Le destin des Ackerman - Tome 1

Chapitre 23 : Chapitre 22 - Le visage du meurtrier

4183 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 22/04/2020 05:00

Une lourde porte renforcée de métal s'ouvre en grinçant de façon caractéristique. Les deux soldats postés devant la porte restent figés en faisant leur plus beau salut militaire alors que deux hommes portant dans leur dos les ailes de la liberté entrent dans ce long et large corridor mal éclairé. Les talons de leurs bottes résonnent contre les pierres polies imbriquées les unes aux autres qui recouvrent le sol. A mesure qu'ils s'enfoncent dans les profondeurs de ce souterrain l'espace entre les torches augmente d'autant, créant des portions relativement plongées dans l'obscurité.


Le premier des deux soldats du bataillon d'exploration est grand et a des épaules carrés, une carrure impressionnante et intimidante, tout comme cette expression dure qu'il revêt toujours. Sa voix grave et pleine d'assurance brise le silence alors qu'il fixe droit devant lui.


Je pense que tu as le droit de savoir certaines choses à présent. Annonce-t-il.


Le second, plus petit et plus jeune, nerveux à sa façon de regarder ses pieds en marchant, lève ses yeux bleus vers son supérieur avec une mine surprise.


Comme tu le sais, il y a cinq ans quatre enfants venus d'on ne sait où ont décidé de s'attaquer à nos murs. Apparemment leur objectif était de localiser puis capturer un autre détenteur du pouvoir de transformation : Eren Jäger.


Le soldat qui écoute les explications acquiesce simplement pour signifier qu'il a bien assimilé les informations.


Nous ne connaissons pas encore leurs motivations ni pourquoi ils ont attaqué nos murs. Nos informations sur les titans sont encore fragmentaires mais nous sommes quasiment certains que ce sont des humains, au départ.


La confirmation de cette hypothèse que Hanji avait formulée quelques jours plus tôt laisse pantois le jeune homme aux cheveux noirs.


Selon un rapport de Eren, Ymir aurait errée pendant soixante ans hors des murs et n'aurait repris forme humaine qu'en dévorant l'un des quatre enfants qui nous ont attaqués. Ajoute l'officier.


Attendez, vous voulez dire que...


Oui. Pendant toutes ces années nous croyions que les titans nous tuaient pour le plaisir puisqu'ils n'avaient aucune autre raison apparente. Ils n'ont pas d'appareil digestif, n'ont pas l'air d'avoir besoin de manger pour subsister, ils ne sont pas motivés par l'instinct de prédation. Les titans sont des humains qui dévorent d'autres humains dans l'espoir d'en avaler un qui détient le pouvoir de transformation pour reprendre sa forme initiale. Explique le grand blond qui tire une lourde et épaisse porte en bois renforcée de métal.


D'où viennent les centaines de titans hors des murs alors ?


Difficile à dire. Toutefois nous avons une piste qui pourrait nous mener à éclaircir toutes les zones d'ombre.


Le silence retombe ensuite pendant une bonne minute alors qu'ils continuent d'emprunter à un rythme plutôt soutenu les couloirs qui courent sous la terre.


Je ne te faisais pas confiance et ton lien de parenté avec un haut gradé corrompus des brigades spéciales est l'une des raisons. Nous t'avons soupçonné de lui transmettre des informations sur nos activités.


Le jeune homme est choqué par cette déclaration et se sent soudainement tout petit, écrasé par la peur soudaine d'avoir été mené ici pour être jeté derrière les barreaux puis se faire torturer jusqu'à ce qu'il avoue tout ce qu'il sait.


...Il se trouve que la taupe s'appelle Lise Niso. Une jeune femme avec qui tu as passé tes trois ans de formation dans la 128e brigade d'entraînement, si mes informations sont exactes.


Trop nerveux pour prononcer la moindre syllabe et d'autant plus abasourdi par l'implication de Lise dans cette affaire, ne trouvant soudainement aucun sens à toutes ces explications et ce qu'elles laissent entendre, il se contente d'acquiescer sous le regard froid et calculateur de son interlocuteur.


Comme lorsque nous avons appris la trahison de Reiner et Bertolt, il est normal que cette nouvelle te fasse un choc. A croire que nous ne connaissons jamais complètement nos proches...


