mitaines en tissu noir.

En entrant il n'y a que Hanji qui est là, les autres sont sûrement en train de se réveiller et se préparer.


— Bonjour capitaine, salue Thomas.

— Tiens, salut toi, répond-elle en levant les yeux vers lui avec son grand sourire habituel.


Il ne sait pas trop quoi en penser, son comportement laisse penser que hier n'a jamais existé. La seconde d'Erwin Smith est une personne difficile à cerner. Nifa et elle ont certainement discuté au sujet de cette « agression », c'est pourquoi elle n'a pas l'air d'avoir la moindre rancœur mais... C'est déroutant.

Quinze minutes plus tard ils sont tous prêts, en uniforme et attablés avec une tasse de thé devant eux.


— Alors mes chéris, aujourd'hui vous avez moins de choses à faire, je vais aller à Trost. Moblit et Nifa vous viendrez avec moi. Keiji tu seras donc aux commandes de cette escouade pour la journée. On part dans environ... Trente minutes.

— Bien capitaine, répondent ceux qui ont été cités.


Lorsque l'heure du départ arrive et avant de monter à cheval, Nifa vient voir Thomas pour lui murmurer deux mots à l'oreille.


— Essaye de ne pas te faire remarquer aujourd'hui.


Puis elle rejoint sa monture. Thomas ne sait pas vraiment comment prendre ses mots. Est-ce de la taquinerie ou une façon de lui rappeler qu'elle n'est pas là pour la journée ? Une fois que leurs trois camarades sont partis à cheval, Keiji se retourne vers ceux qui sont toujours là.


— On va s'entraîner pendant deux bonnes heures, allez chercher votre équipement tridimensionnel.

— Oui chef ! s'écrient-ils en chœur.


En marchant vers le chalet Thomas peut entendre Abel s'adresser à Keiji.

— N'y prends pas trop goût hein, j'vois ton sourire satisfait.

Puis ils se marrent tous les deux.





Comme la veille ils se rendent à ce terrain d'entraînement improvisé et plus difficile que ceux des brigades d'entraînement, considérés comme règlementaires. Mais c'est une bonne chose : c'est d'autant plus rude et donc idéal pour progresser.


— On va former deux groupes de deux. Je vais aller placer trois groupes de titans : le premier sera composé de deux monstres de dix mètres, le second trois titans de tailles différentes puis, pour le troisième, ils seront deux mais séparés d'une quinzaine de mètres. Tout ça pour qu'on s'entraîne à travailler en duo sur l'élimination rapide d'un groupe de titans, explique Keiji.


Thomas écoute attentivement. Il n'a pas besoin de demander pourquoi l'entraînement - contrairement à celui dans les brigades d'entraînement ou celui des cadets du bataillon d'exploration - consiste à supprimer un groupe : c'est l'une des principales fonctions des escouades d'élite. Il est difficile de demander à des nouvelles recrues ou des membres de la garnison de s'occuper d'un groupe en un temps record.

Après tout Nifa le lui avait fait comprendre : tous les membres des escouades ne sont pas des prodiges au combat lorsqu'ils sont sélectionnés mais sont normalement appelés à devenir des combattants au dessus de la moyenne, par leur entraînement et leurs tactiques évoluées.


— Julia tu seras avec Abel, Thomas avec moi, annonce Keiji.


Abel et lui vont disposer les titans d'entraînement et reviendront dix minutes plus tard. Julia et Thomas s'assoient dans l'herbe en attendant.


— Tu as une idée sur comment tu vas t'y prendre pour chaque groupe ? demande le jeune homme pour faire la conversation.

— Mmmmh... Le plus simple sera le dernier, je ne sais pas si Abel préfère qu'on s'en occupe chacun d'un ou qu'on les élimine un par un. Le premier groupe c'est un peu la même chose mais il faut agir en synchronisation. Le second sera le plus dur.

— Mh, j'pense aussi. On est en sous-nombre et les tailles différentes donnent moins de marge de manœuvre.


