Le destin des Ackerman - Tome 1

Chapitre 10 : Étincelle

4271 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/03/2020 01:32

Le bruit caractéristique d'un filin en acier fendant l'air se fait entendre puis celui de quelques centilitres de gaz s'échapper. Les arbres défilent à une vitesse folle dans la vision périphérique, à cette vitesse. Il n'existe pas de sensation plus grisante que celle de sentir le vent dans ses cheveux, d'être à plusieurs mètres du sol et ainsi voir le monde sous un nouvel angle, de voltiger entre les troncs en les rasant : une sensation de liberté et de légèreté à laquelle il ne s'y habituera sans doute jamais complètement.

Mais il n'est pas là pour se perdre en pensées. Il jette un coup d'œil à sa droite et une jeune femme le toise dans le même temps.


— Prêt ? demande-t-elle.


Thomas acquiesce avec détermination, un petit sourire en coin.

Un titan en bois est en vue avec l'un de ses congénères pas très loin. Thomas plante son grappin dans une haute branche pour faire balancier sur l'axe vertical et ainsi perdre de l'altitude. Ensuite, il libère du gaz pour gagner en vitesse et s'approcher plus près encore du sol. A la bonne hauteur, dans un timing en adéquation avec son binôme, il plante son grappin dans le mollet gauche du démon inanimé.

Lorsqu'il passe à toute vitesse près du talon droit, à ras de terre, il peut sentir les deux caisses de métal sur ses hanches effleurer la terre. Ayant un angle parfait, il relâche son accroche et se propulse vers le tendon d'achille du pied gauche qu'il touche du bout de ses deux sabres. Une fraction de seconde plus tard sa partenaire passe entre les jambes et tranche le pied droit.

Dans un timing quasiment parfait digne d'un ballet aérien, ils vont tous les deux utiliser un seul grappin pour remonter dans les airs et, une fois la barre des dix mètres atteinte, vont tirer leurs deux filins en direction du visage du titan, se retournent complètement sur eux-même et fondent sur ses yeux. La touche de chacun des deux soldats se fait au même instant. Thomas se retrouve derrière le titan, nuque exposée et parfaitement en vue. Il est immobile et aveugle, un boulevard s'ouvre pour terminer la cible. Toutefois la jeune femme doit se repositionner pour trouver un angle d'attaque. Alors, lorsqu'elle passe près de son camarade, tous deux tendent la main et s'attrapent l'avant-bras. Le brun se retrouve emporté et tournoie sur lui-même et c'est exactement ce qu'il voulait : après un tour complet il lâche sa partenaire qui peut asséner le coup fatal avec ce repositionnement, sans perdre sa vélocité.

Le jeune homme sent la satisfaction le saisir tout entier, un grand sourire s'affiche sur son visage. Cela fait trois heures qu'ils s'entraînent et ça ne fait pas de doute, il a trouvé quelqu'un avec qui il s'accorde bien sur le terrain et en dehors. De jour en jour leur duo s'améliore et s'affine. Enhardi par cette complicité, Thomas se sent plus fort, plus rapide, plus aiguisé : invincible. Il se sent prêt à s'attaquer à tous les titans qui souillent ce monde de leur existence abjecte.

Une fois retournés au départ du parcours, les deux jeunes gens se posent puis se dirigent l'un vers l'autre et tapent dans leurs mains en ayant un grand sourire. Le reste de l'escouade les rejoint et vont les congratuler.


— Tu vois que tu peux y arriver ! félicite Nifa en rangeant ses lames.


Il en est heureux, en témoigne son grand sourire satisfait qui montre toutes ses dents.

— T'as de la chance, t'as pas eu le droit à son numéro suicidaire... taquine Keiji.

— Roooh ça va, lâche-le un peu, t'es juste jaloux parce qu'en quelque jours il est devenu meilleur que toi en plusieurs années, riposte Nifa avec un sourire malicieux, une véritable tête de sale gosse.

— Quoi ?!

— T'es une grande asperge, tu peux pas aller aussi vite.

— Oh putain !


Keiji qui tente d'attraper la jeune femme mais elle est trop agile pour lui, s'ensuit alors une petite course poursuite.

Il finit par attraper la petite rousse et la chatouille au niveau des côtes. Très vite un fou rire retentit entre les arbres.


