Le chant des étincelles

Chapitre 2 : Le message.

5186 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/06/2021 18:38

Lora Lambert



Quelques voix me réveillèrent. Elles furent celles de jeunes enfants chantant longuement. Non, elles furent celles de petites filles. 

Là, nue sur le sable froid, je restais allongée. Le désert s’étendait à perte de vue et la nuit régnait en maitre dans ce pays gelé. Du ciel obscurcit dansaient de petits flocons réchauffants. Cette pluie se mit à toucher peu à peu tous les endroits de mon corps. Allant de mes pieds jusqu’à mon front en passant par mon ventre, tout mon corps fut alors recouvert de ces braises. 

Une voix résonna ensuite dans mes tympans. La voix monotone d’un homme. C’était la voix de quelqu’un qui savait. Mais elle n’était ni agressive, ni triste. Elle apportait calme et sérénité au décor. 

Je fis éclore mes yeux et me levais sans trop me poser de question comme si j’avais tout oublié, comme si j’étais née une nouvelle fois. Mes mains vinrent frotter mes yeux alors que je me tenais debout devant le vide complet du désert. 

Les contours d’un homme se dessinèrent devant moi.

-Bonjour, cher hôte. 

Un manteau noir était posé sur ses épaules et ses cheveux étaient attachés à l’arrière de son crâne. Une goutte de sang coulait de sa main droite qu’il pointait vers le sol. Le sang s’estompait entre les grains et toute tâche disparaissait. 

-Si ce message t’atteint, c’est que mon plan comporte des failles. Enfin… L’important est déjà fait. 

S’ensuivit un petit silence. Les braises sur mon corps disparurent une à une. L’idée de parler à cet individu ne me vint même pas à l’esprit tant j’étais abasourdie. 

-Je me présente, Eren Jäger, détenteur du titan Assaillant. Si je te parle c’est pour faire passer un message précis aux futurs détenteurs de titans primordiaux. Au moment où je te parle, je suis sur le point de mettre fin à l’existence des titans, mais je sais que, peu importe ce que l’on fera, la menace des titans ne disparaitra en aucun cas. La guerre continuera et le pouvoir reviendra. Non, mon but n’était pas de réduire à néant leur existence mais d’offrir à Eldia un répit d’au moins deux cent ans et de permettre à tous ceux que j’aime de vivre paisiblement. Actuellement, il m’est impossible de voir tes souvenirs car une disparition quasi complète du pouvoir des titans aura lieu d’ici quelques jours. Ce qui fait que je ne peux ni te voir, ni t’entendre. En réalité, je ne sais même pas si quelqu’un m’écoute. Peut-être que le pouvoir ce sera définitivement volatilisé mais pour l’instant rien n’est sûr. Alors je préfère prévenir les futurs hôtes des dangers qu’impliquent ce pouvoir. Enfin… La seule mémoire que je peux t’envoyer du passé est cette dernière. Alors j’espère que la paix reviendra. 

Le jeune homme se retourna et m’observa de ses puissants yeux verts.

-Adieux, futur hôte, et que la liberté te guide. 

Il leva sa main ensanglantée dans le ciel et de son dos s’envolèrent une dizaine d’oiseaux. Je les suivais du regard et retournais finalement vers ce « Eren Jäger » désormais disparu. À sa place était apparu un tronc lumineux s’élevant loin au dessus de moi. La braise recommença à tomber et d’étranges bruissement résonnèrent dans le décor. 

Je me rapprochais de l’arbre lumineux. La chaleur émanant de sa lumière était si réconfortante que ma main se déplaça toute seule vers ces rayonnements. Aussitôt mon majeur effleura l’arbre, aussitôt d’étranges visions se mirent à défiler devant mes yeux. 

J’y vis en premier lieu un étrange paysage ressemblant comme deux gouttes d’eau à une ville, ou du moins à un port. À ma gauche et à ma droite marchaient d’immenses créatures à la peau inexistante. Ils avançaient en rythme et détruisaient tout sur leur passage tandis que mes bras se trimbalaient dans le vide et que mes longs cheveux touchaient presque l’eau. Ma carcasse semblait être gigantesque et des centaines de personnes fuyaient leurs habitats à la vision de mon visage.