Julia ne répond pas mais elle acquiesce avec un petit sourire. Le silence s'installe et ils peuvent tous les deux profiter de l'air frais qui souffle doucement, accompagné du chant des oiseaux.


Je redoute la première confrontation avec de vrais titans... finit par avouer Julia à voix à peine haute, comme une confession non assumée.

— Tu n'en as jamais combattu un ? s'étonne-t-il.


Il pensait que les personnes recrutées dans les escouades d'élite devaient avoir un minimum d'expérience au combat. Même si, à y réfléchir, il n'est pas vraiment une référence.


— Non... Lorsque vous avez poursuivi les traîtres j'étais blessée, un problème à l'entraînement une semaine plus tôt, explique la jeune femme avec un air triste.


Le soldat Ralle comprend qu'elle s'en veut d'avoir manqué cette expédition, elle doit ressentir le poids du nombre de personnes qui ne sont pas revenues de cette course poursuite.

Cela lui fait étrangement penser à la veille, lorsqu'il revint de sa corvée.


— ...forment toujours depuis leur utilisateur et donc depuis la nuque. D'abord les os et une fois que la colonne est apparue tout le reste se fait très rapidement à la suite. Le processus doit prendre cinq à dix secondes, expliquait Hanji.

Thomas l'entendit à travers la porte au moment où il posa la main sur la poignée. Par curiosité il attendit pour entrer et tendit l'oreille.

— Et Eren a dit que si leur corps se régénère ils ne peuvent pas se transformer ? demanda Julia qui, rien qu'au timbre de sa voix, semblait particulièrement passionnée et intéressée.

— Haha ! Ça dépend du sujet apparemment. Je suppose que chaque titan demande une quantité d'énergie différente mais selon la personne qui le détient et sa condition physique ça change aussi. On sait par exemple qu'Annie Leonhart avait la capacité de concentrer la régénération sur un seul membre pour qu'il soit de nouveau opérationnel en trente secondes, à peine, nuança le capitaine.


Thomas se ressaisit et sort de ses pensées pour observer Julia, sa coiffure soignée et sophistiquée, ce ruban rouge qui pend de ses cheveux et son visage à l'expression triste.


— Tu n'as pas à t'en vouloir. Quelque part tu as eu de la chance de ne pas pouvoir en être... réconforte-t-il en serrant son poing, chose que Julia remarque puisqu'elle avait tourné la tête vers lui. Cette escouade ne pourrait peut-être pas compter sur toi aujourd'hui.

Elle baisse de nouveau la tête.

— On perdra des camarades à chaque fois et, malheureusement, c'est comme ça et on ne peut pas y faire grand-chose. On ne s'y habituera jamais... Mais malgré toutes ces pertes on avance, pas à pas, et les titans peuvent commencer à avoir peur. C'est ce que je me dis. Pendant plus d'un siècle ils nous ont terrorisé, ils nous ont maintenu dans cette cage de pierre. Aujourd'hui je sais qu'on peut gagner, confit-il avant de sourire en se tournant vers elle.

Julia lève les yeux vers lui.

— Tu es intelligente, cultivée et a sans doute beaucoup d'autre qualités, ta place n'est peut-être pas en première ligne, ajoute le soldat Ralle.

La jeune femme détourne timidement le regard parce qu'un petit sourire glisse sur ses lèvres face à ces compliments.

— Mais bon, de ce que j'ai vu hier tu n'es pas maladroite au combat alors les titans n'ont qu'à bien se tenir ! lance-t-il sur un ton plus léger et ça suffit à élargir le sourire de la jeune femme.

— Merci, je m'en rappellerai.


Thomas n'est pas très satisfait de ce qu'il a dit pour essayer de la réconforter mais ça a l'air d'avoir fonctionné. Le silence reprend ses droits pendant deux minutes.


— Au fait, j'ai terminé mon livre, annonce la jeune femme dont le visage est caché par ses mèches de cheveux blonds, quand tu auras fait de même on en discutera.

— Ça marche, répond Thomas.