— Arrête, pitié arrête ! Je vais me pisser d... Haaaaaahaahaahaha

Moblit, Abel et Thomas regardent ça en se marrant.

— Qu'est-ce que c'est que ce raffut ? interrompt Hanji avec une grosse voix.

Julia est à ses côtés et tout le monde se tourne vers elle.

— Quoi, je n'arrive pas à l'imiter ? Merde... peste le capitaine qui ne perd pas son grand sourire. On a finit avec Julia, allons manger les jeunes.


Nifa et Keiji rejoignent le groupe, la jeune femme s'essuie les yeux plein de larmes, le grand homme a une trace de griffure sur le cou.

Ils mangent dans une ambiance chaleureuse - comme toujours dans cette escouade - avec Nifa et Keiji qui se crêpent encore le chignon, Abel attisant cette discorde comme il le peut puisque ça le fait beaucoup rire et Hanji aussi d'ailleurs. Moblit est beaucoup plus sur la réserve comme d'habitude mais il a un sourire amusé aux lèvres. Enfin, Thomas raconte à Julia ce qu'ils ont fait pendant cet entraînement matinal en lui décrivant les manœuvres et angles d'attaque en utilisant tout ce qu'il a sous la main pour illustrer ses propos : couverts, verres et autres choses qui sont inutilisées sur la table.

Suite au déjeuner, Thomas doit se rendre aux quartiers de l'escouade tactique pour poursuivre et terminer sa corvée d'épluchage de pommes de terre. Nifa l'accompagne jusqu'à mi-chemin.


— Bon, quand tu reviendras on refera un petit entraînement, il faut qu'on s'améliore encore !

— Oui ça marche !

— On va surpasser Keiji et Abel, tu verras, les doigts dans le nez, affirme-t-elle en faisant un clin d'œil.

— T'es sûre de ça ? J'veux dire, je sais que tu veux me motiver et me pousser, mais avant d'atteindre leur niveau...

— T'es mignon quand tu doutes de toi, tu sais ça ? Bon, va m'éplucher ces patates on en reparle ce soir, ordonne-t-elle en le poussant doucement, un grand sourire aux lèvres.

Pour plaisanter il se tourne vers elle, marchant à reculons pendant quelques pas, et lui fait un beau salut militaire, ce qui fait rigoler sa camarade.





Thomas frappe à la porte, c'est Sasha qui vient lui ouvrir, Eren avec elle.

— Tiens, bonjour, salue la jeune femme qui a des miettes sur un coin de la bouche, restes de son repas.

Eren s'avance et tend sa main que serre Thomas, ils échangent un sourire poli.

— Comment tu vas ? demande le titan assaillant.

— Ça va merci, et vous deux ?

Ça roule, répond mademoiselle Braus.

— Au poil... Bon je crois que t'es attendu, nous on va encore subir les cris de Hanji... Dis, elle se fatigue des fois ?

— Non je crois qu'elle est infatigable, on est obligé de la ligoter et de la bâillonner la nuit, plaisante Thomas.


Eren se marre et donne une tape amicale sur l'épaule du soldat Ralle avant de sortir, suivi par Sasha.


— Sasha, ta bouche, lui souffle Eren après quelques pas.

— Quoi ma bouche ?

— Essuie-la.

— Hein ?!

Elle frotte autour de ses lèvres et remarque, en regardant sa manche, les miettes qui étaient sur son visage.

Tu pouvais pas me le dire plus tôt, je passe pour quoi ?! s'offusque-t-elle.

— Pour une morfale, comme d'habitude !


Thomas n'aura pas la suite de leur conversation maintenant qu'il ferme la porte et s'avance jusque dans la pièce principale. Il s'attend à trouver le Caporal-Chef mais la pièce est vide. Il tend l'oreille : la maison semble déserte. Le jeune homme traverse le chalet et rejoint cette pièce dans laquelle il a déjà passé pas mal de temps. Il ouvre la porte et voit tout de suite Mikasa qui est à sa place, déjà en train de s'atteler à la tâche.


— Salut, prononce Thomas sur un air décontracté et poli en descendant les trois marches.

— Salut.


