Le destin des Ackerman - Tome 1

Chapitre 31 : Chapitre 30 - Déchirure

4626 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/06/2020 05:21

Ils se regardent, s'observent et se dévisagent mais n'osent pas briser ce silence pesant par peur de ce qui va suivre. Leurs yeux portent la même expression mêlant crainte et soulagement, leurs cœurs ce même désir ardent qui ne demande qu'à s'exprimer.


Chacun aimerait se jeter sur l'autre pour rattraper tout ce temps perdu, tous deux voudraient oublier ces choses qui se dressent sur leur chemin dans les bras de la personne qui lui fait face, ils souhaiteraient s'offrir corps et âme pour balayer d'un revers de main la possibilité que les choses puissent changer entre eux.


Mikasa se noie volontiers dans ce bleu profond qui colore les iris du jeune homme et elle commence à manquer d'air à force de retenir son souffle, à cause de l'appréhension de ces retrouvailles. Le magnétisme qu'il exerce sur elle lui fait perdre pied. Son esprit devient silencieux, hermétique au moindre doute et pensée parasite, seulement sensible à cette envie qui hurle depuis ses entrailles. L'évidence tombe maintenant qu'elle sent sa présence.


Thomas baisse les yeux parce qu'il se sent faiblir sous le poids de cette horrible vérité qui est trop lourde et désagréable à porter. Toute sa souffrance vient du fait qu'il n'arrive pas à ressentir le moindre remord alors qu'il le devrait. Frustré de ne pas pouvoir se battre contre cet état de fait, en colère contre cette injustice, fatigué par ce destin qui l'éloigne indubitablement de toute personne qui prend une grande place dans son cœur.


Il veut résister, de toutes ses forces, mais quand il relève les yeux et capte le regard qu'elle lui lance, il se sent soudainement à nu. Le brun sait très bien qu'elle n'a qu'un mot à prononcer, qu'un seul geste à faire, et il sera à genoux, soumis au moindre de ses désirs, esclave de tout ce qu'elle est et représente.


Une bataille fait rage intérieurement et elle détruit tout sur son passage. Son estomac se noue, sa gorge se serre et son palpitant manque un battement lorsqu'il envisage de lui dire la vérité.


Mais que faire d'autre ?


Il se sent incapable de lui mentir, Thomas ne pourrait pas lui cacher ce qu'il a appris sans avoir l'impression de profiter d'elle de façon malsaine. Malheureusement, tout lui révéler signifie aussi mettre fin à leur relation.


Une autre alternative est-elle possible ?


Pourraient-ils continuer en connaissance de cause ?


Il n'a aucune réponse à toutes ces questions, seulement une certitude : celle que leur couple n'est pas politiquement correct. Si leurs pères n'étaient pas des frères, le fait d'être un Ackerman n'aurait absolument rien changé. Avec la dispersion de cette famille et le siècle qui vient de s'écouler, avec la succession de nombreuses générations, ils auraient pu être des parents si éloignés que ça n'en aurait que le nom.


Triste et déchirante vérité.


Le jeune homme a beau torturer son esprit, il lui apparaît que c'est impossible de passer outre cet état de fait.


Mikasa ne détourne pas le regard et se sent nerveuse lorsqu'elle remarque cette expression triste et abattue que son amant arbore. Que s'est-il passé ? Elle s'attend à tout et n'importe quoi, là, tout de suite, mais certainement pas à ce qu'il lui annonce ce qu'ils sont, par le sang.


Thomas..? Appelle-t-elle doucement, fébrile et craintive, se levant lentement sans le quitter des yeux.


Il serre les dents, intimidé parce que sa volonté prend un sacré coup. Il tient bon cependant et inspire un bon coup pour se décider à tout lui dire. Peu importe sa réaction, peu importe les conséquences et peu importe que leur monde s'effondre l'instant suivant : elle doit savoir. Il fait un pas en avant.


Mikasa, il faut que... Commence-t-il.


