Le destin des Ackerman - Tome 1

Eren — sous sa forme titanesque — parade de façon insolente au milieu de la grande et large rue principale du district, lançant un regard plein de défi au titan cuirassé au sommet du mur qui hésite maintenant entre l'anéantissement de leurs montures et la capture de son ancien camarade.

Après quelques secondes à narguer Reiner, il tourne les talons et court en direction de la porte extérieure. Pourtant le cuirassé ne bouge pas et son regard alterne entre cet endroit où les chevaux sont arnachés et son ancien ami.

Finalement Reiner se décide à descendre le mur.

Thomas repense à la discussion de ses supérieurs sur la tactique à adopter. Il respire profondément en fixant le titan cuirassé qui s'avance en marchant vers Eren, le combat est inévitable entre les deux anciens camarades. Le brun ne peut qu'espérer que ce leurre sera suffisant pour contrecarrer les plans de Reiner et Bertolt.

Le jeune Jäger s'arrête au niveau d'une petite place où il y a une fontaine et les deux ennemis tourner autour pour se jauger, quelques instants avant que Reiner ne prenne l'initiative et charge Eren pour lui asséner un coup de poing.

Le titan aux cheveux bruns esquive, le cuirassé lance un nouvel assaut avec l'intention d'attraper son adversaire par la taille mais encore une fois Eren est plus rapide et fait un pas de côté puis pousse de ses deux mains Reiner dans le haut de son dos, pour le déstabiliser.

Sûrement à bout de ce petit jeu du chat et de la souris, Reiner se retourne et revient à la charge pour donner un nouveau coup et, pour la troisième fois, c'est un échec. Cette fois pourtant, Eren riposte et son poing durcit heurte de plein fouet le visage de cet ennemi de l'humanité, dont la moitié gauche faite de cette armure naturelle part en miettes.

Il s'effondre et sous la puissance du coup roule sur une dizaine de mètres.

Eren se met à hurler et là les membres des deux escouades d'élite chargées de mettre le cuirassé hors d'état de nuire sourient. Ils reconnaissent bien là leur camarade qui ne vit que pour détruire les titans, pour se venger de tout ce mal qu'ils ont fait en tuant des milliers de personnes innocentes dont sa mère.

Les soldats à l'affût de la moindre opportunité serrent leurs mains sur leurs crosses surmontées de lances foudroyantes. Postés sur les toits non loin du combat, ils attendent sagement l'ordre du capitaine pour se jeter sur Reiner et lui faire mordre la poussière. Côté Ouest, Mikasa et ses compagnons de l'escouade tactique sont menés par Armin, la jeune femme fixe son ennemi, légèrement fléchie et prête à décoller, avec ce regard toujours aussi déterminé et féroce. Même chose pour Thomas de l'autre côté de la rue, aux côtés de Hanji : ses doigts fourmillent d'impatience.

Le combat tourne largement en la faveur de Eren qui surclasse clairement son adversaire et l'accule bientôt contre un bâtiment avant de le rouer de coups. Le cuirassé est sans défense contre les poings durcis du soldat Jäger qui traverse son épaisse armure. Mais à cause d'une erreur de positionnement et de concentration, Eren se fait avoir par une feinte de corps de son ennemi qui parvient à lui attraper une cheville et le jette au sol, écrasant une maison à l'impact. Il le tire ensuite par sa prise qu'il n'a pas lâchée et le lève d'une main pour enfin lui mettre un coup de poing en plein visage.

Quand la poussière produite par l'impact se dissipe et que la vapeur qui se dégage des corps des titans se disperse, tous peuvent voir que le coup a raté de peu, Eren a eu le temps de bouger la tête. Il est tout de même en mauvaise posture puisqu'il est au sol et dominé par Reiner. C'est assez pour que Mikasa se mette en mouvement et prie le capitaine de lancer leur attaque.

— Pas encore. Tout se jouera sur la première attaque. Explique l'officier. Attendons sagement qu'Eren nous offre l'occasion idéale.