Abel et Keiji reviennent.


— Qui veut commencer ? demande le plus grand du groupe qui les dépasse tous au moins d'une tête.

— Toi ? rétorque Abel.

— Réglons ça au Shifumi, une manche gagnante.

— Okay !


Ils se mettent face à face et se lancent un regard de défi.


— Shi-fu-mi ! disent-ils en même temps.

Abel mime des ciseaux et Keiji une pierre.

— Merde. Bon ben Julia, en selle... râle Abel qui met en place ses lunettes.

Keiji se tourne vers Thomas.

— On va les suivre de loin pour voir comment ils s'y prennent.

Thomas acquiesce.


Le premier groupe va donc se lancer et arrive rapidement sur les deux titans de dix mètres qui sont très proches l'un de l'autre. Regarder Abel est un plaisir pour les yeux du jeune homme et il reconnaît un soldat expérimenté et très bien entraîné.

De ce qu'il comprend de leur tactique : Abel attire l'attention des deux titans en voltigeant très près de leurs visages et Julia s'occupe de les abattre.

Même s'ils ne bougent pas, Abel danse devant les titans jusqu'à ce que Julia surgisse d'un côté, parfaitement parallèle à la nuque du géant collé derrière son congénère. Vu l'épaisse tranche de cuir rembourré qui tombe, c'est un premier démon mort. Tout de suite après elle plante son grappin gauche dans le tronc d'un arbre plus loin afin de s'éloigner et reprendre de la vitesse. Abel s'éloigne lui aussi et ils demeurent hors du champ de vision des spectateurs pendant quelques secondes. Quand ils surgissent, c'est ensemble.

Abel met juste un petit coup de lame sur le visage du titan, pour ne pas trop abîmer le pantin, afin de simuler un œil crevé pour que, finalement, la jeune femme fonde sur la nuque mais elle rate son coup, ses lames effleurent leur cible. Son compagnon donne du gaz et va finir le travail en se servant du cou du titan pour se retrouver derrière lui puis plante ses deux grappins dans le haut de son dos. Pour se dégager, il pousse sur ses pieds pour effectuer un salto arrière puis part avec sa camarade en direction du prochain groupe de titans.

Là, ça se complique. La règle de cet entraînement est simple : si une partie de son anatomie touche le bois représentant une gigantesque silhouette humaine, le soldat est considéré comme mort. Là, trois titans sont groupés et collés l'un à l'autre : un de neuf mètres, un de sept et le dernier mesure trois mètres.

De ce que voit Thomas, Abel reçoit les instructions de Julia, peut-être que ce sera la même chose quand il passera avec Keiji. Cet entraînement a sûrement pour but de tester la prise de décision des nouveaux.

Ce groupe donnera plus de fil à retordre que le premier. Keiji se tourne vers Thomas qui n'en manque pas une miette et constate donc de l'échec de la première attaque.


— Alors, à ton avis, quelle est la meilleure chose à faire dans cette situation ? interroge le chef par intérim.

— Mmmmh... Je ne sais pas trop, ils ont essayé de faire comme sur le premier groupe de titans mais avec des hauteurs différentes c'est moins efficace et surtout plus dangereux. S'il le fait trop bas le titan le plus grand peut l'attraper, s'il va trop haut les petits vont peut-être l'ignorer et à la hauteur du plus petit c'est du suicide.

— Et donc ?

Mmmmh... Il faut séparer le groupe ?

— Ce serait une bonne idée effectivement, mais là les titans ne bougent pas. Je sais que ce n'est pas représentatif de la réalité mais il arrive parfois qu'on doive visualiser un groupe de titans de cette façon pour les éliminer au plus vite, précise Keiji.

— Je vois...

— Bon, de toute façon ce n'est pas encore à nous et je n'ai pas à te donner de conseils pour l'instant mais réfléchis bien.

— D'accord.


Cette petite conversation confirme ce qu'il redoutait : ce sera à lui de donner les directives.