Mais Thomas n'a pas le temps d'en dire plus. Ce pas qu'il a fait en avant a suffi pour donner assez de courage et d'audace à la jeune femme afin qu'elle réduise brusquement la distance qui les sépare. Elle fond sur lui et plaque ses lèvres sur les siennes en soupirant profondément, le plaquant contre la porte de la pièce sans contrôler la force ni l'intensité qu'elle met dans le baiser.


Il succombe, sans hésitation.


Les remises en questions, les regrets, le dégoût de la réalité des choses... Tout a disparu dès l'instant où leurs lèvres se sont unies brusquement, après tant de temps à se languir de l'autre, après ces journées entières à contenir un désir qui ne pouvait pas être libéré.


Le corps du jeune homme est maintenant prisonnier de cette tentation et de toutes ces sensations plus délicieuses et suaves les unes que les autres, formant les barreaux de cette cage dans laquelle il pourrait demeurer pour le restant de ses jours.


Ses pensées se muent en pulsions parce que son cœur prend le dessus. Il lui rend son baiser avec une telle passion qu'il repousse Mikasa jusqu'au mur qui forme l'angle. Lorsqu'elle le heurte, elle ne peut pas réprimer un autre soupir bruyant et tremblant de son envie de lui, submergée par la fougue de son partenaire.


Pour elle aussi tout le reste a disparu.


Ses mains s'affairent déjà à déboutonner la chemise blanche d'uniforme qui l'empêche de sentir le corps brûlant et tendu de son amant tout contre elle. Mikasa a cette soudaine conviction que ses doigts et le corps de Thomas ont été modelés l'un pour l'autre et cela détache de son esprit confus tous les doutes qui s'y étaient installés. Les vallonnements que forment ses côtes, les lignes de ses abdominaux, le creux de ses hanches... Elle en apprend par cœur tous les recoins, courbes et aspérités du bout de ses doigts avides de chaque centimètre de peau qui s'offre à eux.


Elle souhaite secrètement que tout cela lui appartienne dès maintenant et jusqu'à ce que leur dernier souffle de vie ne soit dérobé par l'appétit d'un démon.


Thomas cède incontestablement, incapable de résister au doigté de la jeune femme ainsi qu'à la saveur de ses lèvres dont il est dépendant. En cet instant, il lui est inconcevable de repousser cette créature qui s'est emparée de lui en un claquement de doigts, en un coup de lames.


Il parvient pourtant à s'écarter pendant un bref instant lorsque les deux pans de sa chemise s'écartent et qu'il sent les mains de Mikasa parcourir sans retenue la surface de son torse. Le brun frissonne si violemment qu'il en perd la raison à lui offrir un nouveau baiser passionné et éperdu, faisant vaciller la jeune femme sous la puissance du désir qui brûle maintenant en lui.


Il s'empresse de retirer sa propre veste puis sa propre chemise sans quitter les lèvres de sa partenaire, ses mains saisissant ensuite son visage par peur qu'elle ne s'échappe de cet échange suave.


Ainsi pressée entre lui et le mur, Mikasa peut sentir le feu intérieur de son amant qui l'immerge complètement, elle sent son cœur tambouriner contre sa poitrine dans un rythme effréné.


Insatiable et déchaîné, Thomas lance un assaut surprise dans le cou de la jeune femme puis mordille son oreille gauche, ce qui lui fait échapper un gémissement plaintif, preuve qu'elle veut plus. Par instinct, de façon incontrôlable, elle prononce son prénom, comme si elle voulait s'assurer que c'est bien lui et que ce moment est bien réel.


Thomas...


 C'est plus qu'un appel pour lui, c'est une demande qui le fait frémir.


...Tout de suite... Ajoute-t-elle entre deux attaques des dents de Thomas sur sa peau.