Thomas est tout aussi pressé qu'elle, sûrement au point que ça crève les yeux de ses compagnons. Il sent une main se poser doucement dans son dos. Il se tourne, en sachant qui c'est, pour l'interroger du regard.

Julia ne dit rien pourtant, elle lui offre un petit sourire et il comprend ce qu'il veut dire... Il doit se calmer, attendre le signal d'Hanji pour agir et ne surtout pas perdre son sang-froid. Mais c'est très difficile pour lui de rester calme. Pourtant, ça suffit à contenir son impatience, pour l'instant. Le jeune homme acquiesce en retour avant de se reconcentrer sur le combat qui se déroule plus bas, entre les deux titans.

Même s'il est désavantagé, Eren parvient à saisir la taille de son adversaire entre ses cuisses et retient ses mains, il devrait bientôt pouvoir user de ses clés dévastatrices.

Finalement après une minute de lutte au sol, le titan cuirassé est envoyé valser. Quand il se redresse il peut entendre ce son qu'il reconnaîtrait entre mille : le gaz s'échappant d'un équipement tridimensionnel et celui des filins métalliques qui percent le vent.

Hanji et Mikasa arrivent à toute vitesse depuis le dos de Eren, face à Reiner et fondent sur les yeux de ce dernier. Une lance foudroyante se plante dans chaque œil, les deux soldats ont juste le temps de s'écarter et les explosions détonnent.

Une deuxième attaque arrive dans son dos cette fois, d'un groupe composé des autres membres de l'escouade tactique — excepté Armin — et Thomas qui s'élancent vers la nuque de leur ennemi.

Tous actionnent leurs lances pour qu'elles se propulsent vers cet endroit précis et s'y fichent avant de tirer violemment sur leur crosse afin de se détacher.

Un instant plus tard, les lances explosent en même temps dans ce bruit si puissant et caractéristique qui ressemble au tonnerre : la partie de la cuirasse qui protégeait sa nuque a éclaté.

— Les lances ont fonctionné ! S'écrie Sasha.

— On remet ça ! Ordonne Hanji. Une nouvelle salve pour l'achever !

Mademoiselle Braus et Conny hésitent tout comme les autres qui faisaient partie du 104e, leurs regards se teintent soudainement d'appréhension : ils ne se font pas à l'idée de tuer leur ancien ami malgré sa trahison.

Thomas n'est pas entravé par ce genre de sentiments et vérifie que sa deuxième lance est bien opérationnelle et bien fixée. Mikasa n'en a apparemment rien à faire non plus.

— Flanchez pas ! Reprend Jean. On s'est tous préparés pour ça non ? Alors en avant !

La charge est donc donnée par monsieur Kirschtein et tous ceux qui viennent d'infliger un premier tir se propulse vers cette nuque à découvert.

L'explosion qui suit est toute aussi violente et le titan pousse un profond râle de douleur et d'agonie avant de cesser de bouger.

Quand la fumée se dissipe, tous peuvent voir Reiner inerte dont la moitié du crâne est détruite.

— On a dégommé le cuirassé ! Hurlent de joie plusieurs soldats.

Mais ces cris de joie ne sont pas partagés par l'escouade Livaï ni par Thomas et Julia qui observent cette carcasse immobile, entre méfiance pour certains et tristesse pour d'autres.

— Tu nous en aura bien fait baver mais on a fini par t'avoir, fumier... Dit Jean.

Conny et Sasha se mettent à pleurnicher pour leur ami auquel ils étaient, malgré tout, attachés.

— Pourquoi vous chialez ? Allez debout c'est pas encore terminé ! Les secoue le soldat Kirstein qui les attrape par le col, essayant lui-même de contenir ses émotions qui sont attisées à la vue des larmes de ses camarades.

— C'est pas fini ! Vérifiez votre équipement et tenez-vous prêts ! Ordonne Hanji pour que tout le monde se reconcentre sur la mission.

Mikasa tourne la tête en direction d'Armin qui ne peut détourner le regard de Reiner. Elle pose sa main sur son épaule.