Le jeune homme retire sa veste et l'accroche sur la porte d'un placard en hauteur puis retrousse les manches de sa chemise d'uniforme. Mikasa l'observe du coin de l'œil, son attention se focalise tout particulièrement sur ses mains dont les coupures et éraflures guérissent vite. Thomas se saisit enfin du couteau puis d'une première pomme de terre et commence son travail. Même chose pour mademoiselle Ackerman.

Comme la veille, un silence gênant s'installe dans la pièce alors, après deux minutes passées de la sorte, Thomas se dit qu'il faudrait briser la glace pour crever l'abcès.


— Comment tu te sens ? demande simplement le soldat Ralle en restant fixé sur ce qu'il fait.

La jeune femme comprend bien son intention de faire la conversation pour que ce soit moins tendu entre eux.

— Ça va merci.

— Et tes côtes..?

Mikasa serre les dents, elle comprend maintenant ce qui l'énerve : son air préoccupé et son besoin de s'en faire pour sa santé. Elle prend tout de même sur elle pour répondre sans animosité.

— De mieux en mieux.

— Mh. Je parie que tu as déjà fait des efforts en douce ?

— Peut-être.

Thomas rit légèrement.

— T'en fais pas, si tu veux aller t'entraîner ou couper du bois je ne te balancerai pas... Mais tu m'auras sur le dos, faut pas déconner.

— Tu veux me materner ? s'indigne Mikasa en gardant un calme apparent.

— Non-non, c'est par sécurité.

— Comment ça ?

Thomas bégaye quelque peu lorsqu'elle se tourne vers lui avec les sourcils légèrement froncés, déstabilisé.

— Bah... Si jamais Livaï s'amène ou que tu aggraves ta blessure je...

— Tu quoi ? coupe Mikasa. Tu vas me protéger et m'aider ? Je t'ai déjà dit que je n'ai pas besoin de toi.

Son ton est sec et dans ses yeux brille sa colère montante.

— Putain mais... Quand on te voit comme ça t'as l'air calme, gentille et discrète. Mais en fait t'as vraiment un caractère de cochon, réplique Thomas qui arrive à saturation.


Là, la jeune femme a l'impression de revivre ce qu'il s'est passé au puits deux jours plus tôt : il essaye juste de la faire sortir de ses gonds en se foutant de sa gueule. Elle serre les dents, lui lance un regard noir.


— Quoi me regarde pas comme ça ! C'est vrai quoi...


Trop c'est trop, ses émotions prennent encore une fois le dessus : elle laisse tomber son couteau et vient une nouvelle fois le chopper mais par les épaules cette fois pour le plaquer contre le mur.

Thomas n'a pas l'intention de se faire martyriser cette fois, il écarte les bras de Mikasa sans ménagement pour qu'elle le lâche.


— Arrête, t'as les côtes encore fragiles, prononce-t-il sans réfléchir.


Mikasa voit rouge en entendant cette phrase qui sonne comme une provocation. Un coup de poing part immédiatement vers le visage du jeune homme que celui-ci bloque comme il peut avec son avant-bras mais Mikasa a trop de force. Sous l'impact il fait deux pas hasardeux de côté puis se prend les pieds dans la première des trois marches qui permettent de descendre dans cette pièce. En voulant se rattraper son visage heurte l'encadrement de la porte.


— Ah putain..! gémit-il en roulant pour se mettre sur le dos, la main contre l'arcade sourcilière de son œil gauche.


Mikasa le regarde avec son expression froide et déterminée mais rapidement elle voit un liquide rouge couler le long de son visage. Elle ouvre de grands yeux, ça la calme instantanément.

Thomas sent que ça le brûle intensément au dessus de son œil et quand il retire sa main il comprend - à la vue du sang - que son arcade est ouverte. Le temps qu'il commence à regarder autour de lui pour trouver un linge ou quoi que ce soit pour éponger, Mikasa se précipite pour attraper un torchon et s'agenouille près de lui.


— Merde, merde, pardon..! Je me suis emportée je voulais pas...!


Thomas la regarde pendant une seconde puis se met à rire. C'est complètement inapproprié mais ses nerfs lâchent. La jeune femme le regarde se gausser pour une raison qui lui échappe, les mains en suspension dans l'air, une tenant le torchon alors qu'elle l'approchait de son visage le long duquel le sang ruisselle.


— Merde. Putain de merde. Si on s'entraîne au combat à mains nues entre escouades j'me rappellerai de ne pas me mettre contre toi, commente-t-il comme si c'était un moment approprié pour plaisanter.