Abel tranche enfin la nuque du titan le plus grand et quelques secondes plus tard Julia s'occupe de celui qui fait sept mètres, le dernier sera une formalité et il peuvent se diriger vers le dernier groupe.

Thomas cherche un sens à l'ordre des différents groupes. Il lui semble clair que le plus simple est le dernier puisque les deux titans sont éloignés l'un de l'autre. La difficulté intermédiaire est le premier et le plus difficile le second. L'ordre n'est clairement pas celui de la difficulté.

Pendant qu'il réfléchit, il entend le bruit de quelqu'un qui heurte le bois d'un pantin, il le reconnaîtrait entre mille.


— Julia, ça va ?! s'écrie Abel alors qu'il avait dépassé les deux titans après avoir tranché la nuque du sien.


Keiji s'élance en direction du bruit et Thomas le suit rapidement. Il trouvent Julia contre le tronc d'un arbre pas loin, à deux mètres du sol. Elle est essoufflée, accoudée à l'écorce et la tête dans ses bras.

Keiji s'arrête deux mètres au dessus d'elle.


— Julia..? appelle-t-il.


Thomas voit qu'elle ne réagit pas et décide donc de la rejoindre. Quand il arrive près d'elle, toujours pas de réaction. Il range ses lames sans les dégripper de leurs crosses pour avoir les mains libres. Il pose ensuite une main sur son épaule, ce qui la fait frémir toute entière. Le jeune homme remarque qu'elle respire très fort et a les yeux fermés.

Voyant qu'elle ne bouge pas, il s'aide de ses pieds pour s'approcher et passe le bras gauche de la jeune femme autour de son cou.


— Tu peux t'accrocher à moi et grimper sur mon dos ? demande-t-il gentiment.


Elle inspire puis expire profondément avant d'acquiescer puis s'exécute lentement. Ce n'est pas très confortable ni pratique avec la partie de l'équipement qu'ils portent dans le bas du dos mais ça ira le temps de descendre.

Keiji et Abel vont vite les rejoindre. Le temps qu'ils atterrissent Julia reprend son souffle et retrouve des couleurs.


— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'inquiète Abel, affolé.

— Je... commence-t-elle avant de lever les yeux vers son coéquipier, un peu perdue. Je ne sais pas, je crois que mon grappin a ripé au lieu de s'accrocher. Ça m'a fait paniquer, j'ai voulu changer de direction mais j'ai raté l'arbre... J'ai cru que j'allais m'écraser au sol... Elle pose ses lames au sol et se masse les tempes.


Thomas s'affaire à ranger les lames qu'elle vient de lâcher dans leur fourreau de métal puis à les dégripper de leur crosse pendant qu'elle se remet de ses émotions. Keiji sort une gourde et la tend à la jeune femme qui s'en saisit délicatement en le remerciant d'un signe de tête. Elle boit deux gorgées et respire un grand coup.


— Ça va, plus de peur que de mal. Il vaut mieux que ça arrive à l'entraînement plutôt que face aux titans, rassure Keiji qui frotte brièvement son épaule puis se tourne vers son binôme, aller Thomas, à nous, ça laissera le temps à Julia de s'en remettre.


Le soldat Ralle acquiesce et le suit jusqu'à la ligne de départ.


— Alors, comment est-ce que tu comptes t'y prendre pour le premier groupe ? demande Keiji.

— J'ai envie de passer entre les deux pour aveugler celui qui est derrière, ce qui logiquement le désoriente et te permet de le frapper, ensuite je me retourne et j'abats le premier, explique Thomas.

— D'accord, faisons comme ça.


Ils s'élancent alors et arrivent rapidement jusqu'au premier groupe. Thomas remarque du coin de l'œil que Abel et Julia les suivent, c'est bon signe : elle a repris ses esprits.

Keiji s'écarte et prend de la distance sur le côté droit alors que Thomas va sur la gauche, pour trouver l'angle parfait afin de passer entre les deux monstres en bois.


C'est très risqué mais je veux tenter le coup... se dit-il en se concentrant sur sa cible : le visage du second titan.