La demande devient un ordre et c'est plus fort que lui, il doit lui obéir. La simple idée de faire autrement lui donne la migraine et c'est bien pour cela qu'il ne lui faut pas plus d'une fraction de seconde pour s'exécuter. Ses mains descendent jusqu'aux hanches de la jeune femme pour tirer sur sa chemise afin qu'elle sorte de son pantalon. Il se dépêche ensuite de défaire tous les boutons et, à son tour, Mikasa retire cette couche de tissu précipitamment.


Leurs peaux embrasées s'effleurent, se touchent puis se frictionnent. Ils en tremblent de plaisir tellement la sensation de ce contact leur est unique et délectable.


C'est exactement ce qui met Mikasa dans tous ses états et éveille son excitation à un point de non retour. Elle lève l'une de ses jambes jusqu'à hauteur de la ceinture de Thomas qu'il réceptionne immédiatement pour la soutenir avec sa main. Il peut alors en profiter pour caresser sa cuisse puis plonger jusqu'à la base de ses fesses.


Les mains de la brune vont alors se joindre machinalement sur la boucle de la ceinture du jeune homme afin de la défaire. Elle veut s'unir à lui sans plus attendre, ne faire qu'un, s'oublier dans cette sensation qu'il la possède jusqu'au plus profond d'elle.


Mais c'est quand elle atteint cet endroit précis que Thomas se réveille de cette transe qui les menaient à commettre une nouvelle fois cet acte qui leur est dorénavant interdit. Il s'écarte brusquement.


Je peux pas... Lâche-t-il, soudainement et complètement paniqué.


Mikasa reste bloquée une seconde parce qu'elle n'a pas encore compris ce qu'il se passe ni pourquoi il se soustrait à ce moment privilégié et intense.


Le jeune homme se précipite pour récupérer ses vêtements.


Thomas..? Appelle-t-elle, sentant une peur aussi étrange que subite saisir son cœur encore affolé par l'échange qui vient d'arriver à son terme.


Sonnée par la tournure absolument effarante et inattendue des évènements, elle aperçoit enfin l'expression de dégoût qu'affiche Thomas. A peine a-t-elle le temps d'avoir la moindre réaction que la porte s'ouvre déjà et il sort de la pièce, sans même avoir pris le temps d'enfiler sa chemise et sa veste.


La porte se referme dans un claquement.


Thomas ! Appelle-t-elle plus fort.


Elle s'apprête à sortir elle aussi pour le rattraper, pour lui demander ce qu'il vient de se passer et surtout pour essayer de le garder près d'elle parce qu'elle ne peut pas se passer de cette impression de manquer d'air à son contact.


Mais au moment de l'ouvrir, ses yeux tombent sur son accoutrement. Elle cherche alors à la hâte sa chemise. C'est une course contre la montre qui s'engage pour trouver ce haut puis l'enfiler et le boutonner. Paniquée et tremblante, il lui faut se reprendre à plusieurs fois. Elle s'énerve, peste contre elle-même et perd d'autant plus de précieuses secondes.


Lorsqu'elle ouvre enfin la porte, elle jette un coup d’œil à gauche puis à droite : personne.


Alors elle fait un pas en arrière puis pousse mollement la porte pour la refermer, la tête baissée, un regard vague fixé sur le sol.


Son cœur se met à saigner et se brise plus encore lorsqu'elle se remémore les trois mots qu'il vient de prononcer, lui faisant l'effet d'un coup de poignard.


Thomas referme la porte de son dortoir heureusement vide et s'appuie contre la porte avant de se laisser glisser contre celle-ci.


Le jeune homme se sent misérable en cet instant, faible de s'être laissé happer par la passion, idiot de croire qu'il pourrait résister, lâche de ne pas avoir trouvé d'autre solution que la fuite face à cet obstacle insurmontable.


Il tremble tout entier en retenant ses larmes, saisit d'un spasme douloureux sous l'effet de son cœur qui se délite.


Pourquoi eux, pourquoi ça, pourquoi maintenant ? Le monde se dérobe sous ses pieds et tous ses rêves inavouables éclatent en morceaux comme le verre d'un miroir qui s'écrase au sol.