Qu'attendez-vous de moi, Major ? Ose le soldat qui n'a toujours pas la force de croiser le regard de son supérieur.


Pour l'instant rien, mais tu devras choisir un camp même si je n'ai pas de doute quant à ton allégeance.


Soupir de soulagement de la part du brun qui se sent délesté d'un énorme poids.


Pour te prouver que nous plaçons en toi notre confiance, j'aimerai te montrer quelque chose. Termine le Major.


Après plusieurs centaines de mètres supplémentaires de marche, les deux membres du bataillon d'exploration arrivent à une nouvelle porte blindée gardée par un soldat des brigades spéciales. Lorsqu'il les voit arriver, il se précipite pour ouvrir la porte puis effectuer un salut militaire magistral.


Quand ils entrent dans cette énorme pièce à la superficie impressionnante — et qui est bien mieux éclairée que le reste du souterrain, le soldat découvre un mur de barreaux qui coupe les lieux en deux et derrière lequel se trouve un imposant cristal entouré de cordes et posé sur un socle de fortune formé de planches de bois. Il reconnaît tout de suite la matière de cette structure cristalline pour avoir été dans la cave des Reiss.


Un autre soldat en faction vient leur ouvrir la partie amovible des barreaux puis ils entrent. Deux autres personnes se trouvent là et le jeune homme reconnaît tout de suite Hanji et Livaï.


A mesure qu'il approche, le jeune soldat a l'impression de deviner une silhouette humaine enfermée dans ce cristal et, quand il rejoint les autres officiers du bataillon, ce que ses yeux ont cru voir se confirme.


Erwin, Thomas. Salue le Caporal qui porte des vêtements civils à l'inverse de Hanji qui revêt son uniforme.


Du nouveau ? Demande le Major.


Non, on fait toujours chou blanc. Impossible de le détruire même avec tous nos moyens disponibles. Répond Hanji.


Thomas s'approche de quelques pas jusqu'à dépasser ses supérieurs afin de mieux voir le visage de la personne enfermée là-dedans. Lorsqu'il la reconnaît, il se fige sur place et ouvre grand les yeux. Un mélange d'émotions saisit brusquement ses entrailles : ressentiment et colère dominent. Mais il se surprend à ressentir de la fascination et aussi de la... Pitié ?!


Il fixe la jeune femme d'apparence si paisible et détaille chacun des traits de son visage qu'il n'oubliera certainement pas. Ils doivent avoir le même âge et se dire qu'une personne aussi jeune est à l'origine de meurtres de masse lui donne un désagréable frisson.


Mais le plus difficile, c'est de se savoir face à la personne qui a tué Petra et ne rien pouvoir faire d'autre que l'observer.


Il serre les poings.


Annie Leonhart... Souffle-t-il.


Hanji et Livaï viennent à sa hauteur, la capitaine pose une main sur l'épaule du membre de son escouade.


On sait ce que tu ressens, nous avons beaucoup perdu ce jour là. Commence Livaï. Mais même si nous avons tous soif de vengeance, si elle se réveille un jour, nous ne devons pas nous laisser aveugler par ce sentiment. Elle pourrait nous dire qui a commandité l'attaque il y a cinq ans, qui a envoyé des gosses tuer des centaines de milliers de gens innocents.


Le soldat Ralle hoche doucement la tête sans détourner le regard de la personne qu'il dévisage.


Il se souvient avoir entendu Armin et Jean parler de Reiner, ils disaient qu'il perdait complètement les pédales à cause du poids de ses crimes, de la culpabilité et des années d'intégration dans leur société. Au point de se prendre pour un défenseur des murs et oublier d'où il vient vraiment. Thomas comprend alors une chose qui commence lentement mais sûrement à le torturer : il est facile d'imaginer ses ennemis comme des êtres inhumains dépourvus de sentiments. C'est arrangeant, ça permet de n'avoir aucune hésitation au moment d'abattre ses lames. Pourtant, la réalité est que cette Annie est peut-être dans le même cas que son partenaire. Après tout, sont-ils venus ici de leur plein gré ? Voulaient-ils tuer autant de personnes ?