Les nerfs de Mikasa lâchent aussi. Entre ses mots et son rire communicatif, Thomas parvient à la faire glousser. Après quoi elle reprend son sérieux et lui met une tape sur l'épaule.


— Aïe ! C'est bon j'suis à terre, plus besoin de me frapper !

— Arrête de te plaindre et ne bouge plus. Lui ordonne Mikasa qui met sa main droite derrière sa tête pour le tenir, la gauche appuie avec le tissu sur sa blessure.


La chemise blanche d'uniforme de Thomas est souillée de son sang. Ce dernier soupire : il est forcé de se laisser faire. Il évite tout contact visuel, la jeune femme a les yeux fixés sur sa main qui presse le linge sur sa peau afin d'éponger, elle tente de ne pas les détourner.

Vingt secondes de silence pesant s'écoulent.


— Excuse-moi... dit-il avant de soupirer, le regard toujours rivé sur le sol.

— Tu t'excuses, sérieusement... commence par dire la jeune femme sur un ton exaspéré puis soupire. Ça fait deux fois que je lève la main sur toi sans raisons, c'est à moi d'être désolée...

Le ton calme et sincère surprend Thomas.

— Oui mais... Je le mérite.

— Non c'est moi qui...

Elle se tait parce que ce qu'elle veut lui dire ne parvient toujours pas à sortir et se met à frotter délicatement autour de son œil en tremblant un peu, essayant de penser à autre chose.


Le soldat Ralle lève les yeux vers elle, attendant la suite de sa phrase. Mikasa fait de même lorsqu'elle se sent observée. Quand leurs regards plongent l'un dans l'autre, ainsi proches, quelque chose se passe. Elle arrête son mouvement et se fige. Thomas ne bouge plus non plus, il sent son ventre se serrer, la chaleur s'emparer de ses joues. Mikasa n'est pas en reste et ressent cette gêne soudaine, cette proximité dont elle se rend compte et qui, pour une raison qu'elle ignore, lui fait un effet qui la rend confuse.

Tous deux sentent une tension palpable qui se tisse entre leurs corps éloignées de trente centimètres seulement.

Un instant d'une longueur imperceptible, un moment déroutant : les rythmes cardiaques s'accélèrent. C'est une poignée de secondes qu'ils vivent comme quelque chose de suspendu là, dans l'instant, un fragment de temps pendant lequel ils vibrent et se heurtent sans se toucher. Il n'y a plus de douleur, d'odeur, de son ni même de monde qui les entoure : il n'y a plus que la couleur du regard de l'autre.

Dans l'esprit de Mikasa, il y a une impression étrange et incompréhensible. Son souffle se coupe et elle se met à trembler. Pétrifiée par ce qu'il se joue ici et maintenant, perdue dans un flot de sensations qu'elle ne s'explique pas, la jeune femme reste suspendue au regard brillant et affolé qui lui fait face.


— Je... Tiens ça, je vais chercher de quoi faire un pansement, lance-t-elle rapidement quand elle parvient enfin à se soustraire à cet échange.


Thomas prend la relève pour appuyer contre sa blessure. Mikasa se redresse immédiatement et sort rapidement de la pièce pour aller chercher de quoi le soigner. C'est aussi et surtout un moyen de s'échapper de ce qu'il vient de se passer, de respirer.

Thomas se retrouve seul, assit inconfortablement sur ces marches, fixant devant lui avec un regard vague, choqué.

Son esprit et ses sentiments sont dans une pagaille monstre et c'est frustrant. Frustrant parce qu'il ne comprend pas ce qu'il s'est passé quand leurs regards se sont croisés ou plutôt... Il croit comprendre mais ne se l'explique pas, ne l'accepte pas.

Il soupire puis s'assoit plus confortablement en attendant qu'elle revienne, si elle doit revenir.


— Merde...

Après un court instant il se souvient de la dernière fois qu'il avait ressenti ce genre de choses, c'était juste avant son premier baiser avec Lise mais c'était... Moins fort, moins déroutant, moins paralysant.

Non-non, arrête tes conneries... se dit-il ensuite.