— Armin...

Le jeune homme semble abattu et triste.

— Il n'y avait aucune possibilité de négociation... Dit-il, surprenant son amie d'enfance qui retire sa main.

Thomas, trois mètres plus haut sur le toit, a écouté ce qu'il vient de dire et regarde à son tour le responsable de la mort de ses amis. Il soupire.

Il se rend compte de deux choses. La première est que ces dernières semaines il a noyé sa frustration et sa tristesse d'être séparé de Mikasa dans l'entraînement et la haine envers les ennemis de l'humanité mais, à cause de ça, il a trahi l'un de ses principes, il a pensé et agit en contradiction avec ce que lui avait dit Livaï : chercher les coupables et la vengeance est inutile.

Après tout, les membres de l'escouade tactique avaient beau ne rien connaître du passé de leur camarade, après toutes ces années tout ne pouvait pas être faux et des liens se sont forcément créés. Même s'ils les ont trahi, même s'ils sont à l'origine de massacres immondes et même s'ils sont les instigateurs de cette guerre, ce sont leurs amis et ils ont traversés de dures épreuves avec eux. C'est la deuxième chose dont il se rend compte.

Il fait le parallèle avec Lise Niso. Ils ont trimé ensemble pendant trois ans pendant cet entraînement rude dans la 128e brigade puis ils ont affronté des titans ensemble, ont perdu des amis en commun. Ils ont ris, pleurés et souffert ensemble.

Il lui apparaît alors que l'on ne peut que se faire trahir par ses amis et même si ça arrive, ils n'en restent pas moins d'anciens compagnons de vie qui ont marqué son existence d'une empreinte indélébile.

Thomas ne connaissait pas Reiner mais il s'imagine que si c'était Lise qui se trouvait dans cette carcasse de titan, il serait certainement dans le même état qu'Armin, Sasha et Conny. La traîtrise ne justifie pas la haine, la haine ne justifie pas la mort.

— De toute façon on manque désespérément d'informations. On serait incapables de garder prisonnier quelqu'un doté d'un tel pouvoir. On n'avait pas le choix... Continue Armin, qui essaye de se résigner à l'idée que c'était leur seule alternative.

Mikasa le regardait parler du coin de l’œil et baisse finalement la tête, des yeux tristes posés sur la dépouille de Reiner. Elle aussi prend conscience de certaines choses. Elle n'a jamais été proche de Reiner et n'a jamais éprouvé de véritable sympathie à son égard mais elle comprend que cette guerre est devenue bien plus complexe.

Il y a encore quelques semaines ils étaient persuadés de se battre contre des monstres dénués de cervelle et de sentiments, guidés simplement par leurs pulsions meurtrières. C'était facile de se battre contre ces choses qui n'avaient rien d'humain. Aujourd'hui, non seulement ils doivent abattre leur lames en sachant que ce sont des humains emprisonnés en plein cauchemar mais il faut aussi se battre contre d'anciens amis.

Thomas allait s'approcher pour les réconforter quand soudain le cuirassé se remet en mouvement : son visage se relève doucement puis il hurle à pleins poumons.

Tout le monde se tourne vers lui et ont un regard apeuré, ils sont figés sur place à cause de la surprise. Armin se bouche les oreilles.

Quand il arrête de crier, il s'affaisse en avant et redevient immobile, personne ne comprend ce qu'il vient de se passer.

— Tirez d'autres lances, on va le pulvériser et ce sera réglé ! S'écrie Hanji.

Armin fixe le sol pour réfléchir, il sait très bien que ça n'annonce rien de bon, c'est le même cri qu'il a poussé avant que Bertolt ne vienne l'aider, avant la poursuite. Il relève ensuite la tête et regarde le ciel, rapidement suivi par Mikasa et Thomas : quelque chose a été jeté depuis l'extérieur du district et vient vers eux.