Erwin s'approche à son tour.


J'espère que nous pourrons compter sur toi quand nous en aurons besoin, Thomas. Nous devons absolument mettre hors d'état de nuire nos ennemis à l'intérieur des murs avant de nous tourner vers la reconquête de Shiganshina.


Thomas n'hésite pas une seule seconde et se retourne pour faire face à Erwin Smith et frappe sa poitrine de son poing.


Oui Major. Dit-il solennellement avec toute la détermination dont il peut faire preuve brillant dans ses yeux bleus.


Erwin hoche la tête et est satisfait parce qu'il a vu juste : montrer la meurtrière de sa sœur au jeune homme et lui expliquer certaines choses leur assure sa fidélité. Hanji sourit, fière de son protégé.







[ Plusieurs heures plus tard - Mithras, la cité royale ]


Historia est assise sur le bord de son bureau — couvert de paperasse, de bouquins et autres rapports divers et variés — disposé dans une pièce attenante à celle où trône son fauteuil royal. La Reine observe le paysage urbain qui s'offre à ses yeux à travers les grandes vitres de la pièce. Elle approche sa tasse près de sa bouche, souffle brièvement sur la surface encore brûlante du liquide coloré puis trempe les lèvres pour aspirer quelques gouttes.


Un instant plus tard quelqu'un frappe à la porte.


Historia se précipite alors pour poser sa boisson chaude sur la coupelle en porcelaine et bondit du bord du meuble pour s'installer sur sa chaise.


Entrez !


La porte s'ouvre et un homme corpulent d'âge mûr, ayant de long cheveux gominés blancs et une épaisse barbe, fait son apparition.


Votre Majesté, le Major Erwin Smith est arrivé. Annonce le Général Zackley.


Historia ne peut pas réprimer le petit sourire qui fleurit sur ses lèvres.


Le chef des armées tourne les talons en laissant la porte ouverte.


Elle se lève alors, touche sa coiffure pour vérifier que son chignon sophistiqué est encore parfaitement à sa place, époussette ses épaules puis prend un profonde inspiration avant de marcher en direction de la salle du trône où elle va recevoir ses anciens supérieurs.


Lorsqu'elle est en place, Zackley fait un signe aux deux soldats qui ouvrent la grande double porte. Trois hommes aux couleurs du bataillon d'exploration s'avancent. Ils portent ce grand manteau qui tombe sous les genoux et qui leur donne fière allure ou, du moins, fait plus présentable que l'uniforme et ses lanières de cuir.


Erwin, Livaï et Thomas s'avancent le long de ce tapis qui mène jusqu'aux marches aux pieds du trône puis s'inclinent respectueusement devant leur reine.


Historia a un nouveau sourire, amusé celui-ci. Il est étrange de voir autant de marques de respect de la part de personnes à qui elle devait rendre hommage auparavant. Par réflexe — parce que les habitudes ont la vie dure — elle effectue un salut militaire qui fait finement sourire le Caporal et le jeune homme à ses côtés.


Votre Majesté, nous venons vous rendre compte de l'opération à Trost. Annonce Erwin après s'être redressé.


La reine reprend un air sérieux et s'approche du haut des marches. A ce moment là Livaï donne un coup de coude au soldat Ralle qui a le porte-document avec lui, ce qu'il doit remettre à Historia.


Thomas sursaute un peu, jette un bref regard perdu à son supérieur puis sourit bêtement en se souvenant qu'il doit s'avancer pour tendre le compte-rendu de leur mission. Il s'exécute alors et tend l'objet de sa mission à mademoiselle Reiss qui s'en saisit en souriant à son ancien camarade, avant que celui-ci ne se fende d'une nouvelle révérence protocolaire.


Si vous êtes ici j'imagine que vous avez réussi. Prononce finalement Historia.


Oui, Majesté. Confirme le Major.


La jeune femme aux cheveux blonds éclatants et soigneusement coiffés ouvre la couverture en cuir et tourne quelques pages.


C'est une excellente nouvelle, j'imagine que vous avez maintenant le mur Maria en ligne de mire ? Demande Zackley qui s'invite à la conversation.