Il resserre ses doigts sur les gâchettes et quand il sent que c'est le bon moment, il donne du gaz à sa gauche en plantant son grappin droit dans un arbre pour se propulser vers les titans. L'angle semble parfait.

Il passe comme une flèche entre les deux têtes et donne deux coups de sabre dans le visage du second titan là où devraient se trouver les yeux, faisant deux encoches dans le bois. La seconde suivante Keiji fond sur le démon aveuglé et lui tranche profondément la nuque.

Thomas plante son grappin gauche dans l'arbre le plus proche pour tourner autour du tronc et ainsi faire un demi-tour. Cette manœuvre lui permet d'être parallèle à la nuque du premier titan, mais venant de la droite cette fois-ci. Il utilise la vitesse engendrée qu'il accentue en expulsant du gaz des deux côtés et lorsqu'il assène son coup de lames, une épaisse couche de matière se détache.


— Il est rapide... échappe Julia, surprise en regardant son camarade.

— ...Mais suicidaire, ajoute Abel.

C'est vrai que son idée est totalement inconsciente, c'est du suicide de vouloir s'engouffrer dans un si petit espace surtout en passant juste devant une mâchoire, mais cette fougue semble payer.

Du côté des deux concurrents en lice, ils se rejoignent pour discuter du second plan le temps d'arriver au second groupe.


— Bon, ça a bien marché mais j'espère que tu sais que c'est complètement inconscient ? Tu vois, le second groupe on sait très bien que les titans bougeraient mais on doit faire comme s'ils ne le font pas, mais ça ne veut pas dire qu'on n'a pas besoin d'être vigilant. Il suffit que le titan que tu aveugles te vois arriver et il te croque au vol, sermonne Keiji.

— Oui c'est vrai, désolé... répond Thomas qui ment.


Bien sûr qu'il n'est pas désolé. Dans son petit raisonnement, des titans collés entre eux sont certes beaucoup plus dangereux et difficiles à toucher mais étant donné leur taille, ils ont des mouvements plus lents et une corpulence plus imposante, c'est d'ailleurs pour cela qu'il est venu de la gauche : ça empêche le premier titan de se tourner pour l'attraper ou alors il bouscule celui qui est derrière lui et le fait tomber, ce qui en fait une cible facile.


— Bon, passons, on en reparle tout à l'heure. Ton plan pour le second groupe ?

— Passer entre les jambes du plus gros et lui trancher la cheville droite. Tu t'occupes ensuite de sa nuque.


Keiji roule des yeux mais acquiesce.

Oui, encore une manœuvre très dangereuse et il y a sûrement plus simple mais il se dit que si le plus grand trébuche il peut soit écraser les deux autres soit en repousser un ou deux. Le simple fait qu'il tombe permet de lui trancher la nuque sans trop de peine ni de danger le temps qu'il se redresse.

Ils s'élancent une nouvelle fois et Thomas rase le sol pour passer entre les jambes du titan le plus grand, lorsqu'il donne un petit coup dans le bois, seule sa lame droite touche. En situation réelle la cheville ne serait certainement pas tranchée, le titan serait juste ralentit. Keiji tranche cette nuque quelques secondes plus tard pour simuler le temps d'une chute. Thomas va pour s'occuper du titan à la taille moyenne et se rate. Keiji se chargera donc des deux derniers titans puis ils vont se diriger vers le dernier groupe.

La tactique de Thomas sera la plus simple ici : chacun son titan. Seulement encore une fois il va rater le sien et c'est Keiji qui devra s'occuper des deux nuques. Le premier passage étant terminé pour tout le monde, ils se retrouvent tous au départ pour discuter. Abel va commencer avec Julia.


— Tu as de bonnes idées et tu as une bonne compréhension des situations. Sauf sur le second groupe où c'était sans doute trop compliqué. Maintenant tu sais que le plus simple c'est de toujours s'occuper du plus grand puis de descendre dans les tailles. C'est juste dommage pour ta chute sur la fin mais sinon c'était intéressant. Et mention spéciale à tes exécutions, la première était magnifique.