Je discernais ensuite le corps désordonné d’un homme. Sa chair putréfiée baignait dans une marre de sang coulant le long de l’herbe. Ses os étaient disposés çà et là sur le sol et de ma main droite je tenais de petites lunettes rondes. 

Les sensations de mon corps changeaient ensuite brutalement. J’observais devant moi un immense désert identique à celui où le prénommé « Eren » m’avait parlé mais il y faisait désormais jour et un fort soleil tapait sur mon corps agenouillé au bord d’un mur. Je voyais un homme en uniforme planter la pointe d’une seringue dans le cou d’une jeune femme blonde, puis taper dedans et la faire chavirer. Un éclair illumina la scène et une sorte d’immense homme déformé apparut en bas du ravin. 

Enfin, je contemplais le visage de cet homme. Des traits rouges glissaient en dessous de ses yeux gris et ses cheveux bruns reflétaient la couleur orange du soleil se couchant. Sa petite chemise blanche me rappelait celle que je portais. Que je… portais ? 

Mais ces visions ne sont pas les miennes… Ou serais-je morte ? Est-ce ma réincarnation ? Ou bien ma vie antérieure. Je n’y… comprend plus rien. Tout ça… C’est… Incompréhensible !!


****


-Elle s’en sortira ?

-Bien sûr, elle est juste tombée dans les pommes. Même si ça prend une ou deux journées elle se réveillera forcément. 

-…

-Regarde ! Elle est déjà réveillée.

Le plafond en bois ne me dit rien… À moins que…

-Lora… ? Tu vas bien ?

Je tournais ma tête vers Hedwig.

-Dieu merci… Tout à l’air de bien aller… marmonna-t-elle.

-Gr… Grande soeur ?

Sa main vint doucement caresser ma joue et son doigt, comme obstrué dans son mouvement, passa sur une bosse, puis deux, et termina par une troisième. 

-Ces marques… chuchota-t-elle. 

Deux hommes me regardaient au coin du lit. Le plus jeune était brun aux yeux bleus tandis que l’autre, âgé de quelques années de plus, était presque identique à l’autre à l’exception de ses yeux marron qu’il arborait avec beauté. Le plus vieux tira légèrement sur la manche de l’autre et l’emmena un peu plus loin. La pièce dans laquelle on m’avait installée ressemblait en tout point à une chambre d’invité. Les murs en pierre ainsi que le parquet et le plafond en bois indiquaient que la maison appartenait à une famille aisée. Voir une maison de cette envergure me dépaysait et, je l’étais encore plus à la vue des autres personnes postées dans quelques coins. 

Les deux hommes discutaient sans se faire remarquer, comme s’ils ne désiraient pas être là à cet instant. Le plus âgé attrapa soudainement le col de l’autre, rapprocha leurs visages et relâcha finalement prise. Le plus jeune tomba sur le sol sans faire de bruit tandis que l’assaillant se dirigea vers une petite porte par laquelle il s’échappa. 

-Comment te sens-tu ? 

Mon attention retourna vers Hedwig. Ses doux cheveux bouclés noirs tombaient sur ma couette. J’étais apparement habillée de la même façon qu’avant que tout se déroule.

-Je… Je crois que ça va.

Elle posa sa main sur mon front. 

-C’est étrange… Tu as une sorte de fièvre mais elle a l’air de se répandre dans tout ton corps.

Hedwig tâta ensuite mes bras nus ainsi que mon cou. Son visage s’assombrit. En tant que grande soeur, il paraissait normal qu’elle s’inquiète pour moi mais son comportement était inhabituel. 

-Que s’est-il passé tout à l’heure ? J’ai entendu un bruit sourd et c’est en arrivant à sa source que je t’ai découverte. Ces deux là te traînaient, dit-elle en pointant du doigt deux masses sombres derrière elle. 

Mon regard se porta sur eux. Les deux enfants étaient recroquevillés, des dizaines de livre sur le sol, changeant sans cesse de pages comme à la recherche d’une réponse inconcevable. 

-Tu les connais, non ?