L'une de ses mains se porte à sa poitrine et se serre sur son vêtement là où son palpitant s'effondre sur lui-même.







[ Fin d'après-midi, le même jour ]


Les escouades terminent un entraînement, les officiers libèrent leurs hommes afin qu'ils puissent ranger leur matériel puis aller manger.


Pour la première fois depuis des années, Mikasa a enchaîné les mauvaises prestations et ça a bien évidemment surpris tout le monde. Un peu moins Armin et Sasha qui ont remarqué le même problème du côté d'un brun aux yeux bleus qui fait partie de l'escouade du capitaine Hanji.


La jeune Ackerman essaye — comme le matin-même — d'aller trouver Thomas pour qu'il s'explique mais celui-ci est déjà parti, avant tout le monde.


Au réfectoire, Mikasa ne mange quasiment rien et son regard oscille entre la table de l'escouade Hanji et la porte du réfectoire : aucune trace du soldat Ralle.


Le cerveau de la jeune femme est prêt à exploser à cause de cette incompréhension totale. Qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'il se soit soustrait à leurs retrouvailles puis rate tous les repas de la journée ? Toutes les fois précédentes, quand un drame c'est produit, il avait le même comportement mais beaucoup moins abusif. Qu'est-ce que c'est, cette fois ?


N'ayant de toute façon ni l'envie ni la tête à manger quelque chose, Mikasa finit par se lever et laisse en plan son repas.


Elle marche rapidement jusqu'à cette chambre où devrait se trouver le brun et, une fois devant, prend une profonde inspiration avant d'entrer sans même frapper.


Il est là, allongé sur son lit, tourné vers le mur, immobile.


La jeune femme s'approche puis s'assoit sur le bord du lit.


Thomas...


Pour une raison obscure sa timidité refait surface. Elle se rend compte que parmi les choses qui lui font le plus peur, il y a ce comportement de son conjoint.


Tu ne devrais pas être là. Répond une voix faible et éreintée.


Cette réponse met immédiatement en colère Mikasa qui le saisit par l'épaule afin qu'il se tourne vers elle.


Mais merde, quand est-ce que tu vas arrêter d'être comme ça quand ça va mal ? Parle-moi ! Lance-t-elle, sentant ses yeux s'humidifier à cause des émotions et surtout de la frustration.


C'est à n'y rien comprendre. Avant qu'il ne mette brusquement fin à ce moment ce matin sa passion et son désir étaient là, il ne l'avait jamais embrassée avec autant d'ardeur. Qu'est-ce qu'elle a fait de mal ?


Ne me dis pas que je vais devoir passer ma vie à te courir après... Ajoute-t-elle, à bout de force. On était pourtant d'accord, on doit partager nos peines et nos joies c'est... C'est ça un-un-un... Un couple !


Thomas détourne les yeux et souffre à l'entente du dernier mot.


On ne peut plus l'être et on n'aurait jamais dû. Statue-t-il.


Mikasa est déstabilisée. Il la répudie, encore une fois ? Comment peut-il être aussi catégorique ?


Mais qu'est-ce que tu raconte ? Thomas putain explique-moi, pourquoi tu veux encore t'éloigner de moi ? Je suis bien là, regarde ! Répond-elle, paniquée, en prenant la main du jeune homme pour la coller contre sa poitrine pour qu'il sente son cœur battre mais il ne réagit pas.


Tu ne comprends pas... Souffle-t-il.


Elle saisit son visage et le force à la regarder droit dans les yeux.


Thomas. Appelle-t-elle ensuite, comme si elle voulait vérifier quelque chose.


Il frissonne, se perd dans cette couleur sombre qui colore les yeux de cette jeune femme qu'il aime à en mourir. Il la contemple. Encore une fois il doit résister mais son regard tombe sur ses lèvres pulpeuses. Un éclair de lucidité le sauve et il lui répond brusquement après avoir fermé les yeux par nécessité.