Julia grimace un peu mais acquiesce en écoutant attentivement les conseils.

— Merci... répond-elle.

— Bon, Thomas... commence Keiji. J'aime ton audace et là ce n'est pas grave parce qu'on s'entraîne mais tes idées sont du "ça passe ou ça casse". Soit ça va créer une situation idéale pour liquider rapidement tout le groupe, soit tout le monde se fait bouffer au vol. Tu devrais être plus prudent, inutile de prendre des risques inutiles.

— Oui, d'accord...

— ...Mais tes manœuvres s'améliorent de jour en jour depuis qu'on t'a donné quelques astuces. Il te manque encore de la finition et de la précision mais ça viendra avec le temps. Donc tu as les encouragements du jury mais prudence !

Thomas acquiesce.


Chaque groupe fera encore trois passages en essayant des tactiques différentes et en alternant celui qui prend la décision. Après une heure d'entraînement ils s'occupent de ranger les cibles, remettre des mousses neuves sur la nuque et les emmènent au départ. L'opération leur prend trente minutes.


— Bon ben voilà, on a vu de belles choses aujourd'hui, vous avez du potentiel les jeunes ! félicite Keiji qui prend ensuite Thomas par le cou et lui ébouriffe les cheveux.

— Raaah, arrête ! râle-t-il mais avec un sourire aux lèvres.


Les quatre membres de l'escouade Hanji rentrent à pied du terrain d'entraînement. Thomas et Keiji vont beaucoup échanger tactique et technique sur le chemin, le soldat Ralle étant très attentif et demandeur pour s'améliorer. Julia marche derrière eux et écoute. Abel fera quelques commentaires pour étoffer les explications de son camarade.


— Julia c'est à ton tour d'aller chercher de l'eau ! lance Keiji alors que la jeune femme se saisissait de son manuel d'histoire.

— Attends je viens avec toi, ajoute Thomas.


Ils marchent tous les deux jusqu'au puits. Ils vont vite remarquer que chez l'escouade tactique tout le monde semble occupé à faire du ménage. Jean et Sasha sont dehors à balayer.


— Tiens, prend-le, dit Julia en tendant le livre.

— Ah oui, merci, remercie-t-il avant d'ouvrir le bouquin et de tourner quelques pages jusqu'à s'arrêter sur une au hasard, mh, c'est marrant j'ai l'impression de le connaître mais que ce n'est pas celui que j'ai eu...

— Oui c'est normal. Il doit avoir entre cinq et dix ans de plus que les manuels que tu as eu à l'école. C'est rare qu'ils fassent des modifications.

— Bizarre...

— Feuillette-le ce soir, on en parlera demain, j'aimerai avoir ton avis, propose Julia avec un fin sourire.

— Bon, bon... accepte Thomas qui referme le livre puis s'assoit sur le rebord du puits en attendant que Julia remonte un seau plein d'eau.





Après le repas, Thomas sort seul du chalet et se dirige vers celui qui est en face pour purger sa peine tout l'après-midi.


— Tiens, voilà notre éplucheur de patates, lance Livaï quand Thomas arrive à leur porte alors qu'elle est ouverte.

Il ne répond pas mais fait un salut militaire.

— Aller, repos, c'est par là...


Thomas entre et va vers ce qu'il comprend être la cuisine. Il y trouve Mikasa qui est déjà à l'œuvre.


— Bien, nous on va s'entraîner. Si elle arrive à sortir d'ici je t'en tiendrai responsable, prévient le Caporal avant de tourner les talons.


Le jeune homme reste planté là un instant. Il observe Mikasa qui ne lui lance même pas un regard. Il scrute ensuite le plan de travail où il voit un couteau qui l'attend. Mal à l'aise, il ne sait pas s'il peut lui adresser la parole ou non. Après une longue hésitation il se lance.

— Salut, eum... Tu...