Je hochais la tête. Ces deux enfants étaient Kei et Lewis. La petite tête aux cheveux noirs se leva et j’aperçu entre ses mèches deux yeux globuleux. Kei semblait à la limite de pleurer. Lewis qui, pour sa part, avait l’air moins effrayé que son camarade, tentait de calmer l’ambiance pesante. Les mains de mes deux camarades divaguaient d’un document à l’autre et les deux murmuraient tour à tour des phrases incompréhensibles.

-Oui…

Ma paume frôla mon front sans raison apparente. 

-Ils s’appellent Kei Hammerwald et Lewis Hanson. 

-Ce sont tes amis ? 

-Oui. 

-Et tu te souviens de quelques chose avant de t’être évanouie ? 

-Je me suis… Évanouie ? 

-Il semble que oui. Enfin d’après ce que dis Kei tu serais tombée dans les pommes mais bizarrement quand je lui demandes pourquoi il est incapable de me répondre…

-Et bien… Je n’ai aucun souvenir de ce qui s’est passé…

-Vraiment rien du tout ?

Je connaissais Hedwig et les jeux de regard se créant entre nous trahissaient mes sentiments. Il y avait bel et bien une chose dont je me souvenais. 

-Je… Je suis comme tombée dans une sorte de profond trou… Et après j’ai plongé dans de l’eau…

Elle m’écoutait en prenant en note dans sa tête tout ce que je déblatérais. 

-C’est tout… Après ça c’est le vide dans mon esprit.

-Je vois…

Trois sons forts se firent entendre de l’autre côté de la maison. S’ensuivit le grincement d’une porte et l’apparition de deux nouvelles voix. Celle d’un jeune adulte et celle d’une femme à peine plus âgée qu’Hedwig. 

-Et vous-êtes ?

-Charlie Hanson. 

-Kate Aleit. 

-« Hanson » ? Vous venez chercher Lewis ? 

-Je suis son grand frère. Je voulais juste m’assurer qu’il aille bien. 

-Charlie a prit peur qu’il arrive quelque chose de grave à Lewis quand il a entendu l’explosion de tout à l’heure. 

-Et je savais que Lewis était censé passer l’après-midi ici alors j’ai pensé qu’il serait important de voir si tout se passe bien.

Un silence plana dans la salle d’à côté. Hedwig était aussi à l’écoute. L’assaillant reprit :

-Écoutez… On est pas mal occupés là… Je dirai à Lewis de revenir chez lui tout seul, ok ?

Un nouveau silence fit surface. La voix de l’assaillant trahissait une certaine peur semblable à celle de Kei et Lewis. Je savais que quelque chose clochait mais pas pourquoi tout le monde avait l’air si effrayé. 

-Fais… Fais les rentrer, Enos… 

La petite voix fluette de la victime résonna. L’assaillant rentra à nouveau dans notre pièce et jeta un regard noir à la victime encore adossée au mur. 

-On aura une discussion toi et moi… grogne-t-il. 

Il repartit et accueillit comme il se devait les deux invités. Ils retournèrent ensuite dans la chambre dans laquelle j’observais tout. Charlie réagit immédiatement à la vision de son petit frère. 

-Lewis ! Je suis venu te rendre visite. Tu sais ce qui s’est passé tout à l’heure. 

Lewis offrit son visage terrifié à son frère qui comprit immédiatement la situation. Mon autre camarade me pointa ensuite du doigt. Charlie Hanson me regarda longuement et se déposa sur son faciès le même visage que celui de son petit frère. L’horreur se lisait sur chacun d’eux. 

Le crâne presque totalement rasé de Charlie reflétait la lumière du soleil filtrée par les fenêtres murales et ses petites perles brunes lui servant d’yeux rappelaient celles d’écureuils que l’on pouvait trouver dans les forêt environnantes avec un peu de chance. Ses traits du visage très marqués me rappelaient ceux de mon grand père lorsqu’il était encore en vie. 

Sa compagne nommée « Kate Aleit » possédait des cheveux blonds s’arrêtant à son cou et de magnifiques iris bleus rappelant la couleur de l’eau ramenée par les enfants lors des jours d’été. Enfin, son long nez et ses petites lèvres faisaient d’elle une femme à l’apparence d’une vraie petite princesse. 