C'est exact, Général. Reprendre Shiganshina est d'un intérêt double : reconquérir nos terres et trouver toutes les réponses à nos questions sur ce monde. Explique Erwin Smith.


Cette histoire de cave, mh ?


C'est cela. La père de Eren Jäger aurait laissé ces réponses dans le sous-sol de leur maison.


Très bien. Ne vous inquiétez pas pour les fonds. Le parlement serait certainement contre l'idée de lancer une opération de grande envergure si peu de temps après le changement de régime mais nous devrions pouvoir vous trouver des ressources par d'autres moyens. Vous pourrez aussi dire au Capitaine Zoe que son projet d'armement est en bonne voie. Annonce le vieil homme.


Merci, Général.


Sur ces mots Zackley tourne les talons.


Je vous fait confiance pour notre victoire finale, Major. Ajoute Historia.


Erwin s'incline devant la reine pour la remercier, rapidement suivi par ses deux compagnons avant qu'ils n'imitent le général.


Après quelques pas, la reine se souvient d'une chose.


Thomas ? Appelle-t-elle.


Ledit jeune homme tressaille, surpris. Il s'arrête net et jette un regard en direction de ses supérieurs qui l'observent par dessus leur épaule.


Oui Majesté..? Hasarde-t-il après s'être retourné.


J'aimerai que nous parlions en privé, deux petites minutes.


Thomas lance un regard interrogateur vers le Major et celui-ci hoche la tête. Le soldat Ralle suit alors la reine jusqu'à une porte sur un côté de cette grande salle du trône et découvre une bibliothèque privée. Tout le tour de la pièce est parcouru de hautes étagères remplies de livres, tous plus épais et anciens les uns que les autres. Au centre une grande table est disposée, recouverte de piles d'ouvrages.


Intimidé et ne sachant pas trop à quoi s'attendre ni quoi faire, Thomas reste planté là, sur le seuil de la porte.


Historia marche à pas décidé et après quelques instants de recherche, elle coupe une pile en deux et attrape un épais livre avant de revenir vers le soldat. Elle lui tend enfin ce bouquin un peu poussiéreux dont la couverture arbore une gravure représentant une grande étendue d'eau avec de hautes montagnes en arrière-plan.


J'aimerai que tu donnes ça à Armin et Eren, ça devrait d'autant plus les motiver à reprendre leur foyer. Je ne veux pas qu'ils oublient pourquoi ils se battent.


Thomas acquiesce en se saisissant du livre.


Oh et... Dis leur à tous que vous me manquez et que je suis de tout cœur avec vous. Si je le pouvais je serai venue me battre à vos côtés.


Le jeune homme s'incline.


Oui votre Majesté.


Historia dodeline légèrement de la tête avec un sourire amusé.


Thomas s'il te plaît... Pas de ça entre nous, pas en privé. Même si on ne s'est quasiment pas adressé la parole nous avons combattu ensemble alors pour toi aussi je suis simplement Historia. Corrige-t-elle avec douceur.


Il ne peut pas s'empêcher de sourire, pas insensible à cette attention qui lui montre une fois encore qu'il a gagné le respect des camarades avec qui il a combattu ces derniers temps. Il a vraiment la sensation de faire partie d'un groupe, d'un tout, d'un cercle très restreint qui compte les soldats les plus fidèles au bataillon. Il hoche la tête pour montrer qu'il a compris et qu'il remplira cette nouvelle mission.


Je te libère, ils n'aiment pas trop attendre je crois. Dit-elle sur un ton de plaisanterie.


Thomas sourit une nouvelle fois et acquiesce avant de tourner les talons. Dans le même temps mademoiselle Reiss retourne au contenu du porte-document rempli de rapports sur la reprise de la porte extérieure du district de Trost.


Alors qu'il passe la porte et s'apprête à la refermer, elle l'interpelle de nouveau.


Thomas !


Oui..?


Une dernière chose... Elle tourne une page et un petit sourire malicieux glisse sur ses lèvres quand elle lève les yeux vers lui. Prends bien soin de Mikasa.


Il reste bloqué une seconde, n'étant pas vraiment certain sur le coup d'avoir compris ce à quoi elle fait allusion. Elle remarque son air pantois et en pouffe de rire, ce qui le fait soudainement rougir. En effet, elle venait de lire une ligne faisant mention du sauvetage de la jeune Ackerman et ce n'est pour elle qu'une confirmation de ce qu'elle pensait déjà comme inévitable.