— Arrêtez tout, il faut s'éloigner de Reiner ! Hurle Armin, paniqué, qui pointe du doigt ce qui a l'air d'être un tonneau qui fend les airs. Là-haut, on nous envoie le colossal, il va atomiser le secteur !

— Et merde... Éloignez-vous du cuirassé ! Ordonne Hanji.

Personne ne se fait prier et les deux escouades débarrassent le plancher à toute vitesse. Avant de partir, Thomas essaye de voir où se trouve Julia et la rejoint pour voltiger à ses côtés : il lui a promis de la protéger et si jamais le colossal se transforme, il fera tout ce qu'il peut pour qu'elle survive au souffle.

Pourtant, aucune transformation ne survient.

Bertolt utilise son équipement tridimensionnel pour rejoindre son allié et vérifier comment il se porte.

Les escouades sont maintenant à bonne distance et attendent de voir ce qu'il se passe.

— Merde, qu'est-ce qu'il branle... Râle Judith qui trépigne sur place, détestant cette situation d'attendre que quelque chose leur tombe dessus pour réagir.

Julia n'est pas sereine non plus et serre les dents, les mains tremblantes. Thomas à ses côtés fixe l'horizon, là où une colonne de fumée s'élève dans les airs depuis le cadavre de Reiner.

— Thomas fais-moi plaisir tu veux... Donnes-moi l'impression que t'as peur, j'me sentirai mal s'il se trouve que j'ai plus les miquettes qu'un pleurnichard. Déclare Judith pour plaisanter et se détendre elle-même mais c'est sur un fond de vérité.

Elle l'a toujours connu comme un pleurnichard, un gosse apeuré qui recule devant le moindre obstacle et les échecs. La jeune femme n'était pas présente lors des évènements qui ont précédé le coup d'état, et c'est bien ce qui la pousse à croire que les épreuves et les choses traumatisantes qu'ils ont dû vivre pendant ces quelques jours l'ont sûrement profondément changé.

Elle voit maintenant un jeune homme au regard froid et déterminé, semblant avoir un sang-froid à toute épreuve. Depuis qu'elle fait partie des escouades — et c'est pareil pour tous les nouveaux — personne n'a osé demandé aux membres de l'escouade tactique ni à Hanji, Moblit et Thomas ce qu'il s'est passé pendant le coup d'état.

Si pour le groupe des anciens du 104e bataillon d'entraînement ce n'est pas flagrant puisqu'ils se battent et vont d'horreur en horreur depuis la première bataille de Trost, Judith a rapidement compris que Thomas dissimulait quelque chose de grave derrière son sourire et son comportement.

En tout cas ça lui fait plaisir de voir qu'il s'est endurci et qu'il protège Julia comme un grand-frère. Autrefois c'est lui qui devait être protégé et préservé.

Le brun se tourne vers elle et elle ne sait pas comment l'interpréter, il entrouvre la bouche pour lui répondre.

Thomas se rend compte qu'il doit poser un regard presque méchant sur elle et si ça ne le vexe plus qu'on le traite de pleurnichard, de faible ou de bon à rien, toutes ses émotions sont beaucoup trop à fleur de peau et il est beaucoup trop frustré par la tournure des évènements qu'il a du mal à garder sa façade.

Il se ravise et ferme la bouche pour enfin sourire à son amie. Judith est déstabilisée par ce qu'elle voit et n'ajoute pas un mot. Julia s'approche d'elle et pose sa main sur son bras, alors que le jeune homme tourne la tête et revient à l'horizon avant de rejoindre Hanji et Mikasa, plusieurs mètres plus loin, qui sont près de Eren.

— Fais-lui confiance, il n'est plus celui que tu as connu. Dit la blonde.

Avec le recul, elle n'a pas tort. Même avant qu'il n'intègre l'escouade du capitaine Hanji il avait déjà prouvé son inconscience, son audace et sa capacité à surmonter ses peurs en situation de crise lorsque Erwin a lâché sur le titan cuirassé — et sur eux aussi par extension — une horde de titans. Tous deux avaient réussi à abattre un titan.