De toute façon, princesse ou pas, les deux nouveaux venus tiraient une tête pas possible, à la limite de l’anxiété. 

-Ces… Marques… reconnu Charlie en dessinant des traits le long de ses joues. 

-Elles appartiennent aux…

-Oui, les coupa Kei. Elles appartiennent aux détenteurs de titans.

Hébétée par ce que je venais d’entendre, mes globes oculaires s’ouvrirent en grand. Mon coeur se mit à battre la chamade et de la sueur coula le long de mon front. 

-Détenteurs de… Titan ?

Les oeillades se multiplièrent et Kei reprit :

-Si l’on veut en apprendre plus sur ces évènements, c’est là qu’il faut chercher, dit-il en montrant à tout le monde les livres ouverts et dispersés sur le parquet. 

Charlie se pencha vers un ouvrage et en découvrit le contenu.

-Mais je croyais que les titans n’étaient désormais plus que des contes qu’on racontait aux enfants, ajouta Kate.

-Moi aussi… C’est pour ça que je cherche pourquoi Lora s’est…

-Transformée ? interrogea Hedwig au pied de ma couverture. 

Kei fit « oui » de la tête et Kate alla prendre un livre. 

-Si on s’y met tous, peut-être que l’on trouvera plus rapidement des informations. 

Lyam se leva après quelques secondes, suivit d’Enos et d’Hedwig qui vinrent, chacun leur tour, choisir un livre et chercher à l’intérieur des réponses aux nombreuses questions apparaissant partout dans leur esprit. Avant de partir chercher un album, Hedwig me serra doucement la main et m’offrit un de ses doux sourires ayant la capacité de me rendre immédiatement heureuse. 

Chacun commença à lire dans son coin sans dire mot lorsque Charlie m’adressa la parole :

-Et ce bruit qu’on a entendu tout à l’heure, c’était à cause de toi ?

-Oui, elle s’est transformée dans une des forêt en dehors de Shiganshina, expliqua Lewis. 

-Oh, vous êtes de la Brigade de conquête, c’est ça ?

-Ouais, mais nous étions partis pour voir un arbre que Kei nous avait indiqué. Finalement on est tombé sur des soldats Mahr. Ils se sont mis à nous tirer dessus et Lora s’est prise une balle dans le pied. C’est ça qui l’a fait tombé dans le trou de l’arbre. Et puis… Il y a eu une grande explosion, comme si un éclair avait frappé le sol, et est apparu en face de nous un titan étant presque deux fois plus grand que l’arbre. Ce dernier s’est effondré sur la forêt et le titan a tué les deux Mahr. Il s’est évanoui juste après et c’est sur la carcasse en décomposition du titan qu’on a retrouvé Lora, totalement endormie. 

-Et vous vous êtes empressés de la ramener à l’endroit le plus proche à savoir la maison des Boyle, continua Charlie. 

-Et c’est en me dirigeant vers la source du bruit que j’ai vu Kei et Lewis ramenant, les larmes aux yeux, Lora dans cette maison, conclut Hedwig en venant se rassoir sur le bord de mon lit.

-Attendez… s’interposa Enos. Comment ça se fait que le pouvoir des titans qu’on croyait disparu est réapparu d’un seul coup ?

-C’est pour répondre à ce genre de question que l’on cherche dans ces livres, annonça Kei. Il faut revenir au point où tout s’est terminé pour comprendre d’où le pouvoir revient. Ce point, c’est le grand terrassement.

Enos le regardait étrangement. Je lisais dans ses yeux comme de la jalousie et de la colère. Il était jaloux de ne pas savoir autant de choses que cet enfant de bas âge. Jaloux de ne pas comprendre la situation et cette jalousie alimentait en lui une profonde haine semblable à celle qu’il vouait pour son petit frère : Lyam Boyle. Mais néanmoins, il tentait le plus que possible de cacher en lui ses sentiments et de les enfouir le plus profondément possible. Cependant, sa réelle personnalité prit le dessus.

-Vous vous croyez malin à lire des bouquins alors qu’on a la confirmation du retour des titans. Vous avez réellement que ça à foutre ?!