De son côté Mikasa fait face à ce couloir qui mène au garde-manger avec une boîte dans la main. Ses pieds n'ont pas l'air de vouloir bouger. Son esprit est assailli par des dizaines de questions et c'est ce manque de réponses qui l'empêche d'y retourner.

Une minute plus tard Thomas se lève et le bruit de son mouvement parvient jusqu'à Mikasa, ce qui la sort de cette torpeur et l'encourage à y retourner, prenant son courage à deux mains. Quand elle fait irruption dans la pièce, elle le voit de dos en train de fouiller pour trouver un second bout de tissu.


— Ça saigne encore ?

— Moins.


Il se retourne et lui lance un sourire hasardeux pour détourner le regard tout de suite après, mal à l'aise.

Mikasa est embêtée et ne sait pas trop quoi faire. Mais elle n'est pas du genre à rester trop longtemps paralysée par le doute, alors elle pose la petite boîte en métal sur le plan de travail et retourne à sa tâche.


— Quand ça ne saignera presque plus je te mettrai un pansement, je ne sais pas faire de points.

— Oui t'en fais pas c'est pas... Merci.


Elle acquiesce en évitant encore de croiser son regard et retourne à ses pommes de terre.

Pendant ce temps là Thomas baisse les yeux et admire tristement ce sang qui a tâché sa chemise, sachant déjà qu'il va passer du temps à nettoyer ça si c'est toutefois possible.


Quel délire... pense-t-il en relevant les yeux, regardant la jeune femme puis ce qu'il lui reste à abattre comme travail pour terminer cette corvée.


Il n'y avait pas vraiment pensé avant mais cette quantité de pommes de terre qu'ils doivent éplucher est largement trop élevée pour quatorze personnes, à moins qu'ils n'en mangent à tous les repas pendant un mois. Bon, il exagère peut-être un peu mais ça reste énorme. M'enfin, c'est le Caporal que ça regarde. Il est là pour faire ce qu'on lui dit, rien de plus.

Il secoue la tête pour se ressaisir, se rendant compte à quel point il commence à divaguer, certainement à cause de la pression qui retombe.

Cinq minutes passent et Thomas retire régulièrement sa main pour regarder la surface du tissu et ainsi jauger la quantité de sang qui coule encore. Lorsque ça semble être calmé, il s'avance et tente d'ouvrir cette boîte qui contient seringue, bandages et compresses d'une main mais c'est mission impossible.

Mikasa le remarque et pose tout de suite ce qu'elle a dans les mains pour se saisir de cette boîte et l'ouvrir. Elle prend une épaisse couche de tissu médical et un bandage. Thomas retire sa main pour lui laisser champ libre.


— Tiens-moi ça s'il te plaît, demande-t-elle quand elle a placé la compresse sur la blessure.

Il s'exécute.

Vient ensuite le bandage pour que ça tienne. Ce que va rapidement remarquer Thomas c'est qu'elle tremble un peu dans son entreprise. Il sourit alors.

— Hé, je vais pas mourir, respire.


Elle ne répond pas mais retient in-extremis un rire nerveux après quoi elle lui lance un regard qui provoque nombre de choses chez le soldat Ralle. Il comprend qu'elle aimerait qu'il arrête de bouger et garde ses commentaires pour lui lors il baisse les yeux puis s'éclaircit la gorge. Sa plaisanterie suffit pourtant à calmer les tremblements de Mikasa mais la nervosité reste là malgré tout à cause de la proximité.

Une fois le bandage fait, la compresse bien en place, elle s'affaire à ranger la boîte.


— Bon, finissons.

— Ouais, approuve le jeune homme.





Une bonne heure plus tard, quand Thomas passe enfin la porte du chalet occupé par son escouade, Nifa est la première à se retourner. Lorsqu'elle remarque son bandage qui entoure son crâne, elle se lève d'un bond et le rejoint, inquiète.

— Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Qui t'as fait ça ?

Il s'apprête à répondre mais Keiji prend la parole en premier.

— Oula, je pensais que l'autre jour c'était un accident mais en fait vous aimez vraiment vous taper dessus...

— Ou alors il a mal fait son boulot et Livaï lui a mit une taloche, renchérit Abel.

— Meh, je préfère l'idée d'une relation sado-masochiste.

Thomas se marre nerveusement en les entendant spéculer sur les raisons de sa blessure.

— Vous avez fini ?! interrompt Nifa qui perd patience.