— Salut, répond-t-elle pour couper court à la conversation avec un ton froid et désintéressé : voilà qui annonce la couleur.


Thomas se saisit de son couteau et d'une première patate puis se lance dans sa tâche du jour. Il espérait que ces heures passées à n'être que tous les deux dans une petite pièce permettrait d'arrondir les angles, voire de se découvrir quelques atomes crochus pour que la suite du séjour se passe mieux... Mais vu son humeur ce n'est pas gagné.

Mikasa, de son côté, lâche dans un panier sa dixième pomme de terre et elle essaye d'oublier au maximum l'autre personne présente dans la pièce. Elle est calme d'apparence mais un fond de nervosité pointe le bout de son nez, minute après minute. Thomas semble silencieux et n'est pas décidé à briser la glace, il semble même chercher à se faire oublier.


Au moins il n'y aura plus de problèmes, pense-t-elle en constatant l'ignorance de son compagnon de corvée.


Quarante minutes vont passer sans qu'un seul mot ne soit prononcé, ils peuvent entendre les mouches voler, le bois du parquet grincer, les oiseaux chanter à l'extérieur. Un silence gênant règne dans cette bâtisse, seulement dérangé par le son répétitif des couteaux qui raclent la chair des pommes de terre. Il se trouve que le panier de Thomas est plein et les autres sont tous contre le mur, près de Mikasa.


Merde il vaut mieux que je lui demande sinon elle va me planter... pense-t-il en se souvenant de la conclusion de l'entraînement du jour : prudence.

Il prend alors son courage à deux mains et avale sa salive.

— Mikasa, tu veux bien me passer un panier s'il te plaît ? prononce-t-il avec une voix un peu hasardeuse mais sans animosité.

— D'accord, répond-elle sur un ton bien plus doux et calme qu'il ne l'avait encore jamais entendu de sa bouche.


La jeune femme se tourne, attrape un panier et le pose entre eux, sans même le regarder. Surpris par son comportement, il l'observe pendant quelques secondes en haussant un sourcil puis hausse les épaules avant de déplacer le panier pour reprendre son travail.


— Idiote, s'insulte Mikasa en se parlant à elle-même dans un murmure.


Elle s'est dit que s'ils n'échangent pas le moindre regard il n'aura pas l'envie de lui parler et elle n'aura pas à s'énerver, mais aujourd'hui ses problèmes d'humeur ont l'air d'être de l'histoire ancienne. Malgré son tempérament, ça ne l'empêche pas de se sentir mal à l'aise dans ce silence de mort qui retombe.

Elle se fait la remarque qu'ils n'ont pas à devenir les meilleurs amis du monde mais une relation cordiale pourrait être une bonne chose. Ils n'auraient ainsi plus de problèmes, les officiers n'auraient pas à les surveiller et ça créerait moins de tensions. Sans parler d'Eren qui se demandait s'il ne devait pas aller lui en mettre une pour la forme.

La réalité est que c'est de sa faute, elle s'est emportée parce qu'il voulait l'aider et il avait raison. Le pire dans tout ça c'est qu'il a quand même remonté et ramené ce seau, elle s'en rend compte maintenant. Alors pour la première fois depuis presque une heure, elle lève la tête et l'observe silencieusement éplucher ce malheureux tubercule. A l'expression de son visage il est concentré et déterminé à bien faire. En le détaillant ainsi elle se dit qu'il l'a bien eue. S'il l'a fait exprès c'était très fort de se dénoncer pour atteindre son but... Inconscient et idiot, surtout. Mais elle ne le connait pas, pour elle la seule personne qui serait capable de raisonner de la sorte est Eren, même si sa relève plus souvent de son impulsivité, il n'est pas aussi calculateur que ça.

Se sentant observé, Thomas lève la tête et se tourne vers Mikasa. Il la prend la main dans le sac : légèrement tournée vers lui, les deux mains posées contre le rebord du plan de travail, elle le dévisage avec un air pensif.