D'après les rumeurs la liste de ses victimes s'est allongée depuis et il aurait même tenu tête à trois titans de treize à quatorze mètres seul. Judith soupire alors.

— Je sais pas si ça doit me rassurer ou pas, mais dans le doute je vais bien le prendre. Dit-elle.

Thomas arrive à la hauteur de Mikasa. Elle tourne la tête vers lui en l'entendant arriver et tous deux restent captivés pendant une seconde avant de détourner les yeux.

— En fait, notre cible est venue jusqu'à nous... C'est plutôt positif. Dit Hanji.

— Il se dirige vers nous ! S'écrie Moblit qui avait pris un peu de hauteur pour surveiller Bertolt.

— Voilà comment on va procéder : Armin dirigera l'escouade tactique. Protégez Eren. Les autres avec moi pour en finir avec ces deux là.

— A vos ordres ! Répondent les membres des deux équipes qui commencent à se mettre en mouvement.

Thomas hésite l'espace d'un instant, il ne peut pas s'éloigner de Mikasa. Ce n'est pas une question de manque de confiance ni le fait qu'il croit qu'elle ne s'en sortira pas sans lui, c'est plus fort que sa volonté : il doit être près d'elle au cas où les choses tourneraient mal.

Le temps qu'il se questionne sur quoi faire, la jeune femme se redresse et commence à se tourner en se sentant observée. Avant que leurs regards ne se croisent, Judith appelle Thomas et l'encourage à se mettre en route. Il acquiesce et active son équipement pour décoller, la brune qu'il laisse là le regarde partir.

— Ne fais pas trop l'idiot... Pense-t-elle.

Armin s'élance lui aussi pour rejoindre Hanji.

— Attendez !

— Armin ?

— C'est notre dernière chance de négocier. Dit-il avant de prendre plus de vitesse et de se diriger vers Bertolt. Le capitaine ne s'interpose pas.

L'escouade tactique reste là où elle est, observant Armin.

— Bertolt, arrête-toi ! S'écrie Armin qui s'est arrêté sur le toit d'un clocher.

Le jeune homme qui a le pouvoir de se transformer s'arrête sur le second clocher, dix mètres plus loin.

— Bertolt, essayons de discuter !

— Et après vous me laisserez tous vous tuer ? Répond Bertolt.

Thomas serre les dents et fronce : il voit rouge.

— On n'a que deux exigences à satisfaire : emmener Eren et exterminer la population des murs ! Voilà la froide réalité des choses, Armin ! Tout a déjà été décidé !

— Et on peut savoir par qui ? Interroge Armin.

— Par moi, vos vies s'arrêtent aujourd'hui !

Thomas sent qu'il perd son sang-froid, il est à deux doigts de se lancer en direction de ce traître pour lui trancher la tête d'un coup sec. Il ne sait pas ce qu'il lui arrive, il ne comprend pas pourquoi aujourd'hui il est autant en colère, pourquoi il ressent autant de haine, pourquoi il a autant envie de détruire des vies. Ce n'est pas lui ça, alors... Qu'est-ce qu'il lui arrive ?

Ne pas agir alors que Bertolt menace la vie des habitants des murs et surtout celle de Mikasa lui donne soudainement un terrible mal de crâne. Chaque muscle, chaque os, chaque articulation, chaque pensée lui ordonnent de faire ce qu'il croit juste tout de suite.

De l'extérieur, Moblit voit son camarade trembler d'impatience avec un regard qui montre son absolue résolution, une lueur effrayante. Il comprend rapidement ce qu'il va faire s'il ne le retient pas.

Thomas se sent soudainement attrapé par le cou, quelqu'un a passé son bras autour et l'immobilise.

— Calme-toi Thomas, s'il te plaît. Pense à la mission, pense à la réussite de l'opération, pense aux autres. Ne te laisse pas aveugler par tes sentiments, tu auras tout le loisir de le tuer plus tard. Laissons Armin gagner du temps. Dit-il.