Charlie calma le jeu en se mettant entre l’enfant aux cheveux noirs et Enos Boyle.

-C’est à cause de gens comme toi que l’on évolue pas, Enos. Alors à moins que tu aies envie que cette responsabilité se retourne contre toi même, tu vas prendre un livre et chercher le plus d’informations possible sur le grand terrassement. Qui sait ce que le pouvoir de ces titans implique. À ce stade, ils sont aussi dangereux pour les Mahr que pour nous, alors tu vas me faire un plaisir de te documenter à leur sujet. 

Enos avala sa salive et, d’une voix hésitante, accepta :

-D’a… D’accord…

Il reprit son manuel et commença à le lire. 

Tout le monde reparti dans une séance de recherche intense et les questions fusaient entre certaines personnes. 

-Ah… Apparement le point faible des titans serait leur nuque, c’est aussi là que seraient installés le corps des détenteurs après leur transformation. Ça vous dit quelque chose Kei et Lewis ? demanda Charlie très sérieux.

-Oui, Lora était accrochée par une sorte de chair à la nuque du titan. 

-Alors ce qui est dit ensuite est peut-être vrai : « Il existe neuf titans primordiaux. Le colossal, le cuirassé, le féminin, le charrette, la mâchoire, le bestial, le marteau d’arme, l’assaillant et l’originel. Chacun possède ses propres capacités et ces atouts. » Pourtant Lora est la seule à posséder un titan… Ça voudrait dire qu’elle ne serait qu’une seule détentrice ? Il existe peut-être d’autres arbres qui transmettraient un des autres titans, non ?

-Peut-être… Le problème resterait de savoir celui que possède Lora, compléta Lewis. 

-Non… Ça ne peut pas être un seul des neuf titans… lâcha Kei sans raison.

J’avais beau être le centre de la discussion, personne ne m’adressait la parole, personne ne me demandait mon avis. Je me contentais d’être un problème. 

J’avais désormais comme l’impression d’en avoir été un depuis ma rencontre avec Kei. Pourtant, rien ne venait appuyer cette preuve. 

-Enfin ça voudrait dire que huit autres arbres seraient plantés à d’autres endroits. Vu la taille de celui dans lequel est tombé Lora, ça m’étonnerait qu’il y en ait autant…

Tous replongèrent dans leurs écrits. Lorsqu’enfin Lewis trouva quelque chose.

-Écoutez-ça. « Le grand terrassement, ou comment la paix est revenue sur le monde. »

L’attention revint sur mon camarade aux yeux marrons. 

-On devrait pouvoir trouver quelque chose sur la disparition des titans dans ce chapitre.

-Comment tu le sais ? l’interrogea Enos.

-C’est le dernier chapitre du dernier tome. Après ça il n’y a que l’épilogue. 

Un nouveau silence pesa pendant que Lewis chercha dans les pages un contenu intéressant. 

-Alors vous faites tous partie de la Brigade de conquête ? questionna Kate.

Hedwig leva la tête suivie de Lyam qui avait tendance à rester dans son coin sans dire un mot.

-Non, pour ma part je suis Serviteur, corrigea Hedwig.

-Même chose…

-Je vois…

Lewis, tout excité, coupa la parole à Kate :

-Ah voilà !! « Je fus la personne qui acheva le tirant ayant mis à mal la terre. Moi, Armin Arlert, fut le héros qui sauva Eldia de la folie meurtrière d’Eren Jäger. » C’est donc lui qui mit fin au grand terrassement. 

Un violent choc me percuta soudainement. Mon corps se refroidit et la peur d’être un véritable danger s’amplifia en moi. Entendre le nom de cet homme réveilla en moi comme de vieux démons et certains souvenirs d’un « Chemin » me revinrent en mémoire. Je venais de me souvenir de tout ce que j’avais oublié à mon réveil. Je me voyais tomber dans l’arbre, toucher cet étrange forme de scolopendre et être prise de profonde sueurs froides. Toutes les mémoires et les visions que j’avais eu dans mes rêves refirent surface en un instant et, malgré le fait que le rendu final soit très flou et incomplet, je comprenais un peu plus de choses. 