Erik Müller, son vrai nom est Erik Ackerman.


Elle a un brusque mouvement de recul, choquée par cette révélation alors que le lien se fait dans son esprit.


Quoi, tu veux dire que...


Que je suis un Ackerman.


Mikasa est incapable de produire le moindre son pendant quelques instants, choquée par ce qu'elle entend. Pourtant ce n'est pas une raison suffisante à ses yeux pour justifier son comportement et sa décision. Le Caporal-Chef est lui aussi un Ackerman et leur lien de parenté doit être si éloigné que c'en est dérisoire, ce n'est qu'un nom. Son propre père était si éloigné de son héritage qu'il n'avait ni cheveux ni yeux noirs...


Et c'est juste pour ça que... Commence-t-elle.


Il m'a parlé de son frère, Simon, qui habitait dans les montagnes près de Shiganshina.


Là, elle sent un violent coup de masse qui s'abat sur l'arrière de sa tête. Mikasa fixe le soldat qui lui fait face en se redressant lentement, abasourdie et dévastée par cette dernière révélation, pétrifiée par ce que sous-entend ce lien de parenté entre leurs pères.


Non, ce n'est pas possible, il t'a menti...


Pourquoi est-ce qu'il aurait menti, il te pensais morte avant que Livaï ne lui parle de toi. Explique Thomas. Ce Erik est ton oncle alors je suis ton...


Cousin. Termine-t-elle avec une infinie douleur qui la ronge de l'intérieur.


Elle n'en croit pas un mot, cette appellation lui donne un goût de cendre dans la bouche. Tout s'écroule : son espoir de bonheur, ses rêves d'avenir, cette joie qui s'était installée dans son quotidien...


La jeune femme aurait pu tout lui pardonner parce qu'elle sait comment il fonctionne, dès que quelque chose ne va pas il se mure dans le silence et évite tout le monde. Elle aurait tout fait pour apprendre à l'approcher dans ces moments.


Mais là, il n'y a rien à faire. C'est plus fort qu'eux.


Il leur est impossible d'être ensemble parce qu'ils sont parents.


Il vaut mieux qu'on s'évite... Ajouta le jeune homme.


En tout cas pour lui il le fallait. Il sait très bien que s'ils restent proches ça pourrait déraper à la moindre occasion.


Perdue, impuissante, détruite... Il n'y a pas vraiment de mots pour décrire ce qu'il se passe dans ses sentiments ni dans quel état se trouve son cœur.







[ Un mois et demi plus tard - District de Trost ]


On peut les vaincre ! S'exclame Marlo qui est à table avec l'escouade tactique. Cette nouvelle arme va réduire les titans en pulpe !


T'excite pas comme ça. Répond Jean, en face de lui. Ça ne devrait pas autant te réjouir d'être entré au bataillon.


C'est vrai ça... Hitch n'a pas essayé de t'en dissuader ? Réagit Sasha.


Hitch ? Pourquoi ? Demande le brun avec une coupe au bol.


Conny sourit comme un idiot et Sasha fait de même en donnant un petit coup de coude à Marlo.


Ben... Parce que vous êtes... Enfin tu vois, quoi. Dit madame patate.


Mikasa les écoute et les regarde, ce que sous-entend son amie lui fait mal. Elle préfère détourner le regard et se concentrer sur son assiette.


Plusieurs semaines se sont écoulées depuis qu'elle et Thomas ont décidé de ne plus se voir suite à la découverte de leur lien de sang. Les rares interactions qu'ils ont tous les deux sont ces regards résignés, le reste du temps ils s'évitent.


Quelle buse... Dit Jean.


Tu es idiot Marlo ? Renchérit Armin.


Aussi cloche que sa coupe. Appuie Sasha.


Pourquoi ? Il a bien raison. Le défend Eren.


En tout cas les seuls qui s'enflamment comme toi, c'est la bleusaille sans expérience du combat. Continue Jean pour changer de sujet.