[ Le soir même - Caserne de Trost ]


Mikasa tourne et vire dans son lit, elle n'arrive pas à trouver de place vraiment confortable pour s'endormir. C'est inévitablement lié à son dernier tête à tête avec Thomas et l'inquiétude quant à sa mission de remettre un rapport à Historia. Son esprit ne lui laisse pas la moindre seconde de répit.


Pourtant, ce qui la préoccupe le plus c'est bien cet ensemble de sensations, ce qu'elle a ressenti sous les caresses de jeune homme jusqu'à lui faire éprouver du plaisir. Toutes ces choses sont nouvelles et la laissent sans défenses. Si d'habitude la vulnérabilité et l'impuissance la font sortir de ses gonds, elle ne peut pas nier qu'il est agréable d'avoir ces sentiments dans cette situation bien précise.


C'est la confirmation que quelque chose de spécial les relie au-delà du « couple ». C'est une relation de confiance. S'abandonner à lui est plaisant et c'est qui la mène à être frustrée parce qu'elle aurait aimé continuer les expérimentations.


Elle n'est pas aventureuse de nature, en témoigne ce souvenir qu'elle avait peur de quitter les alentours de cette maison dans laquelle elle vivait avec ses parents. Malgré cela, ces années à se battre pour survivre lui ont appris à faire face en s'adaptant. Toute sa vie les changements ont été initiés par des forces plus grandes qu'elle.


Mais là, c'est différent. Il n'est pas question des autres ni de protéger qui que ce soit ou encore se battre pour survivre. C'est juste elle, elle et son propre corps qu'elle n'écoutait plus. Sa mémoire lui fait revivre la sensation de leurs peaux brûlantes se frottant l'une contre l'autre, rythmées par l'entrechoquement de leurs lèvres.


Mikasa serre ses cuisses en remontant quelque peu ses genoux.


Une idée lui vient soudain mais elle hésite. Elle se tourne — pratiquement jusqu'à tomber sur le dos — pour regarder en direction de Sasha. Cette dernière roupille profondément et est de dos par rapport au reste de la pièce. La brune reprend sa position initiale et laisse ensuite sa main gauche se hasarder vers cet endroit qu'elle avait senti s'humidifier. Juste avant d'y arriver elle marque un temps d'arrêt, pas vraiment sûre d'elle sur le coup.


Elle essaye de chasser les pensées érotiques qui l'assaillent, de repousser ces souvenirs mais elle cède quand elle repense à ce que la main de Thomas a fait subir à sa poitrine et au plaisir que ça lui a procuré.


La jeune femme fait alors descendre son autre main jusqu'à l'un de ses seins et, exceptionnellement curieuse, va reproduire le geste à travers ce simple haut large qu'elle porte uniquement pour dormir.


Les premiers instants sont décevants mais, à mesure que les secondes passent, le massage qu'elle s'inflige elle-même gagne en précision jusqu'à ce qu'elle puisse sentir ce plaisir se déclarer. Il est discret et timide mais il s'annonce pourtant et, lentement, elle s'échaude.


La voilà en pleine exploration de son corps et elle retrouve peu à peu certaines sensations délectables qu'il lui tarde de retrouver dans les bras du soldat Ralle.


Dans un mouvement non contrôlé de l'ordre du réflexe, cette main qui s'était arrêtée en bas de son ventre rejoint rapidement son intimité. Dans la même dynamique que celle qui l'a poussée à se caresser plus haut, elle fait glisser deux doigts et initie un timide mouvement de va-et-vient.


Son souffle s'alourdit et elle se mord machinalement la lèvre inférieure à cause de la chaleur qui commence à l'immerger toute entière. Son esprit commence à divaguer, seulement guidé par cette pulsion et un étrange besoin de ne pas s'arrêter. Les battements de son cœur s'accélèrent à mesure qu'elle s'explore.