-Mais… Il dit juste que le pouvoir a disparu et que tout s’est fini… 

-Et l’épilogue ?

-Rien de plus… Il raconte juste sa vie en temps que héros reconnu… C’est tout…

-C’est vrai que ça ne nous aide pas vraiment, confirma Charlie. 

-Je…

Il me suffit de dire un seul mot pour que tous les regards se tournent vers moi. 

-Je crois qu’Eren ne s’est pas juste volatilisé comme un simple titan. Non… J’ai comme des réminiscences d’une jeune femme tenant sa tête et la mettant dans une sorte de trou. Et après tout est très sombre, je n’ai que des sensations qui me parviennent. 

-Des sensations ? répéta Hedwig, choquée par mes propos. 

-Oui, c’est comme si son corps se décomposait et qu’il formait quelque chose de beaucoup plus grand et de plus résistant à la force de l’âge. Cette chose qu’est devenu Eren d’après ce que je vois…

-Cette chose, c’est l’arbre, non ? devina Kei. 

Je hochais doucement la tête. 

-Donc d’après toi, la tête d’Eren aurait laissé pousser un arbre dans le sol et il en résulterait le retour des titans ? Tout ça parait plutôt plausible mais très étrange. Je croyais que le pouvoir avait totalement disparu, comment se ferait-il que des centaines d’années plus tard, le pouvoir réapparaisse sans une contre-partie ?

La question de Charlie me cloua légèrement à mon lit. Je ne savais y répondre mais les interrogations continuaient pourtant de se succéder dans ma boite crânienne. 

-Je… J’en sais rien… 

-Et d’où tiens-tu ces réminiscences ?

-…

-Je vois… Et c’est en tombant dans le trou formé dans l’arbre que tu aurais eu une sorte de contact avec la tête d’Eren, te transmettant le pouvoir des titans.

-Exactement… Mais moi-même je doute de la fiabilité de ces informations.

Tout le monde continua de chercher dans les livres sans prêter la moindre attention à ce que je venais de dire. Ils avaient beau écouter ce que je disais, la fiabilité de mes propos étant basse et ils ne voyaient pas vraiment l’intérêt de suivre mes idées. Seul Hedwig avait l’air de réfléchir à ce que je venais de dire, enfin ce n’était que mes impressions.

Alors pour être libre d’esprit et essayer de me souvenir du plus de choses possible afin de convaincre tout le monde que ce que je disais était réel, je regardais par les petites fenêtre carrées implémentées sur le mur gauche donnant directement une vue sur Shiganshina. 

Ces ruines faisaient toute mon enfance et celle de mes amis. Nous y avions passé tellement de temps et y avions vécu tant d’histoire qu’il nous serait impossible de quitter ce petit coin de paradis.

Les arbres environnants donnaient au décor une certaine profondeur et le ciel, totalement dégagé de tout nuage, montrait alors son vrai visage et dévoilait ses teintes de fin de journée. Quelques feuilles flottaient au ralenti, poussées par le vent, tandis qu’il venait bousculer les herbes plantées au sol. Malgré les évènements passés, tout semblait calme et les bruits de page se tournant se faisaient de plus en plus nombreux et réguliers. J’étais comme perdue entre l’anxiété de la chambre et la liberté de la petite plaine entourant la maison perdue loin de Shiganshina. 

Cet instant passé au calme me fit me questionner. Était-ce réellement une mauvaise chose que le pouvoir des titans soit revenu ? En soit, ce n’était pas une mauvaise chose. La pression subie par les Eldiens de la part des Mahr depuis une quinzaine d’années rendait le retour de ce pouvoir comme étant une issue vers la survie de notre peuple. De toute façon, cela faisait plusieurs cinquantaine d’années qu’Eldia n’était plus celle qu’elle était. Le racisme s’était développé un peu partout dans les villes et, malgré l’évolution certaine de la technologie Eldienne, il existait toujours de grand écarts avec celle des Mahr. Alors Eldia sans l’aide du pouvoir des titans était-elle vouée à disparaitre ? Sûrement. Et c’est certainement pour ces raisons que le pouvoir avait fait surface une nouvelle fois, comme s’il n’agissait qu’en dernier recourt afin qu’Eldia renaisse. 