Surprise, Mikasa ouvre grand les yeux et les détourne rapidement puis reprend dans le même instant son épluchage. Elle sent une vague de chaleur s'inviter sur son visage, honteuse d'avoir été prise sur le fait.

Thomas sourit en revenant à sa pomme de terre, très amusé par ce qu'il vient de se passer.





Le jour commence à tomber et les deux soldats dans cette cuisine commencent à avoir des crampes aux mains. Thomas tourne la tête et voit que c'est le soir : il ne sait pas combien d'heures il a passé là. Ils n'ont pas échangé un seul mot sinon pour avoir des paniers supplémentaires que, de toute façon, il a finit par aller chercher sans le demander.

Il pose son couteau et fait craquer ses doigts douloureux. Mikasa le regarde faire du coin de l'œil et remarque que ses mains sont endolories.


Comment est-ce qu'il s'est fait ça ? Ses mains n'étaient pas dans cet état hier... réfléchit la jeune femme.


La veille, il avait passé vingt minutes à nettoyer de fond en comble leurs latrines et quand il est sorti de là, Mikasa était assise sur le rebord de la fenêtre, les jambes repliées contre elle. Elle le regarda passer dans le couloir et son regard était tombé sur ses mains, il n'y avait pas de blessure apparente.


— Bon ben... À demain, dit Thomas, interrompant les pensées de Mikasa qui lève les yeux vers lui et remarque qu'il lui sourit poliment.

— A demain.


C'est une petite victoire pour le jeune homme qui prend son ton sans agressivité pour une légère amélioration de leurs rapports. Il sort de la pièce et va se présenter au Caporal Livaï qui est à l'extérieur, juste devant le chalet. Thomas fait un salut puis marche en direction de l'autre côté de la clairière.

Il ouvre la porte et entre.


— Tiens, le revoilà ! s'exclame Keiji qui joue aux cartes avec Abel, Julia n'a pas l'air d'être là. T'es vivant, Mikasa ne t'a pas poignardé on dirait.

Thomas se marre nerveusement.

— Nan, j'ai pas tenté le diable...

Sa réponse fait beaucoup rigoler ses deux camarades.

— Où est Julia ?

— Elle est sortie il y a dix minutes, elle a dit que... Euuuuh... Qu'elle allait à la rivière je crois.

Thomas acquiesce et pendant qu'il se tourne il entend la voix d'Abel.

— Pas de bêtises les enfants, maman devrait bientôt rentrer, ça serait bien d'être là à ce moment là.

— Oui p'pa !


Cinq minutes de marche sont nécessaires pour aller à la rivière qui traverse cette forêt. Arrivé sur la berge Sud, Thomas regarde autour de lui à la recherche de Julia. Il finit par l'apercevoir, sur sa gauche, une vingtaine de mètres plus loin. Elle est assise sur un rocher et bat lentement l'eau de ses pieds nus, penchée en arrière en appui sur ses mains, regardant les couleurs chaudes du jour mourant.

Julia entend arriver quelqu'un alors elle tourne la tête en direction du bruit. Elle reconnaît le brun et lui sourit.

Thomas s'arrête à un mètre d'elle et s'assoit dans l'herbe. Il ne dit rien pour ne pas briser son moment de contemplation et finit par regarder dans la même direction pour admirer ce coucher de soleil, avec pour compagnie ce doux écoulement de l'eau qui reflète le crépuscule.

Ils restent là à s'émerveiller de ce spectacle céleste alors que la fraîcheur du soir commence à se faire sentir et que l'obscurité gagne peu à peu du terrain.

Thomas se tourne vers Julia. Pendant un court instant ses yeux lui jouent un tour : il aurait cru voir Petra. Le jeune homme secoue la tête pour chasser cette hallucination.


— On devrait rentrer, Hanji ne va pas tarder.


Julia acquiesce lentement puis détourne le regard. Elle se lève, attrape ses bottes qu'elle enfile rapidement, tape du talon pour être sûre d'avoir le pied bien calé au fond puis rejoint son camarade pour qu'ils rentrent au chalet.

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