Attends, attends... Tu veux dire que vous êtes des vétérans ? S'amusa Frock qui était à la table de derrière.


Comparés à vous, c'est sûr. Affirme Jean.


T'es vache, on était tous dans la 104e et on n'est pas les seuls en fait. Tout le monde est emballé par la reconquête du mur Maria ! Répond le roux.


Si tu le dis... Commente monsieur Kirschtein sur un air renfrogné.


A ce moment là passe Thomas, seul, qui vient de finir de manger, il s'arrête non loin pour écouter la suite.


Mais c'est vrai que vous avez changé. Vous n'avez plus le même regard. Qu'est-ce qui s'est passé ? Demande Frock avant de remarquer la personne qui s'est arrêtée à leur hauteur.


Il croise le regard de Thomas tout aussi changé que celui de ses anciens camarades, sans doute plus sinistre encore.


Tu veux savoir ? Demande Jean avec un air qui fait bien comprendre que pour son bien il ne devrait pas répondre par l'affirmative.


Le roux observe les personnes autour de cette table et remarque leurs mines qui s'assombrissent ainsi que le regard qu'ils s'échangent.


Euh, non... Une prochaine fois, peut-être... Puis il tourne les talons avec ses deux compagnons.


Conny se lève à son tour.


Bon, moi, je vous laisse.


Quoi, déjà ? S'étonne Sasha.


Demain c'est relâche, j'irai faire un tour dans m...


Le suite de la conversation passe au second plan pour Mikasa qui porte son attention sur Thomas. Ils se regardent les yeux dans les yeux pendant une seconde puis le brun s'en détourne avant de reprendre sa route vers la sortie.


Elle baisse la tête vers son dîner et en reprend une bouchée, cette soupe insipide est soudainement amère.


Ramener la mère de Conny à son état normal n'est pas théoriquement impossible, c'est ça ? Demande Sasha, inquiète.


Oui, si on arrive à percer tous les mystères des titans, peut-être qu'un jour... Répond Armin.


Eren se met à baragouiner tout seul, comme s'il réfléchissait à voix haute.


Un cauchemar...


Armin sursaute et se tourne vers son ami d'enfance.


Je n'y pensais plus avec tout ça mais... Qui sont vraiment les ennemis qu'on combat ? Demande-t-il en regardant son auge. Est-ce que les titans ne seraient pas simplement des humains coincés en plein cauchemar ? Moi aussi j'ai dû passer par cet état...


Eren ! Appelle fermement Mikasa pour tirer son frère de sa rêverie, un brin trop autoritaire à cause de la frustration qu'elle ressent.


Le jeune homme sursaute et écarquille les yeux, il ne s'en était sûrement pas rendu compte.


Tu n'as pas fini ton pain ni ta soupe. Mange, tu bavasseras après. Dit-elle, l'expression de son visage est dure.


Eren est étonné par ce ton mais pas tellement surpris, depuis quelques temps il a remarqué qu'elle est à cran et est plus ferme avec lui. Il se demande si ça n'a pas un lien avec le soldat Ralle puisqu'ils ne sont plus aussi proches qu'avant.


Oui... Pardon, Mikasa. Se résigne celui qui a le pouvoir de se transformer en titan.


C'est de pire en pire, Eren. Tu fais que ça ces derniers temps, baragouiner tout seul. Déclare Jean. C'est du nom de l'autre type dont tu dois te rappeler. Tu sais, celui que tu as vu quand ta mémoire enfouie a ressurgi, le soldat du bataillon qui a rencontré ton père.


Oui, s'ils se sont vus ce jour-là, dans ces circonstances, il sait forcément quelque chose. Approuve Eren. D'ailleurs je suis sûr de l'avoir déjà vu quelque part aussi. Termine-t-il en se massant le front pour fouiller dans sa mémoire.


Dans tes souvenirs et pas ceux de ton père ? S'assure Armin.


Je crois bien.


Essaye de te cogner la tête. Suggère Sasha qui a toujours d'aussi bonnes idées.