Le jeune homme se débat pour se défaire et Moblit qui le relâche après quelques secondes, en soupirant.

Le soldat Ralle se calme un tant soit peu mais ne peut détourner son regard du titan colossal.

— Ça me désole d'entendre ça ! Hurle Armin. J'espérais enfin ne plus avoir à écouter Annie hurler ! Elle est à la merci des horribles tortures des brigades, et toi seul peux l'en délivrer ! Sinon elle va finir en pâture aux...

— Allez-y ! Répond Bertolt qui saute du clocher et utilise son matériel tridimensionnel afin de s'approcher d'Armin.

Mikasa s'élance elle aussi pour le rejoindre afin de saisir l'éventuelle opportunité de le tuer sur le champ.

— Balancez-là donc aux cochons, si vous l'avez vraiment capturée !

Armin saute du clocher et atterrit sur le toit de la nef de l'église.

Ils semblent encore discuter tous les deux mais impossible d'entendre ce qu'ils se disent depuis leur position, ils ne hurlent plus.

Thomas voit Mikasa lui passer devant à toute vitesse et se diriger vers Bertolt. Il se soustrait alors à la vigilance de Moblit qui est concentré sur les lèvres des deux jeunes hommes et s'élance à son tour.

Quels instants plus tard Mikasa surgit dans le dos de Bertolt, déjà prête à lui asséner le coup fatal.

Mais Bertolt est vigilant et l'a entendu venir à temps, il se retourne et pare son coup de son sabre. Mikasa frappe avec sa deuxième arme mais ne peut que lui trancher l'oreille. Son ennemi se retourne et lui donne un violent coup de pied qui vise la tête de la jeune femme qui pare en catastrophe avec son bras.

La violence du coup la fait chuter mais elle se rattrape et se redresse pour lancer sa lame vers Bertolt qui pare encore une fois. Elle utilise ensuite le gaz de son équipement en courant pour fondre à foulée très rapides vers son ancien camarade, lame en avant. Encore une fois c'est un échec et Bertolt parvient à s'enfuir après ce duel.

— Non Armin, ne le poursuis pas ! S'écrie Mikasa, essoufflée, retenant son ami qui était prêt à suivre.

Armin observe leur ennemi s'éloigner avec une expression choquée.

— Il peut se transformer à tout instant. Ajoute-t-elle. Il faut rester à distance pour éviter le souffle de l'explosion.

L'instant suivant Thomas atterrit sur le toit, il a vu leur combat et sa rage a encore augmenté en intensité. Mikasa se tourne et reconnaît le jeune homme, elle lit à son regard qu'il a envie de le poursuivre.

— Thomas. L'appelle-t-elle avec autorité et fermeté.

Il lève ses yeux vers elle et le ton de sa voix suffit à ce qu'il reste sur place, il devine ce qu'elle lui dira ensuite, ayant entendu ce qu'elle a adressé à Armin. Il acquiesce simplement.

— Pas sûr qu'il veuille en déclencher une, Reiner est vulnérable, une explosion lui serait fatale. Il faudrait le prendre en otage pour forcer la main de Bertolt. Dit Armin.

— Tu as sûrement raison mais il a l'air d'avoir déjà un plan en tête. Pour être honnête je l'ai à peine reconnu. J'ai eu l'impression de voir un autre homme. Répond Mikasa qui se masse son coude douloureux suite au coup reçu.

Thomas le remarque mais se retient d'aller la voir pour faire quoi que ce soit.

— Moi aussi... Confirme Armin.

Pendant ce temps l'escouade Hanji est partie en direction du cuirassé pour l'achever mais ils le trouvent sur le dos : impossible de lui porter le coup fatal.

Thomas — qui garde un œil sur les déplacements de Bertolt — voit qu'il se dirige vers deux tours qui se font face : il va prendre de la hauteur pour se transformer, il en est persuadé. Il sait que son escouade est dans le rayon de l'onde de choc. Il jette un coup d’œil à Mikasa et Armin, ils ne risquent rien.