A cet instant il a l'impression que c'est Pétra qui est devant lui parce qu'elle avait le même genre de réaction extrême lorsqu'il lui arrivait quelque chose : son regard laisse imaginer qu'elle est prête à traverser la clairière pour distribuer des baffes.


— J'me suis vautré...

Keiji tape dans le dos d'Abel.

— Tu vois, j'ai raison.

— Mh, c'est gros cette histoire. On connait l'excuse "je suis tombé dans l'escalier" quand on s'est prit une bonne mandale, ajoute Nifa qui n'y croit pas non plus.

— Non-non vraiment ! Je faisais le malin en jonglant avec des patates et en reculant j'ai pas fait gaffe aux marches. J'ai voulu me rattraper et paf, raconte Thomas dont le récit n'est crédible pour personne.

— Aller, tu peux nous le dire. T'as titillé la taciturne, elle t'en a mis une bonne et t'assumes pas qu'elle t'ait aplati, lance Keiji qui revient à la charge.

— Mais n'importe quoi et puis de toute façon elle t'aplatirait aussi !

— Là il a pas tort... remarque Nifa qui donne un bon point à son protégé. Mais qui t'as fait ce pansement ?

Thomas hésite un instant parce qu'il se demande si c'est une question piège.

— Mikasa... Pourquoi ?


Keiji donne un coup de coude à Abel et ils se mettent tous les deux à rire. Nifa se retient et Julia qui est plus loin ne peut s'empêcher d'avoir un sourire amusé.


— Oh et puis merde, faites chier ! s'énerve Thomas dont les joues se colorent soudainement.

Il récupère le livre que lui a prêté Julia et sort du chalet pour aller s'isoler.

— Mais nan reviens, on veut des détails croustillants ! s'écrie Keiji qui se marre encore.

De ce qu'entend Thomas avant de sortir, Abel doit mimer deux personnes qui s'embrassent vu les bruitages.





Le soldat Ralle s'installe contre le tronc d'un arbre, à quelques pas du puits. Il se trouve une place confortable et ouvre le manuel d'histoire là où il s'était arrêté, le chapitre sur la famille royale Fritz.

Il tourne quelques pages et peut admirer une illustration qui représente l'exode humaine derrière les trois murs quand la menace des titans est apparue. Ça le fait sourire de voir que sur cette image les murs sont représentés plus petits que les humains. Pourtant il lui semble qu'il manque certaines données, certaines informations. Combien d'individus comptait l'humanité avant d'être enfermée entre ces murs ? Combien ont dû mourir sur le chemin pour que aujourd'hui plus d'un million d'entre eux vivent dans cette cage à ciel ouvert ?

Au final, l'histoire racontée par ce bouquin est floue et semble vouloir cacher tous ses tumultes. Peut-être qu'un jour ils réussiront à aller au delà du mur Maria, découvrir de nouveaux paysages, de nouveaux animaux, de nouvelles saveurs et odeurs. Est-ce que le reste du monde est semblable au peu qu'ils en connaissent ? Sont-ce toujours des plaines et des forêts au pied de montagnes dont les pics brillent comme une pointe de flèche ?

Il y a tant à découvrir et à apprendre, mais pour chaque pas qu'ils font en avant, ils reculent de deux. La réalité est cruelle, triste, fade. Il aimerait rencontrer l'un de ces premiers habitants du mur. Il se demande comment ils étaient, il aimerait savoir si l'humanité est entraînée dans une lente déchéance.

Peut-être que ces anciens ont vu autre chose que des plaines verdoyantes s'étendre devant eux. Peut-être ont-ils parcouru le monde avant d'arriver ici.

Thomas ferme le livre et lève les yeux vers le ciel en soupirant. Il n'arrive pas à se concentrer sur le texte avec le chamboulement de tout à l'heure.

Il y a des jolies filles avec qui il s'entend très bien : Lise, Nifa, Julia... Mais tout idiot qu'il est, c'est la plus inaccessible, la plus réservée et celle avec qui ça se passe le plus mal qui occupe ses pensées.

Il soupire longuement puis replie ses jambes contre lui, restant dans cette position une bonne minute.


Je devrai retourner avec les autres pour participer au second entraînement... Se dit-il en soupirant une nouvelle fois avant de se lever.

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