Ouais pourquoi pas... Plutôt que d'en profiter pour tenir la main d'Historia, un bon coup de boule du sergent instructeur... Taquine Jean.


Si ça pouvait m'aider, je... Il ouvre grands ses yeux, soudainement. Attendez...


Eren se redresse d'un bon et tape des mains sur la table ce qui la fait trembler et secoue les assiettes.


C'était le sergent-instructeur, Keith Sadies !







Le lendemain, Eren, Mikasa, Armin, Livaï, Hanji, Jean et Sasha profitent du jour de repos pour aller voir le sergent-instructeur Sadies, celui qui les a formé pendant trois ans avant qu'ils ne soient envoyés sur le front.


Il les reçoit et raconte quelques anecdotes qui ont leur importance sur le père de Eren, Grisha Jäger.


Je comprends mieux pourquoi vous avez passé la main. Pas pour payer toutes ces vies gâchées mais parce que vous ne vous sentiez pas "spécial". Quel raisonnement puéril... Accuse Hanji après le récit.


Ça suffit, Hanji. Reprend Livaï.


Oubliez votre complexe d'infériorité et regardez la vérité en face. Vous vous y êtes engagé... Elle se lève et exécute un salut militaire magistral. En offrant votre cœur à la cause !


Arrêtez, Hanji... Dit Eren, ce qui surprend et met au silence la capitaine. Le sergent a raison. Je n'ai absolument rien de spécial... Je suis seulement le fils d'un homme qui l'était. C'est tout.


Le silence règne quelques instants dans la pièce et Mikasa baisse la tête, attristée par les mots de Eren. Toutes les âmes présentes ici pensent pourtant l'inverse : Eren est spécial, ça ne fait aucun doute. La jeune femme est encore mieux placée pour le savoir rien qu'avec les circonstances de leur rencontre.


Elle se souvient alors de quelque chose qu'avait dit Armin alors qu'ils étaient encore des nouvelles recrues dans le bataillon d'exploration.


Je n'ai certes pas beaucoup vécu mais il y a une chose en laquelle je crois fermement : les personnes qui ont la capacité de changer quelque chose dans ce monde, toutes sans exceptions, ont le cran d'abandonner ce qui leur importe le plus si elles doivent le faire.


La jeune femme prend alors conscience de ce qui rend Eren capable de porter l'humanité sur son dos et de changer des choses dans ce monde cruel et injuste.


Pourtant, dans son raisonnement, il lui apparaît qu'une autre personne qu'elle connait bien a ce cran là.


Après leur entrevue avec Keith Sadies, la petite troupe remonte à cheval.


Dans deux jours ils partiront pour Shiganshina avec sa reconquête en ligne de mire. L'approche de cette échéance permet à Mikasa d'avoir l'esprit clair.


Avec les semaines qui se sont écoulées elle a appris à faire avec la disparition de Thomas de sa vie et en est venu à la conclusion qu'elle n'aurait pas du ne serait-ce que penser à ce que son chemin se sépare de celui de son frère adoptif.


Elle regarde ses cheveux bruns bouger au rythme du vent.


Je sais qu'Eren arrivera à récupérer le mur Maria et à tuer tous les titans, il pourra alors voir la mer. Mais je sais malgré tout que je ne pourrai pas empêcher son destin. Je... Non... Personne ne pourra l'arrêter. Mais ça ne fait rien. Où qu'il aille je veux être à ses côtés, c'est tout ce que je souhaite. Pensa-t-elle.


Il lui apparut que quelque soient les choix du jeune homme, il court inévitablement à sa perte : c'est dans sa nature. Sa soif maladive de liberté le mènera à se brûler les ailes et s'écraser au sol parce qu'il volera trop près du soleil.


Elle est maintenant convaincue que sa place ne peut être qu'auprès d'Eren, peu importe s'il lui rend son affection ou non, elle se battra pour lui et ses rêves jusqu'à la fin.

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