Elle s'arrête soudainement et se crispe, honteuse de le faire seule. Le visage de Thomas s'impose à sa vision et elle visualise ses cheveux, ses lèvres, ses mains, la peau brûlante de son corps à moitié nu... Elle frémit et retire ses mains pour les placer loin de toute tentation parce que ces pensées ne l'aident pas à se calmer, au contraire.


Mikasa prie silencieusement pour que le jeune homme frappe à sa porte, là tout de suite. Peu importe que Sasha soit dans la même pièce, son sommeil est bien trop lourd pour que quoi que ce soit la réveille. Elle aimerait qu'il la rejoigne et s'occupe à sa place de faire ces choses avec sa précision qu'elle estime chirurgicale en la matière, du haut de sa minuscule expérience. La jeune femme aimerait qu'ils continuent ce qu'ils ont commencé mais elle doit se résigner : elle ne sait pas quand est-ce qu'il reviendra.


Mademoiselle Ackerman ne peut qu'espérer que rien ne lui arrivera mais elle soupçonne le Major d'en profiter pour tester le soldat Ralle.


Elle repense alors à cette affaire et se souvient que la taupe a été identifiée. Si Thomas était coupable, il serait déjà derrière les barreaux.


Elle soupire.


Inutile d'essayer de deviner les desseins du Major, surtout pour elle qui est douée dans beaucoup de domaines mais pas en tactique ni en stratégie, encore moins en politique.


En bref, la présence du jeune homme serait nécessaire et rassurante. Mikasa aimerait que les choses soient simples dans ce monde. Sa naïveté l'encourage à espérer que cette rencontre avec un brun suicidaire est celle qui pourrait bouleverser sa vie jusqu'à considérer de se projeter dans un avenir commun au-delà de cette guerre.


Après tout, pourquoi est-ce que ce serait idiot de caresser un espoir si simple ? Ce moment juste avant que la porte d'entrée de sa maison d'enfance ne s'ouvre lui revient. Sa mère et elle qui brodaient ce qui devait être un héritage familial qu'elle transmettrait à son tour à ses enfants.


Mikasa tire la couverture et s'assoit dans son lit avant de pivoter sur ses fesses pour poser ses pieds au sol et enfin se lever. Elle s'approche de la fenêtre de cette chambre et prend place sur son rebord pour observer le ciel étoilé.


Survivre, embrasser une existence simple et entourée d'amour... C'est son souhait le plus cher. La liberté, le pouvoir, la richesse... Très peu pour elle.


Peut-être que Thomas est destiné à être celui avec qui...


Elle soupire et baisse les yeux en rabattant ses genoux contre elle avant d'y faire reposer son menton. Elle se sent idiote de penser à ça, de s'emballer aussi vite, d'être aussi naïve qu'une gamine amoureuse pour la première fois. Mais c'est pourtant ce qu'elle est, non ? Alors rêver ne devrait pas lui être interdit, les contes de fée ont beaux n'être que des utopies ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas espérer en vivre un. Il y a encore quelques jours elle était persuadée qu'elle allait mourir avant d'avoir le privilège de connaître l'amour, aussi timide et bref soit-il.


Aujourd'hui pourtant, elle peut se targuer d'être désirée par un homme qui ne l'apprécie pas parce qu'elle a un nom célèbre ou parce qu'elle appartient à une ethnie disparue et convoitée mais parce qu'il affectionne qui elle est et l'accepte telle quelle. Voire ces deux yeux bleus hypnotisants la contempler est le plus précieux pour elle.


Elle tourne la tête pour faire reposer sa joue sur ses genoux, afin d'observer une nouvelle fois ce ciel d'été qui brille de mille feux.


Il y a tant de personnes autour d'elle qui aiment contempler la voûte céleste. Eren, Armin, Ymir, Thomas... Qu'est-ce qu'ils lui trouvent de si passionnant ? Qu'y voient-ils ? A ses yeux ce n'est qu'une gigantesque toile bleue foncée parsemée de tâches plus ou moins lumineuses.


Mais c'est à cette conclusion simpliste qu'elle comprend que — comme l'amour — les astres sont certainement une beauté à laquelle elle n'est pas encore initiée ni sensible et, qu'un jour peut-être, quelqu'un lui ouvrira les yeux pour qu'elle puisse l'apprécier.



Laisser un commentaire ?