— Julia... Murmure Thomas avant d'actionner l'un de ses grappins pour se propulser vers la position de son escouade.

Mikasa et Armin le regardent s'éloigner à toute vitesse, sans comprendre. Qu'est-ce qui lui passe par la tête ?

— Thomas ! Appelle la jeune femme qui le voit se diriger sans réfléchir vers Bertolt.

Armin la retient pour l'empêcher d'intercepter le brun qui va de toute façon trop vite pour qu'elle puisse le rattraper à temps.

Mikasa ouvre de grands yeux, remarque la position de Bertolt... Elle sent une peur soudaine gagner son cœur.

Thomas voit son ennemi continuer à filer à toute vitesse, pour chaque mètre qu'il gagne en altitude c'est une chance de moins qu'il puisse sauver qui que ce soit. Le temps semble se ralentir, ses pensées sont tournées vers Judith, Hanji, Moblit et Julia qui vont mourir sur le coup s'ils ne s'éloignent pas tout de suite. Mais ont-ils seulement vu les mouvements de Bertolt, ont-ils gardé un œil sur ce qu'il fait ?

Thomas ressent de la frustration, de la peur : il se sent limité par son corps et son équipement qui ne peuvent pas aller plus vite. La silhouette dans le ciel s'élève toujours plus, allant inéluctablement vers ce moment précis où un éclair jaune éclatera, suivit d'une onde de choc dévastatrice qui soufflera tout sur son passage dans un large rayon d'action.

Les bâtiments défilent à toute vitesse dans la vision périphérique du jeune homme qui met toute sa technique et son expérience pour se déplacer le plus rapidement et efficacement possible dans ce paysage urbain, se dirigeant vers la dernière position connue de Reiner parce qu'il sait que son escouade doit être là-bas.

Soudain, après une poignée de secondes, un bruit retentit et un flash lumineux irradie le district de Trost : le titan colossal apparaît.

— Mikasa filons ! Hurle Armin qui tire Mikasa par le bras.

Ils s'éloignent tous deux rapidement pour éviter tout danger. La jeune femme regarde derrière elle, les yeux et la bouche grands ouvert d'éprouver toute cette terreur et cette tristesse soudaine qu'elle ressent quand l'explosion retentit. L'onde de choc qui la suit souffle les environs.

L'escouade Hanji est là-bas et Thomas aussi. Son cœur manque un battement parce qu'elle sait que leur chances de survie sont nulles. Dans un réflexe elle serre d'une main cette poche gauche de sa veste où se trouve le bracelet que lui avait offert Thomas, sa gorge se noue.

Quand le souffle est sur le point de les atteindre, elle attrape Armin et l'emmène dans une ruelle pour s'y réfugier. Le vent brûlant balaie toute la zone et ils sont à deux doigts d'être emportés.

Une minute plus tard ils rejoignent le reste de leur escouade qui sont accrochés à Eren.

— Mikasa, Armin ! Ça va ? Demande Jean.

— Oui... Répond la jeune femme qui ne peut pas prononcer une syllabe de plus.

— Et l'escouade Hanji ? S'inquiète encore le soldat Kirchstein.

Mikasa ne peut pas répondre à cette question, elle se contient autant qu'elle le peut pour que ses émotions ne s'expriment pas alors qu'elle hurlent dans ses entrailles.

— Ils étaient tous près de Bertolt... Répond Armin.

Eren remarque l'air abattu de sa sœur, ses camarades baissent tristement la tête.

Le titan colossal se lève.

— Non, ne me dites pas qu'on est les seuls survivants... Souffle Jean, déprimé par la tournure des évènements.

La brune essaye de ravaler ses larmes mais n'y parvient que difficilement, elle sent des larmes perler dans ses yeux et c'est pourquoi elle se tourne dos à eux pour les camoufler. Armin le sait et le voit, il soupire.

Le titan de soixante mètres de haut racle le sol et envoie des tonnes de débris enflammés dans les airs afin qu'ils s’écrasent un peu partout devant lui : la situation est plus que critique.