Alors oui, nous étions certes au bord du gouffre que ce soit à cause des attaques répétées de Mahr sur la population Eldienne ou même à cause de la famine s’installant peu à peu dans certaines ruines des districts, mais rien au monde n’avait désormais plus de pouvoir qu’Eldia avec le pouvoir des titans. 


Perdue dans mes pensées, je ne voyais même plus le temps passer. La nuit s’apprêtait à se montrer lorsqu’une dizaine de ce qu’il semblait être des corbeaux s’envolèrent de branches d’arbres environnants. Ils disparurent dans le bleu azur du ciel et laissèrent place à un grondement sans précédent. Le changement fut si rapide que tout le monde leva la tête de son livre. Chacun se mit aux fenêtres et regarda la ville au loin. 

-Que se passe-t-il ? Demanda Kate alors qu’Enos et Charlie ouvraient en grand les fenêtres, des livres toujours aux mains. 

-Des gens… Non, des troupes Mahr infiltrent la ville !! s’exclama Charlie.

Il se tourna vers tout le monde et chacun y alla de sa réaction. Lewis cachait décidément bien ses sentiments tandis que Kei, effrayé par la situation, se remit à avoir peur. Kate fut choquée et alla s’asseoir sur une des chaises de la chambre alors que Lyam resta de marbre, les yeux grands ouverts. Quant à moi, j’observais les soldats rentrer dans les ruines, des carabines aux mains. Ils pointaient tour à tour les habitants et hurlaient de toute leurs forces. Certains coups de feu furent tirés en direction de personnes. Je voyais leurs corps s’étaler sur le sol laissant derrière eux des marres de sang. Je les entendais pleurer et beugler de souffrance. 

Comme tétanisé par la peur, chacun se posta à un endroit de la chambre et réfléchit profondément. Tous, y compris moi, se mirent à voir leurs vies défiler devants leurs yeux. 

-Il… Il faut partir d’ici au plus vite !! proposa Enos. Même si l’on doit déserter la maison à jamais, il nous faut partir au plus vite !!

-Où veux-tu partir ?! Tu préfères fuir et te faire canarder cent mètres plus loin ?! Ils ne sont pas assez stupides pour ne pas avoir pensé à entourer le territoire d’autres soldats !

Charlie les interrompit :

-Kate a raison. Il faudrait mieux rester ici ne serait-ce que pour la nuit. Nous sommes assez éloignés de la ville pour qu’il ne nous repèrent pas. Et puis… C’est sûrement juste un passage de la « Purge Ackerman ». Il y en a tous les dix ans apparement. 

-Et comment t’expliques le fait qu’ils butent tous les autres ? Hein ?

-Je suis d’accord avec Charlie, ajoutais-je. Le mieux serait de rester ici au moins pour que la nuit passe et que l’on puisse refaire le point demain.

-Mais… Vous-êtes sérieux ?! Votre village est en train de se faire réduire en miette par des soldats Mahr et la seule chose que vous trouvez à faire c’est de rester ici à attendre que ça passe ? Peut-être qu’ils ne nous trouverons pas ici, mais qui sait ce qui se passera dans un ou deux jours ?

Les tensions régnaient et, contrairement à d’habitude, Charlie n’arriva pas vraiment à mettre tout le monde d’accord et se contenta de réfléchir profondément. 

-Et vous voulez dormir ici, alors que Shiganshina se meurt à quelques centaines de mètres ? 

-Nous sommes entourés par la forêt. Seul les membres de la Brigade de conquête et quelques personnes de Shiganshina connaissent le passage pour venir ici, alors il y a très peu de chance pour qu’ils nous trouvent, rassurais-je. 

-C’est pas une raison pour dormir à côté d’une ville en train de se faire attaquée. 

Enos sortit de la chambre et disparut de nos radars. Des jeux de regard eurent lieu entre chacun et finalement un choix fut voté : rester ici jusqu’au lendemain pour faire le point sur la situation et faire les meilleurs choix.


Ma remise en question avait désormais eu le temps de se faire, j’allais maintenant passer à la pratique. 




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